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mais alors pour ne pas manquer à la foi publique ;
il eft néceffaire de faire précéder un prétexte de
rupture quelques heures auparavant d’exécuter la
furprifel '
Scipion l’Africain furprit, par cet artifice, 1 armée
de Siphax , roi de Numidie.
Les ennemis feront encore moins fur leurs gardes
, fi vous vous tenez éloignés d’eux à une dif-
tance qu’il paroiffe que vous êtes hors de portée de
pouvoir entreprendre une furprife , qui peut néanmoins
réuffir par les ftratagêmes que je propoferai
dans la fuite.
De la faifon, du jour & de Vheure les plus propres
pour une furprife.
Si les ennemis ont un grand détachement hors
de la place ou du porte que vous avez deffein de
furprendre, & fi vos efpions vous donnent cet avis
affez à propos pour pouvoir être prêt à entreprendre
la furprife avant que ces détachements
rentrent dans la place , profitez de cette conjoncture
, parce que trouvant moins d’ennemis , la re-
firtance fera moindre.
En 1579 les troupes des Provinces-uni es fur-
prirent Méénen fans beaucoup de difficulté, parce
que la nuit qu’elles firent ce coup, il y avoir hors
de cette place un détachement confiderable qui
étoit en marche pour aller furprendre Courtray.
Lorfque quelques troupes des ennemis font arrivées
à un quartier, ou que de ce partage elles font
venues dormir en un lieu ou il n y en a pas d autres
qui y foient déjà logées , fi ces troupes fur-
tout ne connoiffent pas bien ce porte , & fi la
marche qu’elles ont faite le jour de leur arrivée a
été rude, à caufe de la longueur ou de la qualité
du chemin , c’eft une occafion très favorable pour
les furprendre cette même nuit ; car les foldats
harraffés du voyage , feront négligemment U: fer-
vice 'y les officiers voyant la laffitude des foldats,
ne nommeront que des gardes peu fortes ; le commandant
, s’il n’eft pas cîrconfpeél, fouffrira que
les foldats logent dans les maifons des habitants ;
arrivant lui-même tard ou fatigue, il ne recon-
noîtr3 que fort à la hâte les endroits où il doit po-
fer fes gardes & fès fentinelîes ; tout cela^ne peut
que caufer beaucoup de confufion lors d’un ç furprife.
. A f .1
Les troupes qui ignorent de quel cote il y a
plus ou moins de danger, ne fauront pas accourir
à celui qu’il feroit plus néceffaire de défendre. Ce
ne fera pas même affez que deux ou trois de leurs
officiers ayent été autrefois dans ce lieu & en
ayenr obfervé la fituation, parce qu ils ne peuvent
fe trouver dans touts les endroits que vous mettez
en alarme ou que vous attaquez, Les gardes, accablées
de fommeil & de fatigue, ne feront pas
fort vigilantes ; les foldats logés tarderont à s’habiller
& à fe joindre , & quoique le commandant
les aye prévenus qu’en cas d’alarme ils ayent à
S U ÏL
fe rendre à la place, plufieurs ne s’y rendront pas
d’abord ; d’ailleurs eft-il naturel que pour une
feule nuit , on prenne la précaution d’ordonner
qu’en cas d’alarme tant de compagnies ou de bataillons
accourent à telle avenue , ou à telle porte,
ou à telle partie de muraille , & tant de compagnies
à tel autre endroit , &c. ? Ainfi , en commençant
par faire feu dans différents côtés , les ennemis
viendront vers vous en un plus grand nombre
qu’il ne faut, & bifferont les autres fans défenfe ;
dans cette confufion , le feul hafard fera agir.'
C ’eft par ces raifons que le marquis de refeara,
en 152a , fe détermina à furprendre les troupes
Françoifes qui venoient «Centrer dans Lodi.
Si le lieu où les ennemis arrivent n’a jamais été
place de guerre, ou s’il y a longtemps qu’il a celle
de l’être, il ne fera pas fermé de murailles , ou il
y aura diverfes brèches, foit parce que les habitants
n’auront pas ou le foin de relever les murailles
ruinées, foit parce qu’ils les auront ouvertes
exprès, pour pouvoir aller de leur maifon
à la campagne fans être obligés de faire un détour
pour venir fortir par les portes ; peut-être
même les troupes nouvellement arrivées à leur
quartier ou à ce lieu de partage n’auront que peu
de munitions. Il y aura fouvent une grande disproportion
entre le nombre de ces troupes, qui
ne font que paffer, & la grandeur de l’enceinte de
la ville où elles logent. J’examinerai toutes ces cir-
conftances en traitant de la guerre offenfive.
L’hiver eft la faifon la plus propre pour les fur-
prifes, parce que la longueur des nuits donne le
temps d’arriver au porte avant îe jour ; parce que
le froid rend les fentinelîes pareffeufes, & les foldats
des gardes peu agiles dans les premiers moments
qu’on donne l’alarme ; au lieu que ceux qui
entreprennent la furprife ont vaincu la rigueur du
froid dans l’agitation de la marche. L’obfcurité &
le vent qui accompagnent ordinairement les nuits
d’hiver , favorifent vos troupes pour n’être vues ni
ouïes des ennemis que lorfqu’elles font déjà attachées
aux murailles, ou qu’elles font tout-a-fait
proche des ennemis ; du moins cette obfcurite fert
pour commencer la furprife. Il eft vrai que dans les
premières heures,avant que d’approcher des gardes
avancées des ennemis, la clarté de la lune vous
feroit favorable , afin d’éviter les faux pas , les
chûtes & le retardement , afin d’empêcher que
quelques foldats ne s’écartent & ne défertenr pour
aller donner avis aux ennemis du mouvement que
vous faites ; ce qui feul fufljroit pour faire échouer
la furprife. % _
Polybe parlant de Cléomène, roi de Sparte , qui
ne réuffit pas à furprendre Mégalopolis , parce
qu’il f u t jour avant que ceux de Sparte a-rrivaffent
à cette place, dit que Cîéomeoe auroirdû conficie-
rer qu’il n’étoit pas poffible de faire un fi long
chemin dans une des courtes nuits de cette faifon.
Brafidas , capitaine Lacédémonien , marchant
pour aller furprendre Amphibolis avec beaucoup
SUR
de joie du froid qu’il faifoit , fe perfuada qù*il
trouveroit les ennemis moins prompts à s’oppofer •
àfon entreprife. . . . . c .
Dans le confetl qu Antiochus , roi de Syrie ,,
tint avec Lagorias Candiôt, avec Théodote Eto-
nien , & Denis , capitaine de fes gardes , il fuC ré-
folu, pour furprendre Sardis,- de^choifir. une nuit
où il n’y eût pas de clair de lune , vers le point du
jour, qui étoit l’heure déterminée pour commencer
l’expédition.
Les nuits de pluie .font les moins favorables ,
parce que les foldats pied venant à gliffer & à
tomber, fouvent fracaffent leurs armes & arrivent
fatigués , fans coeur & mal difpofés à fe battre1; fi
la pluie eft de durée, les cartouches , les fourniments
& les platines fe mouillent, quelque foin
qu’ils prennent de les couvrir de leurs cafaques ;
pendant que les ennemis qui fe trouvent dans un
quartier ou dans une place auront, à la faveur des
corps-de-garde ou des ca fer nés, leurs fufils fecs
& en état ; la pluie vous fera néanmoins avanta-
geufe, lorfque, fupérieur en cavalerie , en piquiers
ou en hommes adroits à manier l’arme blanche ,
vous voudrez furprendre des ennemis qui font
campés.
Les furprife s , pour l’ordinaire , s’exécutent un
peu avant le jour, heure à laquelle les ennemis
dorment plus profondément, 6c à laquelle leurs
gardes & leurs fentinelîes font moins vigilantes.
Les furprifes qui réuffîffent le mieux, font celles
qui font entreprifes par des troupes qui viennent
de loin , parce que les ennemis , qui n’avoient pas
lieu de fe défier, font moins fur leurs gardes; fi
vous arrivez vers le, point du jour, vous avez plus
de temps de finir la marche fans la précipiter , de
manière que vos foldats foient enfuite incapables
de foutenir les fatigues du combat.
Vefpafien furprit Jotapat au point du jour ,
quoique fes ennemis duffent être attentifs contre
toute furprife, puifqu’il y avoit quarante-fept jours
que Vefpafien les attaquoit ; cependant Jofeph
rapporte que même ceux qui étoient de garde ne
peuvoient pas furmonter le fommeil dont ils
étoient accablés à cette heure , & que par-là les
Romains fe rendirent maîtres de la plaée prefque
auparavant qu’on fe fût apperçu qu’ils étoient
dedans.
Solis, qui rapporte comment Fernand Cortez
ïéüffit à furprendre les troupes de Pamphile de
Narvaez , s’exprime ainfi : Il marcha lentement ,
pour ne pas fatiguer fes foldats , & pour donner le
temps à la nuit de fe mieux emparer de fon ennemi.
Enfin l'heure qui approche du point du jour eft
favorable , parce que peu après être entré dans le
porte furpris , la lumière du matin vous fert pour
empêcher les défordres & les violences auxquelles
iobfcurité de la nuit donne lieu , & pour voir
quelles précautions il eft à propos de prendre ,
mppofé que les ennemis défendent une partie de
la ville ou du bourg.
SUR 615
Nonobftartt ce qüe je viens de dire , il vaut
rnieù* arriver deux heures avant le jour qu’un
quart d’heure après; car on peut être affuré que
la furprife eft manqUée i, fri, avec le jour, les ennemis
viennent à ^découvrir vbs gens ; j’en avertis,
de peur qu’on ne s'imagine de pouvoir fup-
puter au jüfte îe temps de, la.marche , qui. retarde
toujours plus qu’on ne l’avoit cru ; parce que
l’idée n’eft pas fujette aux faux; pas que font le
pied , fur-tout quand on marche de nuit & par
un chemin rude ; d’ailleurs il faut .-au moins , à une
demi-lieue de la place , Vous; arrêter un quart
d’heure pour y prendre certaine nirefiire dont il
fera parlé dans la fuite ; ainfi mettez-vous en marche
deux heures plutôt qu’il ne vous paroît abfo-
lument néceffaire pour arriver à la pointe du jour.
Le général Portugais qui , fous le règne de
Philippe IV , roi d’Efpagne , tenta de furprendre
Valverdé, ne commença à' fe mettre en marche
qu’à l’heure qui lui fembla jufte pour arriver pré-
cifément au point du jout;,; mais ler jour parut
avant que les Portugais euffent pu fe rendre de-,
vant la place, & la furprife fut manquée. En 1708 *
la même faute fut faite par dom Frédéric Schover ,
alors colonel de l’empereur , lorfqu’il fe mit en
marche depuis le.ppnrçle Mont?gn^na, pour venir
furprendre à G raus, les, régiments 4 ’infanterie des
Afturies & de Navarre. • || > h ;
Si on a-coutume ,,dans cette place, de changer
les gardés au point du jour vous commencerez
votre, furprife deux heures auparavant , pour ne
pas trouver fous lès armes les officiers & les foldats
qui doivent monter la garde, ou tout au moins
pour ne les pas rencontrer éveillés & vêtus.
Le prince Eûgèhérie manqua de réuffir entière-]
ment à furprendre Crémone, que parce qu’un régiment
Irlandois qui devoit, au point du jour ,
paffer en revue , ou marcher vers une autre place ,
fe trouva fous les armes, & qui fit une fi ferme
réfiftance , qu’ii donna le temps au refte de la
garnifon de prendre les armes, & de charter les
Allemands , qui étoient déjà entrés dans la ville.
Vous ne devez pas non plus arriver au lieu que
vous voulez furprendre avant que les habitants
& les troupes ayent eu le temps de fe retirer pour,
fe coucher & s’endormir.
Une des fautes, félon Polybe, que fit Philippe V
roi de Macédoine, lorfqu’il tenta de furprendre
Mélitée, eft d’être arrivé à la place lorfqu’on y
étoit encore éveillé.
Si les ravins & les bois déferts, ou habités par
des hommes fort affe&ionnés à votre prince, vous
donnent lieu de cacher la fin de votre marche , 6c
fi vous favez que la vigilance des ennemis ne s’étend
pas au-delà de la nuit, vous pouvez tenter
de les furprendre de jour, en employant les rufeâ
que vous trouverez les plus propres parmi celles
qui feront propofées dans la fuite.
Le chevalier de Meizo , dans le chapitre IV du
livre 4 de fes Règles militaires, dit que l’ennemi qui