
INS
§. i v.
Des infpeflions des gardes, & des détachements pendant
la guerre.
Un officier nommé pendant la gueire pour commander
une garde ou un détachement, doit, après
avoir appris quel eft le lieu & l’objet de fa miffion ,
après avoit compté fes bas - officiers 8c fes foldats ,
s’ètre fait donner un état de leurs noms , & de celui
de leur compagnie, examiner fi les fufils font en
bon état ; s’ils font chargés avec foin , amorcés de
frais , & garnis de bonnes pierres ; fi les baïonnettes
& les fabres font en ordre ; fi les gibernes
font pleines de munitions de guerre; fi chaque foldat
a des pierres à feu de rechange, un tire-bourre,
un tourne vis , une épinglette & une pièce graffe
pour eliuyer fes armes.
Il verra fi .chaque foldat a un petit bidon plein
d’eau , melée avec un peu de vinaigre, & s’ils ont
touts allez de pain pour la durée du détachement,
ou pour attendre le moment où on leur en enverra
une nouvelle difiribution.
Quand la marche devra être longue, forcée &
fecrette , il examinera s’ils ont une provifion de
viandes cuites ou du fromage, 8cc.
Quand il devra aller occuper un polie , il examinera
fi on a fourni à fes foldats les outils qui
leur font néceffaires pour tracer , élever & conf-
truire une flèche , un radeau, &c. Ces outils font
des haches bien acérées pour couper les branches
d’arbres propres à faire des piquets, des fafeines ,
des gabions ; des ferpes pour couper les mêmes
branches & les liens des fafeines ; des couteaux de
tonnelier pour aiguifer les paliffades 8c les fraifes ;
des pieds à hoyau , des pioches, des pelles, &c.
pour creufer les folles, relever les terres & les
«àffer.
S’il doit aller attaquer un polie, il verra fi fa
troupe ell pourvue d’échelles pour efcalader le
polie; de pétards, s’il croit devoir enfoncer quelque
porte ; de leviers pour remplir Je même objet ;
des tenailles, des gros marteaux & des coins de fer.
Ces outils fervent à faire fauter les ferrures , les
bandes & les verroux des portes. On a befoin encore
de feies emmanchées & de haches pour couper
les paliffades , les fraifes & les barrières: on portera
auffi des pelles , des pioches, des pics pour
combler les folTés »applanir ou adoucir les rampes,
& fapper les angles des retranchements.
Ces différents outils doivent être dillribués de
manière à ce qu’on pifffe avoir aifément ceux dont
on a befoin : chaque foldat ne doit en porter qu’un.
Il verra eqeore à fe pourvoir de clous d’acier pour
enclouer le canon ennemi, ou mêrue pour erîclouer
Jelfien s’il y efi forcé par des événements qu’il doit
prévoir , mais qu’il peur prévenir par une grande
bravoure & de fages précautions. Si le foffè du pofie
qu’il doit attaquer » efi plein d’eau, il examinera ,
encore fi fa troupe efi pourvue de fafeines pour
former un pont ou une efpèccde gué ; & fi le fond
du fofle efi vafeux, au lieu de fafeines , il fera pro*
vifion de beaucoup de claies.
On doit porter encore des planches pour établir
des ponts fur les petits foffés qu’on rencontre dans
la campagne, 8c pour traverfer les canettes quel’en-
*nemi aura creufées dans le fond des foffésdu pofie.
Si 1 officier qui va en détachement, efi deftinéà
eclairer 1 armee , fa vorifer fa retraite, ou pourfuivre
un ennemi battu , efeorter ou attaquer un convoi,
enlever ou former une embufeade , lever des con-,
tributions , ou faire des reconnoifiances militaires,
dans touts ces cas , il ne fera pas prendre une aufiï
grande quantité de haches , de pelles., de pioches ;
mais au mom*, il aura toujours un de ces différents
infiruments par dix hommes. Il obtiendra tous ces
objets en les demandant à celui tachement. I qui l’enverra en déS’il
mène du canon, il infpeélera fon artillerie &
les munitions de guerre 'qui lui font néceffaires ,
avec le même foin que les armes de fes foldats.
Pendant tout le temps-que durera la garde ou le
détachement, 1 officier fera , au moins chaque matin
Y in fp e f tio n des armes de fes foldats : il ordonnera
a fa garde ou à fon détachement , de changer la
poudre dubaffinet , & d’en introduire de nouvelle
tdoaunj^o ulres- cêatrneo pno, uarvveucs .l'épinglette dont ils doivent
Il donnera le même ordre toutes les fois qu’il fera
tombé de la pluie : il recommandera enfin à fa
troupe de frotter fouvent fes armes avec le linge
gras ou huilé , dont nous avons dit plus haut que
chaque foldat devoit être muni.
§ . v . .
Des infpeéUons faites par les capitaines & par les
chefs du corps.
Dans une conftitution militaire telle que je là
conçois, les in fp e ê lio n s d’un.chef de corps pour-
roient ne porter jamais que fur un feul homme. Le
chef une fois affuré que fon principal fubordonné
efi dans touts les points comme il doit être , feroit
certain que toutes les perfonnes foumifes à fes ©r-
. dres, font auffi en règle que celle-ci, ou que fi quelqu'une
s’eft négligée 1 c’eft pour la dernière fois ;
car, outre qu’elle a été punie avec rigueur, elle fera
dorénavant furveillée avec plus d’attention que par
le paffé. Dans cette conftitution militaire, le général
de l’armée fe borneroit à furveiller fes lieutenants
généraux ; chaquelieutenanr-général, fes maréchaux
de camp , &c. ; chaque colonel, les chefs
de fes bataillons ; chaque capitaine , fon capitaine
en fécond , 8c tout au plus fon fergent-major. Cet
ordre fi naturel, bien établi & maintenu avec foin ,
produiroit une foule d’avantages : il économiferoit
un temps immeqfe ; il s’épargneroit une très-grande
quantité de peines ; & tout ce qui efi aujourd’hui fi
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compliqué , fi difficile, paroîtroit aifé , & devien-
droit un jeu.
Mais dans une conftitution militaire auffi parfaite
que celle que j’ai fuppofée, le chef d’une armée ,
d'un corps, d’un régiment, d’une compagnie , de-
vroient-iis fe borner à furveiller 8c à infpeéler leurs
principaux fubordonnés ? Non. Cette confiance
pourroit enfanter des abus. Devroient-ils donc ,
voir de loin en loin , l’un après l’autre , chacun des
hommes qu’ils auroient fous leurs ordres ? Non. Ce
moyen a encore fes inconvénients. J’ai Vu fouvent
des officiers fupérieurs entreprendre Xinfpeclïoh générale
de leurs régiments : ils parcouroient avec
une extrême lenteur' 6c un attention profonde, les
premières compagnies ; ils les voyoient bien , très-
bien : mais dès la troifiéme , l’ennui commençoit à
les gagner ; leurs yeux fe fariguoient, leur marche
perdoir de fa lenteur , & leur attention de fa force.
Quanti ils étoient arrivés à la cinquième compagnie
, leur vue étoit troublée, 8c leur marche très
rapide : enfin vers la feprième compagnie , ils ne
nsarchoient pas , ils couroienr; ils regardoient, &
ne voyoient pas. Ce que je dis des colonels, je
l’ai vu auffi des capitaines. Ils obfervent les premiers
hommes du premier rang de leur compagnie comme
ils le doivent; ils apperçoivent une cocarde mal attachée
, un chapeau mal brofie, une frifure un peu
trop hante , un col mis fans foin /quelques atomes
de pouffière fur des revers, ia plus petite découfure
à une vefte , une culotte point affez relevée, un
boutes de guêtre mal attaché, une giberne dont la
cire n’eft point affez étendue , &c. : mais vers la fin
de ce même rang , une tache confidérable, un trou
affez grand difparoilfoient. Il y auroit ce me femble
un milieu à prendre entre la confiance entière & la
méfiance abfolue. Une compagnie doit prendre les
armes : je fuis fergent ; je demande à mes deux caporaux
, fi tout leur monde efi préfent 8c en bon
état : quand ils m’ont répondu affirmativement, je
prends mon contrôle ; au lieu de faire l’appel de
mes deux efcouades,je ne fais que celui d’une
d’entr’elles : mais comme c’eft le hafard qui dirige
mon choix, 8c comme je punis avec une févérité
extrême le caporal qui m’en a impofé , je dois peu
craindre qu’on cherche à me tromper. Au lieu d’inf-
peâer les deux efeouades dans leur entier, je n’examine
qu’un ou deux hommes de chacune ; mais-
avec tant d’attention , qu’il efi prefqu’impoffible que
la plus petite négligence m’échappe. Si j’en découvre
quelqu’une , le caporal qui ne l’a pas punie ou
réparée , efi lui-même puni; Suis-je fergent-major ,
je fais l’appel nominatif d’une fubdivifion ; je n’inf-
peéle qu’un ou deux hommes de chacune d’elles ;
8c c’eft fur le fergent qui m’en a impofé , que tombe
ma vengeance. Suis-je capitaine , j’agis de même
que le fergent-major. Colonel, je fuis les mêmes
principes : tout mon régiment eft affemblé ; les
comptes me font parvenus par mon colonel en fécond
8c mon lieutenant-colonel ; je prends le contexte
général ; j appelle tantôt une efeouade d’une
compagnie , tantôt une fubdivifion d'une autre ;
aujourd’hui j’infpeéte l’habillement de deux grenadiers
pris au hatard , demain le grand équipement
de quatre chaffeurs ; une autre fois l*armement de
deux caporaux ; tantôt le linge de quelques fufiliers
d’une des huit compagnies ; tantôt la chauffure de
ceux d’une autre , 8c toutes les fois que le compte
ou’on m’a rendu n’eft pas de l’exaélitude la plus
grande, que ce que j’infpeéle n’eft pas précifément
conforme aux volontés de la loi, je punis aveuglement
celui qui m’a trompé le dernier, lui lai filant
le foin‘de faire retomber la punition fur ceux
qui l’ont lui-même induit en erreur. Oui, près de
vingt ans d’expérience m’ont démontré que cette
méthode eft la feule praticable , la feule bonne
dans touts les temps, la feule exempte d’inconvénients
dans toutes les circonftances ; en l’employant,
un régiment, un corps d’armée, une armée
elle-même, quelque nombreufe qu’elle fût ,
feroit infpeélée 8c bien infpeâée dans deux heures
au plus. ( C. )
INSTRUCTEUR. Bas officier particulièrement
chargé du foin dmftruire 8c de former les foldats
nouvellement enrôlés.
C’eft avec raifon que les ordonnances militaires
difent qu’on ne peut confier indifféremment à touts
les bas-officiers le foin d’exercer les nouveaux foldats
; en effet, celui qui eft chargé de ce foin doit
avoir non-feulement une intelligence , une patience
, une douceur 8c une fermeté que touts les
hommes ne réunifient point au mêiîjie degré , mais
encore une faniédes plus fortes. Tout bas-officier
confiant ment employé à l’infirudion des recrues,
qui n’eft point fortement ôrganifé , a bientôt la
poitrine opprefiee , la voix eteinte, 8c prefque
toujours avant que trois ans fé foient écoulés ,
taoruritvsé lee sà afountr edse rlingineer s pqéurii ocdaer.aélérifent la pulmonie
Cette obfervarion , que j’ai faite trop fouvent, 8c
qu’il eft malheurëufement trop aifé de répéter, de-
vroit, ce me femble, déterminer les chefs de corps
à ne fouffrir jamais que le même bas-officier fût
employé , en qualité à 'in j lm f i e u r , plus de trois
mois de fuite; ces.changements retarderoient peut-
être de quelques jours l’admiffion des hommes de
recrue au bataillon ou à l’efcadron ; mais cet inconvénient
n’eft-il pas moins grand que la perte
prématurée des fujets les plus diftingués ?Pour prévenir
ces deux inconvénients; il fuffiroit, je penfe,
dé renouveller les bas-officiers chargés de i’inftruc-
tion des nouveaux foldats à des époques différentes,
8c de veiller, avec la plus grande attention,
à ce que les inflrucléu r s ne fe permi fient jamais
ni des propos durs . ni des manières rudes. Je
me fuis quelquefois transporté d’un manège où l’on
dreffoit des chevaux de remonte, fur une efplanadc
où l’on formoit des hommes de recrue . 8c j’ai toujours
été frappé par le traitement différent qu’on
exerçoit envers les uns -8c les autres. Là j’avois vu
un yiel écuyer qui, fans cefi’e t flattoit le jeune