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cela qu'à donner la charge jufte, il eft certain qu'on
portera le boulet où l’on voudra.
Quand on ne pourra pas placer, le ricochet di-
reâement fur l’enfilade , il faudra l’ajufter un peu
plus au-deffus ou au-deffous ; il ne laiffera pas
d’être encore bon 8c de faire effet, mais moins que
quand il eft dire&ement.
Au furplus , lorfque la fituation eft. tellement
avantageufe qu’on ne peut pas trouver où placer
des batteries a ricochet, il faut avoir recours aux
batteries direfies, 8c les faire croifer tant qu’on
peut. Mont-Royal, ci-devant une des meilleures
places de l’Europe, étoit abfolument inacceflible
au ricochet, de quel côté qu’on pût fe tourner.
Toutes les places qui font fituées fur des élévations
plus grandes que 12 ou 15 toifes , font
prefcfue hors d’atteinte du ricochet , parce que
quand il faut pointer le canon fi haut, l'affût ne
le peut foutenir , ou bien il faut mettre une charge
fi foible , que le boulet n’a pas la force de s’élever.
Contre ces fortes de places , on trouve ordinairement
de l’avantage à couler le long des rampes ,
on n’y eft pas tant vu , 8c le terrein y eft meilleur ;
mais il faut en même temps marcher par le haut,
autrement les forties feroient fort dangereufes pour
les tranchées qui fe trouveroient dans le bas.
Il y auroit beaucoup d’autres choies à dire fur
l’attaque des places de toute efpèce , mais on n’au-
roit jamais fait ; car comme il n’y en a pas une
qui fe reffemble de figure & de fituation , il n’y en
a point qui n’oblige à mettre quelques diveriîtés
dans les attaques, & lorfque l’obfervaîion des
règles devient im poffible- en tout, ou en partie, il
faut que le bon fens y fupplée ; mais il faut toujours
les avoir en vue, 8c ne s’en éloigner que le
moins que l’on peut. Il y en a même de générales'
qui fe peuvent obferver prefque par-tout ; comme
de ne fe pas enfiler fans couvrir l’enfilade par des
traverses , de ne point faire de lignes inutiles,. de
marcher à la fape dès que la tranchée devient dan-
gereufe, d’appuyer toujours la tranchée par de
bonnes lignes parallèles, ou place darmes, & de
placer la dernière tout contre le chemin couvert.
A quoi,- fi Ton ajoute le bon ufage des batteries de
toute efpèce, on ne fera que très peu de faute
quelque place que l’on puiffe a Siéger.
'Attaques des places fur des fommets ê t montagnes <S*
fur des efearpements* '
Dans l'exemple précédent, nous avons fuppofé
que la place-étoit fituée fur une hauteur médiocre ;
mais il s’en trouve de beaucoup plus élevée, fur
des fommets de montagnes .& fur des rochers pref-
qu’inaccèffibles , avec des efearpemenrs naturels ,
ou faits à la main , qui les fortifient confidérable-
ment, ce qui mérite bien qu?on en éclaireiffe les
attaques un peu plus amplement'.
U y eu a qui n’ont d’accès poffible que par les
avenues de leurs entrées , qui font pour l’ordinaire j
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étroites , pîerreufes & pleines de rocs, dont la
fuperficie eft pelée , les abords très peu fpacieux
pour des attaques , & nullement propres pour les
batteries à ricochet 8c les places dacmés , ni même
pour les petits cavaliers du chemin couvert ; telle
eft en partie Luxembourg , 8c tel étoit Mont-
Royal - la - Mothe , Clermont en Argone , Hom-
bourg & Bitchs , petites villes qui étoient très
bien fortifiées en leur temps , dont la plupart font
démolies.
De telles places font ordinairement petites & incommodes
pour les abords du commerce nécef-
faire à leur entretien , fujettes à manquer d’eau ,
très aifées à bloquer , 8c de très petite coni’é-
qùence pour la guerre de campagne, à moins
qu’il n’y ait des villes qui leur foient attachées,
auxquelles elles fervent de citadelle. Celles qui
n’en ont poirlt ne font bonnes qu’à établir les contributions
, inquiéter les pays voifins, & les armer
par leurs partis. Tels font en Franche Comté le
château de Joux , le fort Saint-André, 8c le château
Belin , 8c plufieurs autres \ & , tels furent encore
Longwy & Clermont, Scirick £c Mou2on ,
fiir les frontières de Champagne 8c de Lorraine.
Dans les fiècles pafles, il y en avoit une infinité
d’autres; car on ne fortifioir guères que fur des
hauteurs prefque inacceffibles , qui ont été démolies
& la - plupart abandonnées , à eaufe de la
difficulté de leur accès, parce que ces places ne
peuvent contenir que des garnirons foibles $c do
peu d’entreprife : on a ’ÿ peut faire d'entrepôts ni
de magafins pour les armées , à caufe de leur pe-
titeffe 8c de la difficulté de leurs abords , toujours
roides , difficiles 8c embarraffants pour les char-
riots ; mais elles font excellentes pour contenir les
pays„conqüis à peu de frais , inquiéter le pays ennemi
& y étendre la contribution ; il en refte encore
un grand nombre de femblables dans les pays
de montagnes fLil, y en a fur-tout dans le pays d’Ar-
ragon , de Valence & dans la Catalogne , qui ont
donné beaucoup d’affaires aux armées d’Efpagne
8c qui ont empêché pendant longtemps là reddition
entière de ces royaumes , comme Venafque ,
Solfone., Cardone & antres. |
Les fièg^s les plus convenables à la reddition de
ces places font des blocus de y , 4 , 5 , 6 , 7 & R
mois ; pendant ce temps-là leurs munitions fe-
conforment, 8c leurs garnifons s’affoibliffent par
la déferrion ; fi eda ne fuffit pas pour lès réduire ,
on prend fon temps pour les attaquer. C’èft ainfi<
que fe firent les fiègesde Clermont & de -Mouzon r
après avoir été bloqués des cinq ci fix mois. ' >
Quand ces fièges commencent par dès blocus,
on faifiï les avenues, on refferre l'es places leplus-
près que I-oô peiit:; on les circonvalle quelquefois
par des lignes & des forts, quand1- elles font un
peu confidérables , on prend enfin toutes les me*
fures poffibles pour empêcher qa’il n’y entre ni;
fecours ni vivres
De tels blocus ne fe pratiquent plus guères., &
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deouls le liége de Perpignan par le roi Loms X I I I ,
É c n’avons VU en France que celui de M®nt-
S a n A en Italie celui H pendant la
dernière guerre; en Allemagne , Hongrie, Tran-
filranie, Croatie, Dalmatie , on a eu fouvent re-
* , « à cet expédient, auffi bien que dans les dernières
guerres de l’empereur , & des. Vénitiens
contre les Turcs, qui ont été termines par le traite
de Carlowitz en 1698.
Les blocus fe font par des corps médiocres, ils
prennent-des quartiers à quelque d,fiance de U
place d’où ils harcellent fans ceffe la garmfon N
les habitants par des partis, en rodant autour, bat.
tant l’eftrade le jour & la nuit fur les avenues
pour empêcher que rien n’y entre ni n en forte,
g Onand ce blocus fe convertit en ftege réglé ,
on refferre davantage la f ia « , & apres avotr pris
toutes les précautions poffibles contre les fecours,
& fait les préparatifs néceffaires, on ouvre enfin la.
tranchée par les avenues les plus pratiquâmes ,
fur quoi on dojt obferver trots choies :
i°. D ’éviter touts les endroits inaccefhbles.
2.0. De ne point attaquer par des rampes unies
& fort roides , le long defquelles les ennemis
puiffent rouler de groffes pierres , bombes, barrils
foudroyants, chevaux de frifes roulants, des char-
riôts chargés de pierres 8c de feu, & autres artifices.
3°. De ne point attaquer par des lieux trop fu-
jets aux plongées de la place, & tout.à-fait dénués
de {filiations, qui puiffent avantager les batteries
& plaçes d’armes , mais bien par les plus accef-
fibles & ©ù le terrein fera moins contraire ; car il
eft certain qu’il n’y a point de places élevées où il ;
n’y ait des accès plus favorables les uns que les
autres. .
Après donc que par d’exaQes obfervations on fe
fera bien .affuré du fort & du foible de la place, 8c
enfuite déterminé fur le choix des attaques il
faudra faire comme aux autres places dont il a été
parlé ci-devant, & y employer le couvert, le découvert
, la fape , les places d armes , & les batteries
direâes au défaut du ricochet. Quoique les
parallèles ou place d’armes ne puiffent pas envelopper
le front de l’attaque autant qu’il feroit à
défirer, il ne faut pas laiffer d’en accompagner la
tranchée, quand elles n’auroient que .50 j ôo a 100
toifes d’étendue , afin de pouvoir foutenir ce que
l’on pouffera en avant ; placer du mieux qu’il fera
poffible les batteries, & fur-tout qu’elles découvrent
bien ce qu’elles voudront battre ; qu’eiles
croifent, amant qu’il fera poffible , fur les dèfenfes.
Il y faut employer une nombreufe artillerie , fi
l’on peut, afin qu’elle puiffe faire de grands effets
en peu de temps.
Les batteries à bombes ou à pierfes bien placées.
doivent être dlun bon ufage contre des petits lieux,
qui, étant pour l'ordinaire ferrés, pierreux , pleins
de rocs & rocailles , font fujets à beaucoup d’éclats.
C ’eft à la faveur de toutes cés batteries qu’il
faut poufler la tranchée jufquavi pi«d du glacis,
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& là établir lâ dernière place d’armes à t 4 ou 15
toifes du chemin couvert, s’il y en a. Après qu’elle
fera bien achevée, & abondamment munie de tout
ce qui fera néceffaire pour pouvoir infulter le chemin
couvert avec avantage, & apres avoir bien,
ruiné les dèfenfes 8c labouré le haut de fon parapet
, 8c mis fa paliffade dans le plus grand defordre
qu’il fera poffible, par le canon 8c par les bombes ,
il faudra entreprendre de s’y loger. Gomme les
paliffades ne fe ruinent pas , à beaucoup près , fi
facilement par les batteries direffes que par les revers
8c ricochets , il faudra faire de grands amas de
fafeines 8c de facs à terre avant que de l’attaquer ,
tant pour fournir au chemin couvert, que pour en
pouvoir faire jetter une quantité entre les palif*
fades 8c le bord du parapet par des gens armés 9
afin de fe faire un paffage.
Ce logement fait 8c bien établi, il faudra fuivte
les règles générales le mieux qu’on pourra , c’eft-
à-dire, placer du canon fur le haut du parapet pour
battre en brèche, faire des trous de mineurs, 8fi
travailler aux defeentes de foffés , foit en prenant
par-deffous le chemin couvert , fi le foffé eft profond,
ou à ciel ouvert, s’il ne l’eft pas, trouve^
après cela le moyen de battre les flancs du canon ,
des bombes 8c des pierres, ce qui n’eft pas tou-
! jours aifé à faire.
A Montmédy, on ne put battre le flanc de la
i droite que de l’angle rentrant du chemin couvert,
vis-à-vis le milieu de la courtine, l’angle faillant
oppofé manquant d’efpace, 8c étant d’ailleurs trop
fous le feu des grenades du baftion devant lu i , 8c
trop expofé aux revers, 8c écharpé de fa gauche ;
comme ce flanc étoit couvert d’un petit oreillon
on fut affez longtemps à le battre , fans pouvoiu,
le ruiner tout-à-fait.
Il fe treuve fouvent que les revêtements de ce$
places ont de grands efearpements de roc au pied ;
il en faut bien examiner la hauteur, pour voir û
l’éboulement des brèches faites par le canon pour-
roit s’élever jufqu’au défaut du roc , 8c s’il n’y a
point de défaut ou veines dans le rocher qui puiffe
favorifer l’attachement du mineur , enfin fi le roc
eft dur, mol, à bancs rompus 8c par feuillets.
A Montmédi on trouva bien un grand efearpe-
ment au pied du baftion ; mais en même temps le
roc étoit plein de veines , dont on fe fervit pour
l’attachement du mineur. Il eft auflVà remarquer
qu’on perça , dès la moitié- da glacis ,par-deffus le
cheniin couvert de cette place, trois defeentes de
foffé qui débouchèrent d’abord au niveau de fon
fond , Ce qui donna moyen d’y mettre du monde
pour attacher 8c foutenir le mineur, qui, fans ce
fecours, n’auroit pas pu tenir , parce que le canon
du flanc gauche tourmentoit beaucoup fon logement
, 8c y tua bien du monde avant que le eanort
de ce flanc fût démonté. Les ennemis y jettèrent
d’abord une infinité de fléaux d’artifices ,■ bombes»
8c grenades , qui firent beaucoup de peine jufqu’à
çç quç le mineur fut tout-à-fait enfoncé dans 1«