
dom il veut lever les milices, des lettres de.fervice
à deux de ceux qu’il juge le plus en état de commander
un corps : le plus ancien obtient le titre de
Colonel commandant. Le miniftre choifit de la
même manière i lieutenant-colonel, 1 major, ao
capitaines , ao lieutenants & ao fous-lieutenants.
Ces officiers s’affemblent en confeil chez le colonel
commandant : là , aidés par le commiflaire des
guerres chargé de paffer la revue des foldats, &
par les notes des fubdélêgués de l’intendant, ils
choififfent dabord io fergents-majors parmi ceux
ï|ui font fixés dans la province ; enfuice , 10 fourriers
, puis le nombre de fergents & de caporaux
fixé par l’ordonnance; & enfin, le nombre d’appoin-
îés que le miniftre a déterminé. Ce choix fa it, le
confeil fait expédier à chaque bas-officier choifi,
l ’ordre d’être rendu tel jour à tel endroit. Tout bas-
officier qui ne fe rend point à cette fommation , eft
puni par la perte de fa penfion , à moins qu'il ne
puifte alléguer quelque raifon de la folidité la plus
grande. Pendant que les bas-officiers & les appointés
fe raffemblent , les officiers commencent à
s’exercer ; chacun relit les ordonnances militaires ,
& bientôt y a retrouvé ce dont il avoit perdu le fou-
venir. Quinze jours ne fe font point écoulés, que
les bas-officiers & les appointés font raflemblés. Les
capitaineschoififfent,.chacun à fon tour, ceux qui
doivent conduire leurs compagnies : le capitaine des
grenadiers choifu le premier, le capitaine des chafi-
feurs le fécond, & les autres par rang d'ancienneté.
Les officiers s’employent tout de fuite à amalgamer,
à inftruire & à difcipliner de nouveau ces anciens
militaires: quinze jours fuffifenr à cette opération.
Pendant que ces jours s’écoulent, les foldats provinciaux
s’affemblent; & avant un mois, le régiment
eft en état d’exécuter tout ce qu’on peut lui
commander. Non, je n'exagère point, deux mois
iuffiront à mettre fur le meilleur pied poffibje , un
réigiment compofé comme je viens de le dire ; &
î’ofe avancer que ce régiment fera auffi'bon dans
une ville affiégee, dans une bataille générale , donnée
fur la frontière, que le meilleur de nos régiments
aébels : car c’eft de l’expérience & de la fa-
gefle , en un mot, des qualités heureufes des officiers
, que dépend la bonté d’un corps militaire. Je
ne veux point faire la critique de la compofition actuelle
de nos régiments provinciaux & de nos bataillons
de garnifon ; mais j’ofe affirmer que tels
qu’ils font, ils ne peuvent entrer en comparaison
avec ceux que je propofe. Je vois de mon côté, un
grand nombre d’officiers fupérieurs nouvellement
fortis du fervice, d’officiers fubalternes , formés
par une longue expérience, de bas-officiers d’une
intelligence reconnue, & d’appointés d’une valeur
éprouvée; & de l’autre, fi je vois quelques bons officiers
fupérieurs , je trouve des officiers fubalternes
qui n’ont aucune ou prefque pas d’idée de la discipline
militaire, aucune inftrudion fur les détails
de la guerre , des bas-officiers que le hafard a choi-
& * des appointés fans mérite ; en un mot des chefs
n o v ic e s , q u i c o n d u ifen t d es fo lda ts auffi n o v ic e s
qu e u x . r
La compofition que je .propofe , offrira deux
grands avantages : d’abord, elle économifi ; ra beaucoup
d’hommes: ca r , au lieu d’arracher à lacam-
pagne , aux manufaélures^ou aux arts 150 fujets ,
pour en former une compagnie , on pourra fe borner
a lever 100 , ou même 75 miliciens ; parce que
les 50 ou 75 autres , feront fournis par les foldats
penfionnés : enfuite , elle économifera beaucoup
d argent ; car pendant la paix, elle ne coûtera ab-
folument rien, & pendant la guerre , il fuffira de
donner aux officiers, aux bas-officiers & aux appointes
, pour fupplément de paye, la moitié de la
folde que l’ordonnance du premier mars 1778 a
accordée aux membres des régiments provinciaux.
Si descirconftances particulières obligeoient à ne
lever qu yn certain nombre de compagnies pour la
garde de quelques forts, on en agiroit de la même
maniéré, ayant attention défaire marcher beaucoup
d’appointés, & infiniment peu de payfans & d’ar«.
tifans. Cette poffibilité d’augmenter ou de diminuer
le nombre d’appointés, eft précieufe, & me
femble faite pour féduire tous ceux qui la confidé-
reront avec attention. Si l’on adoptoit jamais le plan
que. nôus venons de tracer, ondeVroit commencer
par inviter les officiers qui jufqu’à ce jour ont été
penfionnés, & qui fe font retirés dans les différentes
provinces du royaume , à fe faire claffer j car il fe-
roit injufte de les faire claffer fans leur participation.
Au moment ou ils ont traité de leur retraite ,
cette claufe. n’a point été inférée dans le contrat
qu’ils font cenfés avoir paffé avec l’état ; & il eft de
droit pofitif, que l’autorité fuprême ne peut, que-
lorfque la néceffité l’y contraint, ajouter des claufes
nouvelles aux traités quelle a faits,avec ceux qui
lui font fournis. L’ordonnance devroit fixeren même
temps d’une manière bien claire & bien pofitive %
les circonftances dans lefquelles les militaires pen-
fionnésferoient totalement exempts de fcrvïce: elle
pourroit & devroit même preferire, que tout militaire
penfîonné qui auroit des enfants, ne feroit
appelé que lorfque toutsles penfionnés fans enfants
feroient épuifés; ceux-ci, que lorfque touts les célibataires
feroient employés : elle devroit encore
déterminer que tout célibataire qui ne feroit pas
adonné à l’agriculture , à un autre art ou métier, feroit
rappelé avant ceux qui fe feroient adonnés à
quelque occupation utile ; elle devroit mettre des
nuances entre les différentes èfpéces d’occupations
; l’utilité publique en formeroit l’échelle
elle devroit enfin faire connoître clairement les
cas qui ouvriroientaux uns & aux autres la porte
de l’hôtel, la manière dont ils y feroient traités
dans cet afy le, & le nombre de ceux qui y feroient
reçus à-la-fois. Occupons-nous un inftant de.
ces objets.
M. le comte de Saint-Germain voulant diminuer
les dépenfes que l’hôtel des invalides caufoit
à l’état j reduifit irrévocablement à 1500 hommes.
le nombre d’officiers , de bas-officiers & de foldats
qui, à l’avenir, y feroient admis ; 1 500 places
peuvent fuffire , peut-être, pendant la paix, mais
dès la féconde campagne d’une guerre un peu
vive , il n’en feroit plus de même. Ce miniftre étoit
lui-même fi intimement perfuadé de cette vérité ,
qu’il fe propofoit de placer dans les hôpitaux militaires
, toutes les fois que les circonftances l’exi-
geroient, une partie des invalides infirmes ou impotents
; M. de Saint-Germain avoit oublié , fans
doute, quand il traça cette partie de fon projet ,
que le mot hôpital répugne infiniment à tout fran-
çois , qu’il réveille en eux l’idée d’une mifère profonde
& un délaiffement abfolu ; que le foldat a
conçu lui-même un préjugé fi fort contre touts les
établiflVments de ce genre, que nous fommes obligés
d’ufer de toute notre autorité pour le contraindre
à s’y laiffer conduire , pour un temps très
court, quand il eft atteint de quelque maladie qu’il
ne juge pas très grave. Privés de cette reffource
par un préjugé, faux à la vérité, mais qu’il faut
refpeéler, fur-tout quand on peut s’empêcher de
le heurter , & quand on s’occupe de récompenfes
ou de dédommagements , nous 'dirons , avec M.
le B. D. B ., que l’hôtel des invalides reftreint à
1500 hommes , eft infiniment trop petit. Nous
croyons mime que cet édifice feroit trop borné,
s’il étoit définitivement fixé à 3000 hommes ,
comme le défire ce dernier écrivain. Nous croyons
encore que le nombre des places de bas-officiers
qu’il y crée n’eft pas allez confidérable. J’ai fuivi
avec affez de foin , depuis quelques années , l’état
des hommes deftinés.à 1 hôtel, & j’ai vu que les
fergents & les caporaux étoient au moins auffi
nombreux que les foldats. Il feroit donc à fouhaiter
que l’hôtel pût offrir un afyle à 2000 foldats ou
cavaliers ; 1200 brigadiers ou caporaux ; 500 maré-
chaux-de-logis ou fergents ; 25.0 lieutenants ; 35 ou
40 capitaines , 8 ou 10 chefs de corps , & en tout
environ 4000 hommes. Mais comme les fonds affectés
àThôtel ne pourroient pas , dans l’état aCiuei
des chofes , fuffire à la nourriture & à l’entretien
d’un auffi grand nombre d’hommes , il faudrait ou
que les invalides penfionnés verfaffent dans la
caiffe de l’hôtel la récompenfe militaire qu’ils y
ont obtenue , ou ce qui feroit encore mieux , donner
aux invalides.une forme nouvelle.
Un médecin qui, comme le célèbre Perrault,
connoît l’art de Viturve & celui d’Hyppocrate,
m’ayant affuré que l’hôtel des invalides peut, fans
occafionner de grandes dépenfes, être transformé
en Hôtel-Dieu , que l’air des invalides eft préférable
à celui de l’île des Signes , de l’Hôtel-Dieu
aCtuel & de touts les autres emplacements vacants
proche de la capitale ; que l’hôtel des invalides
n’eft ni trop , ni trop peu éloigné de Paris ; que les
fommes néceffaires à la conftruClion. d’un nouvel
Hôtel Dieu , & celles que produiroit la vente de
l’emplacement qu’occupe l’ancien , feroient plus
que fulîifames à l’exécution entière de mon proj et
I N V 11*
ce même favant ayant combattu avec avantage les
obje&ions que je m’étois faites fur la tranflatioa
des invalides dans une province de l’intérieur du
royaume , & fur le changement de deftination de
l’hôtel que Louis XIV avoit voulu leur confacrer
à jamais ; ce Perrault moderne, ayant jugé enfin
que mon plan étoit fimple , économique & d’une
exécution facile , je vais l’offrir à mes le&eurs , en
les priant de ne le reléguer parmi les projets plato-,
niques , qu’après l’avoir lu avec attention , &
même médité avec foin. J élaguerai les détails le
plus qu’il me fera poffible ; je fais bien qu’en agif-
fant ainfi, j’aurai l’air de ne donner que desapper-
çus ; mais un apjierçu fuffit ici. Un fyflème détaillé
, un devis exaél, occuperoient un efpace dont
je ne puis difpofer.
Ge feroit dans une de nos provinces méridionales
, fur ie bord d’une petite rivière navigable, à
quelque diftance d’une ville du fécond ou du troi-
fième ordre , dans le centre de quelque grand do-,
maine de la couronne , fur un terrein peu fertile ,
mais riant, fain & falubre , que je placerois les in~
valides. Ce ne feroit point un hôtel que je bâti-
rois , mais un bourg , un village ou un hameau, &
je nommerois cette nouvelle habitation Marsr
bourg, ou Louis-bourg. Au milieu de ce v illage,
fermé par une fimple haye, ou tout au plus par de
légères paliffades , car dans ce nouvel afyle des
invalides rien ne feffentiroit la contrainte ni l’ef-.
clavage , s’éleveroit une vafte églife ; elle ne feroit
remarquable ni par de hauts clochers, ni par de
vaftes fouterreins , ni par de fuperbes colonnes ; la
piété fincére des hommes qui la fréquenteraient,
feroient aux yeux de Dieu fon plus bel ornement J
& leur ferveur éleveroit bien plus furement, vers
l’être fuprême , le coeur des vrais fidèles , que la
beauté des peintures, la multiplicité des ftatues &
des bas-reliefs. Quelques prêtres, refpeétables par
la régularité de leur conduite & l’étendue de leurs
cennoiffances , aimables par leur morale doiice' ÔC
confiante , feroient chargés d’ënfeigner & de faire
aimer la religion. Autour de l’eglife feroit une
vafte place quarrée | plantée d’un triple rang de
grands ormeaux ; plufieurs fontaines , fans décorations
, y répandroient fans ceffe des flots de l’eau
la plus pure , & entretiendroient toujours pleins
des lavoirs creufés à leurs pieds. Sur chacun des
côtés de cette place s’éleveroient un grand bâtiment
folide, fimple & même modefte ; ils feroient
» réguliers & uniformes quant à l’extérieur^ L’un
feroit deftiné à une infirmerie pour 300 hommes
; environ ; il contiendrait encore touts les officiers
de fanté , quelques-unes de ces filles charitables
qui fe dévouent au, foin des malades, & touts les
membres du clergé^ on cultiveroit dans le jardin
de cette maifon , toutes les plantes indigènes &
exotiques dont la médecine fait ufage. Le fécond'
édifice feroit une maifon publique ; on y trouver
roit un magafin d’abondance, les fallés deftinées
aux confeils >. le trêfor des archives > les bureaux