
6 ) 6 SUR
payfans fie la campagne de laiffer leurs armes à la
porte de la place, vos foldats traveftis peuvent ,
avec leurs fufils & leurs munitions , aller à la mai-
ion de celui avec qui vous êtes en intelligence.
Pour moins donner à foupçonner , ils attendront
qu’il Toit nuit pour y entrer, & ne s y rendront
pas plufieors enfemble à-la fois* ^
Si l’on foudre aux habitants de la place d’avoir
des armes , ceux avec qui vous êtes en intelligence
iorriront défarmés par une porte ; & après avoir
pris des armes & des munitions dans quelques mai-
ibns de campagne , ils entreront par une autre
porte, ce qu’ils réitéreront jufqu à ce qu ils ayent
dans leurs maifons autant d'armes qu’il en faut
pour armer vos foldats traveftis j ils éviteront
• d’entrer avec des fufils de munition , parce que ce
feroit donner trop à foupçonner ; ils prendront
garde aufti à ne pas fe munir de balles plus groffes
que le calibre de leurs fufils ; du gros plomb fuffit
même pour ce que vos foldats ont à foire, & un
petit fac de plomb chaque voyage donne moins à
foupçonner que deux ou trois livres de balles, s il
arrive que les gardes de quelque douanne viennent
à fouiller ces habitants. /
Si votre intelligence eft avec quelque marchand1
qui vend des armes, ou avec quelque ouvrier qui
les fait, on ne trouveroitpas étrange qu’il en ait
ce qu’il faut pour armer vos foldats déguifés, dont
il fuffit que le nombre foit fupérieur à celui de la
garde qu’ils ont à forcer.
Quand même vous n’auriez dans la place que
peu d’habitants dans votre parti, ils ne bifferont
pas de vous faciliter la furprife, en vous fervant
d’eux après l’expédition commencée pour mettre
le feu aux magafins de poudre delà place, ou aux
édifices voifins.
Je dis , en parlant des fièges, comment on peut
gagner la garnifon d’un château pour réuffir par
cette voie dans la furprife d’un petit pofte , c eft
affez d'être d’intelligence avec quelque peu de foldats
, lorfqu’ils feront de garde dans l’endroit par
lequel vous voulez tenter la furprife ; & comme
leurs camarades ne fe défieront pas d eux , un
petit nombre fuffit pour fe jetter fur les armes du
corps-de-garde, & ouvrir enfuite la porte par laquelle
votre détachement qui eft dehors en em-
bufcade doit entrer. . . . ,
En fuppofant une égale intelligence, )e dis qu il
eft plus aifé d’introduire des foldats armés dans
les maifons du fauxbourg | que d’en faire entrer
même fans armes dans la place , parce qu’il y a
ordinairement aux portes des hommes du pays que
le gouverneur y met pour avertir l’officier de
garde toutes les fois qu’ils voient entrer quelqu’un
qu'ils ne conuoiffent pas pour gens de la ville ou
du voifinage ; alors l’officier examine qui il e ft,
d’où il vient & oit il va ; nonobftant toutes les
précaution dont j’ai parlé , les ennemis peuvent
Jetter quelque fottpçon fur vos foldats traveftis ,
foit par quelques contrariétés en leurs réponfes,
SUR
3 ou quelque trouble qu’ils remarqueront en eux 5
J foit par certains accents, certains mots ou manière
| de parler qui font comprendre qu’ils font étrangers.
Si vous êtes d’intelligence avec le maître d’une
maifon du fauxbourg, voifine de la porte de la
place, tâchez d’introduire fecrètement dans cette
maifon quarante ou cinquante hommes , plus ou
moins, qui puiffent, dans l’occafïon dont je vais
parler, furprendre la garde de la porte.
Quand ce particulier du fauxbourg, votre par-
tifan, aura reçu avis que vous êtes déjà en em-
bufcade près de la place avec les troupes deftinées
pour la furprifc , il doit, la nuit, à l’heure que les
habitants dorment, mettre le feu à quelque maifon
un peu- écartée de la fienne » après avoir averti à
temps ceux qui logent dans cette maifon , poux
qu’ils puiffent fe fauver. Il pourra courir vers la
place , criant de toutes fes forces qu’on envoie des
ouvriers pour couper chemin à l'incendie. Si le
gouverneur ouvre la porte , vos foldats qui , juf-
ques-là, s’étoient tenus dans la. maifon, marcheront
pour empêcher que les ennemis ne puiflent
fermer la porte de la place ni lever le pont,
votre cavalerie entendant les décharges, viendra à
toute bride pour entrer par cette porte avec les
fantaffins qu’elle aura en croupe*
Avant que touts ces foldats fortent de cette mai-
fon, il feroit bon d’en faire avancer quinze ou
vingt vêtus en payfans avec des armes courtes
qu’ils auroient foin de cacher , afin qu’ils fe trouvaient
plus à portée de fe faifir de celles de la
garde, ou de mettre le défordre parmi les foldats
qui la compofe ; & au premier coup qui fe
tire , les autres qui font touts prêts avec leurs fur.
fils, accourent promptement. •
Si les ennemis n’ouvrent que le guichet, comme
cela eft probable, & qu’ils mettent leverroux aufli-
tôt que les hommes commandés pour le fauxbourg
feront fortis , ou s’ils ferment la porte pendant que
le pont eft baiffé , vos foldats qui étoient cachés
dans la maifon de l’habitant & qui auront porté
un petit pétard, l’attacheront à la porte dès qu’ils
verront le pont baiffé , ayant d’abord arrêté le
pont avec fes propres chevilles, avec des doux ,
ou de quelqu’une de ces autres manières dont j’ai
parlé.
Il y a , fur ce fujet, une remarque à faire, qui
eft que fi le gouverneur fait fon métier , il n’ouvrira
pas la porte de nuit fans avoir auparavant
renforcé la garde, & tiendra toujours un parti hors
du pont pour l’avertir s’il furvenoit quelque chofe
qui (lût l’obliger à faire lever le pont ; mais on ne
parle ici que de furprendre celui qui manque à
quelqu’une des précautions néceffaires; car fi les
, ennemis n’en omettoient point, nulle furprife ne
pourroit réuffir contre eux.
Simon , capitaine Athénien, mettant le feu de nuit
à un temple voifin des murailles d’une place ea-,
S U R
Demie ,îa furprit par la porte, que ceux qui étoient
dedans ouvrirent pour venir arrêter l’incendie.
Suppofez que cette rufe ni aucune autre ne
puiffe faire ouvrir les portes fans que les ennemis ,
en hommes fages, ayent pris auparavant toutes les
précautions néceffaires pour faire échouer votre
deffein ; s’il y a auprès de la place quelque endroit
où vos troupes puiffent demeurer cachées,
même après qu’il eft jour, elles s’y tiendront en
embufcade jufqu’à ce que les ennemis le matin
ayent ouvert les portes , qu’ils ayent pofé les
armes, & que quelques-uns d’eux s’en foient retournés
dormir; c’eft alors que vos foldats qui
font cachés dans le fauxbourg, doivent fortir pour
furprendre & garder la porte jufqu’à ce que votre
gros détachement arrive.
Jean-Baptifte Taxis fervant en Flandres Philippe
I I , roi d’Efpagne,/î/7p/vr, en 1583 , la place
de Zutphen fur les provinces unies , ayant mis la
nuit , près la porte de cette place, quelques foldats
en embuicade dans une petite maifon où la
garnifon de Zutphen poftoit de jour une garde ; le
lendemain matin à l’ouverture de la porte de la
place, les foldats coururent s’en faiftr , & la conservèrent
jufqu’à ce que le détachement que Taxis
avoir au voifinage arriva pour entrer par cette
porte.
La furprife dont je parle fera plus aifée f i , pour
la faire mieux réuffir , vous employez les moyens
propofés un peu plus bas. -
Lorfqu’un égoût affez grand pour que des hom»
mes y puiffent paffer, fe rend à lajjampagne par-
deffous la maifon de quelqu’un de ceux avec qui
vous êtes en intelligence , celui-ci ouvrira l’égout
avec tout le fecret poflîble , afin que par cette ouverture
& le moyen d’une échelle, vous puiffiez
introduire dans cette maifon vos foldats & vos
officiers, qui, déguifés en payfans , fe feront rendus
à la débandade dans les maifons du fauxbourg,
que quelques autres perfonnes affidées ont auprès
de l’endroit où l’égoût dégorge. Pour fe rendre à
ces maifons 8c pour de-là paffer à l’égoût , vos
foldats choifiront une heure indue pendant des
nuits orageufes & obfcures , afin que les autres
habitants ou les fentinelles de la place ne les découvrent
pas ; lorfqu’ils feront dans cette maifon,
ils fe tiendront cachés jufqu’à ce que l’efcalade
commence ; alors ils fortiront pour attaquer &
ouvrir la porte que vous leur aurez défignée pour
faire entrer les troupes défignées. J’ai dit que ces
foldats doivent avoir, pour une pareille expédition
, quelque pétard, ou des maffes , des coins 8c
des haches pour rompre les barrières , la ferrure
& les verroux de la porte.
Il s’en fallut peu que le prince Eugène de Sa-
voye ne réuffit dans la furprife de Crémone,
ayant fait entrer par un aqueduc fix cents hommes,
qui, à la faveur d’un eccléfiaftique , partifan
des Allemands, s’étoient tenus cachés dans une
S U R 6 ) 7
égîlfe jufqu’à ce que le prince arriva pour exécuter
la furprife.
Le duc de Guife rapporte , dans fes mémoires,
qu’il avoit projetté de furprendre le pofte de Sainte-
Marie la Neuve, dont les Efpagnols étoient maîtres
à Naples , en introduifant , par le fecours d’un
moine, des troupes dans un aqueduc qui alloit
fous terre jufques dans Naples ; & que Vil manqua
fon coup , ce ne fut que parce que ce moine
fut découvert par d’autres du couvent, qui le
virent conduire à l’aqueduc un officier que le duc
de Guife avoit envoyé pour le reeonnoître.
L’armée Romaine , fous le confulat de Marcus-
Fulvius Pétus & Titus-Manlius Torgatus , atta-
quoit la place de Néquin ; deux habitants qui
avoient leurs maifons près des murailles , forcirent
par un chemin fouterrein , & offrirent aux confuls
de faire entrer leurs troupes par ce même chemin ;
les confuls acceptèrent le parti, & prirent ainfi la
place.
S i, à l’extrémité de l’égoût qui eft dans la ville ,
& à celle qui a fon dégorgement dans la campagne
, il y a , comme il eft ordinaire , des grilles
de bois ou de fe r , on coupe les premières avec
des fcies faites & emmanchées en fc/rme de longs
couteaux , afin qu’elles puiffent entrer par les trous
& les ouvertures que les bareaux laiffent ; on lime
les grilles de fer à une heure indue , un peu cha-
que nuit , ou bien on fe fert pour les rompre ,
d’une liqueur connue dans la chimie, que je ne
dois pas nommer ic i , pour ne pas apprendre ce
fecret à des prifonniers qui voudroient fe fauver
des prifons.
Le duc de Guife rapporte dans fes mémoires
que voulant , en 1648 , furprendre un pofte
défendu à Naples par les Efpagnols , il ordonna
qu’on ouvrît, dans un certain jardin, une galerie
de mine ou chemin fouterrein qui aboutifloit au
pied de la muraille ; & qu’ayant fa it, pendant
quatre jours , mouiller très fouvent cette muraille
avec du vinaigre & de l’eau-de-vie , elle s’amollit
fi fort, que fans faire aucun bruit, les pierres tom-
boient en les touchant feulement, & l’on pouvoir,
d’un coup, y ouvrir facilement un paffage ; comme
il l’auroit réellement fait, dit ce général, fi un de
fes capiraines n’avoit donné avis aux Efpagnols de
ce qui fe paffoit.
Le même duc de Guife rapporte encore que les
Efpagnols mouillèrent, pendant huit jours , avec
de l’eau-de-vie & du vinaigre, la partie de la muraille
qui touchoit la porte d’Alba ; que par ce
moyen ils firent, en y donnant un coup feulement,
une brèche fufmante pour y faire paffer des
troupes à pied & à cheval, & par-là les Efpagnols
recouvrèrent le> poftes qu’ils avoient perdus dans
la ville de Naples.
On lit , dans l’hiftoire Romaine , qu’Annibal
n’ayant pu rompre un grand rocher qui lui empê-
choit le paffage des Alpes, donna ordre qu’on y
brûlât deffous beaucoup de b o is ,& .qu’on l’arr©.-.
o