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un plus grand nombre de maraudeurs ï Vous avez
mis en nfage les moyens dont je parle en traitant
des èmbufcades. • •
Il efi facile de battre les ennemis que vops fur-
prenez en marche , lorfqu’ils font embarraffés d’un
gros convoi, de beaucoup de prifonniers , de troupeaux
& autre butin, comme il arrive ordinairement
après.le pillage de quelques lieux.
Si ces deux armées arrivent de jour en pré-
fence Tune de l’autre , défendez à tout officier &
foldat de s’éloigner de fon corps jufqu’à nouvel
ordre. Ayez loin qu’on faffe prendre quelque
nourriture à vos foldats, & qu’on donne de l’avoine
& de l’eau aux chevaux; qu’on commence
à dreffer les tentes 8c allumer les feux des foldats ,
pour donnera connoître de toute manière qu’on
va camper dans cet endroit , afin que les^ ennemis
, dans cette croyance , permettent à leurs,
troupes, comme il fe pratique ordinairement, de
s’écarter pour aller chercher de l’eau , du bois ,
des piquets pour les tentes, du fourrage, &c. ;
tombez alors tout d’un coup fur les ennemis , 8c
certainement vous les trouverez en défordre 8c en
confufion. -
Il feroit bon auffi que quelques jours auparavant
, ainfi que cela fe pratique , vous euffiez dif-
tribué vos troupes dans le même ordre qu’elles
doivent conferver dans le camp 8c dans le combat
, parce que n’ayant, de cette manière, nul
autre mouvement à faire que de s’avancer de
front, elles aborderont plus promptement 8c avec
moins d’embarras , que s’il falloir faire paffer les
régiments d’une aile à l’autre.
ïpaminondas, capitaine Thébain, fe fervit heu-
reufement de cette rufe dans la bataille de Man-
tinée , qu’il gagna contre les Lacédémoniens.
Q . Lutacius Cattulus ufa auffi avec fuccès du
même ftratagême dans celle qu’il remporta furies
Cimbres. a -
Vous me direz peut-etre que les loldats qui
feront fortis du camp pour aller chercher des piquets,
de l’eau , du bois , 8cc.ne fe-feront pas
2 fort écartés qu’ils ne puiffent revenir à temps
pour le combat? Je réponds que ces foldats, qui
n’ont pas ordinairement des officiers avec eux , au
lieu peut-être de retourner à leur régiment lorfqu’ils
entendront l’alarme , tireront d’un autre
côté, foit afin d’eviter le danger, foit afin de profiter
de cette occafion pour déferrer, parce qu’ils
feront bien fûrs que perfonne. alors ne courra
après eux ; d’ailleurs, plufieurs feront charmés
d’être fimples fpe&ateurs de l’aftion , pour s’unir
enfuite aux vainqueurs , 8c profiter des dépouilles
du champ de bataillé , ainfi que je le prouve dans
un autre endroit par l’exemple des Albains. De
quelque manière que ce foit, vous tirerez un
grand avantage de trouver les ennemis,déshabillés
Zu endormis dans leurs tentes, bien loin de les rencontrer
en ordre de bataille.
yps troupes drefferont deux rangs de tentes,
SUR
pou? eiftpêcher que les ennemis ne voyent votre
armée rangée ; .fi cela ne fuffit pas, après que vos
foldats auront été mis en bataille, ils fortiront du
terrein , & rompront l’ordre jufqù’au premier
fignal pour reprendre leur rang. Les deux exemples
fuivants font voir de quelle importance il efl pour
un combat, contre une armée quieft fort proche ,
que votre armée foit rangée en bataille quelques
.minutes avant celle des ennemis.
Scipion l’Africain défit A fd ru bal Barca , frère
du grand Annibal, étant venu fondre fur l’armée
Carthaginoife avant qu’elle eût été mife entièrement
en ordre de bataille ; cependant le terrein
étoit fi avantageux aux Carthaginois, qu’Afdrubal,
dans cette confiance , oeèprifa au commencement
l’attaque des Romains, 8c négligea de ranger allez
tôt en bataille l’armée de Carthage.
Cléoqiène, roi de Sparte, campé en préfence
de l’armée' des Grecs , donna ordre à la fienne
que lorfqu’on entendroit les trompettes fonner
pour le foupé, eUe eût à prendre les armes. Ce
fignal fut ouï des Grecs, qui fe mirent à fouper,
8c furent furpris par Cléomène, qui lés défit dans
ce combat, que quelques-uns appellent-la bata:lle
deSépia, 8c quelques autres la bataille de Ty-
rinthe. . ' ' -
S i , depuis quelque temps , vous ,ètes campé
près de l’armée ennemie, ne donnez à l’heure ordinaire
de l’ordre général, nul indice $e quelque
nouveau deffein, de peur que les ennemis , fiir
l’avis de leûrs efpions , ne redoublent de vigilance
pendant cette nuit. En traitant des marches,
vous trouverez un exemple du prince d’Orange,
qui , en 1692 , avoit voulu , par ce flrâta-
gême, furprendre l’armée de France campée devant
Steinkerque.
Sur les minuit vous mettrez avec beaucoup de
filence, de diftance-en diflance , tant à l’avant-
, garde qu’aux ailes 8c à l’arrière-garde , dès officiers
8c des fergents de confiance, afin qu’ils ne
laiffent paffer perfonne , fous quelque prétexte
que ce puiffe être , jufqu’à ce que toute l’armée
fe foit mife en mouvement.
Après que votre major général, les maréchaux-
de-logis de cavalerie & de dragons, ou les officiers
généraux de jour vous auront avertis que ces fen-
tinelles d’officiers 8c de fergents font pofées, vous
ordonnerez à l’armée de fe mettre fous les armes
fans tambours ni trompettes, fans crierie , &
fans plier ni tentes ni bagages, parce qu’il ne feroit
pas poffible de le faire fans bruit.
Ayant rangé l’armée , faites diflribuer les cartouches
, les pierres 8c les grenades, aux régiments
, fi , auparavant , on ne leur avoit pas
- fourni les munitions nêceffaires en la manière que
je le dis en parljant des difpofitions avant une bataille•
Ces précautions prifes 8c les ordres donnés,
vous marcherez dans le plus grand filence , choifif-
fant l’heure pour arriver ayant le jour fur les ennemis
, fans que l’alarme que leurs gardes ava»;
SUR
'cées fonneront puiffe vous arrêter ; je fuppofe que
depuis l’alarme donnée vous ne trouvez aucun défilé
, car il vous faudroit plus de temps pour le paf-
fer, que les ennemis ne tarderoient à fe mettre en
bataille, 8c vous courriez rifque d’être battu, quand
même ils vous feroient Inférieurs en nombre. -
Séleucus , campé à la vue d’Antigonus fon ennemi,
ordonna une nuit à fes foldats de dormir
fans quitter les armes 8c dans le même ordre qu’ils
dévoient combattre. Sur le point du jour il chargea
les troupes d’Antigonus, qui n’étoient ni rangées i
en bataille ni armées , 8c les défit.
Fernand Cortès qui marchoit pour furprendre
Pamphile de Narvaer , fut averti qu’un batteur
d’eftrade de Pamphile avoit fonné l’alarme. Cortès
ne laiffa pas de donner ordre de continuer la marche,
parce que, dit-il, « fi nous ne rencontrons
pas nos ennemis endormis , nous les trouverons
au moins mal éveillés » ; ce qui arriva comme il
l’avoit penfé , 8c il les furprit. C ’eft ainfi que Solis,
dans la conquête delà nouvelle Efpagne, le rapporte.
Lorfque les nuits font fort courtes , eu égard à
la diflance des ennemis, commencez de ranger
1 armée avant l’heure que'vous vous êtes propofé
de vous mettre en marche, parce qu’une marche j
demande réellement plus de temps dans l’exécution
que dans l’idée qu’on s’en forme. Je l’ai déjà
prouvé.
Si lors même que vous faites d’avance les dif-
pofittons de vos troupes, une nuit ne fuffit pas
pour aiyiver avant le jour pour furprendre les
ennemis, vous pouvez attendre un jour où il y
ait un grand brouillard. Ce fut par un grand brouillard
que le prince Eugène furprit les Turcs dans
la bataille de Belgrade , qu’il remporta fur eux
avec tant de gloire. ;
Si le pofte d’où vous vous mettez en marche la
nuit pour aller furprendre l’armée des ennemis
peut être vu de cette armée, de leurs gardés avancées
ou de leurs partis , laiffez dans ce pofte les
hommes nêceffaires pour entretenir les feux des
foldats, parce qu’autrement ce feroit faire connoître
clairement aux ennemis que vous avez décampé;
au lieu que ces feux peuvent les rendre
moins vigilarfs , en fe perfuadant par-là que vos
troupes y font toujours campées.
Par cette rufe, Anrigonus Gonatas furprit l’armée
des Gaulois , 8c Judas Machabée celle de
Lifias.
Ces feux ne doivent pas être en plus grand
nombre oue ceux des nuits précédentes. On doit
enfuite peu à peu les éteindre , comme il arrive
quand les foldats fe retirent pour dormir.
Des moyens de furprendre , par une embufeade , une
année en marche.
J’ai fait voir en abrégé, un peu plus haut, les
avantages qu’il y a d’attaquer les ennemis fur leur
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(marche ; 8c là j’ai fuppofé que votre armée marchoit
auffi ; mais il vous fera bien plus aifé de les
attaquer 8c -de les battre, fi , fecrètement & de
nuit , vous venez vous mettre en embufeade pour
~ les attendre fur le chemin.
Richard , comte de Pembroc , général de la
ligue d’Angleterre, ayant eu avis que Baudouin
de Guienne étoit en marche avec fon armée pour
• le venir furprendre , s’alla pofler dans un bois
par où Baudouin devoir paffer. Baudouin fut attaqué
lorfqu’il s’y attendoit le moins , 8c au lieu de
furprendre Richard , il fut lui-même furpris 8c défait
entièrement.
Quoique vous ayez un moindre nombre de
combattants, vous pouvez , fans rifque, dreffer
l’embufcade que je viens de propofer , fi les ennemis
ont quelque défilé ou quelque gué à paffer,
parce qu’à la fortie du gué ou du défilé, vous chargerez
tel nombre de leurs troupes que vous voudrez
, puifqu’il efl impoffible aux autres de s’avancer
pour foutenir celles que vous attaquez; mais
alors l’embufcade ne doit pas être trop éloignée ,
afin d’arriver affez tôt pour aborder les ennemis,
avant qu’il forte du gué ou du défilé , plus de
troupes que vous ne pouvez battre. Voyc? \ à ce
fujet, les exemples de Mahomet, d’Antiibal 8c de
la bataille de Séminara , que je rapporte en parlant
des occajions où il faut tacher <£en venir à urt
■ combat , c. 3 , §. 5 & 6.
Il eft toujours à propos , fur-tou’t quand on eft
inférieur en troupes , de fortir impétueufementde
l’embufcade , afin que les ennemis n’ayent pas le
■ temps de fe ranger en bataille; car, comme dit
Strada, « toutes ces irruptions fubites ne réuffirent
qu’à proportion que l’aâion eft vive 8c impé-
tueufe ».
Si vous vous trouvez inférieur en nombre de .
troupes , il vous feroit avantageux dé faire de nuit
cette expédition , principalement fi les ennemis ne
connoiffentpas le terrein auffi-bien que vous. J’en
donne ailleurs plufieurs motifs.
Lorfque ceux avec qui vous êtes en intelligence
vous informeront que les ennemis font poftés en
embufeade en un tel lieu 8c avec tel nombre de
troupes pour attendre un convoi, un détachement
ou un corps de fourrageurs , ne laiffez pas ap-
percevoir que vous en êtes inftruit ; mais fous
quelque autre prétexte apparent, mettez-vous en
marche , choififfez un chemin 8c une heure convenable
pour furprendre les ennemis dans leur
propre embufeade , 8c tâchez, s’il fe peut, de les
furprendre en flanc.
Fernand Cortès ayant appris que les Tépéaquois
8c les Mexicains s’étoient mis en embufeade dans
des terres enfemencées de bled d’Inde , étendit le
front de fes troupes , 8c avec fes ailes il vint tomber
fur le flanc de l’embufcade qu’il avoit fait fem-
blant d’ignorer, 8c défit ainfi fes ennemis.
Le plus fûr eft de mener plus de troupes qu’il
n’y en a dans l’embpfcade, parce qu’il fe peut
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