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Quant a la composition , qu’elle foit telle que les
mains de tout s les Jo'dats ayent dans chaque mouvement
un ejpitce égal a parcourir. Dans les maniements
d'armes donnes à notre infanterie depuis environ
trente ans , on a vu des temps toujours faits en*
semble, même par des troupes peu inftru'tes. Cet
effet , .qui a quelquefois furpris, avoit une caufe
Hmple : dans ces temps , les mains de touts les foldats
parcouroient des efpaces égaux.
Les pofitions du foldat feront aifées autant quelles
peuvent l être , ( & fes vêtements aujjij.
S’il, eft gêné dans fes mouvements, ils feront
Inégaux , lents , incertains , & manqueront d’en-
îemblc.
Quant a 1 execution, il faut premièrement exiger
lobfervation d’un point de difcipline fans lequel
Il n’y a ni inftruâion ni exécution : ce point eft le
filence.
Obfervons enfuite que le plus grand degré de
vîtelfe eft à-peu-près le même dans touts les
hommes, & qu’au-deffous de ce degré , il y en a
une infinité d’autres qui different touts entre eux. Il
feroit très difficile que plufieurs obfervaffenr conf-
tamment un de ces degrés dans une fuite de mouvement.
En mufique, plus la mefure eft vive , plus
elle eft aifée à obferver : de même dans le maniement
des armes > plus chaque mouvement eft vif ,
plus il eft fait enfemble.
Il faut donc, que touts les foldats qui forment
une troupe , exécutent chaque temps ou mouvement
avec le plus grand degré de vîteffe.
Mais fi la main de chaque foldat ne prend pas le
chemin le plus cojirt enrrele point qu’elle quitte &
celui qu’elle va fa'ifir, les efpaces parcourus.feront
inégaux , ainfi que les temps ; & les vîteffes étant
égales, l’enfemble n’exiftera plus.
La main de chaque foldat doit donc aller en chaque
temps, par la ligne la plus courte, faifir le fufil.
Si cette main , après avoir faifi le fufil, eft incertaine
, fi elle change de place, elle ne fera pas
prête à repartir au commandement.
Ai nu , dès quelle a faifi le fu fil, elle doit refter
fixe & immobile ; quand même elle ne feroit point
exaélement à la place qu’elle doit prendre: cet inconvénient
eft moindre que l’autre.
Quant à l’inftruâion , les foldats de recrue ayant
ordinairement une intelligence bornée , fur-tout
dans un exercice tout nouveau pour eux, font incapables
de concevoir une longue fuite de mouvements
, & de les retenir.
Ainfi, l’inftruéteur, après les avoir placés comme
il eft preferit, & de la manière la moins gênante ,
doit fe garder d’enfeigner au nouveaü foldat le
maniement des armes -tout entier , comme je l’ai fou-
vent vil faire. Il lui montrera un feul commandement
, le fera exécuter d’abord très lentement,
lui expliquera les polirions , lui en donnera
l ’exemple j ne paffera au fécond commandement,
que lorfque le nouveau foldat aura bien conçu le
premier. Il n’en montrera ainfi qu’un petit nombre
MAR
à la fois , les fera exécuter lentement d’abord , &
puis un peu plus vite, puis très vite , quand il fera
certain que fon élève les aura bien conçus , qu’il
connoît bien les pofirions, & les prend exactement.
Lorfqu’il demandera enfuite l’exécution d’un
commandement, non-feulement il l’indiquera par
les mots qui l’expriment, mais il l’exécutera , afin
de lerappeller parfaitement à l’élève.
Cette méthode exige, d’abord de la patience ;
mais elle la récompense amplement : elle épargne
beaucoup de peine & de temps , & à l’inftruéteur ,
& aux nouveaux foldats qu’il inftruit. Je n’en dirai
point davantage fur la manière de mettre en-
fuite plufieurs hommes & plufieurs troupes enfemble
: ce font les mêmes principes ; il ne faut
que les expliquer. Je recommanderai fur-tout aux
inftruéteurs douceur & patience.
MANIFESTE. Ecrit public dans lequel un fou-
verain expofe les raifons qui l’engagent à déclarer
la guerre à un autre fouverain. ( f'oyei D é c l a r a t
io n DE GUERRE.
MANIPULE. Divifion de la légion. ( Voyez
Légion ).
MANOEUVRE. Mouvement, ( u fuite de mouvements
ou d’évolutions ) , par lequel une troupe
change fa pofition, relativement à celle de l’ennemi
, foit prèfent, foit fuppofé tel. ( Voyeç T a c t
iq u e ).
MANTEAU D ’ARMES. Manteau de toile de
coutil, fait en cône , dont on couvre les faifeeaux
d’armes, pour garantir les fufils de la pluie. ( Voyeç
F a is c e a u ).
MANTELET. Parapet mobile fait de planches
ou madriers. Ceux - ci ont environ trois pouces
d’épaiffeur : ils font cloués les uns fur les autres
jufqu’à la hauteur d’environ fix pieds , joints ordinairement
avec du fer-blanc , & jsortés par de
petites roues. Dans les fièges , ils fervent aux fap-
peurs pour les garantir de la moufqueterie : ils fe
fervent aujourd’hui plus ordinairement d’un gabion
1 farci.
Il y a une autre forte de mantelet couvert par Te
haut, dont les mineurs font ufage pour approcher
des murailles d’une place ou d’un château.
MARAUDE. Pillage que les foldats font fans
ordre & contre les ordres , dans les villages & campagnes
voifinês du camp.
La maraude eft très dangereufe : elle révolte
l’habitant, dévafte le pays, empêche les payfans
des environs du camp d'apporter leurs denrées ,
par la crainte d’être pillés en y venant : elle fait
auflî périr beaucoup de foldats , qui font tués par
les payfans. Lorfque les maraudeurs font pris par
le prévôt de l’armée , il les fait pendre fur le
champ.
On pôurroit apporter quelque remède à la maraude,
fi on rendoit les colonels refponfables des
dé (ordres de leurs foldats , & fi on puniffoit l'officier
particulier quand on trouveroit l'on foldat hors
du camp. En érabliffant cette policé, on ne feroit
MAR
pas longtemps à s’appercevoir du changement
qu'un tel ordre apportercit dans une armee. Mais -
de faire pendre Amplement un malheureux qui a
été pris fur le fait, c’eft un foible remède. Le prév
i t ne prend que les plus maladroits : cela ne va
pas à la fource du mal ; & c’eft ne rien faire d’im-.
portant pour arrêter la maraude. Des appels fre-
quents , & une grande exaélitude à punir les foldats
trouvés abfents , font la reffource la plus fûre.
MARCHE. Mouvement par lequel un corps de
troupes fe porte d’un lieu dans un autre.
Des marches en général, 6* de leurs differents objets.
Les marches des armées fe doivent régler fur le
pays où l’on veut marcher , fur le temps , fur 1 attention
à la portée de l’armée ennemie , & fur le
deffein que l’on a formé. En général , on doit toujours
marcher comme on eft campe ou comme on
veut camper, & comme on veut combattre.
Lorfqu’on fe règle fur le pays où l’on veut marcher
, il faut confidérer premièrement de quelle nature
il eft ; fi on* eft hors de portée de l’ennemi,
ou fi on le peut rencontrer dans la marche.
Si le pays eft ouvert, il faut marcher en bataille ,
non pas-de front, mais en colonne par aile , celles
de la cavalerie couvrant le corps de l’infanterie ; &.
fuivant l’éloignement ou le voifinage de l’armee ennemie’,
placer le gros & menu bagage entre les
colonnes ou derrière les colonnes.
Si l’ennemi eft hors de portée , il ne faut pas
pour cela laiffer en dehors des colonnes les gros
ni les menus bagages, non plus que 1 artillerie ,
qui doit toujours, autant qu’il eft poffible , occur
per la marche la plus proche de l’infanterie.
11 ne faut jamais laiffer à découvert les colonnes
d’artillerie , de gros & de menus bagages , à caufe
qu’il les faut garantir contre les petits partis, foit
des places , foit de l’armée ennemie , qui fe pré-
vaudroient de ce manque de précaution. ^
Si l’ennemi eft proche, & que le pays foil affez
ouvert pour que l’on puiffe marcher fur plufieurs
colonnès , il ne faut laiffer entre les marches des
deux colonnes , que la feule colonne d’artillerie ,
& faire marcher derrière l’armée , ou fur la droite
ou fur la gauche des colonnes , touts les gros &
menus bagages en dehors des colonnes des troupes.
En ce cas là , on les couvrira de ce qu’il conviendra
de troupes pour les garder contre les
partis qui pourroient s’être gliffés -dans les^ derrières
de l’armée, ou qui feroient embufques fur
les flancs ; & l’on ne fouffrira jamais que ces colonnes
devancent la tête de l’armée.
Une précaution générale , eft d’avoir toujours
& indifpenfablement, un nombre de travailleurs à
la tète de chaque colonne, pour raccommoder les
ponts , ouvrir les paffages trop étroits , & raccommoder
de mauvais pas dans les chemins , afin que
rien ne retarde la marche de l’armée & n’oblige à
défiler. Ceci s’entend d’une marche imprévue & te-
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nue fecrette pour des raifons ; fans quoi il eft prudent
au général , dès qu’il eft arrivé dans un
camp , de fe faire préparer d’avance plufieurs
marches, pour fe fervir de celle qui lui conviendra
lorfqu’il voudra marcher. ?
Si on fe règle fur le temps , il fuffit de dire qu on
ne doit jamais , fans néceffité, forcer les marches ;
elles ruinent les hommes & les chevaux. Si on eft
attentif aux mouvements que l’ennemi peut faire
dans le temps de la marche , elle ne fauroitêtre
faite avec trop de précaution , 6c doit être débar-
raffée de fes gros 6c menus bagages.
Les attentions par rapport à l’ennemi , font en
grand nombre. Ou l’on marche à lui pour le combattre
, ou l’on fe retire de devant lui pour éviter
le combat ; ou l’on change de camp pour fe donner,
des commodités , foit pour les vivres , fo.t
pour les fourrages , ou l’on veut les oter à 1 ennemi;
ou l’on veut l ’attirer dans un nouveau pay s ,
ou l’on veut empêcher qu’il n’y . entre ; ou l’on
veut paffer des défilés ou une rivière devant lui ,
ou l’on veut empêcher qu’il ne les paffe ; ou l’on
vent inveftir une place dent on croît pouvoir faire
le fiè g e , Ou l’on vent empêcher quil n’en invef-
tiffe une qu’on auroit peine à fecourir quand l’in-,
veftiture en feroit faite.
Voilà donc dix objets différents que le général
peut avoir de faire marcher fon armée, & qui s’exécutent
de différentes manières. f
La marche de l’armée fe réglant donc fur 1 exécution
d’un deffèin qui tombe dans lin des cas
dont je viens de parler, il eft prefuppofe que les
événements précédents vous ont mis en état d exécuter.
O r il eft de la prudence à la guerre , de ne
, , jamais rien entreprendre fans avoir prévu tout ce
qui en peut troubler le fuccès. La réputation d'heureux
ne fuffit pas à un général ; celle de fage & de
prévoyant lui eft plus utile & beaucoup plus ne-
ceffaire.
Quoiqu’il foit prefque impoffible de donner des
règles certaines fur toutes les différentes manières
de faire marcher une armée dont je viens de parler
, cependant je ne laifferai pas de pofer des principes
généraux fur chaque manière de marches ,
qui fuffiront pqUr preferire des maximes capables
de faire éviter les principaux inconvénients qui
peuvent arriver dans les marches , 6c pour les
rendre fures & aifées.
Lorfqu’on marche à l’ennemi pour le combattre
ou l’on part de loin , ou l’on part de près. Si l’on
part de loin , il faut multiplier , autant qu’il eft poffible
, les colonnes de troupes, afin de faire plus
de diligence , au moins jufqu’à ce que 1 on foit a
portée du pays où l’on, croit trouver 1 ennemi.
En ce cas il faut tâcher de fe procurer plufieurs
marches pour la colonne d’arrillerie , même en
faire marcher quelques brigades a la tete des colonnes
d’infanterie , 6c cela afin que 1 artillerie arrive
affez tôt pour être placée fur la ligne fuivant
I l’ordre de bataille« ..
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