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tion des travaux ennemis, doit être faite le jour
de l’ouverture de la ligne de contre-approche ,
parce que le feu de cette nouvelle ligne verra en
ilanc, & derrière l'ennemi dans fon travail, & ne
laiffera aux gens lortis qu’une partie de la tranchée
à fur mon ter , puifque la défenfe des lignes fera
féparée fi l’attaque va d’angle en angle, ou ce qui
efî la même choie , de rejour en retour, & que la
partie vue de la contre-approche fera abandonnée
par ceux qui ferojent à fa garde, qui fe feront
retirés aux endroits.que la contre-approche ne peut
voir. Si la forcie prend les afliégeans dans cette
marche, on ne doit pas douter qu’elle ne les
conduife au dehors de touts leurs travaux, pref-
que fans peine.
L’ordre que je propofe pour les forties, n’étant
pas une lo i, ne doit pas être fuiv.i fi exactement
qu’il puiflé ôter à l’affiégé une occafion de chaffer
l ’afliégeant de fon travail. Les connoiffances que le
gouverneur aura de la foibleffe & de la mauvaife
conduife de ceux qui feront de garde.à la tranchée,
doit obliger de les attaquer avec plus ou moins
de force ; il doit encore le faire lorfque le mauvais
temps aura mis l’ennemi eu état de ne pouvoir
fe fervir de fe s armes à feu contre les
troupes qui fortiront fur lui. Comme lefuccès des
forties fait un des principaux retardements de l’attaque
, le gouverneur ne doit pas fe contenter d’avoir
une feule fois battu l’ennemi, & détruit fes
travaux, il doit fi bien prendre fes mefures par
lui-même, que fans trop fatiguer fes foldats il
rebute l’afliégeant, tantôt par de petites , & mêmes
de fauffes forties, & tantôt par de véritables, qui
produifent leurs effets.
Je ne fai quelle raifon a pu empêcher jufqu’ici
les gouverneurs de faire fortir de leurs places
quinze ou vingt maîtres , pour chaffer les travailleurs
de l’attaque. Je ne demande pas que cette petite
troupe combatte , mais qu’elle fonde feulement
fur fix ou fept cents hommes, qui n’ont pour
toute arme que l’épée & la pèle, & qui ne demandent
qu’un prétexte pour fe retirer, ou, pour mieux
dire, pour prendre la fuite. Quelque foin que
prenne enfuite un officier général pour raffembler
les pionniers, il eft certain qu’il ne s’en trouvera
pas la moitié, ce qui retardera extrêmement le
travail. Outre l’effet de cette petite fortie dont je
viens de parler, elle en produira un autre non
moins confidérable que le premier , puifqu’elle
fervira à découvrir les pofies que tiendront les
troupes commandées fur la droite & la gauche des
attaques, pour foutenir les travailleurs ; lefquels
étant reconnus par les affiéges, ils feront feu à
coup fpr fur les troupes qui n’ont point de couvert
pour les en garantir.
Si l’on oppofe à ce que je viens de dire que ces
mêmes troupes iront à la charge fur ce petit
nombre de cavaliers , commandés feulement pour
donner l’épouvante à des travailleurs ; je dirai ce
que j’ai déjà dit ? qu’ils nç vont pas là combattre
des gens armés, mais feulement pour chaffer des
pionniers , & découvrir les pofies de ceux qui les
foutiennent, & fe retirer fans combattre ; cela
réufliffant tant foit peu , ce fera toujours une nuit
inutile aux ennemis.
Je fuis fur pris que dans toutes les défenfes des
places qui ont été attaquées pendant une fi longue
fuite de guerres , aucun des gouverneurs n’ait fait
fortir de Ta place huit ou dix braves foldats affez intelligents
pour prendre ceux qui ont le principal
foin de la conduite des attaques. Rien , ce me
femble, n’ eft plus facile à exécuter , puifque l’on
ne peur pas ignorer que ceux qui font chargés de
conduire les lignes de la tranchée, vont recen-
noître ou tracer les ouvrages fans bruit, très peu ,
ou point du tout accompagnés, & qu’il n’eft pas
difficile à huit ou dix hommes bien réfolus de fe
gliffer fur le ventre , à la faveur de la nuit, & de
prendre par derrière celui qui, ne craignant rien
derrière lu i, n’a pour objet que fon travail. Tout
ceci doit être exécuté fans bruit.
Suite des manoeuvres de la garnifon après l'ouverture
de la tranchée
La fécondé nuit l’ennemi fe reâi fiera & continuera
de pouffer en avant ; comme il fera encore
trop loin pour que la moufqueteriê de la place
puiffe l’atteindre, il faudra fe contenter de faire
feu des pofies les plus avancés, & continuer à
tirer du canon & des fufils à chevalets, observant
qu’à mefure que l’ennemi s’avancera, il ne
fera plus nécefiàire de tant hauffer les coups ; c’eft
pourquoi il faudra touts les jours renouvelier l’effat
de la portée des armes , afin de fe régler pour la
nuit fuivante. On pourra bien faire une petite
fortie pendant la nuit, pour tâcher de déranger
l’ennemi, 8c voir où il en eft ; mais je ne fuis point
d’avis que la garde de cavalerie répète la courfe de
la nuit précédente , parce que vraifemblablement
l’ennemi y fera préparé, & la fortie feroit trop
dangereufe; il ne faut pas non plus faire de fortie
de jour ; l’ennemi feroit trop éloigné , & l’on for-
tiroitdes avantages de la place pour l’aller chercher.
La troifième nuit, comme l’ennemi commence
à s’approcher,, il faudra faire grand feu du chemin
couvert, & un peu lever les coups; c’eft à
quoi les majors des régiments & les officiers auront
attention , car il faut que le feu foit conduit fage-
ment. Les deux premières heures de la nuit,
(comme c’eft le temps où l’on pofe les travailleurs ) ,
ce premier feu fe fera parles deux tiers des gardes;
les deux heures fuivantes , par le tiers qui n’aura
point tiré ; les deux autres heures d’après , par l’un
des premiers tiers de ceux qui auront fait feu pendant
les deux premières heures; les deux fuivantes,
par l’autre tiers de la garde, fe reposera ; il faut
qu’il nétoye fes-armes, & qu’il les recharge auffitôr,
pour ne point difeontinuer, ni affoîblir le feu.
Pendant la nuit il fera bon de faire quelques petttes
forties pour donner l’allarme aux travailleurs
des ennemis, & voir les progrès qu’ils feront ;
obfervant, i°. de ne point faire ces forties directement
devant les attaques pour ne pas fe mettre
entre deux feux , mais de prendre toujours à
droite ou à gauche; %. de ne point faire ceffer
tout le feu pendant la marche , mais le faire continuer
des endroits dont les vues feront détournées
des marches de la fortie , afin qu’elle n’en foit
point incommodée, & que l’ennemi ne s’en ap-
perçoive point ; 30. entre une ou deux petites
forties d’en faire quelqu’une qui foit plus forte
quand elle fe pourra faire, fur-tout dans un temps
favorable pour cela ; 40. d’obferver que les retours
doivent toujours être accompagnés de feux à éclairer
fur barrières, pour montrer aux troupes les
lieux de leur retraite ; 50. de faire tirer quelques
balles ardentes du côté de l’ennemi, pour tâcher
qu’il foit vu de notre moufqueterie ; 6°. De fa-
vorifer la retraite dés nôtres par une douzaine ou
deux de coups de canon. La cavalerie de garde fe
tiendra hors du chemin couvert pendant ce temps-
là , pour foutenir les nôtres, & donner l’alarme
de plufieurs autres côtés, par d’autres troupes de
cavalerie. Pendant le jour, il faut que tout fe renferme
dans le chemin couvert, où il fuffira de
faire un feu de huit à dix-hommes de chacun des
grands angles les plus avancés, qu’un officier dirigera
fagement pour que le foldat ne tire point au
ha fard.
A la troifième journée, qui fera la fuite de la
troifième nuit, je ne vois pas que l’ennemi puiffe
être encore affez près de la place pour entreprendre
une fortie de jour, fans quitter lés avantages
de la place., c’eft - à - dire, .la proteâion du feu
de fon canon , qui porte- jufqu’à cent ou cent-
vingt toi fes' du chemin couvert. Au-delà de cet
efpace, je trouve^aux forties qu’on fait beaucoup
d’oftentation, & peu d’utilité, parce qu’il faut con-
ferver la garnifon pour les grands coups. Car
quand on fait une fortie de trop loin, on eft toujours
ramené avec perte & avec confufion, ce
qui jette la confternation dans la garnifon ; c’eft
acheter trop cher un certain brillant inutile..Il faut
donc, pour réfoudre une fortie, i°. que l’ennemi
vous- en fourni fié les moyens par les fautes qu’il
fera dans la conduite de. fes tranchées, ou places
d armes, inconfidérément, qui font mal fontenues;
- • que la difpofition du terrein puiffe cacher une
partie de votre marche pour l’aller chercher, &
que votre feu puiffe favorifer la retraite de vos
troupes.
Si 1 ennemi s’y prend bien , il ne manquera pas
de commencer a établir fes, batteries dès le fécond
jou r, ce qui l’occupera du moins jùfqu’au quatrième
&; cinquième. Dès que fon canon com-
mencera tirer , il faudra defeendre le nôtre de
deüusles barbettes pendantle jour, & l’y remonter
pendant la nuit. Ori pourra quelques jours au'pàra- |
vant couvrir ces barbettes par deux ou. tmis rangees' < !
de gabions pleins de terre & de fumiers, de quatre
pieds & demi de diamètre, fur autant de hauteur ,
& cela dès qu’il commencera à tirer; il continuera
à le faire avec plus de violence.
Le fixième jour, comme tout fon canon fera en
batterie, il fera grand bruit, mais il ne faut pas
s’en étonner, car ce grand feu n’aboutira qu’à
déchirer le fommet de vos parapets, fans faire de
brèche qui puiffe vous mettre en danger.
Quand la garnifon eft forte, &■ l’affiégeantfoible,'
. celui-ci ne fait ordinairement qu’une attaque, ou
s’il en fait deux, elles font liées. Ce parti eft fans
doute- le meilleur, parce que le fervice de la tranchée
eft plus commode, & le fecours de l’une à
l’autre plus facile,- on y employé moins de monde,
ët un feul parc peut fuffire à leurs befoins ; en un
mot, elles fe foutiennent beaucoup mieux contre
les forties que les autres.
Si la garnifon eft foible & l’affiégeant fort, il
pourra faire une troifième attaque féparée des
deux liées , pour faire plus de diverfion ; mais ces
attaques font rares & prefque toujours faufies •
pour lors elles impofent peu à la place quand elles
font reconnues pour telles , parce qu’elles ne fe
mettent point à portée d’effuyer une grande fortie
ni de rien entreprendre ; ainfi de pareilles attaques
font plus n-uifibles à l’affiégeant qu’à l’affiég-é.
La quatrième nuit, l’ennemi continuera de pouffer
fes attaques vers la place , plus ou moins pré*
cautionnées, félon l’intelligence de ceux qui les
conduifent. S’il fe précautïonne par des places
d’armes bien difpofées , la marche en,fera plus
lente & la tranchée plus fure ; s’il fe néglige &
qu’il ne penfe qu’à faire chemin , comme il s’avancera
étant mal foutenu, on pourra entreprendre
fur lu i, foit par des forties bien conduites, foit
par l’effet du canon bien dirigé, foit par les fecours
de la cavalerie & de touts les trois enfemhle. De-là
en avant, la conduite de l’ennemi doit être afi'ez
uniforme. Jufqu’à ce qu’il foit à portée d’entreprendre
fur le chemin couvert, tout fe paffera à
avancer fa marche, à affurer fa tranchée le plus
qu’il pourra ,■ & à remuer & fervir le canon de fes
batteries , ainfi que fes mortiers à bombes & à
pierres. Tout cela ne fe fera pas avec la même diligence
qu’au commencement, à caufe du travail,
qui augmente à mefure qu’on approche , & du feu
de la place, qui, découvrant de plus près , devient
plus meurtrier & plus dangereux.
Comme les pierres & les grenades jettées avec
les mortiers font plus malfaifantes que les bombés
& qu’elles tuent & bleffeiir beaucoup de monde,
il faudra s’en précautionnër de fon- mieux par des
bonnets d’ofier faits comme des hottes, matelaffées
par le dedans, & dont le fond fera fourré de foin.
On. fe fera de petites places de diftançe en dif-
tance, joignant le parapet, qu’on recouvrira par
des paliffades appuyées & rangées en appentis , &
par des loges de rondins de bois & de madriers
enfoncées dans les taluts dés remparts & au bord