
6 i o S U R
La choie eft plus aifée lorfque l’on ne voit marcher
avec vos troupes aucun’ attirail de furprife ;
c’eft pourquoi cet attirail doit, dans la marche , fe
joindre à vous de la manière que je l’ai déjà dit ;
mais fi ces préparatifs fe trouvent dans la place ou
dans le camp d'où vous devez fortir, & s’il n’eft
pas facile de cacher qu’ils ne foient pour quelque
furprife , tout ce qu’on peut faire, c’eft de chang
e r , dans les bruits, le nom de la place ou du
quartier que vous menacez.
Une autre précaution utile' e ft, avant de faire
aucun mouvement, d’envoyer au pofte que vous
voulez furprendre des efpions qui, par un chemin
défigné, viendront vous avertir dès qu’ils apper-
cevront que les ennemis font inftruits de votre
deffein. Mais comme il peut arriver que lesenne*
mis tiennent les portes de leur place fermées pour
empêcher que vous ne foyez informé qu’ils font
prévenus, il eft à propos qu’un de ces efpions
refte hors de la place; alors celui qui eft dedans
llii fera un fignal à pouvoir être entendu , fefer-
vant, pour cela , des moyens que je propofe en
traitant des fièges. Si votre intelligence eft avec
un officier de garde de la place , vous verrez dans
te fuite comme on peut favoir ce qui s’y paffe de
nouveau»
H faut regarder les troupes deftinées à une furprife
comme divifées en deux parties: une pour
entrer dans la place ou dans le quartier des ennemis
, & l’autre pour faire diverfton par de faillies
alarmes & garder les avenues, pour s’oppofer aux
fecours & enlever les meubles que les ennemis
tâchent de mettre en fureté. On donne à l’officier
qui doit commander chaque parti, des ordres fort
clairs- de tout ce qu’il a à faire ; on l’mftruit du
pofte qu’il doit tenir dans la marche, de faire Tat-
taque ou te diverfton le premier , ou feulement
après tel autre parti.
ïl y aura, dans toute la marche, une réparation
entre les partis qui précèdent & ceux quifuivent,
de peur qir’ils ne fe mêlent, & que cela ne caufe
une confufton ; on* doit remettre au commandant
de chaque parti les préparatifs dont ce parti doit
fe fervirdan’s la furp'rife ; il faut lui donner des
guides qui con-noiffent bien les chemins delà place
ou le pofte qifon va furprendre.
Afin que vos troupes fè connoiffent après être
entrées dans le pofte qu’elles vont furprendre ,
elles doivent' mettre leurs cravates à leurs chapeaux
, ou quelque autre marque, & avoir entre
elles un mot de guet'.
Lorfque c’eft une place que vous prétendez furprendre
, il faut que de chacun dès partis deftinés
à l’attaque on nomme quelques foldats q u i, pendant
que leurs camarades franchisent la muraille ,
feront feu conjre les défenfes»
A mefure que les troupes entrent dans la pîace
ou dans le quartier, elles-doivent s?avancer par Pe
front & s'étendre vers les flancs- autant qu’il faut
pour ne pas embarraflèr celles qjii fuivent, > &
SUR
pour aller occuper le pied des rampes ou des efcaï
lrers par où on defcend de la muraille dont- le
terre-plein eft revêtu par dedaris ; elles avanceront
pour garnir les gorges du baftion attaqué,
les avenues des rues par lefquelles les ennemis
peuvent venir s’oppofer à la continuation de l’ef-
calade, & les murailles d’appui ou parapet des
parvis des églifes voifines d’où la garnifon qui les
occuperoit pourroit vous incommoder.
Dès qu’il y aura dans la ville un nombre rai«
fonnable de vos foldats , faites marcher un détachement
pour aller attaquer le bivac ou garde de
la place , avant que les troupes des cafernes viennent
la renforcer. Ce détachement doit fe tenir là,
parce que c’eft probablement dans cet endroit que
les ennemis viendront fe former , & dans la
confufton d’une furprife , ils arriveront les uns
après les autres fans officiers, en défordre, & feront
par conféquent facilement défaits par ce détachement.
Si le lieu d’aflemblée des ennemis eft
dans un autre endroit, il' faut que votre détachement
y marche dès qu’il aura battu la garde de la
place.
Un autre détachement de vos troupes doit atta«
qner la garde de 1a porte la plus voifine, & ouvrir
cette porte avec les inftruments & les outils dont
j’ai parlé. Il faut aufli qu’ils baillent le pont &
rompent l’a barrière du chemin couvert, afin que
votre cavalerie qui, à cette fin fe fera venu pofter
devant cette porte, purffe entrer.
Nypfte , général des troupes de Denis I I , ne
réuffit dans la furprife célèbre que le château de
Syracufc entreprit contre la ville, que par le moyen
d’une troupe qui , ayant efcaladé la muraille qui
féparoit les deux forrereffes , ouvrit les portes de
cette muraille, par où les troupes de Nypfte entrèrent
dans la ville.
Vous deftiriez une troupe pour faire prifonniez
le gouverneur de la place ou le commandant dis
quartier, afiii que n’y ayant perfonne qui donne
les ordres néceffairesles ennemis foient moins
prompts à agir, & que'la confufton & le défordre
augmentent parmi eux , pendant que le bruit fe
répand que le gouverneur a été pris. Cela fe vit
■ ken '1707 dans le quartier de Benavarre , où dom
Frédéric Sfrover furpri/r9 avec les troupes del’em-
\ pereuj^ le régiment de Lubigny , ayant commence
par faire prifoirnier le lieutenant-colonel1*
commandant de ce quartier, qui , pourtant, fe
défendît très valeureusement dans touts les appar*
, tenrems de 1a maifon, depuis le premier-jufqu’au
’ dernier.
En ce cas , iî faut quêta troupe dont je viens
de parler porte quelques grenades , des haches &
des maillets de fer pour abattre les poftes , afin
1 que1 les foldats & les domeftiques qui aident le
commandant ennemi à fe défendre dans fa mai*
fon- y foient plus facilement forcés à' fe rendre. Le
| parti qpe Vous employez à cet effet doit être
J; double en- nombre de la garde du commandant j
SUR
cette garde fera plus ou moins forte, félon Iô
grade & le rang de ce commandant.
® Autant qu’il y aura de cafernes, autant nommerez
vous de petits partis pour fe pofter vis-à vis
le s portes de ces cafernes , afin d’empêcher que
les foldats n’en fortent, & que leurs officiers n’y
encrent pour les déterminer à fortir.
Deux autres partis doivent courir les rues pour
empêcher que les officiers & les foldats qui fortent
de leurs maifons ou de leurs cafernes ne fe joignent
; f i votre cavalerie a pu entrer, c’eft à elle
préférablement à qui il faut donner cet ordre ,
auffi-bien que celui de fe pofter dans les petites
places, & les autres lieux fpacieux où les ennemis
pourroient fe raffembler pour fe mettre en ordre.
Si vous êtes inftruit qu’il n’y a pas divers ma-
gafins de munition dans différents endroits de 1a
place , détachez un petit parti d’infanterie vers le
ïïiagafin des munitions , afin que les ennemis ne
puiflent pas y avoir recours.
Voüs m’objeélerez peut-être que daçs le peu de
temps qu’il faut pour décider du fuccès d’une en-
treprife, c’eft allez des munitions ordinaires que
le gouverneur aura fait diftribuer aux régiments
en cas d’événement qui pourroit furvenir ; on fe
trompe, car s’il s’eft écoulé quelques mois depuis
cette diftribution , les munitions des foldats fe
trouveront bien diminuées , foit parce- qu’ils font
obligés de changer 1a charge lorfque les armes font
mouillées dans les jours d’exercice ou dans les
marches des détachements , foit parce qu’ils en répandent
, foit enfin parce que les foldats en vendent
aux habitants, excepté que les officiers ne
foient extrêmement vigilants fur ce point. D ’ailleurs
, il y a des furprifes qui durent des jours entiers
, ainft qu’il arriva à Crémone & à Tortofe dans
la guerre paffée.
, Un autre détachement rangé en bataille reliera
au milieu de 1a ville pour accourir où il pourra
connoître, par le grand nombre des coups qu’il
entendra tirer, que quelqu’ un' des partis précédents
a befoin de fecours.
Le grand Annibal trouva cet expédient fort
utile dans la furprife de Tares te. •
De touts.les détachements dont on vient de parler
, il fuffit qu’il y en ait deux forts ; favoir , celui
qui doit battre 1a garde ou le bivac de la plac,e , &
celui qui doit ouvrir une porte à votre cavalerie.
L’autre que je viens de propofer pour accourir en
tout ou en partie là où le grand feu fera con-
noître que les ennemis font réfiftance, doit être
compofé du gros corps de^os troupes. Il importe
peu que les autres partis foient fort nombreux ,,
parce qu’on les emploie moins pour vaincre que
pour faire diverfton , excepté celui qui eft deftinè
contre le gouverneur de 1a place, fur le nombre
duquel on fera l’obfervation que j ’ai faite en fon
lieu.
Par- rapport à ce qui fe doit exécuter lorfqu’il y
a dans la place une citadelle, qui a garnifon . un
S U R 6 i t
château fans garnifon , ou quelque autre édifice
fo r t, voye^ ce que j’en dirai dans la fuite.
•Défendez rigoùreufement aux troupes que vous
employez à la furprife , de commencer le pillage
& de s’éloigner de leurs officiers pendant l’aérion ,
fous prétexte de faire des prifonniers , ou par
quelque autre motif que ce puifte être, jufqu’à ce
que le commandant de l’attaque le permette ; ce
qui fera dans le temps & en la manière que je le
dirai dans la fuite.
I f fera défendu à tout foldat de fe retirer , fans
les officiers de fa troupe, du lieu qui a été furpris ;
vous les avertirez auffi qu’ils doivent touts fortir
pour venir fe former au moment qu’ils entendront
le bruit des tambours & des trompettes dont il
fera fait mention ci-après , parce que plufieurs
foldats , dès qu’ils ont fait leur butin , s’en retournent
au camp ou à la garnifon dont ils font
partis , & ne fe trouvent plus dans le détachement
lors d’une aélion qui peut fe préfeflter
dans la retraite ; quelques autres font fi acharnés
au pillage, qu’ils ne font point attention à la retraite
que les inftruments de guerre fonnent
quoique leurs camarades foient déjà inveftis paf
les troupes ennemiés qui ont coutume d’arriver
duranrl’aâion ; alors ces troupes inférieures même
en nombre , battent le corps dont”les foldats
tombent dans de pareils défordres. J’en rapporte
ailleurs divers exemples.
Si vous devez abandonner la viîlè furprife, vous
nommerez par avance le détachement qui en doit
fortir le dernier. Le commandant de ce dernier détachement
fera chargé d’envoyer des patrouilles
pour raffembler par les moyens les plus rigoureux
, touts ceux qui, n’ayant pas obéi auTon de®
inftru ment s qui les appellent pour fortir & pour
aller fe former, fe font arrêtés dans les maifons à
continuer le pillage.
Vous préviendrez les commandants de tours
les détachements que s’ils rencontrent quelques-
uns des ennemis qui, leurs fufils en joue , foient
prêts à faire leur décharge, vos foldats doivents’ou-
vri/ & fe ranger tout le long des maifons des deux
côtés de la rue, afin que cette décharge faffe moins
^.de ravage ; auffitôt qu’elle eft effuyée , vos troupes
doivent . reprendre le rang pour continuer leur
marche , & éviter qu’avant d’être rangées en bon
ordre , les ennemis ne les abordent la baïonnette
au bout du fuftl.
Vous avertirez auffi les commandants des détachements
de ne pas s’embarrafler de prifonniers
pendant que 1a reddition du pofte atraqué fe dif-
pute encore. Je prouve ailleurs que vous ne devez
pas- ternir votre vi&oire par le carnage d’ennemis
qui ne fe défendent paîf , que vous devez
traiter les temples avec refpeâ, & ufer de clémence
à lTégard des prifonniers & des malades.
Outre les troupes que vous avez fait entrer dans
te place ou dans le quartier des ennemis, vous
ayez-befoin encore de faire refter dehors de ce