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place ; maïs Rocandolfe qui ne fe fioït pas entièrement
à Bornemifa, prit fon fils pour ôtage ,
ayant de rien entreprendre.
Alexandre , commandant de la Phocide au nom
de Philippe V , roi de Macédoine , fit agir Jafon ,
gouverneur de Phanote , qui , d’accord avec
Alexandre, traita de remettre cette place à Age-
tas , préteur des Etoliens. La nuit prife pour cela ,
Alexandre fe porta dans un lieu favorable , de
forte que les Etoliens qui venoient pour faire leur
coup , furent eux-mêmes furpris & défaits.
Les Wallons q u i, en 1580 , fuivoient le parti
de l’Efpagne , tentèrent de furprendre Bouchain ,
fur l ’offre qu’un lieutenant de cette garnifon ,
nommé Grobbendonck, leur avoit fait de leur en
©uvrir une porte ; mais Grobbendonck n’étant entré
dans cette négociation que du confentement de
M. de Villers , fon commandant, les ennemis dif-
pofèrent leurs troupes & leur artillerie de manière
que les Wallons , qui voulurent exécuter la furprife
» périrent prefque touts , les uns dans la
place, où Villers en avoit laiffé entrer quelques-
uns , & les autres dans la campagne , invefiis par
un détachement de la même garnifon de Bouchain,
que le gouverneur avoit fait fortir de la place un
jour auparavant, pour mieux déterminer les W a llons
à entreprendre la furprife , & pour les attaquer
après que l'artillerie de la place aurôit fait
fur eux un terrible ravage.
Quand même il n’y auroit pas à craindre que
ces perfonnes vifaffentà vous tromper, la précaution
de leur demander des ôtages ne laiffe pas
d’être néceffaire jufqu’à ce qu’ils ayent accompli
ce qu’ils promettent.
Entreprenez au plutôt la furprife que vous fondez
fur des intelligences ; car il eft impoffible
qu’en la retardant longtemps, les ennemis n’ayent
connoiffance de votre deffeiri , foit par le repentir
& la conjuration de quelqu’un des conjurés , foit
par quelque autre voie que les ennemis peuvent
mettre en ufage ; car ce n’eft pas affez de traiter
avec deux ©u trois perfonnes ; il faut, pour réuf-
fir dans l’entreprife, que celles-ci la communiquent
à d’autres, & entre tant de personnes , le
fecret ne fauroit ne pas tranfpirer.
Lorfqu’ôn traita, dans le-confeil des fept fei-
gneurs de Perfe, de furprendre le tyran Sinerdius
Magus, un deux , nommé Darius Hifiape , qui fut
enfuite ro i, dit que fi l’on ne fe hâtoit de faire ce
coup , le retardement feroit découvrir le traité ;
les autres fentirem toute la force de la raifon de
■ Darius, & preffant l’exécution de leur projet, ils
parvinrent heureufement à la fin qu’ils s’étoient
propofée.
En 1552, le marquis de Marignano manqua la
furprife de Parme , parce qu’ayant différé d’exécuter
ce qui avoit été concerté à ce fujet avec Michel
Tiraferro & Galéas Sanvitali , qui dévoient lui
livrer une porte , un des conjurés qui avoit été fecret
pendant quelques jours, déclara le complot.
SUR
Pour réuflîr dans une entreprife par le moyen
d’une intelligence, il eft néceffaire de convenir
bien clairement avec vos partifans fecrets , de
l’heure & de tout ce qu’eux & vos troupes doivent
faire , de peur que quelque équivoque faffe manquer
l’entreprife.
Philippe V , roi de Macédoine,fortit de Larifa
pour aller furprendre Mélitée, fur la promeffe que
quelques habitants de la place lui avoient faite de
lui ouvrir une porte. Philippe arriva avant l’heure
concertée avec ces habitants; ceux-ci ne fe trouvèrent
pas prêts pour les foutenir, & Philippe
manqua fon coup.
C ’eft pour cela qu’Onofandre confeille à un
commandant de troupes d’apprendre à connoître
l’heure parles étoiles. Aujourd’hui il fuffit d’avoir
une montre qu’on peut regarder de temps à autre,
& confrontant l’heiire avec le chemin qu’on a fait
& celui qui refte à faire, le commandant du détachement
jugera s’il doit plus ou moins hâter fa
marche.
11 faut, autant qu’il eft poflible, ôter touts les
fujets d’équivoque dans les fignaux que ceux avec
qui vous êtes en intelligence vous font pour for-
tir du porte voifin où vous vous êtes mis en embu
fça de , & venir exécuter la furprife. On peut
voir à ce fujet'les exemples d’Àrato & d’Hoenlo.
Des furprifes par intelligence.
Si les habitants d’une place qui font d’intelligence
avec vous font en affez grand nombre, &
ont affez de réfolution pour forcer la garde d’une
porte & vous ouvrir cette porte, vous conviendrez
avec eux de l’heure, du jour Ou de la nuit
qu’ils doivent l’exécuter, afin que de votre côté
vous puiffiez | au même moment, faire entrer un
détachement qu’à cet effet vous aurez mis en em-
bufcade dans quelque lieu voifin.
Le grand Annibal, aidé de l’intelligence qu’il
avoit avec Tragifque & Nicon , furprit Tarenre
fur les Romains.
Les Etoliens furprirent Cynette , les habitants
avec qui ils étoient d’intelligence leur ayant ouvert
une porte, pendant que l’autre partie des
troupes d’Etôlie donnoit l’efcalade à la place.
Si les troupes dès ennemis font logées par niai-
fons , comme il arrive ordinairement dans les
Quartiers d’hiver & dans ceux de rafraîchiffement,
[fi la plupart des habitants font portés pour vous j
convenez avec eux.qu’aux premiers Coups de fufil
qui feront tirés par les foldats que vous détacherez
pour la furprife une telle nuit & à une telle
heure déterminée , chaque habitant prendra les
armes de celui qu’il lo g e , 6c l’enfermera dans la
chambre où il en endormi.
Aborzo , par ce ftratagême, fit trois mille hoir**
mes prifonniers à Camaftro. i j ^
LoVfque les habitants avec qui votis êtes d intelligence
font en petit nombre , ils doivent traites
SUR
avec les efclaves & ceux qui font arrêtés dans les
maifons pour crimes graves ; offrir aux uns 6c aux
autres la liberté 6c une récompenfe, fuppofé qu’en
leur donnant des armes 6c en aidant aux derniers
à rompre leurs prifons , ils contribuent touts à.
forcer la garde d’une porte. Je renvoie fur ce fujet
aux exemples de Naples , de Bléfus , de Pélo-
pidas 6c de Malthe.
Pour mieux réuflîr dans une intelligence avec
des prifonniers, il faudroit l’avoir avec le concierge
; en ce cas , envoyez un parti de foldats d’élite
dans un endroit où ceux de la place les puiffent
faite prifonniers , ayant averti auparavant les officiers
de ce parti de votre deffein ; mais que ce foit
un jour feulement avant la furprife , afin que les
ennemis n’ayent pas fait partir vos foldats prifon-
niers pour quelque autre place , parce qu’un gou- ]
verneur entendu ne les laiffera jamais longtemps
dans une place frontière.
Si vous avez dans la place quelqu’un avec qui
vous êtes d’intelligence , des foldars traveftis que
vous y pouvez faire entrer doivent fe tenir ca
chés dans fa mai fon jufqu’à l’heure concertée pour
la furprife ; alors ils fortir.ont pour ouvrir une
porte à votre détachement.
En 1707, plufieurs Miquelets déguifés en payfans
entrèrent dans la ville de Balvaftro , 6c y demeurèrent
cachés dans les maifons de quelques habitants
j, qui leur donnèrent des armes pour aller attaquer
la garde de la porte de Monzon , dès qu’ils
virent que leur détachement qui venait pour la
furprife étoit proche; cependant ils ne réuffirent
pas comme ils fe l’étoient imaginés , parce que les
régiments des Afturies & de Navarre, qui gar-
doientdansla ville les hôpitaux 6c les magafins de
l’armée, accoururent auffuôt, ôc rechaffèrent les
ennemis qui étoient entrés dans la rue qu’ou appelle
de Monzon.
Le comte d’Egmont, en 1580, furprit Courtray ,
6c y ayant d’abord fait entrer à la débandade quelques
bons foldats qui relièrent enfermés dans les
maifons de quelques habitants catholiques jufqu’au
jour de la furprife^ le comte d’Egmont ayant fait
mettre le feu à une maifon défignée, ce qui étoit
lefignal convenu, ces foldats qui s’étoient tenus
cachés, fortirènt 6c attaquèrent la porte qu’on
appelle del’Ifle, par laquelle entra le détachement
que le comte d’Egmont avoit mis près de là en
embufcade.
J ai dit qu’il ne faut pas différer une furprife que
vous fondez fur des intelligences ; cependant le
commerce qui fe fait dans la place peut être fi petit,
qu’én ufant même des différents traveftiffe-
ments dont j’ai parlé, un concours de cinquante
ou cent etrangers en un jour de plus qu’à l’ordi-
naire , paroît extraordinaire ; alors les gens du lieu
doivent vous fervir pour pouvoir introduire la
troupe traveftie. Dans ce cas , celui avec qui vous
€tes én intelligence achètera quelque temps auparavant,
peu à peu & en divers rues, les vivres né-
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ceffaires. pour les hommes qu’il doit tenir cachés;
fans cette précaution, les officiers de la place en-
treroient en quelque foupçon , & allant vifiter la
maifon de celui aveequivous êtes en intelligence,
ils trouveroient vos foldats.
Ce fut par un femblable indice que dom Etienne
Bellet, lieutenant général, découvrit certains rebelles
qui étoient dans la maifon d’un payfan du
terroir de Tarragone, & qui s’y faifoient panfer
des bleffures qu’ils avoient reçues dans une rencontre
contre les troupes du roi.
Si celui avec qui vous ères en intelligence a
quelque perfonne de fa famille dont il fe défie , il
doit, fous un prétexte piaufible , l’envoyer par
avance en quelque autre p art, & ne pas fouffrir
que les petits enfants incapables par leur âge de
garder le fecret, fortent dans les rues ,ou fe met-
tent à la fenêtre.
Lorfque les habitants qui doivent favorifer la
furprife n’ont ni armes ni munitions à donner aux
foldats traveftis , ni aux autres perfonnes de leur
parti, vous en ferez tenir à ces habitants par des
chatteries chargées de paille ou de foin ; & comme
les fentineiles & les gardes des douannes fondent
pour l’ordinaire ces fortes de charges avec de
longs fers pointus , pour voir s'il n’y a rien de
contrebande , on ne doit pas mettre ces armes au
milieu du foin ou de la paille , mais immédiate
ment fur le fond de la charrette ; je dis la même
chofe d’un petit pétard, des haches, des coins &
des maillets de fer qu’il faut fournir à la troupe
deguifée pour pouvoir rompre la porte & les barrières
par où doit entrer le détachement que vous
envoyez pour foutenir.
Il feroit encore plus aifé de faire entrer des mu-'
muons & des armes qui ne feroient pas bien longues
, en des caillons mis dans des tonneaux &
! foutenus en dedans par quatre pontifies on pièces
de bois qui, d’un bout, touchent au caiffon &
de l’autre au tonneau , & tiennent le~caiffon fuf-
pendu au milieu , il faut achever de remplir le
tonneau de vin , afin qu’il en coule de quelque
part que les gardes de la douanne percent avec
un forêt le tonneau.
Chriftophe, roi de Suède, voulant furprendre
Lubec , introduifit en la place dans des tonneaux
de v in , les armes dont avoient befoin les foldats
qui étoient entrés déguifés dans la ville.
Pour empêcher que la poudre ne fe rende humide
, on peut, au lieu de caiffon de bois, fe fervir
de fourniments de fer blanc fermés avec du
plomb.
Si vous êtes en intelligence avec quelque garde
de la douanne, vous pourrez faire entrer les pifto-
le ts, les pierres , les munitions & les poignards
dans les ballots de marchandifes par la porte où
cette garde fe trouve, fur-toutfi il y eft ftul.
Lorfque par l’affeâion que les peuples du voifi-
nage ont pour leur prince , & par la trop grande
confiance du gouverneur , on n’obiige pas les
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