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les foldats qui fe feront écartés par laffitude , par
malice ou pour dormir ; ces précautions fervent
aulfi pour éviter la défection & les vols.. On p.eiit
encore remédier au v o l, en paflant fur la. marche
quelque revue inopinée, & en puniflant les capitaines
fi vous trouvez qu’il manqué plufieurs fol'
dats de leurs compagnies ; parce que ces foldats
fe font fans doute qébandés pour pilier, ou ils con-
duifçnt les équipages, de leurs officiers.
Plufieurs foldats parmi certaines nations s’arrêtent,
parce qu’ils font ivres ; mais ils feront bientôt
en état de pourfuivre leur route fi on leur jette
tout d’un coup de l’eau fur le front & le long des
épaules , en commençant depuis le cou. Je ne pou-
vois pas me perfuader que ce remède eût un effet,
suffi prompt ; jufqu’à ce que dora Rodrigue de
Niela , capitaine dans le régiment de Maurice ,
m’en fit voir l'expérience fur deux foldats qui, couchés
par terre, étoient infenfibles à la voix & au
châtiment de leurs officiers.
Après une ma rch e fort preffée, demandez au co- |
lonel un état des hommes qui leur manquent; &
fi , malgré ce qui a été propofé, le nombre en eff
confidérable, faites, battre en même temps toutes
les caiffes & fonner toutes les trompettes., ou tirer
quelques coups de canons & allumer du feu fur les
hauteurs qui peuvent être vues du chemin que
vous avez tenu dans votre m a r c h e , afin que les.
foldats qui fe font égarés ou qui fe font arrêtés par
laffitude , connoiffanr que votre armée a déjà fait
halte, reprennent courage pour arriver, & ne déferrent
pas au*premier endroit qui appartiendra
peut-être aux ennemis, dans le peu d’efpoîr qu’ils
ont de pouvoir finir la m a r c h e , accablés comme ils
font de fommeil, de foif & de fatigue , ou par la
crainte d’être tués par. les partis ennemis ou.par
les payfans, lorfque le pays eff ennemi.
Ce fut ce même moyen qu’Alexandre mit en
ufage pour faire joindre l’armée à plufieurs de ces
foldats qui, dans la longue ma rch e qu’ils avoient
faite dans laSogdie pour arriver au fleuve Oxo ,
s’étoient arrêtés par laffitude ou par l’accablement
du fommeil.
S'il ne vous convient pas de donner d’abord à
reconnoître le pofte où vous campez., & par con-
féquent de vous fervir.de l’expédient bruyant que
je viens de vous confeiller, & s’il eff à craindre
que pendant que les foldats .tardent à joindre , l’avant
garde des ennemis ne les faffe prifonniers,
ou que les habitants mal intentionnés, ne les maf-
facrent, envoyez un parti avec les voitures du
train de l’artillerie ou de celui des vivres., fur le
même chemin que vous avez tenu, jufqu’à une certaine
diffance ou vous jugerez que les foldats auront
commencé d’être fatigués ou de s’égarer. Le
commandant du parti fera reconnoître les environs
du chemin, & appeller de temps en temps à haute
voix , afin que les foldats qui fe feroient égarés ou
endormis puiffent entendre. Il ordonnera aux foldats
qu’il rencontrera, de fe tenir dans un lieu
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élevé qui puîffe être vu du chemin , pour, y a H
tendre le retour du parti ; & les voitures dont on
vient de parler ferviront pour les foldats qui ne
peuvent plus marcher, ou qui font tombés malades
pendant la m a rche.
En parlant de la conduite que doit tenir un général
après, fa défaite , vous verrez une autre manière
de ranrafler les foldats qui fe feront écartés de votre
armée après un combat où vous aurez été battu ,
en vous, fervant des habitants du pays affe^ionnéa
votre prince , & en vous adreffant au juge de la
contrée.
D e s marches f e c r e tte s .
Si vous voulez vous mettre en marche pour une
expédition fecrette, 3c que vos troupes foient en
quartier ou féparées dans quelques autres endroits,
écrivez deux lettres à chaque commandant de ces
troupes ; dans l’une vous lui donnerez les ordres
qu’il doit fuivre, en lui recommandant de tenir
cette lettre fecrette, & en l’avertiffant que l’autre
eff feinte, afin qu’il la life en public ; vous lui
marquerez dans cette dernière quM fe mette en.
ma rch e pour aller paffer en revue dans tel endroit,
ou pour changer de quartier & autres chofes , qui ,
félon les occurrences , pourront paroître vraifem-.
blables.
De cette manière , les efpions que les ennemis
auront fans doute dans les lieux où font les troupes,
ne pourront pas, avec certitude, leur faire fa voir
vers quel côté précifément la marche doit être ; fur-,
tout fi elle fe commence par le chemin qui paroît
mener à l’endroit affigné par la lettre que le commandant
a lue publiquement, & fi ce commandant
avec fon équipage & celui des officiers ne fait aucun
mouvement contraire au bruit qu’il a répandu,
parce qu’il eff aifé d'envoyer enfuite chercher fes
équipages , & qu’il n’y a pas un. grand inconvé-,
nient que les officiers s’en paffent pour deux ou
trois jours.
Le vicomte de Turenne ayant deffein d’attaquer
les troupes du duc de Lorraine , fit courir le bruit
qu’il alloir paffer les fienn.es en revue'; & fous ce
prétexte les ayant fait fortir de leurs quartiers fans
rien donner à foupçonnèr à fes ennemis, il m a rche,
à eux & les joignit à Stinzeim, avant que de paffer,
le Neker,
Si les troupes que vous devez faire mettre en
marche font déjà raflemblées dans votre camp, il
faudra qu’à l’heure accoutumée de recevoir l’ordre,
vous en donniez un différent de celui que quelque
temps après vous donnerez poiir la marche > parce
que vraifemblablement les penfionnaires que les
ennemis ont dans votre armee les avertiffent d’abord
de ce premier ordre , & s’il fe peut, que les
ennemis raffinés fur cet avis envoyent leur cavalerie
au fourrage, ou qu’ils faffent quelque détachement,,
ou que du moins iis ne foyent pas fur
leur garde cette nuit, jufqu’à ce que par quelques
déferteurs, ou par un fécond ayis de leurs efpions i
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ils apprennent votre marche , ce qui fera toujours
plus tard que fi vous l’aviez publiée à l’heure accoutumée
de l’ordre ; peu après cet ordre vous pouvez
envoyer fur les chemins un nômbre de petits partis
qui, s’étant mis en embufcade, arrêteront touts
ceux qui paffent, afin que les ennemis ne reçoivent
pas le fécond avis de leurs efpions.
Le prince d’Orange, quicommandoit l’armée des
alliés, voulant en 1691 furprendre celle de France,
çâmpée à Steinkerque , à l’heure accoutumée de
l’ordre donna celui d’aller le lendemain au fourrage
, & fous certain prétexte retint les généraux
jufqu’à dix heures dufoir. En les congédiant, il leur
ordonna de faire marcher les troupes^ vers Steinkerque
, où le prince arriva affez tôt pour furprendre
les François , qui n’avoient pas eu avis de
ce mouvement; & fi les alliés ne réuffirent pas
dans cette ocçafion , c’e'ff que les troupes du comte
de Waldeçk & quelques autres n’arrivèrent qu’une
heure après celles du prince , ce qui donna le
temps aux François de fe mettre en bataille, parce
que le prince d’Orange^n’ofa pas les attaquer pendant
que fes troupes n’étoient pas toutes rafiem-
blées.
Pour ri’être pas obfervé dans une ma rch e que
vous faites de jour , prenez par un pays couvert
, afin que les paftis ennemis ne voyent pas la
route que vous tenez Cependant le meilleur eff de
marcher de nuit, & toujours par un chemin où il
n’y a point de villages , ni même des maifons de
campagne, fi cela eff poffible. Dans ces fortes de
ma rch e les foldats ne doivent pas parler haut, ni
allumer du feu pour fumer, ni pour fe chauffer aux
haltes qu’ils font. J’ai dit, en parlant des einbuf-
cades , pour qu’elle raifon dans les m a rches fecrettes
il ne faut pas mener des chiens, des juments
, des ânes, des chevaux hongrois -, ni même
ceux qui, fans être coupés , henniffent Couvent.
Vous changerez quelquefois de chemin , .fans
pourtant vous écarter trop de celui que vous devez
tenir, afin qu’un foldat qui défertera ou un payfan
qui s’échappera ne puiffe pas direfurement aux ennemis
vers quel endroit vous marcherez, 3c pour
en ôter la connoiffance aux efpions que les ennemis
auront dans votre armée ; perfonne ne doit
favoir où tend votre m a r ch e , fi ce n’eft les généraux
ou les principaux officiers qui conduifent les colonnes
ou les brigades.
Si vous croyez que ces avis devroient être au-
torifés par des exemples, vous trouverez dans la
guerre civile de Portugal, que prefque tout ce que
je viens de dire, fut mis en pratique dans la marche
qu’un général Portugais fit pour furprendre Val-
verde.
Vous ferez avancer des partis qui s’écartèrent
affez pour arrêter touts les payfans qui fe trouveront
dans les champs ou dans les maifons à vue du
chemin, de peur que quelqu’un d’eux venant à s’échapper,
ne porte aux ennemis la nouvelle de votre,
ma rch e ; fi c’eff de jour, ces partis fe trayeffiront
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ert voyageuKs ou en chaffeiirs, afin qu’ils puiffent
plus aifément s approcher 3 c arrêter toutes les
perfonnes qu’ils rencontrent ; & que ceu* qui s’échapperont
ne croyent pas qu’ils ont vu vôs partis,
mais une troupe de voleurs ; car je fuppofe qu’ils
n’auront pas découvert votre armée , puifque vos
parfis fe feront avancés fort loin.
Aratus , capitaine Sicionien , s’étant mis en
marche pour aller furprendre Sicïone, qu’il furprit
en effet, envoya en avant quelques folçlats, afin
qu’en s’approchant, en habits de voyageurs , d’une
mâifon de campagne , ils renfermaffent un jardinier
& des chiens qui y étoient ;. le jardinier , afin
qu’il ne portâr pas à Sicione la nouvelle de la marche
d’Aratus ; & les chiens, pour que, par leur aboye-
ment continuel, ils ne la découvriffent pas.
* Vous défendrez févèrement que dans la marche
on faffe courir les mots h'alte, marche, à droite , & c .,
parce que le roi ne paye pas les aides de camp
que pour aller dé côté 8c d’autre diftribuer les
ordres de leur commandant ; car outre que ces abus
cauferoient du bruit & de la confufion , il pourroit
arriver que les ennemis euffent dans votre armée
des hommes affidés qui feroient courir la voie dans
certaine occafion où vous en recevriez un préjudice
confidérable.
Des marches confidérèes par rapport au nombre & à la
qualité des troupes.
Si vous étés fupérieur en cavalerie, choififfcz
pour votre marche un pays de plaine, & le plus
découvert qu’il vous fera poffible ; & faites le contraire
fi votre, force confine dans l’infanterie.
Lorfque Phraate-, roi des, Parthes , pourfuivit
Marc - Antoine dans fa retraite avec un grand
nombre de cavalerie , il fouhaitoit que Marc-Antoine
prit la plaine , afin de pouvoir l’attaquer
dans un endroit ôù la cavalerie pût agir librement*;
Marc-Antoine, au contraire, dont toute la fore©
confiftoiten fon infanterie , prenoit toujours fa marche
par les montagnes ; & par-là les quarante nulle
hommes de Phraate ne lui nuifirent pas beaucoup.
Pouf mettre votre infanterie à couvert par d e s
montagnes, prenez garde de ne vous pas e n g a g e r
dans de longs défilés , dans des paffages extrême-:
ment difficiles, qiié les ennemis font à portée d e
; vous difputer ; fur-tout fi , apres qu’ils auront occupé
l’iffue de ces défilés, | ils peuvent encore vous
fermer le paffage par lequel vous étiez entré ; car
alors ne vous étant pas poffible d’aller en avant ni
en arrière , ils feroient périr votre armée d e faim.
Pontius, capitaine des Samnites , mit dix de feS
foldats habillés en bergers fur les montagnes voi-
fines de l’armée Romaine , commandés par les
confùls Titus-Velturius Calvinus , & Spurius-Pof-
thumius, & il leur ordonna que. s’ils étoient. faits
prifonniers, ils diffent que les troupes des Sammites
étoient devant Lucerie, place alliée de Rome. Les
Romains trpmpês par cette rufe , fe mirent en'