
Jean noftre fils, que nous ne ferions nul autre. Si
voulons que vous vous ordonnés tantôt pour y venir,
&pour y eftre dorez-en-avant continuellement :
car il eft te ms que ceux qui font ordenez pour y
eftre foient ; & fi eft mi ex vojftre honneur de le faire
maintenant, qu’il ne feroit quand nous ferons plus
avant en la guerre : & pour ce que vous nous
priaftes quand nous vous en parlafmes que nous y
voufiflions garder voftre honneur, vrayement fi
penfez bien , vous trouverez que nous vous faifons
trop plus grant honneur de vous y mettre, que
nous ne vous ferions de vousleftier maréchal : mef-
mement confideré que nous voulons que vous
foyés tous li premiers & li principaux de(fon frain ;
Car il n’eft oncques maref c h a i de France qui n’en laif-
faft l’office , pour eftre li premier au frain- de
l ’aifnè fils du roi. Si nous femble qu’il y eft plus
grant qu’il ne feroit à eftre marefchal : car , pour
plufieurs fraudes qui fe faifoient pour caufe des
droits des marefehaux nous avons ordené que
dorez-en-avant, nul marefchal ne prendrait nul
droit, mais feront tournez à noftre profit tous les
droits qu’ils foloient prendre ; & ils auront cinq
cens livres tournois chacun d’eux par an pour toutes
chofes ; & fi ne les auront fors feulement durant
les guerres ; & nous voulons que vous ayez pour
eftre avec noftre fils, cinq cens livres chacun an ,
lefquelles nous vous donnons à voftre v i , fi vous
y femble le profit plus grant que en l’office de marefchal
; pourquoi vous n’en devez eftre en nulle
mélancolie, mais en devez eftre tout liés , & pour
honneur & pour profit. Donné à Becoiifel le cinquième
jour de Juillet ».
Ce fut vers l’an 1320, fort vraîfemblablement,
le prince Jean ayant alors douze ans, que le roi lui
donna un gouverneur. Le feigneur de Morcul fut
rétabli dans fa charge de maréchal, après avoir élevé
le prince ; & on le trouve avec cette qualité l’an
3346 , dans un compte de Bathelemi de Drach. Il
y eut dans cet intervalle plufieurs autres maréchaux
de France ; fçavoir, Jean de Beaumont, Jean*des
Barres , Mathieu de Tr ie , Robert Bertrand ,
Charles de Montmorenci & Robert de Vauri.n , i
feigneur de Saint-Venant.
On voit par cet a&e , non-feulement qu’un mar
rèchal de France pouvoit ceffer de l’être, fans même
avoir commis le crime de félonie, qui lui auroit
fait perdre touts fes titres, mais encore que Philippe
de Valois retrancha aux maréchaux certains droits
©u profits qu’ils prétendoienr.
Charles VII en fupprima plufieurs femblables
dont .jouiffoient les connétables , lorfqu’il inftitua
les compagnies d’ordonnance , ainfi que je l’ai remarqué
en parlant de la dignité de connétable.
Voici encore deux autres preuves quç la dignité
de maréchal de Françe n’étôit pas à vje autrefois.
Arnoul d’Àndrehem, maréchal de France, quitta
fous Charles V la charge d? maréchal pour avoir
celle de porte-oriflamme. Pierre de Rochefort ,
^cuyer, fut retenu maréchal de Françe, au lieu de
meffire Jean, fire de Rieux & deRocheforé J qui à
fa fupplication & requête, a été déchargé dudit
office par lettre du roi donnée à Paris le 12, Août
1417. On prouvera encore dans le recueil des rois
de France, de du T ille t, quelques autres exemples
de maréchaux de France dèpofés ou déchargés , ainfi
qu’ii parle; c’eft-à-dire,qui perdoient le rang & le
titre de maréchal de France , après avoir été revêtu*
de cette dignité.
L’ufage contraire n’étoit pas encore entièrement
établi, même fous le règne de François Ier, puifque
le maréchal d’Annebaut ayant été fait amiral de
France, fut fur le point de quitter ]a dignité de
maréchal : c’ eft ce que nous apprenons des mémoires
1 de Brantôme.
Il dit que quand le maréchal d’Annebaut fut fait
amiral, le roi ne voulut point qu’il quittât l’état de
maréchal, d’autant que l’amiral ne tient point rang
aux armées de terre ; & le roi vouloit fe fervir de
lui en terre plus qu’en mer. Il eft donc vrai que les
maréchaux perdoient leur rang 8c leur état ; c’eft-
à-dire leur titre & le revenu qui y étoit attaché ,
quand ils êtoient occupés à des fondions incompatibles
avec l’office de maréchal, qui étoit de commander
dans les armées.
La raifon étoiC que ces grandes charges étoient
autrefois cenfibles, incompatibles en France , &
qu’on y regardait comme un abus, qu’un homme
poffédât une charge dont il ne pouvoit remplir les
fondions , outrç que cette incompatibilité çlonnoit
moyen au prince de réçompenfer un plus grand
nombre de fes fujets, C ’eft pourquoi, fous le règne
de Henri I I I , dans les états de Blois , où l’on pré-
tendoit faire la réforme de l’état, il fe fit quelques
ftatuts fur cette matière : « Et afin, dit ce prince ,
que nous ayons moyen de réçompenfer notre nor
bleffe.. . . nous déclarons que nous n’entendons
qu’aucun par ci-après , puiffe être pourvu de deux
états, charges & o|fices , mefmement des états-de
grand-maître, maréchal ou amiral de France, grand-
chambeUan , grand-maître de l’artillerie , général
des galères , grand-écuyer, colonel des gens de
pied , gouverneur de province , lefquels nous déclarons
incompatibles, 8c ne pouvoir à l’avenir
être tenus conjointement par une même perfonne ,
quelque difpenfe qui en puiffç être obtenue devant
». ' -
» Pareillement ne pourront les colonels ou
maîtres dç. camp de gens de pied , général ou capitaines
des galères , avoir compagnies de gendarmes
». Mais tout cela , nonobftânt ces ftatuts ,
ne futguères mieux obfervé depuis qu’il l’avoit été
auparavant.
D ’abord, il n’y eut qu’un maréchal de France
quand le commandement dans les arméçs fut attaché
à cette dignité, comme on l’a vu par ce que
j’ai dit au fujet des premiers maréchaux fous le
règne de Philippe-Augufte : mais fous celui de
S. Louis , on en vit deux ; car quand ce prince
alla à fon expédition d’Afrique, l ’an 1270, il avoît
da*3
tïafls fol! âfmèe ,avec cette qualité, Raoul de Sofèî,
feigneur d’Eftrées » & Lancelot de Saint-Maard. Il
paroît qu’il y en eut toujours deux depuis ce temps-
là : dès que l’un mouroit ou étoit déchargé , foit par
démiffion volontaire , foit autrement , le roi en
nommoit auffi tôt un autre, comme il eft fouvent
marqué dans nos hiftoires» On en voit davantage
fous Charles VII ; mais c’eft que Henri, Roi d’Angleterre
, qui fe difoit roi de France , en faifoit de
fon côté , 8c Charles VII du fien.
François Iir en ajouta un troifième ; fur quoi il
faut obferver qu’on- pourroit dire que ce prince fit
t in quatrième maréchal, qui fut Gafpard de Coli-
gny, père du fameux amiral du meme nom. Mais
ce prince déclare dans les provifions de ce feigneur
, qu’il ne le fait maréchal que par avance ,
pour les raifons qu’il apporte, & pour occuper la
place d’un des trois maréchaux vivans qui mourra
le premier. En effet, dès que le maréchal Jean-
Jacques Trivulce fut mort , Gafpard de Coligny
reçut une nouvelle confirmation de fon état de
maréchal. prit la place deTrivulce, & le roi n’augmenta
point le nombre de trois.
Henri II en mit un quatrième.
Fiançois deux en créa un cinquième par extraordinaire
; ce fut François de Montmorency, fils du
connétable. On fit ce paffe-droit en fa faveur, pour
le dédommager de la charge de grand-maître ,
dont il avoit la furvivance , 8c qui fut donnée au
duc de Guife. Charles IX en ajouta deux nouveaux,
& Henri l i l deux autres à fon retour de Pologne.
Il fut ordonné aux états de Blois , fous le règne
de Henri I I I , que lé nombre des maréchaux feroit
fixé à quatre : mais Henri IV fut contraint de fe
difpenfer de cette lo i , partie pour réçompenfer
les fervices de quelques grands feigneurs , partie
parce qu’il avGit betoin d’eux, partie pour s’accommoder
avec les chefs des ligueurs ; & ce fut
par cette dernière raifon , qu’il confirma dans cette
dignité meflieurs de la Chaftre 8c de Bois Dauphin,
faits maréchaux de France du temps de la ligue par
le duc de Mayenne; ce qui vérifia la prédiction de
M. de Chanvàlon , qui dit à ce duc, après qu’il eut
fait ces maréchaux , que c étoient des bâtards qui
feroient un jour légitimés par le roi aux dépens du
parti de la ligue. Le nombre des maréchaux a été
depuis fort multiplié fous le règne de Louis X I I I ,
& encore plus fous le règne de Louis-le Grand,
& il y en avoit jufqu’à feize l’an 1651 , & jufqu’à
vingt apres la promotion de 1703.
Il paroît par ordonnance de Henri I I , de l’an
1347, qu’autrefois les maréchaux de France avoient
leurs départements pour maintenir l’ordre dans la
gendarmerie & dans les autres troupes. Ce prince
rétablit ces départements par fon ordonnance ,
entre les trois maréchaux de France,quiétoient alors,
fçavoir,.le prince de Melphe, M. de la Marck,
feigneur de Sedan , & M. de Saint-André.
Le prince de Melphe eut pour fon département
Art militaire. Tome 1 1 1 .
MAR ij7
le Dauphiné, la Breffe, la Savoye, le Piémont 8e
autres villes conquifes au-delà des monts. M. de la
Marck eut la Bourgogne , la champagne ,.-la Brie ,
8c autres pays enclavés. Le maréchal de Saint André
eut le Lyonnois, le Forez, le Beaujolois, Dombes,
la haute & baffe Marche, Combrailles, haute 8c
baffe Auvergne , le Bourbonnois, le Berry , le
bailliage de Saint-Pierre le Mouftier.
Ils dévoient vifiter ces pays ou les faire vifiter ,
s’ ils étoient empêchés d’ailleurs ; faire les montres
générales de la gendarmerie, entendre les plaintes
des perfonnes lézées par les troupes , &c. Il eft
même marqué dans leur ferment, qu’ils feront et s
fofres de vifites.
Henri II fait entendre que cet ufage avoit été
négligé fous le règne de fon prédécelfeur, 8c il
le rétablit par fon ordonnance. Cela faifoit que les
maréchaux , même en temps de paix , avoient
toujours quelques fondions de leur charge , au lieu
que quand il n’y a point de guerre , ils n ont
fouvent d’autre occupation que celle de faire leur
cour.
La dignité de maréchal de France eft du nombre
de celles qu’on appelle charges de la couronne ; & il
y a déjà fort longtemps qu’elle eft de ce nombre ;
c’eft ce que nous apprend Thiftoire des grands officiers
de la couronne, qui cite un ade fur ce fujet
du temps du roi Jean , où il eft dit : « en l’arreft du
duc d'Orléans du 25 de janvier 1361 , eft narré que
les offices de maréchaux de France appartiennent à
la couronne, & l’exercice aufdits maréchaux qui en
font au roi foy & hommage ». Il me paroît que cet
hommage , auffi bien que celui qui fe faifoit pour
quelques autres charges , ne confiftoit que dans la
cérémonie de l’inveftiture 8c dans le ferment d<*
fidélité que ces officiers prêtoient entre les mains
du fouverain.
Les maréchaux ont un tribunal où ils jugent des
querelles fur le peint d’honneur, & de divers autres
chofes qui ont rapport à la guerre & à la nôblefle..
Ils ont des fubdélégués 8c lieutenants dans les provinces
pour enconnoître en première inftance avec
la jurifdidion au palais à Paris , fous le titre de
çonnétablie & maréchauffée de France , où des
officiers exercent la juftice en leur nom. Quoiqu’il
n’y ait plus de «onnétable, leurs fetitences font
toujours ainfi intitulées : les connétable & maréchaux
de France , à touts ceux qui ces préfentes
lettres verront, falut : parçe que le plus ancien ma•
rèchal de France repréfente le connétable.
Au tableau de la çonnétablie on donne aux maréchaux
de France le titre de MonfeigneurrMeJJîre.
Les fubdélégués ou lieutenants des maréchaux de
France étoient autrefois des gentilshommes de
marque ; c’étoient des commiffions qui font main-»
tenant des charges.
L ’origine de ce tribunal de la çonnétablie me
paroît auffi ancienne que les prérogatives 8c les attributions
du connétable ; «■ félon d’anciens monuments
que j’ai cités ailleurs j les fergents d'arme^
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