
le*gratrd favori du roi, prétendoit à cette dignité,
s'excufa par politique de l’accepter, & conseilla àu
roi de la donner au' duc de Luynes ; ce qui fur exécuté.
Il ajoute que , « le roi voulant fe farisfaire en
l’affeéHon qu’il avoit pour le duc de Lefdiguières,
il lui envoya en même temps le pouvoir de mare-
chai-général des■ camps & armées , avec des attributions
qui lui donnoienr prefque toute l’autorité de
connétable , dont on pouvoit bien dire qu’il poffé
doit la charge en effet, & que l’autre n’en avoit que
lenom ».
Dès que la charge de maréchal des camps & armées
étoit jointe à la dignité de maréchal de France ,
celui qui en étoit pourvu, avoit dans un liège tout
le commandement, & toute la dire&ion du liège ,
quand même il y auroit eu un autre maréchal de
France plus ancien que lui : c’eft ce que nous apprend
la même hiftoire du connétable de Lefdiguières
au fujet du liège de Saint-Jean d’Angeli, en
1621.
« La ville de Saint-Jean d’Angeli, dit l’auteur,
oit Soubize, frère du duc de Rohan , s’étoit enfermé
pour la défendre , ayant arrêté la cour , Au-
riac, l’un des maréchaux de camp de l’armée du
ro i, qui fervoit en celle-ci , & s’étoit auparavant
logé avec quelques troupes au bourg de Saint-
Julien , à un quart de lieue de la place , remit au
duc de Lefdiguières, comme à fon fupérieur , ( en
qualité de maréchal-général des camps & armées du
roi ) , le commandement des armées & la direction
entière du liège à quoi l’on fe préparoit. Le
duc de Briffac, à qui fa qualité de maréchal de
France attribuoit le commandement de l’armée , le
lui déféra aufli-tôt ». Sur quoi il faut obferver, ce
que l'hiftorien n’ajoute pas , que le maréchal de
Lefdiguières étoit au moins auffi ancien maréchal
de France que le maréchal de Briflâc.
Que fi le connétable étoit dans la même armée,
alors le maréchal-général des camps & armées n’agif-
foit que par fes ordres , & même ne faifoit point
fes fondions : c’eft ce que le même hilîorien témoigne
en parlant du liège de Montauban , qui fe
fit la même année. « Le duc ( de Lefdiguières ) ,
dit-il »étantvenu de Villemurau camp , où le connétable
de Luynes donnoit de compagnon en cette
fouveraine partie du commandement, fe contenta
de prendre le foin d’un quartier avec le prince de
Joinville, duc de Chevreufe, & le maréchal de
Saint-Géran , qui s’affocièrent à l’attaque de l’endroit
nommé le Mouftier ».
Une chofe cependant à remarquer , c’eft que
quand le maréchal des camps & armées étoit le cadet
d’un autre maréchal de France qui fe trouvoit au
même liège, celui-ci gardoit en certains points le
*ing & les prérogatives que fon ancienneté lui
donnoit. C’eft ce que nous apprenons du maréchal
de Biffompierre dans lès observations qü’il fit fur
Thiftoiie de Fra nce de Dupleix , dans le temps !
qu’il et<5< en prifcm à la Baftille.
Dupleixojj parlant du liège-de Saint-Jean d’An* >
...............MAR
geh , setoit exprimé ainfi : « Briffac céda le principal
commandement à Lefdiguières, en qualité
de maréchal général des camps 6* armées royales.
M. de Baffompierre corrige l’hiftorien de cette
manière. « Il ne lui céda que la charge de maréchal
de camp général ; car au relie il le précéda aux confiées
& au commandement de la première attaque,
qui étoit celle des gardes.
Sijavois-pu recouvrer les provifions de M. le
vicomte de Turenne pour la charge de maréchal
général des camps & armées, j’en aurois peut-être
tire quelques nouvelles lumières fur ce fujet ; mais
on les a cherchées longtemps inutilement parmi
les papiers de la maifon de Bouillon ; tout ce que
j en ai pu apprendre d’un célèbre écrivain qui a
fait imprimer l’hiftoire de la vie de M. de Tu-
renne il y a plufieurs années, fur les mémoires les
plus furs , laquelle n’a point encore paru pour des
raifons particulières,, c’eft qu’ayant eu ces provi-
1 fions entre les mains , il en a tiré la date , qui eft
le 5 d’avril de l’an 1660 , & qu’il fe fouvient dif-
tinftement d’y avoir lu ces termes : « pour en jouir
( jfâ cette charge ) aux mêmes droits, privilèges &
prérogatives dont ont joui ceux qui en ont été
pourvus avant lui ».
Ce fut au fujet de cette charge que- Louis XIV
ordonna en 1672 , que M. de Turenne ne roule-
roit point avec les autres maréchaux pour le commandement,
& qu’il les commanderoit touts. Cette
affaire fit de l’éclat. Il fallut que les maréchaux de
France fe foumiflént aux ordres du roi. Les mare-
chaux de Créqui & d’Humières furent obligés d’aller
fervir fous M. de Turenne au camp près de
Naffau , fur la Loue. Voici la lettre que le roi écrivit
à ce général en cette occafion , & dont les deux
maréchaux furent eux-mêmes les porteurs.
L e t t r e du roi dM. de Turenne, qui lui fut apport
tée par MM. les maréchaux de Créqui 6» d’Humières
au camp près de Naffau ,fur la Loue.
« Mon coufin, ayant réfolu de me fervir de
mes coufins les maréchaux de Créqui & d’Humières
, en qualité de mes lieutenants généraux
fous vous dans mon armée , de laquelle je vous ai
don né le commandement en chef, j’ai bien voulu
vous le faire fa voir par cette lettre , & vous dire
que mon intention eft que vous ayez à faire re-
connoître mefdits coufins les maréchaux de Créqui
& d’Humières en ladite qualité de mes lieutenants
fous vous en madite armée ; que vous leur
faffiez prendre jour alternativement, & les employiez
dans les fon&ions de ladite charge félon &
ainfi que vous verrez être à propos pour mon fer-
vice. Sur ce je prie Dieu qu’il vous a it , mon cou-
fin , en fa fainte & digne garde. Ecrit à Saint-Ger-
main-en-Laye le 30 oftobre 1672. Signé, L o u is ,
& plus bas, le T ellier ».
Tout ce qu’on peut recueillir de ce que j’ai rapporté
de l’hiftoire de M, de Lefdigtiièfies, & de ce
tjue j’ai cité du maréchal de Baffompierre, c’eft que
la chargé de maréchal général des camps & armées
do-nnoit, ce femble , à celui qui en étoit pourvu ,
le commandement dans un fiège à l’exclufion
même d’un plus ancien dans la dignité de maréchal
de France ; & qu’en fécond lieu ce plus ancien
maréchal ne laiflbit pas d’avoir laprélèance dans le
confeil & dans la principale attaque.
Mais il paroît extraordinaire que ce maréchal général
des camps & arrhées qui avoit le commandement
général du fiège, ne préfidât pas au confeil
de guerre. Cette difficulté n’eft point réfolue par
le fait du liège de Saint Jean d’Angeli dont j’ai
■ parlé, non plus que par celui de Montauban, qui
fe fit la même année ; car le connétable de Luynes
y étoit préfent, & c’étoit lui qui préfidoit au confeil
cle guerre; de plus, comme le témoigne l’auteur
de la vie du duc de Lefdiguières , le connétable
au fiège de Montauban donnoit touts les
ordres. J’ai déjà tranferit ce qu’il dit là-deflùs.
Mais écoutons encore raifonner le comte de
Buffy-Rabutin fur ce fujet dans deux de fes lettres,
à FocCafion du refus que firent les maréchaux de
France de commander fous les ordres du vicomte
de Turenne en 1672, au commencement de la
guerre de Hollande.
« C’étoit, dit il, une queftion de favoir fi , étant
auffi redevables au roi qu’ils font, ils euffent été
excufables de refufer de lui obéir en chofes qui
euffent effectivement intéreffé l’honneur de leurs
charges ; mais de le refufer en chofes où ils ont
tort, je ne puis les exeufer. Il eft certain que les
maréchaux de camp généraux ont été faits pour la
fonétion de connétable. Il y en a eu peu jùfqu’ici
en France. Cette charge a été créée pour faire ef-
pérerTépée de connétable à celui qu’on en pourvoirait
; & cependant pour en faire les fondions
fous un autre titre. Je ne fâches guères que le maréchal
de Biron , le connétable de Lefdiguières, &
M. de Turenne qui en ayent été pourvus. Une rai-
ion convaincante que la charge de maréchal de camp
général eft au deffus de celle de maréchal de France,
c’eft que quand le maréchal de Biron fut fait maréchal
de camp général, il étoit doyen des maréchaux.
Si on n’eut pas voulu lui donner quelque chofe au-
deffus de ce qu’il étoit, on l’eût laiffé co7irme il
étoir. Mais pour ajouter l’exemple à la raifon, vous
favez qu’au fiège de Clerac M. de Lefdiguièfes ,
qui n’étoit encore que maréchal de camp général \
commanda le maréchal de Saint-Geran, qu’il n’y !
avoit pas longtemps qui étoit fon camarade. M. de
Turenne eft aujourd’hui en bien plus forts termes
avec les maréchaux exilés. Il commandoit les armées
du roi, que ceux-ci étoient encore au collège
. . , . Il y a dix ans que j’ai appris ce que je
viens dç dire du feu maréchal de Clerembaut ».
Voici ce que dit le comte de Buffy dans fon
autre lettre : « je v.oudrois bien , dit-il, demander
à ceux qui vous difent que l’on ne fit le maréchàl
de Biron maréchal d e cam p général que pour précé-
M A il 16}
der les rnar-échnux de France , où Ils ont trouvé
cela ? car je leur dirai que quand on lui donna cette
charge nouvelle, il étoit le doyen des maréchaux ;
& cela étant, il les précédoit par fa feule ancienneté.
Pour le connétable de Lefdiguières , n’étant
encore que maréchal de camp général au fiège de
Clerac , il envoya dire au maréchal de Saint-Geran
•de fie retirer, parce qu’il étoit allé à fieficarmouche
comme un fimple officier. Je vous cite des endroits
de l’hiftoire que tout le monde peut voir ; & fort
vous allègue des provifions d’une charge qui ne
font point publiques. Il faut dire auffi la vérité :
jafqu’ici j ’avois cru que les provifions de M. de
Turenne étoientcomme les autres ; mais l’ordonnance
que le roi yiçnt de faire , par laquelle il
veut que M. de Turenne commande 1 es maréchaux
de France feulement pour cette campagne , &fians
tirera conséquence , me fait croire que les lettres
de maréchal de camp général ne lui en donnoient pas
le privilège. Cela pourtant m’embarraffe ; car
quelles grâces lui font'-elles donc , à un vieux maréchal
de France qui a rendu do grands fervices
pendant la guerre, & que l’on a voulu récompenfef
en faifant la paix ? Il me dit auffitôt qu’il fut fait
maréchal de camp général, que le roi en lui donnant
cette charge , lui avoit dit : je voudrois que vous
m’euffiez obligé à faire quelque chofe de plus pour
vous, voulant dire, de le faire connétable, à quoi
fa religion pour lors étoit un obftacle ».
Je vais faire quelques courtes obfervations fur
ces lettres cle M. de Bufty. Premièrement , il fe
méprend dans ce qu’il met pour principe de fes
raisonnements , que M. de Biron étoit le doyen
des maréchaux de France , quand il fut fait par
Henri IV maréchal des camps & armées. Il y en
avoit deux vivans encore plus anciens que lui :
favoir, Albert de Gondy , duc de Retz, qui avoit
eu le bâton dès fan 1574, & qui mourut la même
année que M. de Biron , c’eft-à-dire » en 1602«
L’autre étoit. Henri de la Tour , duc de Bouillon
fait maréchal de France en 1392 , & mort en 1623 ;
& Charles de Biron ne fut honoré du bâton qu’en
1 5 9 4 *
Secondement, que le droit dW maréchal général
des camps & armées décommander aux autres maréchaux
de France, eft fondé fur quelques faits ;
car au fiège de Clerac le maréchal de Saint-Geran ,
& au fiège de Saint-Jean d’Angeli, le maréchal de
Briffac , furent fous les ordres du duc de Lefdiguières
, maréchal des camp & armées , quoique le
maréchal de Briffac eût la préféanee dans le con-,
fieil, comme plus ancien maréchal de France.
Troifièmement, l’ordonnance du roi citée pajr
M. de Bufty , par laquelle il fut dit que les maréchaux
obéiroient à M. de Turenne pendant la campagne
de 1672 , & fans conféquence , paroît prouver
qu’il n’avoit pas ce droit en vertu de fes provifions
de maréchal des camps & armées.
En quatrième lieu , fi M. de Turenne n’avoit
point cette prérogative en vertu de fa charge, quel