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Pour la dépenfe des ouvrages de ce départe'*'
ment, il y a un tréforier général, dont la recette
eft aflignée fur le produit du barrage, & dont
l ’exercice eft en tout pareil à celui des tréforiers
généraux des ponts & chauffées, fi ce n’eft qu’il
n’y a qu’un feul titulaire.
Turcies & levées• .
Ilyauro ît de quoi faire un volume de cet article
feul, fi l’on vouloit en traiter à fond la partie
liiftorique , dont quelques traditions populaires
font remonter l’origine jufqu’anx Romains. Mais
fans chercher à pénétrer dans une antiquité fi reculée
, il fuffira de dire que dès le règne de Charlemagne
, l’entretien & la cenftruéKon des turcies
& levées occupoient le gouvernement, comme un
des principaux objets de la police économique ;
d’où l’on doit préfumer que cet ouvrage immeqfe
étoit déjà très ancien , puifqu’il faifoit partie de
ceux qui étoient fournis à la loi commune , tels
que les ponts & les chemins. De aggeribus jiixta
ligerime faciendis , ut bonus tniffus idem operi pree-
ponatur, dit cet empereur dans fes capitulaires ,
Lib. 4 , cap. io. Aufil voyons-nous que nos rois de
la rroifième race donnèrent une attention fnivie
aux digues célèbres dont il s'agit, à mefure qu’ils
reprirent leur autorité ufurpée , & qu’ils établirent
l’ordre en proportion des lumières que chaque
fiècle acquéroir.
François Ier les mit fous l’infpeélion dire&e d’un
officier , qu’il créa tout exprès, avec le titre d’intendant'
des turcies & levées, qui fubfifie.encore
aujourd’hui, fans aucun changement mais il faut
convenir qu’en inftituant cette charge pour de
bonnes fins , on oublia d’eiralTujetrir le titulaire à.
l ’acquifition des talents dont il auroir befoin, &
qui feroient d’autant plus utiles , qu’il y.a peu de
matières dans l’adminifiration intérieure de l’état,
plus dignes d’une attention fériéufe par l’importance
8c la difficulté de la manutention.
Dans l’ordre général que M. Colbert entreprit
de rétablir, ce grand miniftre ne négligea pas un
objet fi précieux : il réforma les abus de l’ancienne
régie, & procura plufieurs réglements qui là’ rendirent
plus exaéle & plus régulière. Jufqu’à lui les
inrendans des turcies 8c levées , accompagnés de
deux contrôleurs en titre d’office , & aifffi dépou^
vus que lui des connoiffances de l’a rt, indiquoient
& adjugeoient les ouvrages ; les officiers des élections
affifioient aux adjudications dont ils gardoient
les minutes , & perçevoient des droits eonfidé-
rables fur les adjudicataires. Enfin les receveurs
des tailles , qui remettoient directement aux tréforiers
les fonds impofés pour les travaux , ne s’en
défai fi fiaient qu’à la dernière extrémité. M. Colbert
fit commettre un ingénieur pour dreffer les
devis 8c en fuivre l’exécution, il régla & diminua
confidérablement les droits des élus, & fit ren-
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trer à temps les fonds deftinés à la dépenfe, en-
forte que les adjudicataires furent payés aux termes
de leurs baux. Après lui cet ordre fe foutint en
apparence; mais des abus plus confidérables fub-
fifièrent & s’accrurent par la malverfation & par
l’ignorance; les ouvrages étoient auffi mauvais Sc
auffi chers que mal ordonnés. L’autorité des in-
tendans, trop grande fur cette partie., puifqu’elle
alloit jufqu’à intervertir la deftination des fonds,
& à l’appliquer à des ufages particuliers , étoit en
même temps, comme elle l’eft encore , trop bornée
fur la police, & par conféquent trop méprifée
pour être d’aucune utilité. Je ne crois pas que
cette régie , malgré les correétions qu’on y a faites
depuis trente ans , foit encore fans défaut. Je pro-
poferai refpeélueufement dans la fuite les changements
dont je penfe qu’elle pourroit tenir fan falut.
Dans fon état aéhiel, il y a deux corps dloffices
d’intendans réunis fur la tête d’un feul titulaire ;
fon exercice s’étend par conféquent fur tout le
cours de la Loire, de l’Ailier 8c du Cher.
Deux contrôleurs auffi en titre , qui affiftent à h
vifite des ouvrages 8c aux adjudications que fait
l’intendant.
Un premier ingénieur qui préfide à la conduite
de tout le département.
Deux ingénieurs en chef , l’un pour la. partie
fupérieure , depuis Orléans jufqu'à Moulins ;
l'autre, pour ta partie inférieure , depuis Orléans
jufqu’à Angers.
Plufieurs fous-infpeéleurs divifés dans ces deux
départements pour veiller fur les ouvrages , & pour
être plus à portée de remédier aux accidents fubits
qui furviennent dans les crues d’eau.
Enfin un tréforier général qui reçoit directement
des mains des receveurs généraux-, 8c qui paye
fur lès ordonnances de l’intendant. Si l’on ne çon*
noifioit pas l’efprir de la finance', on auroit peine
à croire qu’encore que cet arrangement de recette
eût été pris dès le minifière de M . Defmarets, .&
que par-là il n’en fût plus dû aucunes taxations aux
receveurs des tailles , on n’avoit pas laide d’employer
ces taxations à leur profit, dans les états
des turcies 8c levées , jufqu’à la réforme de 1727 ,
temps où elles furent rejertées.
L’opération la plus utile qui jamais ait été faite
pour la direéhon de ce département, eft une carte
générale des lits de la Loire, du Cher & de l’Allier,
qui. fut levée , pour la première fois , en
17*30» Elle eft fubdivifée en autant-de plans qu il
y a de cantons défignés par les états du •département,
8c touts les ouvrages dont les bords de ces
rivières font revêtus , y o,nt été fi clairement de dînes
, qu’on en diftingue facilement les différents
genres Sc les dénominations. On ne conçoit pas
comment il étoit poffible , fans ce fecours , de ju*
ger dans l’intérieur du cabinet , de la néceffiré des
ouvrages proposés. Quand les ingénieurs auroient
pu fournir dans touts les cas , autant de plans parcutters
qu’ils auroient conçu de projets , qu’elle
idée auroit-on tirée de ces deffeins ifoles , dans
une efpèce où il eft rare qu’ils n’influent pas les uns
fur les autres par leur dired.on ? Auffi pat ott-il
qu’on s’en rapportoit à l’aveugle indication desin-
tendans ! fur-tout depuis que lun d eux fe voyan
très accrédité fous le régné de Louis XIV , s etoit
emparé de .la confiance du gouvernement, il donrn.
it fes avis comme autan: d’oracles , dans la certitude
de n’être jamais contredit, & abufoit ainfi
ouvertement du filence que les loix ont garde fur
le vol de la réputation.
P u moyens qu'on emploie pour l'exécution des ouvrages'des
ponts & chaüflees.
Si l’argent eft le nerf des opérations de la guerre,
i f ne l’eft pas moins des ouvrages de la paix ; toute
la différence confifte dans la quotité des lomtnes
que prennent ces deux objets, dans la fituation des
peuples qui en portent le fardeau , & dans les effets
qui les fuivent. Non-feulement les depenfes,
de la guerre fo,nt Immenfes & fans b.prn.es, fur-
tout- li le défordre s’y joint , mais 1 obftruQion
quelle jette fur le commerce, met les peup.es
hors d’état de la foutenir longtemps. Tout au contraire,
les dépenfes de la paix font modiques St
limitées ; elles ont déplus la faculté d augmenter
les revenus de l’état, Si par-là il fembie qu au-
cune conjoncture n’en devroit interrompre e
cours ; mais, comme je l’ai dit ailleurs , la guerre
eft un créancier implacable qui égorge touts les
autres, & de-là vient que quand elle prelie , on
remet moins de fonds au departement des ponts
chauffées, qu’il ne lui en faudroit pour continuer
les travaux commencés , 8c pour en entrepien re
d’autres. Il faut cependant rendre au gouvernement
la juftice de convenir que depuis quarante
ans, il a été affez convaincu de la necefnte de
foutenir cette partie, pour faire payer très reSu_
fièrement en temps de paix , non-feulement les
fonds impofés pour le courant, mais encore les
arrérages des années précédentes, à 1 exception de
l’exercice entier qui fe trouve retarde d un an ,
'& j’ai ouï dire plus d’une fois que le remplacement
en eût été infailliblement fait, fi la direction avoir
été plus accréditée, en forte qu’il y a tout lieu d el-
pérer que dans un temps plus heureux, ce vuide
fera rempli, & les fonds deftinés à quelque ouvrage
s’eri falloit beaucoup, & je le crois , que cette
fomme fût fuffifante. En effet, quand je me repre-
fente qu’il en faut déduire l’entretien de tant de
ponts répandus dans ce vafte royaume , celui de
l’immenlè quantité de ceux de Paris »dont la fupei*
ficie augmente touts les jours ; les appointements oc
frais de tournée de tant d officiers attaches a ce departement
d’éclat, pour rendre aux fnjets , par le travail,
le fond de l’impofition qu’ils en ont fuppor-
tée , 8c le faire refluer ainfi dans le commerce. Mes
amis les ingénieurs , ne connoifiant chacun que
fon département, & la plupart étant beaucoup plus
jeunes que moi, n’ont pu m’apprendre ni la fomme
qu’on deftinoit avant eux , ni celle qu’on accorde
maintenant aux ponts & chauffées ; mais j’ai ni
d’ailleurs que l’une & l’autre depuis ces quarante
ans, alloient, année commune , à plus de trois millions,
6( ne montoient pas à quatre ; on ajoutoit qu’il
, les gages des treforiers oc de leurs contrôleurs
, les taxations de retenue & les frais d’adjudication
dont il eft jufte de tenir compte aux
entrepreneurs ; je conçois qtie le réfidu doit être
mince pour les ouvrages neufs., 8c que le double
n’y fuffiroit pas , fi l’on vouloit les faire à prix*
d’argent; il a donc néceffairement fallu y employer
les corvées ; c’eft ici la pierre d achoppement
contre laquelle tout le fyftème viendroit
fe blifer , fi les corps les plus refpeétables ne revendent
de leur prévention. Comme il eft impof-
fible que des contradictions qui ont fait tant d’éc:at
n’ayent ébranlé l’opinion du public', qui n’a rien à
leur oppofer , parce qu’ il n’a pas la plus légère no^
tion de fes intérêts dans cette partie , je me charge
de plaider ici fa caule au tribunal même des contradicteurs;
ils font trop éclairés pour ne pas re-
connoître la vérité quand elle paraîtra devant eux,
&. trop vertueux pour ne pas lui rendre hommage.
Je me flatte d’àvoir prouvé l’indifpenfable né-
ceffité des chemins relativement à celle du commerce
, 8< quand'cette raifon ne feroit pas affez
décifive pour entraîner elle feule touts les fuf-
f rages , je ferois fûr d’obtenir encore celui de
touts les voyageurs 5c'de touts les propriétaires de
terres , par les motifs de leur intérêt & de- leur
commodité ; ces trois approbations réunies ne me
permettent pas de craindre que ma propofition foie
combattue, ni que j’aye de nouveaux arguments
à pouffer pour la foutenir. Nous fommes touts
d’accord fur le point capital de la queftion -, il ne
s’agit plus que d’examiner attentivement 6c fans
prévention , quels font les moyens les plus ana-
logues'au bien de l’état, qu’on puiffe employer à
la réparation des chemins 8c au befoin de les tenir
toujours pratiquables ; car il feroit inutile de conquérir
dans tout autre efprit que celui de conferver.
, . .
On nous indique, pour ce premier objet , le
travail des troupes ; mais on ne penfe pas au fécond,
à moins qu’on ne fous-emende que quand
nos foldats.auroient fait les chemins , on les en-
verroit en quartier d’entretien comme on les met
en quartier d’hiver. _ ,
Le fécond moyen qu’on propole, eft je travail
des criminels qui n’ont pas été jugés dignes de
mort. . . , . r> . n
On peut y en joindre un tromeme , qui elt celui
des pauvres valides. . .
Difcmons ces trois claffes de fujets chacune a
part, comme l’ordre & la raifoa le preferivent ,
puifque la première eft très noble , digne de tome
la proteaion du fouyerain & de tome la recon-
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