* » I N C Les raifofli qui peuvent déterminé? \ihé puîf-
iance à faire des incorporations, font le déûr de
diminuer fes dépenfes en diminuant le nombre des
états-majors ; l’efpoir de mieux compofer les états-
majors en en rendant le nombre moins grand ; la
croyance qu’un corps confidêrable réuni fous les
mêmes chefs, animé par le même efprit, conduit
par tes mêmes principes , éft capable de plus
grands efforts que plusieurs petits corps dont chacun
a fes chefs, fon efprit -, fes -principes ; la dernière
raifon eft enfin la néceffité d’effacer du catalogue
militaire le nom d’un corps qui ne s’eft pas
arfez mal montré pour mériter d’être caffé ou décimé
, mais dont la conduite a été affez foible pour
mériter Une de graves reproches. incorporation , quelqu’en foit le motif, eft
une opération infiniment délicate ; fi les deux corps
u’on. réunit ont une réputation également bonne ,
leur efprit eft préfque le même & .leurs principes
femblables , s’ils ont fait les mêmes guerres & les
mêmes campagnes, il n’en réfultera peut-être pas
de grands inconvénients ; mais il n’en reftera pas
moins prèfque toujours quelques femences de di-
vifioo qu’il ,fera difficile d empêcher de germer.
Tantôt q’eft la perte qu’éprouvent les individus
d’un des deux corps ; j’étois le premier à devenir
capitaine, clit un lieutenant, &. voilà que des étrangers
viennent me remettre auffi loin de la compagnie
que je l’étois il y a quatre ans.Comment aime-
•xont-ils des hommes qui retardent ainfi leur avancement?
Car on fçait que pour des militaires l’avancement
eft-tout. Tantôt c’eff un femiraent de
prédileélipn que les différents officiers croyent que
les chefs cpnfervent pour les membres du corps
dans lequel ils fervoient primitivement ; d’autres
fois les < fprits font aigris par des différences infiniment
peu fenfibles dans la fortune, les moeurs ,
les ufages , le ton , les manières des différents individus.
Combien les chefs qui commandent un
corps nouvellement formé par ïincorporai ion , n’ont-il s pas de précautions à prendre pour empêcher
que la divifion ne fe change en haine , &
que celle-ci ne fe baigne dans le fang ? Si un des,
deux régiments a beaucoup fait la guerre, & que
l’autre ait vu peu de combats; fi l’un s’eft couvert
desgloire, St que l’autre n’ait pas été à portée d’en
acquérir , ou ait manqué l’occafion d’en mériter ;
f i t l’un eft bien compote & l’autre mal ; fi leurs
principes , leur efprit , leur ton , leurs manières
different autant que leur compofition , combien de
temps ne s’écoulera-t-il pas avant que l’union foit
pimentée ? Incorporer n’eft rien, c’eft unir qui eft
tout. Les ioix pourront bien empêcher la haine de
faire briller le fer : elles font les maîtreffes des actions
des hommes ; mais leur pouvoir ne s’étend
point jwfques fur les efprits St les coeurs, & c’eft
cependant là l’effentiel ; c’eft de leur union que
n’ait l’harmonie, & c’eft Thârmonie qui fait la
force pendant la guerre ,1e bonheur & la tranquillité
pendant fà paix. Dans un régiment qui a reçu
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une ïncfrptàâiiotl ; îl arrive fouvent que pendant
tout le temps où il refte des membres des deux
corps primitifs,ils font ennemis ; trop heureux s’ils
n’infpirent pas mutuellement à leurs fils, à leurs
neveux, à leurs pupilles les fentiments dont ils
font eux-mêmes animés.
J’ai été témoin d’un dédoublement : le moment
où les deux corps fe féparèrent fera fans ceffe pré-
fent à ma mémoire ; les pleurs qui couloient en
abondance des yeux des officiers St des foldats
auroient fait couler ceux de l’homme le plus in-
fenfible ; comment voir fans larmes des amis s’arracher
avec effort des bras de leurs amis , revenir
fur leurs pas pour s’y jetter encore , & s’éloigner
la fécondé fois avec plus de peine que la première?
Comment k-s entendre fe jurer de s'aimer
toujours, & gémir fur l’inconftance des loix militaires
, fans être vivement touché , & même profondément
attendri ? Comment ne pas former
avec eux le défir de les voir un jour réunis ? Eh
bien, j’ofeaffirmer que fi le miniftre exauçoit aujourd’hui
les voeux que ces deux corps foTmoient
alors , Vincorporation leur fembleroit prefque auffi
cruelle que le dédoublement leur parut douloureux*
Si une incorporation générale étoît jamais regard
dée comme utile , le miniftre devroit, ce me
femble , fe garder de donner pour chefs au corps
nouveau qu’il formeroit , aucun des officiers qui
conduifoient les corps primitifs ; 8t il devroit faire
moins d’attent-on au rang des régiments qu’à leur
efprit & à leurs principes ; à leur ancienneté qu à
leurs aâionsmilitaires & à leur réputation.
Si on ne vouloit que fupprimer qu’un certain
nombre de régiments au lieu d’unir un corps avec
un corps, il faudroit, je crois, répartir dans chacun
de ceux que I on conferveroit, une ou deux compagnies
de ceux que l’on, voudroit fupprimer , &
en répandre les membres dans, toutes les compagnies
des corps confervés ; ces officiers & ces fol-
dats ainfi divifés , auroient bientôt oublié leur ancien
efprit, changé de principes, de moeurs & de
manières ; ils ne feroient ni affez nombreux, ni
affez rapprochés, pour former un corps dans im
corps , & on pourroit facilement combiner l’opération
générale de manière a c e que les membres
unis à de nouveaux corps n’éprouvaffent aucune
perte capable d’ajouter au regret de leur difperr
fion.( C. )
INDISCIPLINE. Violation de la difcipline
II y a une très grande différence entre un corps
militaire fans difcipline , St un corps indiscipliné*.
On peut attacher, je crois , aux mots fans difcipline
, l’idée de l’ignorance abfolue des loix militaires
, & au mot indïfcipliné , celle de îa connoif-
fance de ces lo ix , & cependant de leur trânfgref-
fion & de leur mépris.Tandis que l’homme fans difcipline
peut être comparé à une cire molle à qui on
peut faire prendre les formes qu’on juge les plus
convenables , ou à un enfant à qui on peut infpirer
i N d
les fentiments qu’on veut trouver dans fon coeur *
& qui devient , fuivant les moyens qu on employé
, v i f ou lent, courageux ou um.de, doc.le
ou revêche’; l’homme iadifciplme eft femblable a
un courlierfougueux, q ui, rebuté par un ecuyer
‘mal-adroit ou trop dur, ne veut plus ni fouffnr le
mors le plus doux , ni permettre qu on L approche.
Si à force d adrefle on parvient à le monter, îL fait
des bonds & des écarts plus répétés & mieux com-
binés que ceux qü’il auroit faits dans 1 état de na-
ture;il défarçonne fon cavalier , & après l’avoir
renverfé fur la pouflière, il lui lance encore des
ruades mortelles. O u i, rien n’eft plus aife que de
foumettre aux loix militaires un corps fans difcipline
, & rien n’eft plus difficile que de faire rentrer
fous le joug de ces mêmes loix un corps indifci-
pliné. L’hiftoire ne nous offre aucune révolution
produite par un corps militaire à qui on vouloit
impofer pour la première fois le joug de la difcipline;
tandis quelle nous montre un grand nombre
d’empereurs renverfés de leur trône , & des generaux
abandonnés pour avoir voulu replacer le joug
fur la tête de quelques troupes qui s en etoient affranchies.
L’hiftoire des empereurs & celle du bas
empire , nous offrent plufieurs exemples de cette
vérité , St ces exemples prouvent aux princes, aux
généraux & à touts les militaires qu’ils doivent faire
les efforts les plus répétés pour contenir leurs
troupes dans les bornes de la difcipline la plus
exa&e.
Mais exifte-t-il un peuple , exifte-t-il un feul
homme indifciplinable ? Non , je croirai que touts
les peuples, & que chacun des individus qui les
compofent, font capables de difcipline jufqu à ce
qu’on m’ait montré une fociéte dont les membres
ne font fenfibles ni aux récompenfes phyfiques, ni
aux récompenfes morales , ni aux punitions corporelles,
ni à celles qui tirent leur force de 1 opinion
; jufqu’à ce qu’on m’ait fait voir qu il exifte
des hommes pour qui les mots, honneur, gloire ,
patrie , famille St propriété n’expriment aucune idee
réelle ; jufqu’à ce qu’on ait trouvé, en un mot, des
êtres fans défirs , fans befoins , fans paffions. Me
montrât-t-on même un individu ou un peuple fans
difcipline, je ne conclurois pas pour cela qu’il eft
indifciplinable , mais que fes inftituteurs ont été
ignorants dans le choix des moyens, où mal-adroits
dans la manière de les employer. C ’eft fur ceux
qui ont le pouvoir de punir & de récompenfer ,qui
maîtrifent les opinions , créent ou modifient les préjugés,
qu’on doit rejetter le blâme que mérite Y indiscipline
; ils font les feuls coupables. C ’eft ainfi
’ que lorfque je vois dans la fociété un jeune homme
ignorant, mal élevé , vicieux même , ce n’eft pas
fur lui que tombe mon indignation, mais fur fes
parents , fes maîtres St fes inftituteurs. Euffé-je
tort de penfer ainfi , mon opinion ne fut-elle p^s
auffi vraie qu’elle l’e f t ,il n’en feroit pas moins
effentiel, ce me femble , de la regarder comme
une vérité inconteftable.Dès l’inftant où elle paffe-.
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roit pour un axiome , les légiflateurs, les conducteurs
des peuples , les inftituteurs des hommes fâchent
qu’on ne les croira point quand ils diront,
on ne peut en rien faite , il eft indocile, indifcipli-
nable , fortiront de leur apathie , vaincront leur indolence,
chercheront & trouveront fans peine le
moyen le plus propre à éduquer les hommes & à
difcipliner les armées. C ’eft fur-tout de là tête, des
François qu’il importe de bannie 1 idçe qu il exifte
des peuples & des hommes indifciplinables",car ils
ne font ïndifciplinés que parce qu’il? croyent être
indifciplinable s , St ils ne font in difeip lin a blés^ que
parce qu’on le leur répète depuis huit ou dix fiècles.
Cette perfuafion eft un des préjugés les plus faux
& les plus dangereux. S’il exifte uhe nation aifee à
difcipliner, c’eft fans doute la nation françoife ; en
même temps qu’elle eft idolâtre des récompenfes
honorables , elle eft fenfible , peut-etre jufqu’à
l’excès , aux récompenfes utiles ; on n a pas befoin
de revenir avec elle aux punitions corporelles, ces
punitions qui perdent de leur force toutes les fois
qu’on en fait ufage. Car les peines que l’opinion a
créées font pour elle des punitions très réelles. Elle
adopte les préjugés que fes maîtres veulent fui infpirer
; elle eft fanatique de l’honneur, enthoufiafte
de la gloire, vaine du pays quelle habite , du nom
qu’elle porte, & n’a contre elle qu’une légèreté
aifée à fixer, qu’un excès de . courage facile à dirif
ger St même à réprimer. La preuve la* plus certaine
que le François n’eft point indifciplinable, c’eft
; qu’il fe foumet avec facilité chez l’étranger aux
i loix d’une difcipline peu analogue a fon caraélere ,
à fes opinions r à-fes préjugés ; qu’il obéit avec fou-
miflion à des chefs qu’il hait & fouvent qu il mé-
prife , Sl à des loix qui n’ont pour fanâion aucun
des objets qui flattent le plus fon coeur ; ne difons
donc plus que le François eft indifciplinable ; difons
, au contraire, qu'il feroit infiniment.aifé de
le courber fous les loix d’une difcipline qui réuni-
roit les caraélères dont nous parlerons dans 1 article
L o ix militaires , & dont nous avons déjà
donné une idée dans l’article Discipline. ( C. )
INFANTERIE. Troupes deftinées à fervir à pied.
On donne le nom de fantaflin à tout homme de
guerre qui marche St combat a pied ; St on fe fert
du mot infanterie quand on veut défigner les fan-
taflins d’une manière générale.
S- L
De /’infanterie en général*
Comme il importe peu aux militaires de fçavoir
fi le mot infanterie eft originairement efpagnol,
italien ou françois , s’il a été donné aux guerriers
qui combattent à pied , parce qu’une infante d Ef-
pagne vengea avec des gens de pied, fon père , qui
avoit été défait & tué par les Maures ; ou parce
que les Italiens donnent le nom de fanté à une
efpèce de courriers à pied ; ou enfin parce que les
* 1. ii