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manoeuvres; «fue fl , par exemple , la première
ligne eft forcée de plier , elle trouve derrière la
fécondé afiez de place, pour fe rallier & fe reformer.
Sans cette attention, la déroute de la première
ligne ne peut guère manquer d’occafionner
celle de toute l’armée.
Telles font en général les principales observations
qui peuvent Servir de bafe à la difpofition
des troupes dans Vordre de bataille ; la nature du
terrcin doit décider de leur arrangement particulier.
C ’eft pourquoi on ne peut trop s’appliquer à le
connoître parfaitement , pour en tirer touts les
avantages qu'il peut procurer.
Les anciens comptoient Sept difpofitions générales
des armées pour combattre ; elles- font rapportées
par Végèce, /iv»I Î I 9ch. X X .
La première eft celle du quarré long, que nous
avons donnée à l’article A r m é e . .(_ Voye^ ce mot).
Ceux qui font habiles dans la Science des armes,
dit Végèce, ne là jugent point £ cette difpofition')
la meilleure ,. parce que dans l’étendue que l’armée
occupe , il ne fe rencontre pas toujours un terrein
égal qui lui permette de marcher également payant
ainfi des parties plus avancées les unes que les
autres , & formant une efpèce de ligne courbe , il
arrive Souvent qu’elle eft rompue ou percée. D’ailleurs
cet ordre a l’inconvénient, fi l’ennemi eft Supérieur,
d’expofer l’armée à être prife en flanc &
battue à Tune ou l’autre des ailes, ce qui entraîne
la défaite du centre ou du corps de bataille. Végèce
prétend qu’il ne faut fe Servir de Vordre dont iLs’a-
git ic i, que lorfque par la bonté & la fupétÿorits
des troupes, on. eft en état de tourner l’ennemi
par fes deux ailes & de l’enfermer de touts côtés ;
il eft d’autant plus désavantageux, que les troupes
en ligne ont de plus.grands intervalles entre elles..
L ’armée, pour peu qu'elle foit considérable , pré-
ferite alors un front d’une longueur ex-ceffive
toutes fès différentes parties font trop éloignées
les unes des autres pour fe Soutenir mutuellement.
La Seconde ligne ,.qui eft dans un ordre aufli foibte,
répare rarement le défordre dé la première ; &
comme le Succès du-combat dépend prefque toujours
, par cette raifon , de celui de- la première
ligne, il paroît que pour fortifier cet ordre autant
qu’il eft poflible, il faut, csmrtie.on l’a déjà dit,
combattre en ligue pleine , & fortifier cette ligne
par des réferves de cavalerie & d?infanterie..
La fécondé difpofition générale eft Y ordre oblique
ou de étais* Dans cet ordre on engage le combat
avec l’aile droite ,. pendant que l’autre fo --refufe à
l ’ennemi. Cette difpofition peut-fervir à faire remporter
la viéioife à un. petit nombre de bonnes
troupes , qui font obligées d’en combattre de plus
nombreufes.
Pour cet effet, tes deux armées étant en pré-
foncé 8c marchant pour fe charger ,. on tient fa
gauche (. fi l’on vent faire combattre fa- droite ) ,
bars de la portée des coups-de l’ennemi, & l’on :
vcmtefurAi gauche de l’année, opgofée. avec tout i
ORD
ce qu’on a de plus braves troupes , dont on a eiî
foin de fortifier fa droite.
On tâche-de faire plier la gauche de l’ennemi ^
de la pouffer , & même de l’attaquer par derrière*
Lorfqu’on peut y mettre du défordre & la faire
reculer , on parvient aifêment avec le refte des
troupes qui Soutiennent l’aile-qui a engagé le combat,
à remporter la vi&oire , 8c cela lans que 4e
refte de l’armée ait été èxpofé. i
Si l’ennemi fe fert Te premier de cette difpofition
, on fait paffer promptement à la gauche la cavalerie
Si l’infanterie qui eft en réferve derrière
l’armée , Si L’on fe met ainfi en état de lui réfifter.
Cet ordre de bataille eft regardé par touts lés auteurs
militaires comme lin des meilleurs moyens
de s’affurer de la vi&oire. G’eft , dit M . Le chevalier
de Folard, tout ce qu’il y a de plus à craindre
Si de plus rufé dans la Taâique.
On peut voir dans Y art de la guerre de M. le maréchal
de Puyfégur, le cas qu’il faifoit de cet ordre«
Comme la charge des troupes doit fe faire de front
8c non pas obliquement , cet illuftre auteur ob-
ferve que la partie avancée de la ligne oblique.,
deftinée à charger l’ennemi, doit prendre une position
parallèle au front‘qu’elle veut attaquer, dans
le moment qu’elle fé trouve à portée de tomber
fur lui. Les autres parties de la ligne (doivent alors
fe mettre en colonne pour foutenir celle qui a
commencé l’attaque , 8c avoir attention de fe tenir
toujours hors.de la portée du fufil de la ligne ennemie.
Ce même auteur donne dans fon livre une difpofition
pour l’attaque du pofte de M, de Mercy à
Nordlmgen. Montécuculi propofe aufli le même
ordre dans fes principes fur l’art militaire: « fi l’on*
veut, dit cet habile général, avec fon aile droite,
battre la gauche de l’ennemi, ou au contraire , on
mettra fur cette aile le plus grand nombre Si les mei'r
leures.de fes troupe9,, 8c on marchera à grands pas
de ce côté-là, les troupes de la première 8c de la
fécondé ligne avançant également, au lieu que.
l’a titre aile marchera lentement , ou ne branlera
point du tout ÿ parce que tandis que L’ennemi fera-
en fufpehS yOu avant qu’il s’apperçoive du ftrata-
gème, ou qu’il ait Songé à y remédier ,, il verra«
fon côté foible attaqué par le fort-de l’ennemi, tandis
que fa partie 1a plus forte demeure oifive , 8c
eft au-défefpoir de ne rien faire ». S’il fe rencontre
de ce côté là. quelque village ,• Montécuculi con-
féillè d’y mettre le Feu , pour empêcher l’ennemi
d’attaquer certe aile ÿ,8c lui*ôter la connoiffance de-
ce qui fe paffe.
M. le marquis de Santa-Cruzr, qui admet dan&
le cinquième ‘volume de fes réflexions militaires r
cette même difpofition de combattre ,-lorfque Totat
a des troupes qui ne font pas ’également bonnes ,
obferve trois chofes qu’il eft bon de rapporter ici-
en peu de mots.
La première, c’eft qu-il faut commencer de loin-
ORD
î inclinerinfenfiblement la marche de la.Ie oui on
a mis fes meilleures troupes. .
La fécondé . qu’il faut toujours mettre le
troupes fut lefquelles on compte le plus vis-a-vis
les foibles de l'ennemi. , , . .
Et la troifième, « qu’il faut chmfir le terrein le
plus avantageux pour l’aile qui doit attaquer ,
couvrir l’autre, fi la chofe eft pofltble, par un ra-
vin , nn canal, un bois, ou une montagne., afin
que ces obflacles détournent les ennemis de- vonloir
vous attaquer par ce côté-là. Lorfque ces ava
taees ne fe-rencontrent pas, on peut couvrir ce t
aile par des chevaux de frlfe, des tranc iees ou retranchements
de charrettes, beaucoup U artillerie.».
La troifième difpofition ne différé de la precedente
, qu’en ce qu’on engage le combat par la
gauche, ail lieu de le faire par la droite.
La quatrième difpofition confifte à engager e
combat par les deux ailes,en tenant 1e centreêloi-
g né de l’ennemi. . ,
Pour réuflir dans cette difpofition fans craindre
pour l’infantetie , qui fe trouve pour ainli dire
abandonnée de la cavalerie, voici cequ il faut taire
félon M. le maréchal de Puyfégur , qui entre à ce
ftij et dans un détail un peu plus circonftancie que
Végèce.
« Quand les armées font à cinq ou fix cents pa
au plus l’une de l’autre, il faut que celle qui e
füpérieure en cavalerie faffe doubler, le pas a *es
ailes pour aller attaquer celles de l’ennemi, & qu en
marchant, fon aile droite fe jette un peu lur a
gauche, pour déborder par les flancs celles qu elles
vont attaquer, en fe tenant un peu obliques pour
ne pas trop approcher les efeadrons qui joignent
l ’infanterie, afin de les obliger par-la de fe déplacer
s’ils veulent vous venir attaquer. Alors s us ||j
font, il s’enfuivra qu’ils ne feront plus protégés
de l’infanterie. Dans ce cas, il eft confiant que
tout l’avantage eft pour l’armée dont les-ailes iront
attaquer; Si comme ces charges de cavalerie font
bientôt décidées avant que les lignes de 1 infanterie
en foient venues aux mains , le combat aux ailes
fera fini >*.
M. de Puyfégur ajoute qu’il y a plusieurs
exemples de batailles dans lefquelles les ailes de
cavalerie fe font ainfi chargées avant l’infanterie;
mais il croit que cela eft arrivé plutôt par liafard
que par deffein , Si il en donne une raifon bien
naturelle : c’eft que la cavalerie allant plus vite
«qi^e l’ infanterie , fi ceux qui la conduifbnt ne la
contiennent pas dans fa marche , elle eft plutôt
aux mains que l’infantçrie.
Comme il eft affez ordinaire, lorfque la cavale*
fie a ainfi battu celle de l’ennemi, qu’elle s’emporte
toute à la pourfuivre , Si qu’elle compte le
combat fini pour elle , M. de Puyfégur obferve
u que ceux qui font habiles & qui ont des troupes
dreffées , n’en laiffent aller qu’une partie pour empêcher
l’ennemi dé fe rallier, 8i qu’avec le furplus
ils vont aider leur infanterie à battre celle de l’en-
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nemi en la prenant par les flancs & par derrière »
La cinquième difpofition ne diffère guère de la
quatrième , on couvre feulement Je centre par des
troupes légères qui empêchent l’ennemi d'en approcher,
Cette précaution le met plus en fureté ,
& quel que foit l'événement de l’attaque qui fe
' fait par les ailes, il n’eft pas abfolument aban-
donnéàlui-mêtne. .
Obfervons à cette occafion .que les anciens fat-
foiem de leurs troupes légères un itfage différent
de celui que nous faifons des nôtres. Elles conftf-
to'ient particulièrement en archers & en frondeurs ;
ces troupes couvroient, dans Vordre de bataille,
celles qui étoient deftinées à combattre d; pied
ferme ; elles fervoient à commencer le combat.
Après qu’elles avoient lancé leurs traits fur l ’ennemi
, elles fe retiroient par les intervalles des
troupes en bataille, pour aller fe placer derrière &
agir fuivant les différentes occafions ; ainfi le centre
dans la difpofition dont il s’agit étant couvert de
ces gens de trait, trouvoit une proteélion qui le
mettoit à couvert d’une attaque brufque.
La fixième difpofition eft prefque femblable à
la fécondé & à la troifième. Dans cet ordre on
choque, pour ainfi dire , l’armée ennemie perpendiculairement
avec une aile fortifiée des meilleures
troupes, & on tâche de la percer & de la mettre
en defordre. Suivant Végèce & M. le maréchal de
Puyfégur, cette-difpofition eft la plus avantageufe
pour ceux qui, étant inférieurs en nombre & en
qualité de troupes , font obligés de combattre.
Pour former cet ordre, l’armée étant en bataille,
& s’approchant de l’ennemi, il faut joindre votre
aile droite à celle de la gauche de l’armée oppofée ,
& combattre cette dernière aile avec vos meilleures
troupés , dont vous devez,avoir garni votre
droite Pendant ce combat on doit tenir le refte de
la lu-ne à-peu-près perpendiculaire au front de
larmee ennemie; fi, par ce moyen , on peut la
prendre en flanc & par derrière, il eft difficile
qu’ elle puiffe éviter d'être battue; car votre poft-
tton , prefque perpendiculaire au front de cette armée
’, l’empêche d’être fecourue par fon aile droite
& par le centre. , _ . . .
Ce fut fur cet ordre qu Epamtoondas combattit a
Leuétres St à Mantinée ; mais au lieu qu'à -Leuéires .
il étoit tombé fur l’une des ailes de l’armée ennemie
, à Mantinée il dirigea fon attaque fur le centre,
affurè , dit Xénophon , qu’avec fes meilleures
troupes il enfonceroit l’ennemi, & qu’après avoir
fait jour à la bataille , c’eft-à-dtre au centre, il don-,
n e roit l’ ép ou v an te au re f te .
Enfin la feptième & dernière difpofition générale
de Végèce, ne confifte guère qu’à fe conformer
au terrein pour mettre 1 armée en état de fe
foutenir contre l’ennemi en profitant de tout ce
qui peut affiner fa pofition , foit par des fortifications
naturelles ou artificielles. ,
I U eft évident que les fept difpofitions précédentes
peuvent être réduites à cinq, comme nous
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