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Une fauffe braie fait prefque le mêmé obftacle
que le folle, parce qu’aprés.y être monté part le
moyen des échelles, il faut les tirer fur la fauffe
braie pour les appuyer contre le corps de la place ;
pendant ce retardement , la garnifon a le temps
d’accourir, & l’on ne réuffit pas dans les furprifes ,
excepté que l'on ne trouve que peu de monde
fous les armes, g
Les ennemis; auront le temps d’accourir à la
défenfe, s’ils ont, dans les ouvrages extérieurs,
des gardes ou des patrouilles qui fonnent par
avancé l’alarme.
Quoique la cunette ne foit pas proche du pied
de la muraille, qu’elle foit au milieu du foffé, &
que l’on pnifle par conféquent pofer les échelles
entre la cunette & la muraille , il y a bien du retardement
& de l’embarras à palier la cunette
avant que.de pouvoir fe fervir des échelles pour
monter fur la muraille.
Je dis la même chofe lorfqu’une haute contref-
carpe n’a pas des rampes ou des efçaliers , & qu’il
faut néceffairement defcendre dans 1e foffé par des
échelles , ou s’arrêter à couper les paliffades qu’il
y a quelquefois tout alentour au milieu du fofle,
car alors les ordres prefcrits ne s’obfervent plus,
& les ennemis ont le temps de venir s’oppofer.
Une paliflade fraifée eft encore d’un plus grand
obftacle, parce qu’elle empêche de pouvoir appuyer
les échelles au parapet.
U eft bien difficile ,& il en coûte beaucoup , de
furprendre les places qui ont de doubles ou de
longs flancs bien garnis de canons ou garde-
fofles , q u i, au lieu de boulets Amples, font chargés
à boulets ramés , de chaines, de petits bou-
fets ou de mitraille, car chaque coup de cantjn
peut renverfer trois ou quatre échelles , tuer &
eftropier plufieurs hommes. ■
Dites la même chofe lorfque de diftance en dif-
tance il y a de grands caiflons ou petits magafins
de feux d’artifices que l’on jette à la première
alarme , dans le foffé , afin que l’artillerie & la
moufqueterie des flancs puiffent bien sjufter leurs
coups fur les ennemis; un nombre de fourches &
de crochets pour abattre les échelles en les repouffant
avec force par-devant ou en les tirant de
côté ; des pertuifannes., des faulx emmanchées à
rebour & autres armes blanches plus longues que
la baïonnette , pour bleffer & renverfer du para-'
pet ceux qui étoient parvenus à y monter.
r Une autre défenfe cohfidérable des places contre
les furprifes , eft qu’elles ayent auprès du parapet
degroffes & longues poutres qui , jettées & roulant
le long des échelles , les fracaffent & eftro-
pient les hommes qui y étoient deflous ou auprès
de leurs pieds!
' Les poutres ou madriers que ceux d’Âchradine
jet'èrent de deffus leurs murailles pa.r le confeil
d’Archimède, furent une des principales caufes,
qui obl.gèreat Appius d’abandonner l’efcalade qu’il
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donhoît à la place avec les Romains qu’il cbm^
mandoit.
Un des plus grands empêchements que Sciptoa
l’Africain trouva à la première efcalade qu’il donna
à Carthagène, & dans laquelle il fut repouffé , fut
que Magon , gouverneur delà place, mit enufage
ce même moyen.
Enfin ©n furprend difficilement une place dont
les rondes continuelles tiennent toujours vigilantes
des gardes nombreufes , & dont le. gouverneur a
fait une bonne diftribution, qui » en cas d’alarme ,
doivent accourir à touts les poftes.
Deville croit qu’il eft impoflible de furprendre
une place qui a toutes ces fortes de défenfes, & je
fuis du même fentiment , excepte que vous ne
mettiez en oeuvre quelques-uns des ftratagémes
que je propoferai dans la fuite de cet article, ou
que vous n’ayez quelqu’une des intelligences dont
je parle plus bas.
Afin que les troupes que les ennemis ont dans
un autre pofte ne viennent pas au fecours de celui
que vous voulez furprendre, détachez de petits
partis qui prendront un détour convenable , &
qui, accompagnés de tambours & de trompettes à
cheval, donneront l’alarme à ces troupes par l’endroit
le plus éloigné du pofte que vous prétendez
furprendre, afin qu’en les appellant de ce côté ou
en les obligeant à tenir ferme , les ennemis n’ac?
courent pas promptement au fecours du pofte que
vous inveftifféz véritablement , parce que dans
robfcurité de la nuit il ne leur fera pas pofiible
de difeerner quel eft le nombre de ceux qui donnent
cette fauffe alarme.
Lorfque M. de la Noue attaquoit Warvyck ,'
dont la garnifon, qui étoit Vallone , pouvoit recevoir
du fecours de ceux de Halevin * une partie
de çelle que M. de la Noue avoit à Méénen fortit
& alla fonner l’alarme devant Halevin. Les habitants
de Halevin, qui craignirent d’être eux-mêmes
attaqués, envoyèrent ordre fur le champ aux cinq
compagnies qui étoient forties pour aller au fecours
de Warvy ck, de retourner à Halevin ; par
cette diverfion que fit la garnifon de Méénen , M.
de la Noue furprit Warvyck.
Pendant qu’un corf>s de Thraces attaquoit &
mettoit en déroute les troupes auxiliaires de Po-
péus Sabinus , un autre de leurs corps donnoir l’a-
larmeaux Romains qu’il avoit fousfes ordres. Ce
n’eft pas, dit Tacite , que les Thraces efpéraffent
de battre les Romains, ils vouîoient feulement les
empêcher de venir au fecours de ces troupes auxiliaires
qui étoient dans un camp féparé.
Le commandant des partis qui vont faire diverfion
, a trois précautions à prendre : la première eft
de ne fonner l’alarme que peu avant le temps qu’il
y a lieu de craindre que les ennemis ne reçoivent
avis que vous leur attaquez un autre pofte ; car fi
ceüx à qui vous ne donnez l’alarme que pour
faire diverfion avoient pris plutôt les armes , ils
I fe trouveroient plus prêts à marcher au fecours
SUR
'de leurs camarades , dès qu’ils viendront à s’ajF
percevoir que la fin de ces partis étoit feulement
de faire diverfion ; il faut donc que ^ com mandant
ait fa montre pour être exaâ à l’heure
à laquelle vous l’avez inftruit de commencer à fe
découvrir.
La fécondé chofe que doit obferver le commandant
du détachement, eft qu’à un quart de lieue
avant1 quç d’arriver au pofte où il veut faire diverfion
, il doit détacher fur les chemins qu’il y a depuis
ce pofte jufqu’à celui que vous attaquez , des
petits partis qui fe mettent en embufeadé pour arrêter
les couriers & les foldats qui , du lieu in-
yefti, pourroient porter la nouvelle à l’autre.
La troifième précaution eft que fi les ennemis
viennent à charger le détachement qui veut faire
divèrfion, il doit fe retirer par un chemin qui les
écarte du pofte que vous prétendez furprendre,
& de l’endroit où yous avez réfolu de faire votre
retraite ; & c’eft pour cela que j’ai conseillé de
fonner l’alarme par un côté contraire & oppofé.
Si les ennemis , pour venir au fecours du pofte
que vous voulez furprendre , ont un défilé qu’il
leur faut néceffairement paffer , détachez des
troupes pour l’aller garnir, avant de faire faire aux
autres aucun mouvement pour la furprife ; je dis
la même chofe lorfque ce défilé fe trouve fur le
chemin par lequel vous avez deffein de prendre
votre retraite, que les ennemis, quoiqu’inférieurs
4en nombre, pourroient vous difputer s’ils occu-
poient les premiers ce défilé.
Moyens de rendre Us ennemis moins vigilants.
Le duc de Guife dit que pour fatiguer les Efpa-
gnols, dans le deffein où il étoit de furprendre les
poftes qu’ils occupoient dans la ville de Naples ,
il leur faifoit donner trois ou quatre fauffes alarmes
chaque nuit, afin que trompés fouvent par les
fauffes , ils accouruffent moins promptement à la
véritable ; car quand on voit que la même chofe
arrive très fouvent , on s’accoutume à n’en pas
faire cas. C ’eft la réflexion d’Ænéele ta&icien dans
un cas femblable.
Je crois ce moyen utile , fi le commandant des
ennemis eft d’un génie à fe raffurer aifément , &
n’eft pas affez ferme pour réfifter aux continuelles
inftances que les colonels ont coutume de faire,
afin que le gouverneur ne fatigue pas les foldats
par un trop grand nombre de gardes.
Les petites troupes de partifans, les huffards &
les Miquelets font admirables pour donner de fem-
blables alarmes , parce qu’ils font en peu d’heures
de longues marches ; parce qu’ils entrent facilement
dans des bois & des ravins inacceflâbles à
toute autre milice, & que leur inclination naturelle
pour le pillage les porte à faire , avec plaifir ,
cette forte de guerre furtive , qui , foit en allant
ou en revenant , leur donne lieu d’enlever des
SUR
chevaux , dès troupeaux, des denrées, & de faire
toujours quelque butin.
Comme l’on peut parvenir à un même but par
deux routes differëntesx, quelques autres veulent
que bien loin de réveiller les ennemis par de
fauffes alarmes , le général qui a deffein de les fur-
prendfe doit faire femblant de les craindre.
Cet expédient me paroît bon lorfque le chef des
ennemis a affez peu d’intelligence pour ne pas distinguer.
une véritable crainte d’une fauffe , ou
lorfqu’il a tant de préfomption de lui-même, qu’il
eft aiféde lui perfuader que vous n’oferiez rien entreprendre
contre lui.
Lucius Martius commandoit en Efpagne l’armée
Romaine après la mort de Cnéius & de Publius
Scipion , fous les ordres defquels cette armée avoir
été défaite par les Carthaginois. Martius , quoi-
qu’inférieur en nombre, forma le deffein de furprendre
le camp de fes ennemis ; il fe perfuadà ~
que les Carthaginois, après la viÔoire qu’ils avoient
remportée, feroient moins fur leurs gardes , parce
qu’ils imaginoient que les Romains , intimidés par
leur précédente déroute , n’oferoient fortir de leur
retranchement. Tout arriva comme Martius l’avoic
prévu , & les Carthaginois furent furpris & défaits.
Lyfandre, capitaine de Sparte, vouloit attaquer
l’armée navale des Athéniens , commandée par
Conon. /Après s’être emparé de Lampfac , il s’y
arrêta pendant quatre jours, feignant de craindre
fes ennemis. Les Athéniens le crurent, & laiffèrent
aller à terre un grand nombre de leurs gens.
Lyfandre en ayant eu avis par fes efpions, vint
fondre fubitement fur leurs vaiffeaux , & n’y
ayant trouvé que peu de monde, il en prit cent
foixante-treize , de cent quatre-vingt qu’il y en
avoit.
Les Polonois , fous leur roi Sigifmond I I I , tâchèrent
, par toutes fortes de voies , d’attirer à une
bataille près de l’Inconie , l’armée de Charles , duc
de Sandomir, q u i, dans le deffein de donner plus
de confiance à fes ennemis , fe tint dans le camp
où il s’étoit retranché , jufqu’à ce qu’il vit que le£
Polonois, fiers de ce que les Suédois refufoient
d’en venir à un eombat ouvert, les méprifoient
comme des lâches. Dès que Charles s’apperçut
que les troupes de Sigifmond , par cette fauffe
confiance, yivoient comme s’ils n’avoient point
eu d’ennemis , il marcha fecrettement contre eux ,
les attaqua, & ne les ayant pas trouvés en état de
défenfe, il les défit.
George Caftriote ayant en vue de furprendre
l’armée de Mahomet I I , commandée par Ifac,
hacha dé la Romanie , fit femblant d’avoir peur ,
& fe retira dans la ville d’Aléocie ; cette démarche
ayant rendu les Turcs beaucoup moins vigilants,
Caftriote les furprit & les défit entièrement.
On peut aufli trouver les ennemis moins préparés
au combat, lorfqu’on a foin de les amufér
par de feintes propofitions de paix ou de trêves ;
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