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le bruit & la fumée, qui font inévitables, le mouvement
perpétuel & les inégalités du terrein qui
font que les foldats s’entreheurtent, 8cqui changent
l’ordre & l’union des différentes parties d’une
troupe & l’expofent à fe rompre ; la vivacité avec
laquelle le foldat charge fon fufil, qui eft caufe
qu il répand fouvent la moitié de fa cartouche, ou
qu’il ne la pouffe pas au fond du canon y le canon
qui devient brûlant & craffeux à force de tirer ÿ la
platine qui fe deffèche & fe détraque , ou dont la
batterie ne donne plus de feu ; enfin l’ardeur qui
échauffe toutes les têtes & les étourdit y tout cela
concourt évidemment à déranger la jufteffe du
tir, & à diminuer confidérablement le feu & fon.
effet. « Rien, félon le maréchal de Saxe, n’eft fi
fin ni fi facile à déranger que l’effet de l’arme à
feu. J’ai vu , dit cet auteur, des falves entières ne
pas tuer quatre hommes ». Il rapporte qu’à la bataille
de Bellegarde, il a vu tailler en pièces déus
bataillons en un inftant, après avoir fait leur décharge
à trente pas fur un gros de Turcs qui les
attaquoit. Il ajoute, après avoir donné le détail de
cette à&ion , qu’il samufo à compter les morts, 8c qu’il ne trouva pàs^trente-deux Turcs tués de la
décharge générale de ces deux bataillons y ce
qui, dit-il, n’a pas augmentél’eftime que j’ai pour
le feu de l’infanterie ».
A Malplaquet, ou Ori eftime qu’il y eut 1800,000
Coups de fufxl de tirés , fans, compter les coups de
canon, la totalité des tués & des blertfés des deux
partis fut au plus de 30,00a hommes. « Mais , dit
Folard , qui êtoic à cette bataille ».combien les alliés
perdirent-ils de monde par le dans la fortie de la droite » ?fer à la gauche > &
A la bataille de Gzaflau, où les Pruffeens firent
«pne infeeu 2 0p0r0od hiogimeumxe ,s .leurs ennemis perdirent à
La ligne pleine des Prufîîens à Rosbach., qui
nous fui voit de près , faifontun feu-continuel, ne
nous caufa pas une grande perte y du moins , le
champ de bataille que nous eûmes occafionde parcourir
le lendemain de l’affaire , étoit très clair-
f èm é de morts & de bleffés.
Souvent même on a vu des troupes faire leur
décharge de pied ferme fans effet. A Galcinaro ,
les Pruffiens que nous citons volontiers , parce que
leur infanterie paffe pour celle de l’Europe qui
tire le mieux, firent une de ces décharges fur la
brigade de Piémont, quoiqu’ils fuffent portés fur
un plateau , & qu’ils euffenr l’avantage fur cette ;
brigade qui alloit à eux en montant y . 8c {i cela, arrive
à de- telle infanterie r combien'à plus forte
ïaifon;à la- nôtre, qui n’a ni;le phlegme , ni;le Bon
ordre des Allemands. Quelquefois un coup de fufil
lâché-par accident, fait partir fans utilité 8c f ô r i à l contre-temps tout le feu d’une troupe. « Î1 ne four
dit l’auteur des R ê v e r i e s, qu’un- feul coup, en pré-
fence de l’ennemi pour faire tirerun bataillon, une
brigade, une ligne, une colonne entière y jen ai '
qnatrop de ces exemples à citera & nos-militâmes |
MOU
1 n’en fauroient difconvenir. A la fécondé bataille
d’Hochftet, vingt deux bataillons qui étoient au
centre tirèrent en l’air , & furent diffipés par trois
efcadrons ennemis qui avoient paffé le marais devant
eux ». Nos colonnes d’infanteries à Rosbach ,
marchant aux ennemis., firent leur décharge en
l’air par quelque incident de cette efpèce.
Nous croyons pourtant , comme le dit le marâ-
' clial de Puyiégur , qu’une décharge d’infanterie
faite de près , à . .propos &c par des gens fermes ,
peut foire tomber beaucoup de monde. Nous ne
femmes pas moins perfuadés que le feu d’une
troupe peut être fo-umis à une théorie y mais chez
nous il ne s’exécutera jamais que par hafard & machinalement.
Un allez. grand nombre de batailles ôc
d’aélions de guerre auxquelles nous nous fommes
trouvés, ne nous permettra jamais de penfer autrement.
Folard qui avoit fait la guerre avec application,
étoit de ce fentiment. « On a beau, dit-il *
apprendre aux François l’art de tirer par pelotons ,
& d’augmenter leur feu , tout cela ne leur fera
qu’une occafion de ruine. Ils pourront réuffir dan*
- la théorie 8c de fang-froid, lorsqu’ils n’auront pas
d’ennemis en préfence J mais dans la pratique , on
verra que l’ennemi fera dans fon avantage tant
qu’on ne l’aborjlera pas y fon feu fera plus vif *
plus uniforme & plus fuivi, & celui des François
tout au contraire ».
Nous ne difeo-nvenons pas que notre fou ne
puiffe être très redoutable à l’ennemi , & lui eau-
fer beaucoup de perte ; mais il faut pour cela que:
nous foyons derrière des retranchements quelconques.
Il ert certain qu’en pareil cas. les foldats
qui fentent l’avantage de leur pofition , dont l'attention
n’eft point.dirtraite par Iss mouvements de
l’ennemi, ni par ceux qu’ils obligent de faire , ni,
parle commandement,.peuvent charger promptement
& tirer jufle. D’ailleurs , nous avons une ma--
nière de tirer qui confirte à foire paffer aux foldats
du premier rang les fufils des autres rangs , dontle
feu eft le plus vif, le plus égal & le plus meurtrier
qu'il foit pofîible de faire, &à laquelle on ne doit
pas négliger d’exercer l’infonterie y car dans tout
autre cas , fi nous ne chargeons pas avec la baïonnette
, nous éprouverons tout le contraire ,. & ce
fera la fonte des généraux qui préféreront de s’en
tenir à ce genre de combat, fi peu propre à notre
nation , & non celle des troupes qui feront à. leurs,
ordres.
Une grande partie des chofes qui font que le feu;
ert fi incertain, fonren même temps celles qui lé
rendent nuifible & dangereux y elles peuvent mettre
le trouble & la confufion dans une troupe., & être
caufe de fa défaite ; elles empêchent qu’on ne
voye diftinéfementrènnemi, & qu’on ne puiffe j a * g€r de fes mouvements. 11 eft arrivé dans quelque*
batailles qu’àla faveurde la fumée, des généraux
ont employé fort utilement de la cavalerie contre
de l'infanterie qui ne s’y attendoir pas. Nous vou-
lons que ce moyen foit commun aux deux, partis y,
MOU
fnais4T0us préférerions toujours de voir clair en
pareille occafion. Quand les foldats ont beaucoup
tiré , qu’ils crOyent avoir fait,bien dü mal à l’ennemi
, & qu’au lieu de cela il leur paroit encore
entier 8c ferme * & qu’ils voyent que le feu au--
quel ils avoient mis toute leur confiance ne peut
j’arrétef , que même if en a confervé l’avantage ,
leur imagination , qui leur grofïit cet avantage , né
leur préfente plus que le danger , 8c dès lors il ne
faut pas autre choie pour les mettre en déroute.
Nous ajouterons qtie le feu peut devenir contraire
aux plus grands fuccès * en nous mettant hors d’état
par notre perte, qui, quelquefois eft plus considérable
que celle de l’ennemi, 8c par le défordre
où il nous met néceffairement de pouvoir com-
pletter la viéloire. « La tirerie, dit le maréchal de
Saxe, fait toujours plus de bruit que de mal, 8c fait toujours battre ceux qui s’en fervent ». Combien
de raifons ne voilà-t il pas, pour en revenir
au fentiment de nos plus grands maîtres , qui
veulent qu’on profite du nerf £k de la vivacité de
nôtre nation pour marcher droit à l’ennemi, & le
forcer de combattre à armes égales ; mais toutefois
avec un avantage pour nous que l’expérience a
tant de fois confirmé.
Il ne s’enfuit pas de ce que nous venons de dire ,
qu’on doive négliger le feu , tant s’en faut ; mais
en tâchant de fe rendre fupérieur dans cette partie,
nous voudrions qu’on fe f i t une loi de n e jamais
tirer qu'autant que la nature des lieux où l’on
auroit à combattre ne .permettre« pas d’aborder
l’ennemi & de le charger la baïonnette au bout
du fufil.
Nous avons dit que le feu étoit le plus fouvent
ridicule , 8c c’eft une vérité dont les exemples font
fuffifamment connus. Combien de-fois m’a-t-on pas
vu des troupes féparées par une rivière ou quelque
autre obftacle , que ni les unes ni l'es autres ne
voulotent ou ne pouvoient franchir, paffer des
heures, même des journées entières à fe fufiller,
fans qu’il en foit réftrlté autre chofe , finon la
perte de beaucoup d’hommes de part & d’autre 1
( M . D . L . R .}
MOUVEMENT. Partage d’une pofition à une
autre pofition.
La feiertee du m o u v em e n t des troupes eft urne
des principales parties de celle du général. Celui qui
la poffèd-e fupérieurement , peut fouvent vaincre
fon ennemi fans combat. Auffi les m ou v em en ts fa-
vants & judicieux qu’un général fait exécuter à fon
armée, font-ils des marques plus certaines de fon
imelligençe & de fon génie , que le fuccès d’une
bataille où le hafard a quelquefois plus de part que
l’habileté du commandant.
C’eft par des m ou v em ents de cette efpèce que
Caèfar fut réduire ,.en Efpagnè , AfraniuS fons combat
; que M. de Turenne étoit au moment de
triompher de Montécuculi lorfqu’il fut tué“ ; 8c que
M. le maréchal de Créqiïy trouva le moyen , en
1677 y d’empêcher le duc de Lonaine, qui avoit
M Ü N 28?
une armée fupèrieure, de rien entreprendre contre
lui.D
ans les différents m o u v em en ts que l’on fait exécuter
aux troupes, deux chofes méritent beaucoup
d’attention : la fimplicité & la vivacité de ces m o u-
v e ttien ts . Î1 eft dangéfedx d’ert foire .devant l’ennemi
, qui dérangent l’OTdre de bataille , lorfqu’il'
eft à portée de tomber fur léS troupes qui les exécutent
y mais le danger difparoît lorfqu’on eft af-
furé qu’il eft trop éloigné pour pouvoir en profiter
y le temps, pdür cet effet , doit être apprécié
avec la plus grandè jufteffe. C’eft pat des m o u v e m
en ts bien exactement combinés qu’on peut fur-
prendre l’ennemi, lui cacher fes deffeins, 8c l’obliger
fouvent dé quitter un pofte avantageux où il
! feroit très difficile de le combattre & de le vaincre.
Mais pour qu’ils puiffeiit répondre aux vues du
général, il fout que les troupes y foyent parfaite-
ment exercées, en forte qu’elles foyent en -état
de les exécuter faris confufion 8c àvec beaucoup
de• Uvînt egfféen éorua ld hea cbéilléer citoém.pafle avec foin touts fes
différents mouvements. 11 d’en fait aucun qui n’ait
un objet d’utilité , foit pour arrêter les démarches
de l’ennemi, ou pour cacher le véritable objet qu’il
fe propofe. Les m ou v en te fiis en (avant , ou pour
s’approcher de l’ennemi , ne doivent fe faire
qu’avec beaucoup de cireonfpeétioiï. On ne doiz
s’avancer qu’autant qu’on a fait toutes les difpofi-
tions néceffaires pOur n’être point obligé à rétrograder
y démarche qui décourage toujours le foldat,
& qui donne de la confiance à l’ennemi. Il eft
j un cas particulier où le m ou v em en t rétrogradé r loin d’avoir aucun inconvénient , peut être très
avantageux. C’eft lorfqu’on 1’employe pour attirer
l’enneoai au combat au moyen d’une retraite fimu-
lée ; alors , s’il fo met à la pourfuîtè de l’armée &
qu’il abandonne fes pofteS, on fe met auffi en bataille
en état de le recevoir y on lui fait perdre aînf»
l’avantage du lieu où il auroit été difficile de l’attaquer
.MUNITlONNAIRE. Adminiftrateur de munitions
de bouche.
Le m u n itio n n a ir e en chef ou général des Vivres
doit être confornîhé dans tout ce qui concerne les
achats ,1a manutention , les emplacements , l’économie
des vivres dans les fournitures & diflribu-
tions, la quantité de la confommation , là conduite
& direétion de cèüx qui lui font fuboïdorf-
nés, & le travail des bureaux^
Il doit cbnrtoître l’intérieur du rôyàtinte , le*
frontières, les états voifins y l’efpèce , la quantité ÿ
le prix des vivres qué eés pays peuvent fournir y les ports, les rivières , les canaux, les chemins &
autres moyens qui peuvent les porter à leur defti-
.nation y exécuter les ordres qu’il reçoit avec ufle
extrême vigilance, donner toujours pat écrit dès
ordres précis ; prévenir les vuèS poiuiqi es du
! mimftre , preffèctir lès deffèifis des généraux v J avoir préfentes toutes les parties de fon admimfisa