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leur rapport au goût de quelques-unes de celles
qui font cultivées dans les jardins , font recherchées
par le foldat & employées dans fon pot.
Comme,toutes‘ces différentes légumes fournîf-
fent une grande fubfiftance au foldat, il ne faut
point l’en priver ; mais il faut qu’il les aille chercher
avec ordre à la fuite des fourrages & avec des
officiers commandés, afin d’empêcher que le foldat
ne s’écarte & ne forte des enceintes du fourrage
, hors defquelles il ne faut jamais laiffer for-
tir perfonne.
Les jours qui ne font pas de fourrage , pourvu
que les légumes fe puiffent prendre en dedans des
gardes de cavalerie ou des gardes fixes d’infanterie
> fon peut y conduire le foldat ; mais il faut
toujours que ce foit avec des officiers ou fergents
commandés.
Le prince doit auffi pourvoir de riz , pois ,
fèves 8c feverolles , les magafins des places qu’on
craint qui foient affiégées, parce que les viandes y
peuvent manquer, ou devenir rares ; alors ces légumes
font une augmentation de nourriture pour
le foldat, q u i, travaillant & fatiguant exceffive-
ment pendant unfiège , a par conféquent befoin
d’être mieux nourri qu’il ne le pourroit être avec
fon pain fe c , avec lequel, fans ces légumes, il ne
pourroit faire de potage.
De Veau,
La bonté des eaux mérite auffi beaucoup de
confidération. Le camp doit être toujours voifin
des rivières ou des ruiffeaux , les eaux courantes
étant les meilleures & les plus faines.
Si ori fe trouve proche d’un ruiffeau, il faut empêcher
qu’on n’en interrompe le cours , & autant
qu’il fe'pourra , qu’on n’y jette rien qui puilfe
gâter ou corrompre l’eau.
Le voifinage d’une rivière n’engage pas à tant de
foins, parce que les eaux ne peuvent être détournées
que par des travaux immenfes ; il fuffit d’en
rendre les abreuvoirs aifés.
Il ne faut avoir recours à l’ufage des puits, que
lorfque les eaux courantes fe trouvent trop éloignées
des camps ; ces eaux-là n’étant pas fi faines
que les autres, & ne pouvant même être fi claires,
par la quantité qu’on en tire. ( Feuquières ).
VOLEUR , MARAUDEUR. Soldat qui s’éloigne
de fa troupe pour aller piller dans les environs,.
De la maraude naiffent les plus grands abus
& les fuites les plus fâcheufes ; i°. elle entraîne
après elle l’ efprit d’indifcîpline, qui fait négliger
fes devoirs au foldat, & le conduit à rnéprifer les
ordres de fes fupérieurs ; 2,0. les maraudeurs, en
portant l’épouvante dans i’efprit des payfans, dé-
truifent la confiance que le général cherche à leur
infpirer. Malheureufes vi&imes du brigandage ! au
lieu d’apporter des provifions dans les camps , ils
gâchent, ils enterrent leurs denrées , ou même ils
les livrent aux flammes, pour qu’elles ne devien-
VOL
nent pas la proie du barbare foldat ; 3”. enfin leë
dégâts que font les maraudeurs, épuifent le pays,1
Un général compte pouvoir faire fubfifter fon armée
pendant quinze jours dans un camp, il le
prend en conféquence ; 8c au bout de huit, il fe
trouve que tout eft dévafté ; il eft donc obligé d’abandonner
plutôt qu’il ne le vouloit, une pofition
peut-être effentielle à la réuffite de fes projets ; il
porte ailleurs fon armée, & les mêmes inconvénients
la fuiveut. Néceffairement il arrive delà
que tout fon plan de campagne eft dérangé ; il
a voit tout prévu , le temps de fes opérations étoit
fixé , le moment d’agir étoit déterminé, il ne lui
reftoit plus qu’à exécuter , lorfqu’il s’eft apperçu
que toutes fes vues étoient renverfées par les de-
fordres des maraudeurs, qu’il avoit efpérê d’arrêter.
11 faut à préfent que le général dépende des événements
, au lieu qu’il les eût fait dépendre de lui.
Il n’eft plus fûr de rien ; comment pourroit-il encore
compter fur des fuccès ? On s’étendroir aifé-
ment davantage fur les maux infinis que produit la
maraude ; mais l’efquiffe que nous venons de tracer
fuffit pour engager les officiers à veiller fur
leur troupe avec une attention fcrupuleufe. Cependant
l'humanité demande qu’on leur préfente
un tableau qui, parlant directement à leur coeur ,
fera fans doute fur lui l’impreflion la plus vive.
Qu’ils fe peignent la fituation cruelle où fe trouvent
réduits les infortunés habitants des campagnes
ruinées par la guerre ; que leur imagination
les tranfporte dans ces maifons dévaftées, que le
chaume couvroit, & que le défefpoir habite ; ils
y verront l’empreinte de la plus affreufe mifère ;
leurs coeurs feront émus par les larmes, d’une famille
que les contributions ont jettée dans l ’état
le plus déplorable ; ils feront témoins du retour
de ces payfans qui , la trifteffe fur le front, reviennent
exténués par la fatigue que leur ont caufé
les travaux que, par néceflité , on leur impofe ;
qu’ils fe retracent feulement, ce qui s’eft paffé
fous leurs yeux. Ils ont conduit des fourrageurs
dans les granges des malheureux laboureurs. Ils
les ont vu dépouiller en un moment les fruits
d’une année de travail & de fueurs ; les grains qui
dévoient les nourrir , les denrées qu’ils avoient recueillies
leur ont été ravies. On les a non-feulement
privés de leur fubfiftance aCluelle , mais
toute efpèce de reflource eft anéantie pour eux.
N’ayant plus de nourriture à donner à leurs troupeaux
, il faut qu’ils s’en défaffent, & qu’ils perdent
le fecours qu’ils en pouvoient tirer ; les
moyens de cultiver leurs terres leur font ôtés ;
tout eft perdu pour eux , tout leur eft arraché ; il
ne leur refte pour foutenir la çaducité d’un père
trop vieux pour travailler lui-même , pour nourrir
une femme éplorée & desenfants encore foibles,
il ne .leur refte que des bras languiffanrs, qu’ils
a ’auront même pas la corçfolation de pouvoir employer
à leur profit pendant que la guerre fubfif-
fifterfl. autour d’eux. Cette peinture, dont on ri’a
VOL
pas cherché à charger les couleurs . eft fans, doute
capable datiendrir, fi l’on n’eft pas dépourvu de
ïenfibilité. Mais comment ne gémirôit-elle pas ,
cette fenfibilité , en fongeant que des hommes livrés
à tant de maux font encore accablés par les
horribles défordres que commettent chez eux des
foldats effrénés , qui viennent leur enlever les
groffiers aliments qui leur reftoient pour fubfifter
quelques jours encore ? Leur argent, leurs habits
, leurs effets , Tout eft v o lé , tout eft détruit.
Leurs femmes & leurs filles font violées à leurs
yeux. On les frappe , on menace leur v ie , enfin
ils font en butte à tours les excès de la brutalité ,
qui fe flatte que fes fureurs feront ignorées ou impunies.
Malheur à ceux qui favenr que de pareilles
horreurs exiftent, fans chercher à les empêcher
!
Les moyens d’arrêter ces défordres doivent être
Amples & conformes à l’efprit de la nation dont les
troupes font compofées. M. le maréchal de Saxe
en indique de fages »dont il prouve la bonté par
des raifons folides. « On a , dit-il, une méthode
pernicieufe, qui eft de toujours punir de mort un
foldat qui eft pris en maraude ; cela fait que perfonne
ne les arrête, parce que chacun répugne à
faire périr un miférable. Si on le menoir Amplement
au prévôt, qu’il y eût une chaîne comme
aux galères , que les maraudeurs fuftent condamnés
au pain & à l'eau pour un , deux ou trois mois ,
qu’on leur fît faire les ouvrages qui fe trouvent
toujours à faire dans une armée , 8c qu’on les renvoyât
à leur régiment la veille d’une affaire , ou
lorfque le général le jugeroit à propos , alors tout
le monde concourroit à cette punition ; les officiers
des grands gardes 8c des poftes avancés les arrê-
teroient par centaines , & bientôt il n’y auroit plus
de maraudeurs , parce que tout le monde y tien-
droit la main. A préfent il n’y a que les malheu- :
reux de pris. Le grand-prévôt, tout le monde détourne
la vue quand ils en voient y le général crie
à caufe des défordres qui fe commettent ; enfin le
grand-prévôt en prend un, il eft pendu, & les
foldats difent qu’il n’y a que les malheureux qui
perdent. Ce n’eft là que faire mourir des hommes
fens remédier au mal. Mais les officiers,dira-t-on ,
en laifferont également paffer à leurs poftes. Il y a
un remède à cet abus ; c’eft de faire interroger les
foldats que le grand- prévôt aura pris dehors ; leur
faire déclarer à quel pofte ils auront paffé , & envoyer
dans les prifons pour le refte de la campagne
, les officiers qui y commandoient ; cela les
rendra bientôt vigilants & inexorables ; mais lorfqu’il
s’agit de faire mourir un homme, il y a peu
d’officiers qui ne rifquaffent deux ou trois mois de
prifon ».
Avec une attention fuivie de la part des officiers
fupérieurs, 8c de 1 exaélitude de la part des «ffi-
ciers particuliers , on parviendra dans peu à détruire
la maraude dans une armée. Qu’on cherche I
d’abord à établir dans l’efprit des foldats, qu’il eft 1
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auffi honteux de voler un payfan que de voler fon
camarade. Une fois cette idée reçue , la maraude
fera auffi rare parmi eux que les autres efpèces de
vols. Une nation où l’honneur parle aux hommes
de touts les états, a l’avantage de remédier aux
abus bien plutôt que les autres. Sans les punir de
mort., qu’on ne faffe jamais de grâce aux maraudeurs
, que les appels foient fréquents , que les
chefs des chambrées où il fe trouvera de la maraude
foient traités comme s’ils avoient maraudé
eux-mêmes; qu’il foit défendu aux vivandiers ,
fous les peines-les plus fevères, de rien acheter
des foldats ; que le châtiment enfin foit toujours
la fuire du défordre , & bientôt il ceffera d'y avoir
des maraudeurs dans l’armée, le général & les officiers
feront plus exactement obéis , les camps
mieux approvisionnés , 8c l’état confervcra une
grande quantité d’hommes qui périffent fous la
main des bourreaux , ou qui meurent affaffinés par
les payfans révoltés contre leur barbarie. ( Article
de M. le marquis d e Makn ESI A ).
Si c’eft M. le maréchal de Broglio qui a fubftitué
au fupplice de mort dont on pnniffoit les marau->
deurs, la baftonade qu’on appelle fchlaguer, appliquée
par le caporal qu’on appelle caporal [chia-
gueur, il a fait une innovation pleine de fageffe 8c
d’humanité, car, à confidérer la nature de la faute,
il paroît bien dur d’ôter la vie à un brave foldat ,
dont la paye eft fi modique , pour avoir fuccombé,
contre la difeipline, à là tentation de voler un
chou ; cependant les coups de bâton, qui peuvent
être bons pour des allemands , font un châtiment
peu convenable à des françois. Ils aviliffent celui
qui les reçoit, & peut être même celui qui les
donne. Je n’aime point qu’on baronne un foldat ;
celui qui a reçu une punition humiliante craindra
moins, dans une aélion, de tourner à l’ennemi un
dos bâtonné, que de recevoir un coup de feu
dans la poitrine. M. le maréchal de Saxe faifoit
mieux : il condamnoit le maraudeur au piquet ; &
dans fes tournées , lorfqu’il en rencontrait un , il
l’accabloit de plaifanteries amères & le faifoit huer.
Nous ajoutons ici quelques réflexions fur les
moyens d’empêcher la défertion & fur les peines
qu’on doit infliger aux déferteurs. Ces réflexions
nous font venues trop tard pour être mifes à leur
véritable place.
Réflexions fur Us moyens d'empêcher la défertion 1
& fur les peines qu’on doit infliger aux déferteurs.
Il eft plufieurs caufes de défertion. 11 en eft qui
entrent fouvent dans le caraâère d’une nation , 8c
qui lui font particulières. S’il exifte, par exemple,
un peuple léger, inconftant , avide de changement
,& prompt à fe dégoûter de tout, il n’eft
pas douteux qu’on n’y trouve un grand nombre de
gens qui fe dégoûtent des états gênants qu’ils auront
embraffés. Si cet efprit d’inconftance & de
légèreté règne parmi ceux qui fuivent la profef-
fion des armes, il eft certain qu?on trouvera plus