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-Les lignes que {’empereur a fait faire pour la
baffe-Autriche & la M )n vie, contre les cour fes (les
mécontents ; ne font elles pas tours les jours forcées
, même par des corps de cavalerie des mécontents,
qui n’ont pourtant aucune folidité pour attaquer
è
Enfin , pour finir mes réflexions fur ces efpèces
de lignes confiantes dans la vue de couvrir un
pdys contre les cour-fes , les empêcher de contribuer
, ou même pour y renfermer une armée ,
j’ofe affiner qu’elles ne peuvent trouver de confi-
d »ration que dans Fefprit d’un général borné , qui
ne fait pas fe tenir près de fon ennemi & en fureté ,
par la fituation & la bonté d’un pofie qu'il fe fera
choifi pour contenir fon ennemi, fans cire forcé
«le combattre malgré lui, 6t qui fe croit toujours
coin mis , dès qu’il ne voit point de terre remuée
entre fon ennemi 6c lui.
Audi n’avons nous jamais vu que M. le Prince &
M. de Turenne , les deux plus grands capitaines du
dernier fiècle t ayent feulement jamais penfé à
cette manière de faire la guerre. Ils écoient pourtant
bien habiles d’un génie de guerre fupé-
ric-ur à touts les généraux de leur temps. Ges grands
hommes fe font foüvent, pendant des campagnes
entières, maintenus à portée des armées ennemies,
fort fupérieures à celles qu’ils commandoient, &
les ont empêchées de pénétrer dans notre pays,
fans Ignés, en fe présentant toujours de près à
leur ennemi ; & cela , par le choix feul ides poffes
qu’ih ont fçu prendre.
M. le maréchal de Gréquy , qui, comme je. l’ai
dit ailleurs , a fouteau des campagnes difficiles
contre M. le duc ,(fo Lorraine , a ignoré l’ufage des
lignes. Enfin, M. de Luxembourg , qui a glorieu-
l’emenf fuivi ces grands hommes dans le commandement
des armées , & contre le fenriment duquel
cet ufage des lignes s’eft établi en France , en a
toujours 6c fi bien fetiti le ridicule , que pour
quelque raifon de commodité que ce pût être , il
n'a jamais voulu que fon armée campât dans le
dedans des lignes.
Après touts ces exemples rapportés, je conclus
que ces lignes , pour couvrir un pays contre les
courfes , rie peuvent jamais produire cet effet que
quand elles font courtes par leur front, qu’elles ne
peuvent être tournées , ou les troupes qui les
gardent, forcées par leur flanc au-delà de l’étendue
du pays qu’elles peuvent contenir en bataille , &
qu’il eff toujours très dangereux à un général de s’y
renfermer avec fon armée.
D e f attaque des lignes de circonvallation.
L ’attaque de ces lignes, ne doit être exécutée
qu’avec connoiffance entière de leur difpofition 8c.
conftruâion , du nombre des troupes qui y font
renfermées, 6c de l’état de la place qu’on veut fe-
conrir.
C’efi toujours un dangereux parti à prendre,
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que d’attendre fon ennemi dans des lignes : il eff
très rare que celles qui ont été attaquées, n’ayent
été forcées ; 8c la forte raifon de faire des lignes,
ne doit être que pour empêcher les petits fecours ,
8c donner du repos à l’armée , qui, fans cela , fe-
roit obligée de paffer les nuits fous les armes.
Mais fi l’ennemi, fe confiant à la bonté de fon
retranchement, néglige d’en fortir, Si de venir au-
devant de l’armée pour combattre, il faut s’approcher
defdites lignes tout le plus qu’il eff poffible^
prendre pour fon camp la fituation là plus avantageuse
; y demeurer avec patience; fatiguer toutes
les nuits l’armée ennemie par des clémonftrations
d’attaque, 8c. tout le jour, en l’empêchant de fourrager
8c de recevoir des convois ; lui dérober la
connoiffance du côté par lequel on veut faire le
plus grand effort ; affembler quantité de fafcines &
de claies ; être , s’il fepeut, convenu avec la place,
des fignaux refpe&ifs par lefquels on s’inflruir également
de ce qu’on a réfolu de faire ; 8c enfin, le
jour de l’attaque des lignes déterminé, s'en approche r
avec grand filence dès que la nuit fera clofe ; commencer
l’attaque une heure avant le jour ; en former
plufieurs fauffes, avec autant de vigueur que
les vraies, afin d’y attirer les forces 8c l’attention
de l’ennemi ; faire foiblenient commencer les
’ vraies, & augmenter fucceflivement l’effort ; avoir
un grand nombre de travailleurs avec des fafcines
8c outils,-pour ouvrir les endroits ou l’on aura comblé
la ligne ; faire porter des fafcines par toute la
cavalerie, qui les viéridra brnfquemenr j'etter où
l’infanterie en aura befoin ; fe faifir des barrières ,
St les ouvrir ; faire prendre pofie à l’infanterie fur
les redans dont elle aura chaffè l’ennemi ; former
des corps St des lignes detroupes à rnefure qu’ori
fera entré dans le camp ; charger brüfquement tout
ce qui s’oppofera à ce corps ; fairependant ce temps
travailler fans relâche à combler 8c ouvrir tout le
plus grand efpace de lignes qu’il fe pourra ; garder
enfemble toute la fécondé ligne , pour foutenir la
première qui fera entrée, & ne l'introduire dans le
dedans des lignes , qu’à rnefure que celle qui y fera
fe fera avancée, 8c aura donné du terrein pour la
placer commodément ; féparer St ouvrir ainfi le
front de l’armée ennemie ; ne point laiffer débander
perfonne pour piller, que l ’on n’ait entièrement
battu l’ennemi , 8c qu’on ne l ’ait cliaffé hors de
fon camp.
Quant à la pourfuite , elle fe réglera fur la contenance
ou le défordre dans lequel on le verra.
La place, de fon côté , fl elle le peut, doit favo-
rifer l'attaque du dehors , foit en fortant du quartier
attaqué, foit par une grande fortie fur la rran-
chée , pour laquelle elle fe conduira fur le fuccès
de l’attaque des lignes.
Si la place fon fur la tranchée, les gens armés
de la fortie, doivent être fuivis d’un grand nombre
de travailleurs, pour détruire les logements St les
boyaux de la tranchée", à rnefure qu’on aura chaffé
l’ennemi ; à fin qu’en cas que l’attaque de la ligne
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rte réuffiffe pas cette première fois, la place ait au
moins retardé fa perte par la deftrudion d une
partie de la tranchée. f
Que fi, par hafard , on ne réuffiffoit pas a 1 attaque
des lignes la première fois, en cas que la
perte n’eût pas été trop grande , il ne faudroit pas
le rebuter , parce que , comme c’eft prefque toujours
une faute à un ennemi d'attendre dans fes
lignes , il faut tâcher d’en profiter ; ce que l’on peut
faire avec d’autant plus de facilité, que par fo poffe
qu on aura pris , on lui aura fans doute ote le
moyen rie fortir de la ligne pour donner bataille ,
afin de ne fe plus trouver dans le danger où il a
été d’être forcé dans fes lignes.
Il peut même arriver que cet ennemi, ainfi renfermé
dans fes lignes, ou foit devenu préfomp-
tueux par la réuflite rie la première défenfe , ou
que fes érabliffements contre la jfiace affiégée , lui
en fa fient efpérer une prompte réduftion , maigre
la préfence St la vue de l’armée de fe.ours. En ce
cas, il faut fe corriger des fautes qu’on a faites a
la première attaque, St en former une nouvelle
mieux conduite ; St cela , par deux raifons :
La première , parce que la préfence de l’armee
de fecours ramène la garnifon & la rend opiniâtre
dans fa défenfe ;!a fécondé , parce que les attentions
de l’armée qui fait le fiège , fur celle qui
veut fecourir la place, ne lut permettent pas rie la
preffer auffi vivement qu’elle le feroir; parce qu’elle
eft occupée à fa propre confervation , St qu’elle ne
peut pouffer le travail dè l’attaque avec autant de
vivacité qu’elle le feroit, fi elle etoit fans attention
contre le dehors.
J’ai dans mes maximes, quelles font les raifons
de la conffruélion des lignes de circonvallation , le
danger que court le général lorfqu’il veut attendre
fon ennemi, Sc quelle eft la manière de les
attaquer avec fuccès.
Pour appuyer mes maximes , je rapporterai cîes
exemples de lignes forcées & de lignes protégées
par des armées d’obfervance.
Les lignes d’Arras étoient les meilleures qui euffent
jufqu’à préfent été faites , St pour la fureté def-
quelles on avoit apporté le plus d’attention : elles
furent cependant forcées par MM. les maréchaux
de Turenne, de la Fetté St d’Hocquincourt, même
avec fort peu de perte , parce qu’elles furent attaquées
par trois endroits différents , auxquels on
ajouta encore de fauffes attaques ; que l’on prit le
temps de la nuit pour les attaquer , St qu’il fut im-
poffible à l’ennemi de juger dans robfcurùé, entre
plufieurs attaques, quelles éteient les férieufes,
Lorfque les Turcs afliégèrent Vienne, en l'année
1683 , ils s’y renfermèrent dans des lignes. Leur
armée étoit infiniment fupérieure à celle que
l’Empereur avoit pu raflembler, & ils pouvaient
venir au-devant de l’armée chrétienne pour la combattre
, fans quitter lè fiège. Ils négligèrent de le
fainç,.
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M. te da« fe Lorraine. Al «h«*5» . » e c l a.Plu*
grande partie de l’infantetie , ci aryiqneri les lignes
par le haut du Danube. Le roi de Pologne, J;an
Sobiesky , avec toute fa cavalerie, & une partie de
celle de i’emptreur, tourna le camp des Turcs par
des montagnes , fans être vu dans fa marche , & fit
fon attaque par le bas du Danube & le flanc , que
les Turcs croyaient impratiquables. Il pénétra dans
la ligne. Le premier défordre qu’il y eau fa , rendit
heureux le fuccès de l ’attaque de M. de Lorraine ;
de manière que les Turcs , également forcés par
les deux extrémités & le centre de leprs lignes ,
n’ayant point intérieurement allez dp terrein pour
fe former 8C oppofer un fiont conftdérable , furent
forcés à une fuite hoptetife , 8c a 1 abandon entier
de leur catap. 8c du fiège.
En l’année 1706, M. le due d.e-Sa>voye, ïx M. le
prince Eugène forcèrent les lignes de Turin , dans
lesquelles M. de Marf.n 8c M. de la heuillatle
avaient, pour ainfi dire forcé M. le duc t. Or -
téans d’entrer avec toute fon armée , venue de
Lombardie, pour foutenir l.e fiège , dont M. de 'la
Eeuillade étoit chargé. . . ÿ ■ '
Tout le monde fait que ce fasbç.ux, événement
eft arrivé par le côte .ou M* dp la- Feuiliade avoit
négligé de faire des ligné*, parce qu'il rfavait pas-
prévu que l’ennemi, libre dans fes mouvements
par 1’entrèede l'armée, dans le.s Ligne*,, ponrroi: ,
en partant la D o its , tourner le camp du cote de
Chivas , qui étoit le quartier le moins garni de
troupes , 8c où il n’y avoit point de lignes.
Ce manque d’attention étoit bien geaed ; car
comment ne s’iraagioe-t-on pas qu un ennemi
qu’on laifle le maître de la campagne , St de faire
fes. mouvements avec liberté , préférera 1 attaque
d’un quartier fort petit, féparé du gros de 1 armée .
Voilà quelle a été la faute qui a fait battre l’armee
du roi devant Tiuin.
Après avoir rapporté ces trois exemples de lignes
forcées, parce que l’on a cru les pouvoir garder ,
je pafferai aùx t-rojs autres exemples de lignes protégées
par les armées d’obfervance.
Lorfque le roi fit le fiège de Mons en l’annee
ï 6oi , M. le prince d’Orange raffembla une armee
confidérable pour faire lever ce fièg.e. M- de Luxembourg
lui fut oppefé avec une armée d’obfervance.
I! fut toujours fe placer fi bien pour couvrir la
fiège, que M. le prince d’Orange ne put combattre
M. de Luxembourg, ni interrompre le iLge.
En l’année 1692 , quai:* le roi fit le fiège de
Namur, M. le prince d’Orange voulut encore fecourir
cette place. M.. de Luxembourg lui fut encore
oppofé; avec une. ajin.ee d’obfervance* C e general,
fort inférieur en infanterie, fut fi habilement conduire
fes mouvements pour empêcher 1 ennemi
d’entrer dans la Méhaigne , qu il le contraignit
d’abandonner le deffein de fecourir la place.
En l’année 1708 , lorfque l’armée du roi marcha
pour le fecours de L.i11e,, affiégée par les ennem.|,
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