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au repentir que vous devez avoir de v o tre fa u te
j’ai joint des privations & une honte publique,
parce que votre ame n’eft ni totalement défin té-
reffée , ni communément affez délicate pour être
aflé&èe profondément par une punition qui ne fe-
roit pas connue de vos camarades , & qui ne por-
teroit que fur votre fenfibilité morale » ; en parlant
ainfi, je pourrois bien calomnier quelques
bas-officiers; mais convenons-en , ce ne feroit pas,
le plus grand nombre. Quant aux grenadiers , je
leur dirois : « quoi vous , un homme d’é lite, vous
qui avez été choifi avec foin, qui avez juré , en arborant
la grenade , de vous faire diftinguer par
votre exaélitude & par quelques autres vertus militaires
1 quoi î vous vous ravalez ainfi, allons, allons,
vous mériteriez que je.vous les arrachaffe ,
ces marques d’honneur ; mais je veux bien, pour
cette fois , ne faire que les cacher pendant quelque
temps ; la honte, les privations & les réflexions
vous ramèneront, je l’efpère, aux fentiments Si au
zèle qui n’auroient jamais dû fortir de votre ame ».
Mais ce n’eft pas tout d’avancer qu’une punition
èft faite pour être adoptée , il faut le prouver.
h ’interdiélion ajoute un degré à l’échelle des punitions,;
Si ce degré eft très peu élevé ; elle ne peut
abaiffer lame , ni affaiblir le corps ; elle n’em-
ploye pas pour punir la multiplication des devoirs
militaires ; elle eft publique ; elle peut être prompte,
voifine du délit , proportionnée aux fautes , car
elle peut être plus ou moins prolongée ; arriver
feule ou venir accompagnée d’une amende , &
même de la honte ; ainfi elle eft conforme aux
principes généraux que nous avons établis fur les
châtiments militaires dans le paragraphe VII de
l’article Consigne , Si ne contrarie aucun de ceux
que nous établirons dans l’article Peine & dans
l ’article Punition. Voye i Consigne , paragraphe
V I I , Sl les mots Peines & Punitions. ( C. )
INTERVALLE. Se dit dans l’art militaire , de la
diftance ou dè l’efpace qu’on laiffe ordinairement
entre les troupes placées en ligne ou à côté les unes
des autres. On le dit auffi pour exprimer l’êTpace :
qui eft entre deux lignes de troupes , foit en ba.
taille *ou dans le camp. Voye^ Distance.
Ainfi , lorfque des troupes font en bataille, la
diftance d’un bataillon à un autre , fe nomme Y in -
te r v a lle d e s b a ta illo n s . Il en eft de même pour les ef-
cadrons , Si pour la diftance de la première ligne à
la fécondé.
L'in te r v a lle des bataillons Si celui des efcadrons , eft ordinairement égal au front de ces troupes :
mais il.arrive de-là qu’une armée médiocre occupe
une très-grande étendue de front, Si. que les différentes
parties de l’armée font trop éloignées les
unes des autres pour pouvoir fe foutenir réciproquement.
V o y e^ Ordre de bataille 6* Armée.
Pour donner une idée de ccs in t e r v a l le s , ou de
l’arrangement des bataillons & des efcadrons de la
première Si de la fécondé ligne d’une armée ,, il
faut, I
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i°. Concevoir que toutes ces troupes font rangées
fur une même & feule ligne , fans aucune diftance.
2.°. Qu’on faffe marcher en avant la moitié , mais
de manière qu’alternativement une troupe s’avance,
Si que celle qui la touche immédiatement, par
exemple à gauche, demeure à la même place, Si
que celle qui touche la gauche de celle-ci, s’avance
auffi, Si ainfi de fuite.
Il réfultera de ce mouvement, deux lignés de
troupes, dont les intervalles de la première fe trouveront
oppofés au* troupes de la fécondé, & ces
intervalles feront égaux aux fronts des troupes.
Ces intervalles ont pour objet, de laiffer paffer la
première ligne, fi elle fe trouve obligée de ployer
derrière la fécondé, fans déranger l ’ordre de cette
fécondé ligne , qui fe trouve en état d’arrêter l’ennemi
pendant que la première ligne fe rallie ou fe
reforme à couvert de la fécondé. Mais cette confédération
ou cet objet, ne paroît pas exiger que les
troupes ayent des intervalles. égaux à leur front.
Une troupe qui fe retire en défordre , n’occupe pas
le même front que lorfqu’elle eft rangée en ordre
de bataille ; ainfi , elle peut s’écouler par des inter-
valles moindres que fon front. Il fuit dé-là, que les
interne aile s peuvent être plus petits-que lefrontd.es
troupes : ils doivent même , fi l’on veut confidérer
qu’un tout étant d’autant plus folide que toutes fes
parties fe tiennent enfemble, & quelles s’aident
mutuellement , l’armée aura auffi plus de force ,
lorfque les troupes qui la compofent, fe trouveront
moins éloignées ou moins féparées les unes des
autres. Cette obfarvation a déjà été faîte par de très
habiles généraux. Feu M. le maréchal dé Puyfegur
ne prefcrit dans fon traité de l’art de la guerre , que
io toifes pour l’intervalle des bataillons, Si 6 toifes
pour celui des efcadrons. Il prétend que ces inter-
valtes font plus que fuffifants , Si même qu’il feroit
à propos de faire combattre les troupes à lignes
pleines ; c’eft-à-dire fans intervalles. Voye^ Armée. :
A Leuze, en 1691, & à Fredelingue , en 1702 ,
la cavalerie françoife , ou la mai fon du ro i, battit
les ennemis , qui étoient rangés en lignes pleines :
à Ramilly , les lignes pleines des ennemis, battirent
les lignes tant pleines que vuides de la cavalerie
françoife. « Mais ces exemples ne prouvent rien , dit
l’illuftre maréchal de Puyfegur; car, outre tordre
de bataille, y a d’autres parties qui, dans taElion ,
doivent concourir en même temps pour donner la victoire
, & qui ont manqué à ceux qui avoient tavantage
de U ligne pleine, lorfqu’ils ont été battus par des
troupes rangées avec des intervalles ».
L'intervalle des lignes de troupes en bataille, doit
être d’environ 150 toifes ; mais dans le combat, la
fécondé ligne doit s’approcher davantage de la première
, pour être plus a portée de la foutenir.
A l’égard de l'intervalle ou la diftance qui eft
entre les deux lignes du camp, il faut la régler fur
la profondeur des camps , des bataillons Si des ef-
cadrons. Cette profondeur peut être évaluée en-
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vironà n o toifes: il faut auffi un efpace libre en
avant du terrein de la fécondé ligne, pour qu’elle
puiffe s’y porter en bataille. On peut eftimer cet
efpace de 30 toifes ou environ : ainfi , l'intervalle
du front de bandière de la première ligne à celui de
la fécondé , fera donc d’environ 150 toifes ou 300
pas ; le pas étant compté à la guerre pour une longueur
de 3 pieds.
INVALIDES. Officiers Si foldats qui , rendus
incapables par leur âge ou par leurs bleffures, de
continuer leurs fervices , ont été admis à l’hôtel
royal des invalides.
On donne le nom à?hôtel royal des invalides à
un édifice dans lequel l’état loge & entretient une
grande quantité d’anciens officiers Si de vieux foldats
, connus fous le nom d'invalides. Cet liôtela
été bâti fous le règne de Louis XIV ; il eft fitué
dans la plaine de Grenelle, à une des extrémités de
la ville de Paris.
Nous ne donnerons point ici la defeription de
l’hôtel royal des invalides ; nous ne parlerons
point des peintures admirables forties des mains
des Goypel, des Jouvenet, &c ;, qui décorent la
chapelle de cet hôtel ; nous ne décrirons point lès
ftatues Si les bas-reliefs qui en font l’ornement; le
le&eur curieux de ces différents objets, les trouvera
gravés, par le célèbre Cochin, dans un ouvrage
in-folio , compofé par Jean-Jofeph Granet,
avocat au parlement. Cet ouvrage , intitulé hifloire
de th(tcl royal des invalides, a été imprimé à Paris
chez Guillaume Defprezen 1736. Notre objet fera
donc de donner, dans cet article , un effai hifto-
rique fur l’hôtel des invalides, de dire la manière
dont font traités les hommes refpeélables qui y
font admis , de parler des invalides qui font répandus
dans les provinces , Si de ceux qui forment
les compagnies détachées. Après avoir parcouru'
ces divers objets, nous mettrons fous les yeux de
nos leéleurs quelques obfervations fur l’établiffe:
ment des invalides , confignées dans des ouvrages
qui jouiffent de l’eftime publique.
§. 1.
Effai hiflorique fur l'hôtel royal des invalides.
On a eu raifon de prodiguer de grandes louanges
à celui de nos rois qui à fait élever l’hôtel vraiment
royal des invalides ; quia raffemblé le premier dans
cet édifice fuperbe les guerriers qu’un âge très
avancé ou de graves bleffures mettoient dans l’im-
poffibilité de continuer leurs fervices ; & qui, le
premier, a pris des précautions affez fages pour
affurer à jamais à ces vi&imes de leur amour pour
la patrie, les foins & les fecours qu’ils méritent à fi
jufte titre. Un établiffement fi utile , fi humain , fi
beau , eft bien propre à exciter un grand enthou-
fiafme en faveur de fon fondateur, Si à pallier
une partie des fautes qu’on peut lui reprocher.
Mais pourquoi l’hiftoire ne parle-t-elle prefquc
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point de celui de nos rois dont Louis X IV , lorf-
qu’il a érigé l’hôiel des invalides , n’a fait que f (livre
les traces ? Les hiftoriens auroicnt-ils été éblouis ,
comme le vulgaire l’eft trop fouvent, par la magnificence
Si l’éclat que Louis a répandu fur cet hôtel?
ou bien auroient-ils penfé qu’ils pouvoiem, fans
crainte pour fa gloire, dérober au grand , au bon
Henri, l’honneur d’avoir formé le premier un établiffement
auffi néoeflàire ? Je fais bien que Phi*
lippe-Augufte avoit conçu le projet de réunir , dans
un même afyle , touts les vieux guerriers répandus
dans fes états; mais cé projet, qu’un défir vague
Si fans force avoit fans doute, produit , ne lut
point exécuté. L’honneur en étoit réfervé au meilleur
de nos rois. La gloire que mérite Henri IV
pour avoir exécuté le premier ce projet, auffi fage
que grand , me paroît d’auiant plus éclatante ,
qu’elle eft plus pure. Jamais ce prince , à qui on
auroit pu pardonner d’aimer la guerre , parce qu’il
lui devoir Ion trône & une partie de fa renommée ,
ne rendit, ni par une fenfibilité exceffive , ni par
un amour trop ardent pour les conquêtes, la création
de l’hôtel des invalides indifpenfable.
L’hiftoire a été prefque auffi injufte envers
Louis XIII qmenvers Henri IV. Peu cle François
faveht que ce prince perfeéHonna l’établiffement
que fon père avoit créé ; que par le nom qu’il ini-
pofa à l’afyle qu’il offrit aux vieux guerriers', il
prépara à Louis XIV la gloire de créer l’hôtel royal
des invalides , Si même l’ordre militaire de Saint-
Louis. Ah combien de mèprifes pareilles l’hrftoire
n’a-t-elle point faites ! combien ne feroit-il pas
heureux qu’elle daignât les.corriger ! En attribuant
toute la gloire à celui qui exécute , Si ravidant à
celui qui a imaginé celle qu’il a droit de prétendre
on affoiblit le génie, & très fouvent on l ’éteint, ou
au moins on l’empêche prefque toujours de faire
briller au dehors fa flamme heureufe Sc falutaire.
Les officiers & les foldats qu’un âge avancé, ou
de graves bleffures avoient rendus incapables de!
continuer leurs fervices , furent relégués jufqu’en
159 7, dans les abbayes de fondation ou de nomination
royale ; ils y étoient connus fous le nom
de religieux lais ou oblats ; ils y étoient "tenus à un
fervice prefque v i l , Si ils étoient très fouvent obligés
de recourir à l’autorité royale , poiir qu’elle les
fît jouir de la vie tranquille , de l’entretien honorable
Si de la fubfiftance honnête qu’elle leur avoit
promis Si qu'ils avoient fi bien mérités. Comme il
avrivoit, d’ailleurs très fouvent, que les bénéficiers,
furprenant la religion des rois , faifoient nom-,
mer leurs valets -aux places de religieux lais ,
comme des militaires qui n’avoiènt point mérité
ces places , les obtenoient quelquefois , Si comme
enfin elles n’étoient pas toujours affez nombreufes,
les vieux militaires , non-feulement reftoient fans
récompenfes , mais manquoient fouvent d’afyle ,
& quelquefois de vêtements & de pain. Henri IV ,
pénétré d’une jufte,, compaffion pour les maux
auxquels étoient en butte les dignes compagnons