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premières troupes de pied furent compofées de
jeunes gens levés dans les différentes villes du
royaume, & delà appellés e n fa n t s de telle ou telle
ville ; nous ne nous arrêterons pas à chercher
quelle eft la meilleure de ces trois étimologies :
nous dirons feulement que la dernière nous paroît
devoir être adoptée comme la plus plus honorable. naturelle 8c la
Nous ne chercherons pas à démontrer que les
premiers çombats ont dû fe paffer entre des fan-
taffins : pour donner des preuves de cette vérité ,
nous ferions forcés de nous enfoncer dans les ténèbres
qui couvrent le premier âge du monde ; 8c
quand bien même nous ferions munis d’un fil affez
fort pour ne point nous égarer dans ce vafte 8c ténébreux
labyrinthe, le fruit.de nos recherches ne nous
dédommagerait ni dii temps que nous confumerions
, ni des peines que nous prendrions , car l’art
militaire ne tireroit aucun avantage de nos découvertes
; nous nous contenterons donc de dire encore
que les premiers combats dûrent fans doute
fe paffer entre des gens de pied ; car il eft impof-
iible qu’une fociété ait fait affez de progrès dans la
civilifation , pour avoir acquis l’art de d refter & de
conduire des chevaux , avant d’avoir eu quelque
guerre inteftine ou étrangère.
Nous làifferons aux militlires enthoufiaftes de
l'In fa n te r ie le foin d’exalter les avantages des
troupes à pied , & aux partifans outrés de la ca-
valeriè , celui d’exagérer le prix des troupes à cheval
, & nous nous bornerons à examiner quelle eft
la proportion qui doit exifter entre l'in fa n te r ie & la
cavalerie d’une armée ; car nous fçavons qu’une
armée qui feroit entièrement compofée d 'in fa n t e r
ie , ou uniquement compofée de cavalerie, ne
marcheroit à la vlâoire qu’avec plus de lenteur &
de peine qu’une armée compofée de cavalerie 8c
d'in fa n t e r ie . Nous ne fixerons cependant pas d’une manière
pofitive la proportion qui doit exifter entre Y in fa n t
e r ie & la cavalerie d’une armée. Cette proportion
dépend d’un fi grand nombre de données particulières
9 qu’il feroit imprudent, qu’il eft même im-
poffible de dire rien d’abfolu à cet égard ; une
preuve certaine de l’impoffibilité de fixer cette
proportion d’une manière abfolue, c’eft le peu
d’accord qui exifte entre les coutumes des différents
peuples , & les opinions des écrivains ; celui-
ci veut que la cavalerie foit à l'in fa n te r ie comme i
eft à 2 ; un autre comme i eft à 3 ; ainfi fuccefli-
vement jnfqu’à comme 1 eft à 1 6 . Les nations qui ont mis le plus de confiance dans
leur in fa n t e r ie , ont eu conftamment au moins un
feizième de cavalerie & quinze feizièmes- d’in fa n te r
ie ; celles qui ont mis le plus de confiance dans
leur cavalerie ont employé néanmoins prefque autant
d 'in fa n te r ie q u e de cavalerie ; nous prendrons
donc un deuxième 8e un feizième pour les deux
extrêmes de notre proportion. Cela pofè, il ne
s’agît plus que d'indiquer les circonftances qui
INF
doivent déterminer une puiffance quelconque â
adopter ou un de ces deux extrêmes, ou un des
moyens quon peut inférer entre eux. Mais avant
de nous occuper de cet objet vraiment important,
nous croyons devoir lever une objection qu’on
pourroir nous faire. Vous fuppofez, pouneit-on
nous dire, que l’on n’a prefque jamais vu d’armée
dans laquelle la cavaleriè fut plus nombreufe que
1 infanterie ; cependant touts les Tariares combattent
encore a cheval ; quelques peuples de l’antiquité
avoient aufli très peu de fantaffins ; enfin les anciens
Gaulois & les François des 13 , 14 & i5 e fiècles
alloient prefque touts à la guerre à cheval. Je conviens
que tours ces faits paffent pour vrais, aufli
je n’ai compris dans ma fuppofmon que des peuples
vraiment militaires ; je n’ai eu en vue que la corn-
p otion d’une armée européenne. Si je voulois
cependant prouver que les François des '13 , 14
& 15e fiècles combattoient prefque toujours à p ed ,
quoiqu’ils s’affemblaffent 3 cheval, il me feroit aile
d’en citer une infinité d’exemples. Je me contenterai
d’en rapporter ici un qui nie paroit décifif*
Ouvrez les mémoires de Comines , vous y trouverez
, chapitre III du livre premier , que l’armée
du comte de Charolais , lors de la guerre du bien
public, étoit toute à cheval ,fa u f aux qui condui-
[oient l'artillerie ; mais fuivez cette armée jufques
fur le champ de bataille de Montléry , 8c vous la
verrez prefque toute combattre à pied.
L*infanterie doit fe rapprocher du plus grand
nombre , 8c la cavalerie du plus petit terme, toutes
les fois i°. qu’on eft réfolu de fe tenir fur la défen-
five , pu de ne point livrer d’affaire générale ; 2V
que le théâtre de la guerre eft éldigné; 30. qu’iF
i eft garni de places qu’on veut prendre oui défendre f .
4°. qu’il eft couvert de bois , de vignes, de villages
; 50. qu’il eft arrofé par beaucoup de rivières
de canaux , deruiffeaux , de foffés ; 6°. qu’il eft
coupé par beaucoup de montagnes , de coteaux,
& mimé de collines ; 70. qu’il eft peu abondant en
. fourrages 8c en grains propres à la nourriture des
; chevaux 8°. que les chemins en font conftamment
étroits, mauvais ou très difficiles ; io°. que:
l’ennemi n’a pas lui-même beaucoup de cavalerie
i l 0, que le goût de la nation le porte plutôt vers
1 infanterie que vers la cavalerie; 120. qu’on ne
peut tirer facilement de chez foi oh de chez fes-
alliés de quoi remplacer les chevaux qu’on perd ;
I 3°* qu’on n’eft point affez riche pour fupportec
longtemps les groffes dêpenfes que la cavalerie
entraîne; 140. que fon infanterie „eft très bonne :&c
fa cavalerie médiocre ou mauvaife; 1 50. que l’ennemi
a une artillerie nombreufe; 160 enfin que fe
général qui commande l’armée fçait beaucoup
mieux tirer parti de Y infanterie que de la cavalerie.
Si toutes ces circonftances fe trouvoient réunies
on devroitdonc fe borner à avoir un feizième de
cavalerie , 8c quinze feizièmes d’infanterie, Sikie ces
feize circonftances , il y en avoir autant de .favorables
a la cavalerie qu’à l'infanterie y jl devroit y
I N F -
avoir trois quarts A'infapurie & fl™“ de cavalerie
• enfin un deuxième A'ivfmienc tk un deuxieme
de cavalerie, fi agiffant offenfivenient, on vou.oit
livrer des batailles générales; fi.le théâtre de la
guerre étoit placé dans des plaines vaftes raies ,
abondantes en fourrages & votfincs des frontières
où il n’y aiiroit ni des places fortifiées, tildes,
villes fermées, dont les rivières'leroient rares «
guéables pendant toute.la campagne; tes chemins :
larges & licites dans touts les temps ; fi renrtemf
avoit beaucoup dé cavalerie & peu d’artillerie ; fi
l’dn avoir foi-même des haras bien fournis, ou des
remontes toutes prêtes ; 8c enfin fi 1e général nia-
nioit avec plus d'adreffe la cavalerie que l'infante-
rie. Je fçais bien que par ma folution je donne à
Ÿinfarîtc'rïc la préférence 'fur la,cavalerieimais je
Crois pouvoir avancer , fans être foupçonné de
partialité, qu’elle mérite la prépondérance que je
fui ai accordée. Mes autorités font ce que l'tnjanie-
fie a fait, l’opinion, des écrivains les plus renommés
, & la conduite des peuples que leurs conquêtes
ont rendu célèbres. " .
Prefque tours les auteurs militaires de 1 antiquité'
ont douaikïmfimtene la préférence for la cavalerie
; 1 vayei Xenophon , retraite des «dix mille ;
Cm far dans fes Commentaires; Vegèce, infîitutions
militaires des Romains ; l’empereur Léon , &c. ).
Parmi les écrivains militaires modernes, MontluO
eft un des partifans les plus déclarés de Xinfanter
i e après celui ci vient Folard : cet auteur accumule,
page IJ5 & fuivantes du tome I" de lés commentaires
fur Polibe , un grand nombre de preuves
dé la fopériorité de l’infanterie fur la cavalerie ; il
en donne encore d'autres, page ao4 du tome III ;
page t i 7 & 326 du tome ÏV ; page 120 8c fuivantes
du tome V ; Santa - Crux penfe fur l’infanterie
comme Folard; ( le tome premier' de fes
réflexions poétiques 8c militaires ,page 215 & Suivantes
; tome H ï, page 63 8c fuivantes; Montecu-
culi, Feuqüières 8c fe maréchal de Saxe tenoiem
aufli pour l'infanterie. Il en eft ainfi du comte de
Tdrpin, pugéf 93 , 392 8c 332 du tome premier de
fes commentaires fur Montécucuii ;■ l’auteur des
nouvelles confîirutions militaires détaille aufli, pag.
51 , les avantages de l'infanterie fur la cavalerie ; il
prouve que la première petit, non-feulement renfler
à la fécondé , mais qu’elle doit même aller l’attaquer
; 'quelques' autres' écrivains plus modernes
ont avancé la même propofiriou ; ils Ont cherché
à en prouver la vérité ; Î8ê les partifans de Xi infanterie
aliment qu’ils y ont réufii ; il. ne refte donc ,
pour prouver la fopériorité de l'infanterie fur la
cavalerie , qii’à jetter un coup-d’oeil for Finfanterie
ides nations vraiment militaires.
§• I I.
De /’infanterie francoij.e,'
ïNous venons de faire paffer fous nos yeux Vin-
I N F 8 5 '
fanterie de touts les peuples connus ; il lie nous refte
à parler que de Y infanterie françoife. Après que
nous aurons fait connoître ce qu’elle eft aéhielle-
ment, nous montrerons les principales variations
qu’elle a effuyées. Nous difons les principales variations
, car fi nous voulions nous traîner fur les
petites augmentations ou les petites diminutions
qu’elle a fubies depuis un fiècle feulement, il nous
taudroit un temps & un efpace que nous ne pouvons
confacrer à cet ouvrage.
De l'infanterie au fervice de la France.
L'infanterie au fervice de la France eft coftipofée
de 251,825 hommes , 8c divifée en infanterie na-
, tïonale 8c en infanterie étrangère.
L'infanterie nationale eft fubdivifée en infanterie
, réglée, toujours fubfiftante , 8c en milices qu’on
lève quand les circonftances l’exigent. Ces milices
font connues aujourd’hui fous lè nom de troupes
provinciales.
L'infanterie étrangère eft fubdivifée en infanterie
\ fuiffe, allemande irlandoife , corfe 8c italienne.
L'infanterie réglée eft divifée en infanterie de
, ligne , fpécialement connue fous le nom d'infanterie
françoife, 8c en infanterie légère connue fous-
lé nom de chajfeurs.
L'infanterie de ligne eft divifée en artillerie 8c en
invalides détachés.
Les troupes provinciales font divifées en grena-
j' diers royaux; régiments provinciaux attachés à l’ar-
I dllerie ; . régiments provinciaux attachés à l’etat-
majof’dé i’aràiée ; régiment de la ville de Paris ; ré-
gimenr de l ’île de Corfe ; bataillons de garnifen èc
canonniers gardes-côtes.
De ^infanterie françoife proprement dite.
Vinfanterie françoife, proprement dite, eft com«
pofée de 79 régiments.
De ces 79 régiments, un eft compofé de 4 bataillons
, 8c 78 de de«x bataillons, ce qui fait en
tout 160 bataillons ; de ees 160 bataillons, 48 font
fur le pied de guerre , 8c 112 fur le pied de paix.
Chaque bataillon eft divifé en cinq compagnies,
dont line de grenadiers ou chaffeurs , 8c 4 de fuû-
liers ; ce qui fait en tout 800 compagnies, dont r6o
de foîdats d’élite 8c 640 de fufiliers. Voye\j. dans
l’article Compagnie la formation intérieure des
compagnies, 8c la. différence du pied de paix au
pied de guerre.
\dinfanterie françoife ne porte aucune arme dé-
fenfive ; fes armes offerifives font le fufil armé de
la baïonnette ; ( yoye\ Baïonnette 8c Fusil ) .
Quant aux compagnies délite, voyeç Grenadiers
8c Chasseurs.
Quant à l’habillement 8c à l’équipement de lTi/z~
fanterie françoife , voye^ Habillement 6c Equipement.
Pour connoître les exercices & les manoeuvre*-