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pour porter les blefles , que fi le nombre dé ces
voitures eft petit en comparaifon de celui des
blefles , on démonte quelques cavaliers ; mais
lorfque ces cavaliers font néceffaires pour le combat
, on fait tranfporter les blefles par les chevaux
ou mulets trouvés dans le pofte furpris. Un bon
officier qui a un cheval n’abandonnera pas un de
fes foldats qui a été bleffé , ou qui ne fauroit
marcher. _ ^
Après une furprife , vous devez vous retirer par
un chemin qui vous difpenfe de vous battre ,
quand même vous auriez un tiers de troupes de
plus que les ennemis , parce que les vôtres le
trouvent fatiguées de la-marche, de l’attaque & du
poid du butin , & embarraiTé de prifonniers & de
bagages.
S i , par la fituation & par la diftance ou fe trouvent
les ennemis, vous pouvez vous retirer d’abord
par le chemin le plus, court fans les rencontrer
»prenez ce chemin , fi vous craigniez qu’ils
n’ayent eu le temps de venir vous couper ;• commencez
à faire retraite par le même chemin que
vous avez pris dans votre marche ; lorfque la nuit
fera venue , faites une contre-marche pour vous
détourner & éviter l’embufcade que les ennemis
pourroient vous tendre.
Le chevalier Melzo rapporte que par ce moyen
il fe délivra d erre coupé par un détachement des
ennemis, qui avoient cru qu’il feroit fa retraite
par le même chemin qu’il avoir tenu dans fa
marche. , -
Je m’étends ailleurs fort au long fur divers ltra-
tagêmes , afin que dans une fembhble retraite les
ennemis foient étrangement trompés , foit par les
prifonniers que vous avez laifle échapper, ou par
vos propres foldats qui déferrent avant que vous
preniez le fécond chemin , foit par des mulets
eftropiés , par des chevaux qui henniffent, par des
partis de tambours qui fuivent le premier chemin ,
& parles feux qu’on y allume-, & par la trace des
hommes & des chevaux. '
Si vous faites retraiterde nuit & par un terrein
coupé, les ennemisvraifemblablement ne fe hafar-
deront pas à vous fuivre , de peur de quelque em-
bufeade , fur-tout quand ils ne font pas fi forts que
vous en infanterie & ne connoiflênt pas fi bien le
pays»’ '
Nonobstant toutes les précautions que vous pouvez
prendre, il le peut que les ennemis ayent
connoiffance très promptement de votre entre-
p-ife- que cette expédition ayant dure plus que
vous ne penfiez, le général ennemi aireu le temps
de rassembler de différentes places & quartiers ,
affezde troupes pour vous attaquer fur votre retraite
& qu’il ne vous foit pas poflîble d éviter
d’en venir à un combat s dans ce cas, retirez-
vous par le terrein le .plus commode., par rapport
à la qualité St au nombre de vos troupes.
Si auprès de l’endroit où-vous vous trouvez
lorfque vos batteurs d’eltrade découvrent les en-
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nemis, il y a un gué, un pont ou un défilé que
les ennemis doivent néceffairement - paffer pour
vous aborder, hâtez cette marche pour laiffer ce
paffage derrière vous ; & fi ce gué , ce pont ou ce
défilé fe rencontre par le flanc , vous ferez un détachement
pour le difputer aux ennemis , pendant
que le gros de vos troupes continue fa marche.
En traitant des retraites des troupes, vous verrez
quels ponts ce même détachement doit rompre
; quels fentiers fur le penchant des coteaux &
des montagnes il doit gâter ; quels bois il doit
brûler, & quels chemins il doit1 embarraffer avec
des troncs d’arbres & avec des chevaux morts ;
vous verrez auffi de quels expédiens vous pouvez
-vous fervir , fuppofé que le gros de vos troupes
marche par un ‘ terre-plein, foit torfqu’il eh près
d’être attaqué par les ennemis, foit lorfqu’il faut
néceflairement faire halte fur votre retraite.
Deville veut quauffitôt après avoir réuffi dans
furprife, vous envoyiez avec une efeorte les
prifonniers à vos places ou à votre armée ; cet
expédient eft bon lorfque l’efcorte , fans affoiblir
votre corps , fera affez forte contré les partis que
les ennemis peuvent, en peu de temps , raflem-
bler fur le chemin par où cette efeorte fe retire ,
car autrement elle feroit battue , & fi , pour la
groffir, vous détachez un trop grand nombre de
troupes, vous expofez votre gros à être mis en
déroute.
Les régiments d’infanterie des Afturies dOfma
& d’Almanza enlevèrent, en 1710, les troupeaux
de la campagne d’Orbitelle , &. les envoyèrent à
Porto-Hercolo, fous une petite efeorte. Un parti
de payfans tomba fur-cette efcojte, & prit une
grande partie des troupeaux, parce qu’ils étoier.t
Supérieurs à l’efcorte, qui fe trouvoit éloignée des
régiments qui l’avoit détachée.
Si vous ne vous déterminez pas à envoyer la
prife'avec un détachement, faites marcher vos
troupes entre elfe & l’endroit par ou les ennemis
viennent, afin qu’elle ne vous emoarraffe pas
lorfqu’il faudra vous ranger en bataille.
Dans ce dernier cas , lorfque les ennemis approchent
du gros de vos troupes., & que vous
faites halte pour combattre , la garde des prifonniers
leur ôtera leurs épées , leurs baïonnettes &
leurs couteaux fi quelqu’un eu avoit, 8c les obligera,
de s’affeoir, menacera de tuer quiconque
.remuera, & tiendra fes armes prêtes pour tirer
fur le premier qui voudra s’échapper ; cette garde
doit être çompofée d’une partie de-cavalerie , puisque
l’infafiterie ne fauroit attraper par les premiers
. coups de fufil que très peu de prifonniers parmi
plufieurs qui prendroient la fuite par différents
côtés.
Quand le temps du combat approche , obligez
les foldats à mettre leurs havrefacs à terre ; car s ils
les tiennent fur l’épaule, il ne leur fera pas pof-
fible de fe remuer fi fort; ces havrefacs feront
plein de butin.
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Anéroefte, roi des Gaulois, étoit du fenriment
de ne pas rifquer un combat contre les Romains ,
jufqu’à ce que les foldats' de retour de leur pays ,
fe lu fient, déchargés du butin 8c des prifonniers
qu’ils avoient faits fur ces mêmes Romains; mais
les Gaulois ayant été obligés d’en venir à un combat
, Anéorefte fit mettre auparavant tout leur bagage
avec une garde , fur une montagne forte par
fa fituation.-
La déroute qu’on éprouve dans un combat ouvert
, vient ordinairement de ce que la force ou
la fortune des ennemis a prévalu ; mais il eft difficile
de.ne pas accufer de quelque omiffion ou de
quelque négligence le commandant des troupes
qui ont été battues par furprife ; à quoi on n’au-
roit pu réufïïr fans un enchaînement d’accidents
très rares, fi les troupes furprifes n’avaient manqué
en, quelque choie de-ce que le devoir & la
vigilance exigent. ( Santa-Cru{ ).
SYSTEME. M aniere générale de fortifier un
polygone.
L’invention du canon obligea les militaires de
chercher une méthode de rendre les remparts plus
capables de réfifter à cette nouvelle arme. Cette
méthode devôit confifter dans la conftru&ion &
dans la difpofition. Il étoit facile d’ajouter à la force
des murailles , & on le fit promptement ; mais il;
ne l’étoit nullement de trouver la difpofition la
plus favorable des ouvrages de fortification & la
limite de leur nombre. Le premier, le plus fimple
& le meilleur des changements , fut celui de la tour
quarrée en baftion ; mais il y eut dès-lors des ail- ;
teurs qui p,en fièrent faire beaucoup mieux, en inventant
des figures bifarres. Telle eft celle que
propofa en 1570 Alghifi da Carpi, Architeéle de
Ferrari. Il forme fur chaque face du polygone intérieurement,
un triangle reélangle; place à 'chaque
angle Taillant un baftion à crillons , & devant
le rentrant de la courtine brifée, met un gros boulevard
triangulaire ; on voit qu’il feroit difficile de
trouver quelque chofe de plus défeétueux.
En 1598 , un autre Italien nommé Jean-Baptifte
Belici, employa les.baftions à orillons quarrés, à
doubles flancs , petits & perpendiculaires à la
courtine qu’il fit droite & baffe avec une autre
courtine intérieure brifée & plus élevée. Il plaça
un cavalier entre ces deux courtines, & retrancha
la gorge des baftions. Cette manière , moins
mal entendue , étoit encore bien foible.
Avant ces deux fortificateurs , Daniel Speckle
avoit publié en Allemagne un fyfiême très fupé-
rieur, cpmpofé de grands baftions à grands orillons
quarrés, avec deux flans retirés & bridés à
leur milieu , joints.par une courtine droite , & un
cavalier dans chaque baftion ; depuis lui jnfqu’au
dix-feptiemefiècle , on n’a rien fait de mieux, &
plufieurs ont fait beaucoup plus mal.
En 1599, Marchi propofa de très-grands baftions
, fur la pointe de chacun defquels il établiffoit
un autre baftion. La courtine qui réunifl'oit les
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deux grands baflions avoit peu de longueur , &
toutsles flancs étoient perpendiculaires à la courtine,
de forte que toutes les faces reftoienr fans
défenfe.
' Le dix- feptième fiècle abonda en fyftêmes ; toutes
les nations en firdnt : ingénieurs , officiers , généraux
, architeéles |mai;res de' mathématiques
élèves -, écoliers touts afpirèrent à la, gloire d’atteindre
à la perfeélion d’ ifn art dont i,ls n’avoient
pas les élémencs. Chacun pouvoit aifément fe fa-
tisfaire : en prenant la ligne droite & la courbe
en dimenfions & pofitions quelconques, on peut
avoir des combinaifons différentes jù/qu’à l’infini.
Il étoit difficile de trouver la meilleure au milieu
de cette immenfité. On ne pouvoit le faire qu’en
ayant les données du problème & une méthode
pour le réfoudre ,; & ceux qui le tentoient ne les
avoient pas. Les uns s’imaginèrent qu’en multipliant
les ouvrages , & fur-tout les flancs , ils âr-
teindroient le but qu’ils fe propôfoient. Les plus
modérés en mirent trois ; Blondel en mit quatre ;
Rufenftein alla jufqu’à fix ; d’autres doublèrent
l’enceinte; quelques-uns coupèrent les ouvrages en
petites portions , penfànt rendre leur fyftême plus
fort en multipliant les chicanes ; ils ne fon-
geoiènt ni aux frais de conftruéîion , ni au nombre
des troupes néceffaires pour défendre leurs places
ni aux depenfes c!e l’approvifionnenient ; 8c il y
en eut qui eurent l’audace ou l’ignorance d’avancer
qu’un front conftruit fuivant leur idée, ferait inir
prenable.
f Toutes ces prétendues inventions furent négligées,
& la pratiqué bornée à trois méthodes , qui
étôient la môme aif fond , & dont chacune différant
dé l’autre par des aeceffoires, avoit fes défauts
& fes avantages ; on nommoit.ces méthodes
Espagnole , Italienne & Hollandoife ; elles fai-'
foient toutes trois le flanc perpendiculaire à la
courtine , 8c différaient principalement par la longueur
& la direélion de la ligne de défenfe.
Enfin Vauban parut, & avec le bonheur d’avoir
reçu delà natpre un génie vafte & obfervateur •
il eut celui d’être mis , par les circonftances , dans
la feule route qui pouvoit conduire à-la perfeéïton
de fon art. Il dirigea cinquante-trois fièges. Cette
longue expérience, jointe à fon génie , lui découvrit
les vrais principes de l’attaque des places.
Maître,de ces principes , il qe tarda pas à voir en
lenr entier' les défauts des méthodes employées
pour fortifier les places. Ces défauts connus lui Indiquèrent
les moyens d’y remédier '; il les employa
dansées places qu’il f it . conflruire. Mais
comme il n’y a que ceux qui ignorent les fondements
d’une fcience , qui bâtiffent des fyfiêmes relatifs
à cette fcience,. Vauban n’en fit point. Comme
il tenoit les principes, il les appliqua aux données.
Ceux qui le virent opérer , ne concevant point
l’étendue de Ça méffiodè d’attaque ,■ parce qu’il ne
leur avoit pas reyélé fes fecrets , ne conçurent
point auffi les changements qu’il fit dans les n é -