
parti qu’il a voit pris aui'lignés de Courtrar; il s’eft
tenu enfemble, & l’ennemi n’ a ofe lui prêter le
flanc pour pénétrer en Alfacé.'Le rifque eri auroit
été trop grand pour lui ; i l ‘n’a même ofé s'aVancer,
de peur que fon pain , qu’il ne pouvoit tirer* que
de Landau , rie lui fût enlevé. A in fi, après avoir
refié quelques jours en-dedans de la ligne ,à en partage
ras fourrages av ec 'l’arniée du roi , il.a été
obligé d’en reffortir.
Si M. le maréchal de'Villars s?éVdif fait un point
capital de garder fa ligné dé près , & qu’elle eut été
forcée en'qiielque endroit.‘( ce qui feroit fans doute
arrivé ) ; fon armée auroit été féparée ou prife en
flanç , hors d’état de-pouvoir fo préfeuter de front
à Tennemi, q u i, quand même ,ii n’a-uroit battu
qu’une petite partie de l’armée , fe feroit acquis
urtêfupériorit'é -iquï auroit duré toiite la campagnejCe
gui s’eft paffé dans cette occafion prouve énr
coreja vérité de mes maximes furies lignes'..
jOn fait auiïï quel a été le fuccès des, grandes
lignes conftruites au commencement de la guerre
préfente, pour couvrir touts les Pays-Bas catholiques.
r .
Les' nouvelles lignes 'raccourcies qui ont, é té ,
conflruites après l ’abandon des autres depuis la
Méhaigne jufqu’au Démer, n’ont pas eu un. fuccés ;
plus heureux, quoique gardées par touted’arméjs-;
du roi fous les ordres de_ M. le maréchal, de-. Vil-.'
leroy.
On prit pour un deffein formé fur Namur.-, les
démonftrations que M. de. Marlborqng fit d’attaquer
les lignes du côté de la Méhajgne.;. on s’y ,
porta, pendant qu’à la favèqr de la nuit les. eone-'
mis marchèrent au quartier de M. de Roquelaure
qui avoit la gauche de l’armée par où-ils entrèrent
dans la ligne fans aucune oppofition.
Dans cette occafion , M. le maréchal de Villeroy
ayoit pris un parti différent de ceux de M. le maréchal
de Villars en Flandres & en Allemagne , dont
je viens de parler. On voulut garder tout le front
delà ligne ,& par conféquent l’armée étoit féparée
& hors d’état d’oppofer un front à l’ennemi capable
de foutenir, avec fuccès, l'effort général qu’il s’é-
toit préparé à faire contre une petite partie de •
l’armée.
Àinfi l’ennemi entré dans la ligne fe trouvoit partout
plus fort que ce qui pouvoit lui être oppofé ;
parce qu’ il avoitféparé l’armée, & qu’on ne pou- ■
voit-plus s’oppofer à lui de front; aufli ledéfordre
fut-il fort grand. L’armée ainfi féparée fe retira
prefqne en fuyant jufques derrière la Dill , &
abandonna ainfi à l’ennemi un grand pays tout entier,
que fans lignes il n’auroit pu, tout au plus; que
partager pendant quelque temps avec notre armée
pour les fourrages feulement, & fans établiITement.
Dans cet exemple malheureux de lignes forcées
avec une perte confidérable & un grand défavari-
tage pour la fuite de la guerre , parce qu’on a voulu
les garder dans tout leur front, je trouve encore la
T certitude de mes maximes ; fur le danger que court
un général qui veut les garder de cette manière.
V'èiei des ligri.es conftruitespour couvrir un pays
dans des vues différentes de celles dont j’ai parlé
jufqu’à préfent, fur lefquelles je m’étendrai, pour
faire voir que cette efpèce d’opération de guerre
peut, daiis'de certaines conjectures , trouver une
application judicieufe.
| Eri Tarifée1-1^09v par la-iperte de Lille arrivée
l’année précédente^, par les malheurs intérieurs du
royaume où lès-grains; Tentés manquoient abfolu-
mentV & par le-peu d’attention que l’on avoit eu à
mettre l’armée du roi en Flandres , hors 'de crainte
de mourir touts les jours.de faim , M. le maréchal
de Villars, chargé du commandement de cette ar-
méfe^ étoit- réduit ‘ à la faire cohtiriuéllem’ent vivre
d’rridüftrie , fans pouvoir jamais s’affurer.•d’avoir
du pain pour huit jours’.
1 On voit ,: pat ce f rifle expofé , que M. le maréchalj
d e Vi î 1 arts étoit contraint, non-feulement par
le manque abfolu des vivres, mais encore par Tint-
poffibilité entière où il fe trouvoit de vivre ...•hors,
deda portée des lieux où on lui-fourniffoic le peu de
farine que l’on pouvoit raffembler dans la Picardie.
L ’ennemi1, au contraire ; avoit dans Lille , fur la
Lys., & du côté de la mer, tout ce qui lui étoit né-
ceffaire pour.faire vivre l'on armée, & des muni-
tjohS^de guerre pour entreprendre fur les places du
roi.’M. le maréchal de Villars: avoit donc égale--
ment à craindre , dans Timpofiibilitê où il févoyoit
de faire fâiré des mouvements à fon armée , que les
ennemis -n’entrepriffent fur les places de la mer,
fur: celles de l’Artois , fur Douai, & fur celles de
IjEfeaut.
1 Les ennemis, avant .que de fe déterminer au
fjège de Tournai , lui donnèrent pendant deux
mois toutes cés attentions indifpen fables à prendre ;
& comme ils étoient enfemble entre la Deule & la*
Scàrpe , ils le forcèrent à s’étendre depuis l’abbaye
d’Aunai jufqu’à Denain , fur PEfcaut.
• On v o it, par cette fituation étendue, que M. de
Villars étoit dans la néceflité de fe mettre par-tout
en état de réfifter affez de temps à un effort général
de l’ennemi, avec une partie de fon armée , pour
pjouvôir efpérer d’être joint pour l’autre avant que
d’être forcé.
Cette entreprife étoit également à craindre du
côté de la Scarpe. L’ennemi avoit occupé fur cette
rivière les abbayes de Haunon &de Saint-Amand,
& Mortaîne, au confluent de la Scarpe & de TEf*
c?ut.: % . .
Du côté de la Deule, 1 ennemi pouvoit palier
cette rivière au-deffous de Lille , pour venir déboucher
fur la Baffée , & fe porter à Béthune , ou
même fur A ire , en fe fervant de la Lys pour y
conduire tout ce qui lui étoit néeeffaire peut le
liège de cette place.
Gêtte fituation de l’ennemi obligea donc M. le
maréchal de Villars à chercher les moyens de le
; réduire à des points principaux d’entreprife, en
cas
©as qu’il voülût exécuter quelques parties du projet
que nous avions le plus à craindre , qui étoit
celui de Béthune & d’Air.e, ou celui de Douay,
qui étoit capital pour nous ; parce que c’étoit dans
cette place que nous avions le peu de vivres & de
munitions de guerre qui avoient pu être raffem-
tlés.
Pour empêcher que Tennemi ne débouchât par ;
le pont Awendin , & l’obliger à palier la Deule ,
ou à Haut-Bourdin , ou au-deffous de Lille ,il fit
quelques ouvrages devant.le pont Awendin, & y
briffa M. d’Artag'nan avec ia gauche de fon armée ,
pour empêcher que l’ennemi ne débouchât par les
poftes qu’il occupait fur la Scarpe ; il le chaffa de
Hannon; occupa l'abbaye de Marchiennes ; fit faire
des lignes depuis la Scarpe jufqu’à Denain , fur
l’Efcaur ; y plaça toute fa droite , & fe tint de fa
perfonne à portée de Douay, afin d’être également
à portée de fa droite & de fa gauche.
Cette difpoûtion étoit bonne , parce qu’elle pa-
roît aux grands inconvénients ; & M. le maréchal
do Villars a eu raifon dans cette occafion d’avoir
recours a la conftrudion des lignes pour couvrir un
pays , parce qu’il ne faifoir pas un objet principal
de fes lignes , &. que fa feule vu e , dans leur conf-
truêfion , n’étoit que celle de fe procurer un temps
affez confidérable, pour avoir celui de raffembler
toute fon armée, & de comhattre Tennemi avant
que d’être forcé.
« Ainfi, puifqu’elles font dangereufes à garder
de front, elfes font inutiles àconftruire,parce que,
par les exemples précédents , j’ai prouvé que les
pays qu’on a voulu couvrir par des lignes , n-’ont
été confervés que par des polies avantageux , qui
ont été pris par les généraux chargés de la garde
des lignes , fans aucune attention pour ces lignes
mêmes, qu’ils ont toujours abandonnées, comme
impollibles à garder de front, fans expofer leur armée
à de fort grands inconvénients ».
Depuis la perte de Mons en la même année
1709 , on vient de conflruire de nouvelles lignes.
Ce font-celles dont la gauche eft appuyée à Valenciennes
, & la droite à Barlemont, fur la Sambre ,
en traverfarit la forêt de Mormaux; & depuis Barlemont
elles font continuées le long delà Sambre ,
en tenant Maubeuge , Thuin , Marchiennes, Au-
pont & Charleroy.
La première partie de ces lignes , depuis Valenciennes
jufqu’à Barlemont, paroît la plus judicieu-
fement penfée , parce qu’elle trouve le Quefnoy
dans fon centre, & qu’ainfi une armée qui auroit
pour objet la défenfe de ces lignes, trouveroit plus
aifément à fe tenir enfemble pour foutenir la ligne.
Mais elle a deux défauts confidérables : le premier
, c’ eft qu’elle abandonne Condé , dont on ne
peut plus empêcher que Tennemi ne forme le
liège quand il voudra , avec une armée d’obfer-
vance, qu’il ne fe place entre THonneatt & la ligne ,
& qu'il ne renferme l’armée du liège dans de
hoapes lignes de circonvallation, avec des ponts fur.
4 rt militaire. Tome III.
LIG
la Hayne > pour la communication des deux armées.
Le fécond défaut de cette ligne , c’eft que comme
elle fe reploie fur Barlemont au travers de la forêt
de Mormaux , elle découvre Maubeuge; de ma -
niêre-que fi Tennemi, après avoir paffé l’Honneau ,
fe préfentoit devant la partie de la ligne qui eft
entre Valenciennes & le Q uefnoy , & que par une
marche de nuit il fe couvrît de la partie de la forêt
de Mormaux, qui eft en dehors de la ligne , if eft
certain qu’il ne lui feroit point difficile de fur-
prendre le paffage de la Sambre entre Barlemont
& Maubeuge, & d’avoir invefti cette place par
ce côté-cî de la Sambre, avant que Ton eût pu y
porter l’armée entière. ,
Ainfi donc je foutiens que dans l’erivie de faire
de nouvelles lignes, il auroit été beaucoup plus judicieux
d’en appuyer la gauche à Condé, & la
droite à Maubeuge , le long de THonueau , & eu *
laiffant cette petite rivière à la demi-portée du canon
de la ligne feu'ement, pour ôter à Tennemi la
pofiibilité de fe former entre THonneau & la ligne,
& d’y faire aucun mouvement.
En la traçant de cette manière , on y trouvoit
enepre plufieurs autres avantages : i°r©n lui don-
noit moins d’étendue; 2®. on l’appuyoit à^deux
places que Ton protégeoit par cette ligne \ 30. en
éviteroit les attentions indifpenfables pour la partie
de là ligne depuis Barlerttont jufqu’à Maubeuge,
qu’il fera fort difficile d’avoir, par les raifons du
recoude que fait ia Sambre depuis Maubeuge jufqu’à
Barlemont, qüi éloigne la proteéèion de cette
. partie de la ligne. ,
La fécondé partie de la nouvelle ligne,, depuis *
Barlemont jufqu’à Charleroy, devint même beaucoup
plus difficile à foutenir , parce que Tennemi
fe portant vis-à-vis de Maubeuge , en intention de
: forcer la ligne de la Sambre , foit dans la partie qui
eft entre Barlemont & Maubeuge, ou entie cette
place & Marchiennes , au pont où Ton a établi un
pofte confidérable , il eft certain que Tennemi ainfi
placé fe trouveroit enfemble pendant que 1 armée
du roi fe trouveroit féparée par la Sambre , puif-
qu’il faudroit qu’en même temps elle veillât à la
confervation de la ligne depuis Marchiennes jufqu’au
Quefnoy. Donc cette nouvelle ligne a été
tracée contre toutes les réglés que j ai marquées
pour la conftruélion & les ufages des lignes defti-
nées à couvrir un pays.
Cette mode des lignes a paffé chez nos ennemis.
M. le prince de Baden, dans le commencement de
ceite guerre , en fit faire-pour couvrir fon marqui-
fat. Elles étoient appuyées la droite au Rhin , couverte
du marais & du village retranché de Bichel;
la gauche à la montagne fur laquelle il y avoit beau
coup de canon & de bons forts. Elles ont été ref-
pe&ées pendant quelques années par les généraux
des armées du roi en Allemagne ; mais quand on
a voulu les tourner par leur gauche, elles ont été
l abandonnées par les ennemis.