
10 H A B
pendant la guerre , fe trouver dans le coeilr de l’A llemagne
, ou dans le centre de l’Italie. Pendant la
paix, ils font tranfportés fouvent du milieu des
froides Ardennes , dans les vallons brûlants de la
Provence, & quelquefois les nuits du printems &
de l’automne font auffi fraîches au milieu de la
France que les journées font ardentes.
2°. Il doit garantir de la pluie non-fcülement F homme
t mais encore fes armes, fe s munitions de guerre &
les effets renfermés dans fon fae. Cette dernière condition
paroîtra inutile à ceux qui cfoyent que nos
gibernes mettent la poudre à l’abri de l’humidité,
& que nos havrefacs garantiffent de la pluie touts
les effets du fantaffin. Mais quiconque s’eft donné
la peine de vifiter les foldats qui venoient de faire
une longue marche , pendant une forte pluie , a
bien vu le contraire.
3°. Il doit être fait de façon que les différentes parties
n en foient pas mouillées à-la-fois. Si toutes les
parties de Y habillement font en même temps atteintes
par la pluie , comment le foldat fera t il quand
11 fera arrivé dans fon camp ou dans fon logement?
Comment ira t-il à l'étape, aux diftributions, &c. ?
4°. Il faut quil ne gêne l'homme ni dans les marches
ni dans les exercices. Tout vêtement qui peut diminuer
la foupleffe des articulations, ou fufpendre I
la circulation du fang , nuit à la fante, ou fait ■
au moins fouffrir de grandes douleurs à celui qui le
porte.
5°. Il doit être fimple ; tout pli inutile, tout bouton
fuperflu , en un mot, tout ce qui n’efl pas indif-
penfablement néceffaire en doit être banni.
6°. Il ne doit rien dérober à la beauté des formes de
celui qui le porte. Le français eft vain des dons de
la nature ; il fautfe garder d’éteindre cette vanité
fur-tout parmi le foldat. C ’eft elle qui fait fouvent
d’un joli homme un joli garçon. Ces trois mots défi-
gnent dans le langage' foldatefque un homme qui
poflede un grand nombre de qualités militaires
heureufes.
7°. Le cojlume du militaire françois doit différer du
coftume civil. Ainfi le coftume militaire fera moins
fournis aux caprices de la mode , & il fera naître &
croître l’efprit militaire. Si cette obferYarion eft
vraie, elle eft importante, fur-tout chez un peuple
où les défenfeurs de la patrie forment une claffe à
part.
8°. L'habit militaire doit fervir de couverture au foldat
quand il efl fous la tente , 6* d'abri quand il eft au
bivac.
2°. Il doit être d'un entretien facile,
i o°. Aifè à réparer.
i i ° . Peu coûteux.
ia°. Peupéfant.
1 3°. Aifé à mettre &• à ôter.
Examinons maintenant fi quelques-uns des habillements
connus remplit soutes ces conditions*
§. n .
Examen du cojlume aêluel de notre infanterie.
L’habit de l’infanterie françoife eft l’habit national
; il mérite donc les reproches que M. de BufFon
lui a faits. De toutes les efpèces de vêtements, dit
l ’inimitable peintre de la nature, nous avons choifi
l’une des plus incommodes ; notre manière, quoique
généralement imitée par touts les peuples de
1 Europe , eft celle qui demande le plus de temps ,
& qui paroît la moins affortie à la nature , &c.
Nous venons d’écouter un grand phyficien » entendons
un homme de guerre non moins célèbre.
L’habillement des troupes françoifes , dit le marér
chai de Saxe, eft incommode & coûteux. Le foldat
n’eft ni couvert ni vêtu. -
Les nouvelles conftitutions militaires, ouvrage
qui renferme plufieurs idées utiles , blâme auffi les
formes générales de notre coftume militaire.
L’auteur du foldat citoyen s’exprime de la manière
fuivante fur notre habillement aêluel : « les
foldats font continuellement expofés à la pluie &
au froid ; l’impoffibilité où-ils font de fe garantir
de l’une & de l’autre , a toujours occafionné dans
nos armees des maladies qui en ont fait périr une
partie ; comment, après des expériences auffi fouvent
réitérées , pourroit-on héfiter de donner à nos
troupes un vêtement qui les défende contre l’intempérie
des faifons & conferyer leur force & leur
famé».
Après avoir parlé des qualités que doit réunir un
vêtement militaire, M. le B. D. B. dit : « celui que
le foldat porte aujourd’hui n’offre aucun de ces
avantages ; il confume beaucoup d’étoffe, il a une
Longueur qui devient inutile » puifqu’elle ne peut
fe boutonner au-deffous des revers, & quand on
le feroit boutonner, les bafques ne rempliroient
pas encore leur objet ; elles feroient infuffifantes
pour couvrir les cuiffes & les genoux ; & elles ne
ferviroient qu’à gêner l’homme dans fa marche.
Cet habit eft très incommode pour les exercices ;
le foldat ne peut pas le fupporter l’été ; auffi avons
nous vu touts les régiments fe mettre en vefté fix
mois de l’année ; & ménager leurs habits qui , fans
cette économie, fe trouvent en peu de temps per-
I cés entre les épaules & aux coutures des coudes.
I L’homme n’ eft point habillé de la manière la plus
faine , ayant l’été & l’hiver le même vêtement ».
D ’après ces décifions , nous pouvons nous dif-
penfer de pouffer notre examen plus loin ; car il
nous paroît prouvé que notre coftume militaire
n’efl: pas auffi bon que nous le croyons.
§• m .
Habillement du maréchal de Saxe, de Fauteur des
nouvelles eonftitu: ions militaires de MM. de Saint-
Germain , de Servan & le B . D. B.
1 Je voudra.s, dit Maurice, « que le foldat eût
une vefte un peu ample avec un petit buffle fait en
foubre-vefte , un manteau à la turque avec un Capuchon
; ces manteaux couvrent bien & ne contiennent
que deux aunes & demie de draps ; ils
pèfent peu & coûtent peu. Le foldat auroit la tête
& le col à couvert de la pluie & du vent ; & ,
étant couché, il feroit confervé, & auroit le corps
fe c , parce que cet habillement ne porte point fur le
corps ; le foldat le fèche à l’a ir, dès qu’il fait un
moment de beau temps. Il n’en eft pas de même
d’un habit ; dès qu’il eft mouillé , le foldat en ref-
fent l’humidité jufqu a la peau , & il faut qu’il lui
fèche fur le corps : l’on ne doit donc pas être étonné
de voir tant de maladies dans une armée : lés plus
robufles y réfiftent le plus longtemps, mais à là fin
il faut qu’ils fuccombent. Si l’on ajoute à ce que je
viens de dire, le fervice que ceux qui fe portent
bien font encore obligés de faire pour ceux qui
font malades, pour les morts , les bleffés , les dé-
fertés & les commandés, on ne doit pas être étonné
de v o ir , à la fin d’une campagne , cent hommes
par bataillon avec les drapeaux. Voilà comme les
plus petites chofes influent fur les plus grandes ».
« Mais je reviens à mes manteaux. Comme ils
contiennent peu d’étoffe , ils font légers , ils peuvent
fe rouler & s’attacher le long de la giberne ,
ce qui ne fait point du tout un vilain effet, & le
foldat en vefte a toujours l’air ingambe 6c lefte. Ces
manteaux peuvent durer quatre ans ; & les veftes',
à caufe de la foubrevefte »peuvent auffi durer quatre
ans ; ainfi Y habillement feroit moins coûteux ,
plus fain , & pour le moins auffi parant ».
M.xle Se rvan propofe une culotte de tricot qui
viendroit aboutir au talon , un gilet de drap avec
des manches : par-deffus une vefte à la matelotte
fans parement faillant, la manche tournée fur le
côté du bras, le parement coufu fur la manche , &
une redingotte dans la forme de celles que nous
appelions actuellement des angloifes , defcendant
quatre ou fix pouces au-deffous du genou.
L’auteur des nouvelles conftitutions militaires
voudroit « que le foldat eût un gilet de tricot doublé
de ferge, avec des bavaroifes qui croiferont de
toute la largeur de la poitrinè , & qui commenceront
à hauteur des dernières côtes. Ce gilet aura
des manches & defcendra jufqu’au bas d.e la ceinture
de la culotte , à laquelle il s’attachera au bas
des hanches par deux boutons ; il y aura à ce gilet
un petit collet pour emboîter une partie du cou, la
poitrine du foldat étant bien couverte, il fera moins
fujet aux maladies ».
« Il auroit une culotte de peau à pont-levis fort
élevé, avec trois boutons de chaque côté. Il faut à
cette culotte une grande|ceinture de tricot doublée
de toile ; cette ceinture aura huit pouces de haut &
«x boutons ; elle fera faite de façon- à emboîter les
hanches & les reins. Outre que ces ceintures garan-
’ elles,foutiennent les reins, à cheval
& a pied, de façon à faire foutenir plus longtemps
la fatigue ; î ’ufage que j’en fais depuis plufieurs années
m’a fait connoître toute leur utilité ».
«Les culottes feront faites en canons, c’eft-à-
dire fans être ouvertes en bas à côté des cuiffes ;
elles dépafferont le jarret de deux pouces ; la jarretière
de la culotte gêne en marchant».
« Sur le gilet, le foldat aura une vefte ample, &
croifée avec des petits parements ouverts & un
colet qui lui enveloppera le cou ; cette vefte , qui
ne paffera pas le milieu des cuiffes , fera fans poches
, & aura pour la bonne grâce des revers de la
même couleur que fes parements, qui feront plus
ou moins longs & larges de deux pouces feulement
; il faut, autant qu’il eft poffible , ne jamais
mettre de poches à Y habillement du foldat ; il les
emplit continuellement de mille drogues qui, non-
feulement craffent fes habits, mais qui les déchirent
; & comme il leur faut une poche pour
mettre leur mouchoir, leur tabatière 6c leur cuil-
lier, ils auront chacun une fabre-tache de peau ,
couverte en-deffus de drap qui fera attachée à leur
ceinturon ».
« Les bafques de la vefte doivent être jointes par
le bas fur les côtés ».
« Joignons à tout ceci un manteau pour les foldats
& bas-officiers ».
« Ces manteaux faits, de deux aunes & demie de
drap environ, ne pafferont pas le jarret, & auront
un capuchon, ou du moins un quarré d’étoffe qui
tient lieu de rotonde , & q u i, relevé , enveloppe
la tête 6c tient par-là lieu de capuchon; les huffards
hongrois les portent ainfi ».
M. le B. D. B. décrit ainfi fon habillement : « au
lieu d’habit le foldat auroit une vefte de drap blanc
coupée à la manière-hongroife, c’eft-à-dire à taille,
fe boutonnant avec aitance dans toute fa longueur
, qui auroit pour mefure de defeendre , étant
boutonnée, à deux pouces au-deffous de la ceinture
de la culotte ; cette vefte auroit un collet montant
, des revers & parements de couleur, pour
marque diflinélive des régiments ; le parement feroit
fermé par deux petits boutons ; il y auroit fur
toutes les coutures de la vefte & des manches,
une gance en poil de chèvre blanc, de largeur de
trois lignes ; on prariqueroit aux coins des bafques
de chaque devant, une petite poche fiiffifammenu
grande pour contenir un mouchoir feulement.
Cette vefte auroit deux épaulettes de drap de la
couleur diftinétive ; elle feroit doublée de cadis
blanc, & garnie de bouton de métal jaune au nu-,
méro du régiment ».
« Chaque foldat auroit un gilet d’eftamette
blanche façonnée, fans poches & fans manches , &
defcendant jufqu’à la couture de la ceinture de la
culotte ».
« La culotte de drap blanc , faite en pantalon
coupée à la hongroife, fans couture en-dedans, bridée
fous le pied par une bretelle de drap à boucle.
Il n’y auroit d’autres boutons que trois à la ceinture
6c trois au pont-levis> deux boucles derrière
B ij