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G UÊTRE. Chauffure militaire qui fert <1 couvrir
la jambe & le deflus du foulief'.
La guêtre eft de toile ou de cuir. Elle s’attache à
boutonnière ou à cordon enlacés l’un dans l’autre
Tur le côté extérieur de la jambe, qu’elle couvre
toute entière , ainfi que le genou & le cou-de-pied,
Air lequel elle eft contenue par un étrier de cuir
qui paffe fous le foulier & qui eft confu aux deux
bords du bas de la guêtre, ou coufu feulement au
bord intérieur , & bouclé à l’extérieur.
Chaque foldat doit avoir trois paires de guêtres :
une de toile blanche affezfine; elles fervent pour
la parade ; une de toile grife un peu groffe enduite
d’un cirage noir; on les porte pendant l’été & quand
on eft en route ; enfin une d’étoffe de laine noire
deftinée pour l’hiver.\
Le peu de durée des guêtres 'd''étoffe de laine &
leur cherté en a fait fufpendre l’ufage dans plufieurs
régiments. Le foldat n’a donc plus communément
que deux paires de guêtres de toile',.
Les guêtres noires, faites avec de la toile trop
groffe', durent p eu, vont mal, bleffent fouvent le
foldat , & prennent difficilement le cirage. Les
guêtres de toile blanche doiventtoujours être doublées
iorfque ces guêtres font à demi ufées , on les
enduit d’un cirage noir , & elles fervent alors de
guêtres de route ; ce font les meilleures & celles qui
vont le mieux.
Quant aux avantages & aux inconvénients de la
guêtre , nous en avons parlé dans Particle chaujfure
militaire ( C ).
GUIDES. Hommes deftinés à conduire les colonnes
ou les détachemens aux endroits qu’on leur
a défignés , & à les y mener par le chemin qu’on a
jugé le plus convenable.
Montécucnlli/ cet homme qui nous a également
dnftruits par fes aélions & par fes écrits , appelle les
guides les yeux d’une arméè ; toute fauffe qu’eft
fcette comparaifon , car les yeux d’une armée font
dans la tête du général qui la commande, elle nous
apprend néanmoins combien il importe à une armée
d’avoir des guides aufli inftruits que fideles.
Mais l’hiftoire de ce grand inftituteur des hommes,
& fur-tout des militaires , nous enfeigne cette vérité
d’une maniéré bien plus pofitive. Pour la graver
profondément dans notre efprit, elle met fous
nos yeux quelques armées & une infinité de détachements
détruits , battus ou difperfés pour avoir
Aiivi de mauvais guides, ou pour Savoir pas pris
avec eux les précautions que la prudence diéle.
Avant de rapporter les préceptes que les écrivains
didactiques nous ont laiffés fur le choix des guides
& fur la conduite que l’on doit tenir avec eux / indiquons
les principaux d’entre les événements maig
r i Militaire, Tome III,
G U I
heureux qu’ont produit l’infidélité ou l’ignorance
des guides.
Ce Carthaginois célèbre dont la fcience , la prudence
, & la fineffe entraînèrent Rome très proche
de fa-perte, Annibal fut deux fois la viélime de fa
confiance dans les guides qu’il avoit choifts. Lors
du paflage des Alpes, il prend pour guides des Gaulois
q u i à la candeur de leur première patrie ,
avoient fubftitué les rufes italiennes ; aufli eft il
obligé , pour fauver fonarmée-, d’épuiter toutes les
reffources de fon fécond génie. Dans la Campanie
l’arrière-garde de cette même armée eft battue par
Fabius, parce qu’elle eft encore trompée par fes
guides.
Craffus dans fon expédition contre les Parthes ,
dut aufli fes malheurs à l’infidélité de fes guides.
Des Perfans propofent à l’empereur Julien de ramener
fon armée par terre ; ils l’affurent que les
chemins font faciles , ils lui cônfeillent de brûler fa
flotte & de s’éloigner du tigre ; l’empereur donne
l’ordre de l’incendie & celui du départ ; cepéndant
qnelques officiers ont le courage de représenter à
Julien qu’il commet une imprudence; alors il fait
mettre 1 es guide,s à la torture ; ils avouent leur tra-
hifon ; Julien fe repent de, fon aveugle confiance :
il veut en prévenir les fuites , mais il n’eft plus-
temps j la flotte eft brûlée ; il ne refte à l’empereur
que le tardif repentir d’avoir cru trop légèrement
dés hommes intéreffés à le tromper. Il fat tué &
fon armée détruite.
L’abbé de Vely rapporte qu’une armée de Gon-
tran , roi de Bourgogne, fut défaite , & que Bep-
polene, qui en étoit le général , fut tué , pour
s’être confié à des guides qui l’engagé; ent dans un
pays plein de défilés.
En'8a6?une armée de Louis-le-Débonnaire fut
aufli taillée en pièces à fon retour d’Efpagne , pour
avoir fuivi des guides qui la firent donner dans une
embufeade.
En 1148, des Grecs cônfeillent à l’empereur
Conrad de fuivre , pour aller en Paleftine , un chemin
qu’il ne connoît point, mais qu’ils difent être
plus beau & plus court que celui qui eft le plus fréquenté
; ils l’aflurent qu’avant huit jours de marche
il fe trouvera dans un pays fertile & abondant en
denrées , & qu’il n’a befoin par conféquent de
prendre que peu de vivres : l’empereur fuit ces con-
feils perfides , mais bientôt il fe trouve enfermé
dans les détroits du mont Taurus, au milieu de dé-
ferts affreux & abandonné de fes guides qu’il n’a--
^voit pas fait garder avec foin.
La furprife d’Albe & de Coni fut manquée en
154a , parce que les troupes deftinées à cette expédition
s’égarèrent pendant la nuit, & furent fut-*