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que l’cnvelope extérieure; ils ont perdu de Vile Tes
véritables rapports ; ils ont réalifé l’idée abftraite
de nature ; ils en ont parlé comme d’un être réel
qui avoit pour nous toutes les prédilections ; ils fe
font écriés avec Ovide : « tandis que les animaux
toujours courbés regardent la terre, un Dieu ou
la nature a donné à l’homme un afpeâ fublime &
la faculté de voir le ciel » , comme fi l’oeil de
l ’oifeau & du quadrupède n’étoit pas placé auffi
avantageufement pour découvrir l’étendue des
cieux. Eft-il étonnant qu’emportés par une imagination
poétique , ce qu’ils ont. dit du fondement
«les loix 8c des peines foitfi peu farisfàifant, & que
le principe n’étant pas établi, on fe trouve embar-
jrafle dans les confequencès ?
Revenons à la.nature ; le principe y eft ; nous l’y
trouverons. Voyons l’homme à fa vraie place ;
mais voyons-le fans enthoufiafme, dans fes véritables
rapports. Il eft du règne animal, il en fait
partie. Il y a donc un droit qui lui eft commun
avec touts les animaux. Ce droit confifte dans le
pouvoir d’agir les uns fur les au tre sq u e la nature
a donné à touts les êtres .animés. La rnefure
de ce droit eft l’étendue de leurs facultés. Le vautour
peut faifir & déchirer la colombe , le loup
étrangler l’agneau ; ils en ont le droit. Tout ce que
peut chaque brute, elle en a le droit fur une brute
de tout genre comme de même efpèce ; elle en a
droit fur l’homme , parce que dans fon rapport
avec e lle , il eft un animal de même nature. Ce
droit que je nomme droit animal, eft le fondement
de l’empire abfolu que l’homme exerce fur les animaux.
Mais il y a entre les hommes des: rapports qui
u’exiftent point entre eux 8c les brutes. La faculté
de former des penfées , celle de les communiquer,
celle de rendre vers un but par une fuite combinée
d’aétians , rendent l’homme capable de faire le
bonheur de 1 homme; il peut le fecourir, l’éclairer,
l’inftruire , étendre l’ufage de fon corps , de
fa liberté, de fon jugement, de fon efprit, de
toutes fes facultés, & l’utilité de. fes travaux peur
n’avoir dans l’efpace d’autres bornes que celles de
la terre , & dans le temps- que la fin de fes générations.
Le pouvoir de connoitre, de combiner & des
juger étant joint dans l’homme au défir d’un état
heureux, il ne lui a fallu que l’inftinâ pour fe
réunir & jouir des biens naturels avec plus d’ai-
fance, de plaifir & de fureté. Dès que chacun a
dévoué à touts le produit de fes forces d’efprit &
de corps , il a eu droit aux produits des forces de j
touts. Tel eft le contrat de l’homme avec l’homme^
Son objet eft le bonheur , fon lien la reconnoif-
fance; tel eft le principe du droit propre à l’homme,
& que je nomme droit humain»
C e droit oblige tout homme à l’égard de tout
autre homme, parce qu’il eft un effet nécefiàire.
des rapports, mis entre eux par la nature. II lés enchaîne
l’un à L’autre avec d’autant plus de force ,
que les. feryices qu’ils fe rejyigpt font grands 8c {
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flîültîpliés. Delà cette gradation de Tamour des jwi
rents, des amis , des compatriotes, du refte des
hommes, en proportion du commerce des bienfaits.
Delà ce fentiment doux qui nous dit à la pré-
fence de tout autre homme : c e lu i- là a u f fi tr a v a ille
p o u r m o i,
La différence du climat peut rendre l’homme
plus ou moins aétif dans l’exercice de fes facultés ;
mais le défir du bonheur 8c la raifon qui peut l’acquérir,
conduifent l’Africain comme le Samoïede.
Le droit fondé fur les facultés de 1-efpèce humaine
eft le même dans tonts les lieux où elle exifte. Il
eft immuable & indeftruétible comme la raifon qui
en eft l’eflence ; ni l’autorité ni le temps ne pref-.
crivent contre lui.
Des deux rapports naturels de l’homme, l’un
avectouts les animaux, l’autre avec touts ceux de
fon efpèce, il eft facile de déduire la folution de
toutes les queftions concernant le droit. On voit
d’abord que l’état ifolé , l’état imaginé par les
poètes , adopté par Puffendorf 8c par d’autres écrivains
de tout genre, 8c nommé par eux é ta t de nature
, eft direélement Contraire , non pas à la nature
général, parce qu'il ne feroit alors qu’une chimère,
mais à la nature humaine ; que dans cet état
l’homme feroit un animal très imparfait dans fon
efpèce , qui auroit en toi des facultés inutiles , &
même nuifiblès, en ce que leur action , toute foible
8c languiffante qu’elle ferait , Tinquiéteroit fans-
cefle, en le pouffant vers fa fin ; que l'homme eft
par là non-feulement un animal , mais ùn animal
! fociable ;. que celui qui, ayant vécu feul dans les
; forêts , & rencontrant d’autres hommes , ne fe
lieroit pas avec eux, manqueroit à fon inftinél, 8c
feroit un homme déchu , dégradé; que celui qui ,
ayant vécu en fociété avec fes fembtables , brife
; les liens qui l’attachoientàeux, eft un homme corrompu
qui abandonne le rang que lui avoit afligné:
la nature, & rentre dans la claffe générale des
animaux.
Tel eft en général Tétât de l’homme qui nuit à
un autre homme, & en particulier de celui qui
attente à la vie d’un autre. Il exerce le droit des
brutes. , le droit de la force. L’homme qu’il attaque
rentre avec lui fous la même loi, & a droit
de lui ôter fa vie ce n’eft plus un homme , c’eft;
un animal de la claffe des ours & des tigres.. Er
non feulement celui qu’il attaquemais celui qui
voit fon frère en danger doit le fecourir, & a-
droit de tuer Tagrefleur. Mais ce droit qu’a un?
feul homme, la fociété: attaquée dans un de fey
membres ne lW-elIe pas ? .Ne peut-elle pas faire;
ôter la vie à l’animal furieux qui a. voulu la priver,
ou. qui l’a. .privée d’une partie de la fienne ? N’adoptons
pas- légèrement cette conféquence"., dé*
crainte que nous ne prenions une abftraétion pour
une réalité-
Un homme privé de toute raifon par la colère;
ou la cupidité , renonce au d r o it h u m a in , defcencL
dans le d r o it a n im a i > 8c s’élance fur un autre:
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homme. Mais celui-ci qui jouit de toute fa raifotl,
a-t-i! le droit illimité -d’agir en brute comme la-
sreflcu, i II eft évident qu’il peut & qtnl doit op-
pofer la force à la force ; mais il n’a pas renonce
au d ro it h um a in , & il doit en faire ufage. Il ne
doit exercer le d ro it a n im a l dans foute ton étendue,
que lorfque fa raifon ne lui montre aucun
autre moyen d’échapper au danger. Si par une
force fupérieure , de quelque nature qu elle tou, U
pouvoit mettre fon agreffeur dans 1 împuiffance de
nuire, lui confervant la vie, & cependant la lui
ôtoit, il manqueroit de généralité, il fe degrade-
roit, il feroit coupable envers lui & la fociété, il-
agirait à l’égard d’un homme comme il ne le ferait
pas à l’égard d’ùn cheval méchant dont il efpere-
roit retirer quelque fervice.
Si un homme , femblablé à un ciron qui attaque
un géant, eft affez infeiné pour efpérer quelque
fuccès en oppofan£ bleffe extrême a la force
immenfe de la fociété , s il 1 attaque en un mot -,
cette fociéré qui doit exercer le d r o it humain dans ■
toute la plénitude de la raifort, doit-elle 1 abandonner
en entier , rentrer avec ce vil agreffeur ,
ce miférable infenfé dans la claffe des brutes , 8c
l’écrafer de tout fon pouvoir? Doit-elle faire ce
qu’un fe ni homme ne feroit pas fans déraifon 8c
fans abaiffement ? -Elle ne peut jamais etre dans les
circonftanceS de l’individu, contraint faute d autres
moyens de fauver fa vie , à priver fon agreffeur
de la fienne. Elle a use force infiniment plus
grande qu’il ne la faudroit pour mettre dans 1 im-
puiffance de nuire quelques foibles êtres qui ont
la folie de l’attaquer. Elle a droit de les priver de
leurs biens acquis 8c de la liberté. Pourquoi ?
Parce qu’ils les tiennent d’elle , qu’ils en ont abufé
contre eile , 8c que rien ne peut 1 aflùrer qu ils n’en
abuferoient pas encore. Mais ce n eft pas d elle
qu’ils tiennent la vie ; elle n’a pas le droit de la
leur ôter , parcé qu’elle a toujours le pouvoir de
prévenir 8c d’empêcher les effets de leur demence.
Le feul droit qu’elle ait fur la vie de ces infenfés ,
eft celui de les contraindre a la rendre utile , parco
que la nature le veut, que le d r o it h um a in 1 ordonne
, 8c qu’elle eh eft l’exécutrice. Elle eft comme
telle dans l’obligation de ne rejetter aucun moyen
d’utilité ; fi elle en omet un feul, elle prévarique.
Si elle tue des hommes qu’elle pourvoit employer
pour le bien public, elle tranfgreffé fa lo i, 8c fe
nuit en violant le droit fondé fur la nature humaine.
On ne peut pas objeéfer que la fociété
manque de pouvoir en ce point. Quant aux meilleurs
moyens de l’exercer , la recherche en appartient
aux adminiftrateurs de la chofe publique ;
s’ils n’en trouvoient point, il y auroit en eux défaut
de lumières ou négligence, ou dans Tadminif-
tration quelques vices cachés. Je ne parlerai point
ici de la raifon alléguée, quelquefois pour la p e in e
de mort, que la loi doit venger un particulier 8c
une famille oflfenfée; comme fi les loix & les fo-
$iéiés dévoient connoitre 8c fervir les petites paf-
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fions des individus, 8c ce reffentimênt fauvage
nommé vengeance, défendu par la loi même qu’on
réclame , condamné par la morale , étranger à une
grande a me. Dans l’examen de ce point de droit,
ainfi que dans tout autre , on ne doit pas féparer
l’individu de la fociété ; c’eft elle qu’il faut y confia
dérer comme blefTée dans un de fes membres. Faire
cette abftraâion , c’eft réduire le fait au combat de
deux brutes dans lequel une des deux fuccombe.
La p e in e d’infamie, plus grande parmi nous qud
la p e in e de mort, eft quelquefois infligée d’une mi*
nière peu raifonnable. C’eft une efpèce de mort
civile. Un citoyen déclaré infâme eft un membre
gangrené qu’il faut retrancher du corps. Le laiftcf
dans la fociété , c’eft une contradiétion évidente ;
c’eft un levain peftilentiel qui gagneroit d’autres
membres. La captivité perpétuelle avec l’obligation
de fervices publics , eft une fuite néceflaire
de l’infamie.
L’équité demande une proportion exaéle entre
le délit 8c la p e in e , 8c nous fommes encore loin de '
cette perfection. Il me femble qu’on fimplifieroit ce
grand problème qu’on en faciliteroit la folution
, en réduifant touts les délits à un feul genre ,
& les confidérant comme vol, parce qu’en effet tout
délit, tout crime eft un vol, La trahifon eft un vol, la
défertion eft un vol, la négligence dans les devoirs
eft un vol, l’abus de confiance eft un vol, Pincefte *
l’adultère , le meurtre , 8cc., font autant de vols.
Je dirai même , par occafion, que cette manière d&
confidérer les crimes pourroit perfectionner la morale
, parce qu’elle porte dans i’efprit une idée
claire, précife , S i plus facile à faifir que la définition
ordinaire de la juftice, qui eft très abftraite 8£-
peu proportionnée aux entendements vulgaires.
On régleroit enfuite l’eftimation des biens volés
, 8c la repréfentation du dommage, qui eft le
premier objet de la loi, non pas d’après l’opinion!
particulière où le caprice peut influer, mais d’après
; l’opinion publique, 8c les p e in e s d’après cette eûi-
mation. Je ne peux ici que donner cette idée , 8é
non la développer; heureux fi quelque militaire oti
quelque jnrifconfnlte la juge digne de fon attention.
Quoique je ne puiffe la préfenfer, dê meme que
celles qui précèdent, que d’une manière très générale
, elles ferviront, fi on les trouve juftes* à
| faire apprécier les p e in e s militaires qui ont été erï
ufage chez quelques nations célèbres & que j’aîi
rapportées en partie à l’article D is c ip l in e . Je vais;
joindre ici nn fupplément à ce que j’ai dit de celles
des empereurs Romains ; renfermées en des livres
de loix qui ne font guè:res lus que par quelque»
jurifconfultes , elles Font très peu connues.
Peines m ilita ir e s p o r té e s p a r te s o rd o n n a n c e s de&
empereurs R om a in s»
Une- loi de Jules-Cæfar Ou- d’Augufte déclare
coupable du crime de lèfe-majefté, celui qui aura
fui (Uns Je- çojnbat, abandonné «ne fostereffe m