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baftion qui ne peut être dépouillé de fa chemife
qu’en un feul endroit, donnoit une libre entrée
aux ennemis , & que l’on n’eût revêtu la place de
fes remparts que pour une capitulation , que des
troupes ont fouvent faite dans de faibles retranchements
, & même en rafe campagne ; comme
s’il étoit impoflible de réparer une brèche & de la ,
bien défendre, & de faire de bons retranchements
les uns derrière les autres ; ce qui cependant eft
aifé , comme je le ferai voir dans la fuite de-cet
oqvrage.
Nous avons expliqué, en parlant de l’attaque des
places y la manière de les défendre. Nous avons
^nême fuppofé que le gouverneur de la ville affié-
gèc étoit intelligent, qu’ il profitoit des avantages
que lui pourrait fournir la fituation ou la conftruc-
tio.o de fa place , pour faire une longue & belle dé-
fente, & qu’il ne fe rendoit qu’à l’extrémité. It
s'en faut beaucoup que les places qui ont été affrétées
depuis trente ans , foit par les François ou par
les ennemis, ayerit fait une défenfe fi bien conduite
, li l’on excepte Keiferwert. Cependant il ne
feroit pas impoflible de pratiquer encore plus de
chicanes , & de rendre la défenfe plus longue &
plus ruineufe à faffrégeant, fi les gouverneurs &
Jes officiers des places étoient mieux infiruits de
leur devoir qu’ils ne le font, & s’ils vouloient bien
facçifier leurs intérêts à leur gloire & au bien de la
patrie. C ’eft ce que nous allons expliquer.
Nous fuppoferons que la place eft fuffifamment
munie de troupes , d’artillerie , dé munitions de
guerre & de bouche , de médicaments & de toutes
les autres chofes riéceffaires pour la nourriture &
de foulageniént des troupes, & pour la défenfe de
•la place.
Des moyens £ empêcher le fiège d'une place..
Nous commencerons cette troifième partie par
l a propofition d’un moyen qui pourroit fervir utilement
à empêcher le fiège d’une place ; voici en
quoi il confiée.
I l efl confiant que l’un des plus fûrs moyens
d’empêcher le fiège d’une place, c’eft d’oppofer
une armée à celle des ennemis, qui la tienne en
échec & l’empêche de fe déterminer , comme
nous l’avons déjà dit ci-devant ; mais comme ce
moyen n’eft pas infaillible , attendu l’inégalité des
. armées , 8c que l’ennemi, qui ne nous fait pas con-.
fidence de Ton deffein , peut fouvent vous tromper
dans les différentes vues qu’il vous préfente, par
la diverfiré de fes mouvements , cherchant à vous
donner un combat dont l’événement eft plein d’incertitude
, à quoi il n’eft pas toujours fage de fe
commettre ; il me paroît que l’expédient le plus fûr
pour fe retirer d’affaire, eft de faire un camp 'retranché
fous les places qui peuvent être aiîiégéès. !
Ces camps , ainfi que nous l’avons dit à la fin de
la feeonde partie., doivent être de capacité conve* 1
jiable à pçuvoir renfermer io à 120QQ h om m e s I
difpofés fur deux ou trois lignes, félon l’ efpace ;
qu’il faut bien choifir ; car il n’y a point de place qui
rie préfente quelque endroit plus favorable & plus
avantageux l’un que l’autre.
i°. Si ces camps font conftruits avec fo in , 8c
qu’on y mette le temps néceffaire, on pourra les
rendre très bons, en donnant, par exemple , 5 , 6
à 7 toifes réduites, de largeur , à leurs foffés , fur
9 à 10 pieds de profondeur. Alors relevés de 2 à
3 pieds , rabattus en glacis du côté de la campagne
, en forte que la fuperficie foit rafée par le
feu du retranchement ; il en fortira affez de terre
pour lui faire un parapet de 12 pieds d’épaiffeur,
mefuré au fommet, avec trois banquettes , afin
que la cavalerie puiffe être en fureté derrière.
Ce retranchement étant bien flanqué , gafonné
devant & derrière, furmonté d’un petit furtout au
lieu de panniers , 8c paliffadé en pente fur la
berme, ou garni d’une haie v iv e , le tout accompagné
de batteries, traverfes & épaulements nécef-
faires , & le terrein des environs étant bien applani
jufqu’à l’extrême portée du canon, un tel camp
ne faurôit manquer d’être excellent & en état de
bien réfifter à une infulte, notamment fi le foffé a
5 ,6 & 7 pieds d’eau, ou fi fon bord extérieur eft
efcarpé , en taluant de demi pied fur pied ; car
pour lors il fera, à peu de chofe près, le même
effet qu’un foffé revêtu.
a0. Si donc un camp retranché de la forte eft
gardé par un corps de 10 à 12000 hommes, indê-?
pendamment de la garnifon, que je fuppofe devoir
être d’ailleurs conforme à ce qui eft marqué dans
la table précédente, il eft prefque fûr que l’ennemi
ne fera pas le fiège en queftion , bu que s’il
le fait, il en aura le démenti, car voici à-peu-près
quelle feroit fa fituation.
30. Suppofons qu’il alfiège la place , il fera obligé
d’abord de faire une circonvallation d’une étendue
immenfe , à caufe du camp retranché , & de fa
bien garnir de troupes 5 & comme il faudra qu’il
faffe des lignes très bonnes &bien précautionnées ,
ces manoeuvres lui confommeront bien du temps ,
& pourront même l’empêcher d’avoir une armée
d’obfervatlon.
40. Si malgré ces difficultés , il s’opiniâtre à vouloir
faire le fiège, & que pour cet effet il faffe de
fi grands efforts qu’il mette fur pied une armée
d’obfervation , celle-ci fera vraifemblablement fi
foible, qu’elle n’ofera approcher de notre armée
principale, ni en foutenirla préfence.
50. Si peur fe fortifier, elle affaiblit l’armée affiégeante
, les troupes du camp retranché, fortifiées
de celles de la garnifon , pourront entreprendre
fur fes quartiers les plus foiblés , & lui jcmer fouvent
de fort mauvais tours.
6°. S’il attaque la place y la garnifon, fortifiée paf
les troupes du camp , fera en état de faire dés for-
ties équivalentes à de petites batailles, qui pourront
l’affoiblir 8c le mettre dans un grand défordre.
70. Si pour prévenir le mal que le camp lui
«outra faîte, il fe rèfout à p la q u e r le premier, Î1
le fera dans les règles , c’efl-a-d.re , par tranchées
& batteries., ou par une infulte générale.
8°.Si c’ eft dans les règles , les troupes du camp,
affiftéès de la garnifon , pourront lui faire de
grandes forties , qui l’endommageront « ^ a g ilement
, & fe donneront le temps de lui iublti-
tuer à couvert plufieurs retranchements les uns devant
les autres , pendant que l’ennemi fera obligé
de faire toutes fes tranchées & fes batteries a de-
couvert , ce qui le retardera confidérablement, <x
donnera aux troupes du camp tout le temps néceffaire
de faire ce qu’elles voudront, 8c par conle-
tiuent de lui oppofer retranchements fur retranchements
, ce qui réduira l’ennemi à des pertes & à des
peines toujours nouvelles.
o°. Si l’ennemi attaque par une infulte générale ,
toutes les apparences font contre lu i, parce qu’il
fera obligé d’effuyer tout le feu des retranchements
pendant un long efpace de temps , fans pouvoir
rendre la pareille à ceux du dedans, ni pouvoir
joindre le foffé.
io°. Si par une opiniâtreté mal entendue, il revient
plufieurs fois à la charge , après avoir été repouffé
fouvent', fes pertes augmenteront de plus
elle-même pour furmonter toutes les fortes oppofitions
en plus ; mais fuppofant qu’il parvienne à gagner
le haut du retranchement, les troupes du camp,
fortifiées de la cavalerie & des fecours de la garai-, 1
fon, pourront le chaffer.
ii° . Si malgré tout cela , il s’y maintient, apres :
en avoir été plufieurs fois repouffe , il n ofera, y entrer
qu’il ne fe foit fait des ouvertures dans le retranchement
, pour faire paffer fa cavalerie. Or ,
comme ces ouvertures ne pourront pas fe faire’
bien vite , à caufe delàfolidité du retranchement,
la cavalerie du camp , jointe a fes , grenadiers ,1,
•pourra tomber fur les premiers paffés de l’ennemi 1
& les ramener bien vite, ou du. moins les contenir.
Pendant ce temps-là, elle pourra s’emparer du fé cond
retranchement, le faire valoir, & .faire fa;
retraite quand il en fera temps , don nant à 1 in fa n- ;
terie tout ledoifir de fe retirer dans les dehors de
la place , à quelles canons bien difpofés la favorite
ront beaucoup. Ainfi touts les corps ..pourront
s’y rendre fans défôrdre., après avoir eu le foin , ;
quelques jours auparavant, d’y retirer leurs petits'
bagages , c’eft-à dire , les chofes abfolument né-(
ceffaires. Ces troupes une fois fcampées dans ces j
dehors , donneront un grand renforcàla garnifon, j
qui, par ce moyen , deviendra puiffante & en étàtj
de donner bien des affaires à une armée qui? aurai
déjà beaucoup fouffert.
i2-°v Cette garnifon étant donc forte & nom-!
breufe au-delà du néceffaire, fa réfiftance vràifëm-j
blablenient fera proportionnée à fes fo r c e s& pour ;
lors les forties ne feront point épargnées. Quelle;
apparence y a-t-il »-'après celà ,'qu’une ârniêe' affoi- i
blie par les aérions précédentës1 de l’attàqiie du'
camp , puiffe encore trouver affez de rèfféurce eiri
qui lui feront faites ?
130. Si cette armée, que je fuppofe des plu«
fortes fe renferme toute entière dans les lignes ,
l’ennemi n’en aura point d’obfervation ; s’il n’en a
point, la nôtre, quelque médiocre quelle puiffe
être, deviendra maîtrefte de la campagne tant que
le fiège , qui ne fauroit manquer d etre long , durera
, & fera en état de prendre des poftes avantageux
, de s’y retrancher , de lui couper les vivres
d’enlever fes convois, de courir 8c de ravager fon
pays. . H 1 ■ V . ! .y , /• .
14*. Si l’ennemi met une armee g oblervation
fur pied , il eft certain que l’étendue immenfe des
lignes fera qu’elles feront toujours mal garnies, l'armée
affiégeante fort affoiblie , 8c même en danger
de fe voir enlever quelques quartiers. Il faut convenir
de plus, qu’elle fera obligée à de groffes
gardes de tranchée , S t à bien garnir fes lignes , f i
elle veut éviter d’être battue. Il doit néceffairement
réfulter de-là , que l’armée d’obfervation fera
obligée de fecourir l’armée affiégeante, ce qui affaiblira
celle là au point de n’ofer paroître devant
notre armée^ qui .pourra profiter de cette foibleffe
pour s’approcher des lignes, prendre des poftes au
plus près du camp retranché, & s’y retrancher
elle-même ; par ce moyen elle mettra une partie
des quartiers ennemis entre le camp retranché &
elles, où ils fe trouveront dans une très inauvaife
fituation. ■
I ^°. Si l’ennemi fortifie fon armée d’obfervation
pour fe mettre en état d’aller combattre la nôtre,
il ne le pourra faire qu'en affaibiiffant l’armée af-
j fiêgeante, ce qui l’expofera aux infultes du camp
retranché , quelque bonnes que -puiffent être fes
lignes. D’ailleurs., fi notre grande armée eft bien
retranchée, l’ennemi.ne peut faire une entreprise
fur elle fans fe commettre beaucoup.
160. Si pour renforcer fes quartiers , l’ennemi
prend le parti d’affoiblir les plus éloignés , les,
troupes du camp , fortifiées de celles de la garnifon,
poufront iattre fes quartiers l’un après rautre ;
de forte que, dé quelque côté qu’on puiffe confidé-
rer la fituation de ^l’ennemi-en cet état, les appa*-
- renées ne lui promettent pas un bon fuccès; 8c'
. tout bien confidéré, il paroît qu’il y a bien de finir
prudence à hafarder de telles entreprifes.
170. Si l’ennemi prend le parti de fortifier fes.
lignes par des redoutes » comme 011 faifoit ancien -
neriient, il pourra bien parvenir à s?y mettre enfin:
en fureté ; friais cette précaution, qui lui coûtera
bien du temps, n’empêehera pas que les troupes
■ du-camp rie-puiffent; faire leur devoir à la défenfe
de la place y qui , pendant ce temps, pourra fe
mettre en état de lui tailler de la befogne.;
ï8°. Au furplus, on fuppofe ce camp fourni de
touts fes befoins , tant pour la fubfiftance des
hommes que pour Celle des chevaux ; il n’y a
point place- en première ligne de notre frontière
, ni même de la fécondé,-où l’on ne puiffe