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l’eau, quand il eft plein , parce qu’il înorfdèroit
la defcente , ce qu’il faut éviter.
Voici donc ce qu’il faut obferver dans ce paffage.
Quand il eft plein d’eau , oh fait paffer la fai-
cine de main en main, en rangeant 100 ou 120
hommes , plus ou moins , en haye , félon les be-
foins, à deux pas l’un de l’autre , adoffés contre le
parapet, qui la font paffe'r de main en main juf-
qu’à la tête du pont. A mefure que l’on parte, le
fapeur qui mène la tête ,1’ajufte en épaulement fur
fa droite ou fur fa gauche , félon le côté vers le quel
il doit fe couvrir. Quand il en a jétté une
affez groffe malle pour pouvoir en être couvert, il
s’avance de quelques pas , & pour lors il travaille
au pont, & pique la fafcine de haut en bas devant
fo i , en la plongeant dans l’eau. Quand elle vient
à hauteur de lafuperficie de l’eau , il en pofe des
lits en travers, fur lefquels on fait yoiturér un peu
de terre, qu’on répand tout le long pour la faire
enfoncer. Enfuite on recharge fur le même l i t ,
jufqu’à ce que le partage foit ferme, & élevé de
quelques pieds au-defliis de la fuperficie de l’eau ,
lur la largeur de 12 à 15 pieds, qui eft celle qu’il faut
donner au pont. Pendant cette manoeuvre on fortifie
toujours l’épaulement, en y jettant des faf-
cines un peu en avant, à la fourche, qu’on arrange
comme on peut. On l ’élève confidérable-
ment, parce que les fafcines s affeffent toujours
aflez. Quand on s’apperçoit que la fafcine touche
le fond du forte, & que l’épaulement eft affermi,
on lui fait un parement de fafcines reliées & attachées
avec des piquets.
Il faut obferver que fi le débouchement eft
plongé des baftions , il faut commencer ce partage
par former une montagne de fafcines devant foi ,
qu’on élève de 8 , 9 a 10 pieds de haut. On fe
coule derrière pour travailler à l ’épaulement, Si
enfuite à la galerie , entretenant toujours ladite
montagne & la pourtant en avant, jufqu’à ce que
l’on foit tout-àrfait au-defîus des plongées, après
quoi on retire peu à peu les fafcines de la montagne
, & on les employé à l’épaulement & au
pont, continuant toujours ce partage jufqu’au pied
des brèches , qui doivent être fort avancées quand
on y parviendra.
Que fi le baftion plonge fur le*débouchement,
ce ne fera pas aflez de cette montagne de fafcines
-devant fo i, il y faudra ajouter une bonne & forte
galerie , qu’on avancera peu à peu à l’abri de la
montagne, comme il a idèja été dit, ce qui fera
continué aufîL.loin que la plongée pourra s’é- ;
tendre , & même au-delà.
Mais fi l’eau du forte étoit grofle & courante ,
ou qu’elle puiffe devenir telle par le moyen des
éclufes ,-il faut convenir de bonne foi que la plus
difficile manière des attaques, eft celle du paffage
de ce forte , principalement quand on ne peut détourner
le courant , ni l’afltoiblir par le dehors.
Alo rs , à moins d’y porter du foin & de l’adrefle ,
il eft bien difficile d’y réuffir , fi on pe trouve
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m o y e n d’éteindre totalement-le feu de la place'
Si que l'ennemi ne puifle plus tirer des flancs , des
faces ni des courtines, non plus que des tenailles •
encore né peut on éviter que les bombes , les
pierres Si les grenades ne vous inquiètent beaucoup.
Si l’on pouvoit éluder tout cela , on feroit ce
qu’on, voudroit , & on travailleroit dans ce forte
comme ailleurs J mais on a beau faire , on n’en
peut éviter qu’une partie , Si il faut demeurer d’accord
que cet ouvrage eft extrêmement dangereux,
car on n’y peut travailler qir’à découvert ; pour
peu qifon foit vu , on n’y réuffira que fort lentement
Si à force d’y perdre du monde.
Le moyen le plus fur eft de tâcher de ronipre
les éclufes à force de bombes & de canons , comme
l’on fit à Ath en 1697 ,ou s’en rendre maître lorf-
qu’elles font à portée de cela. Si l’on réufîît ,lepaf-
fage de ce forté fe fera comme nous l’avons expliqué
ci-deflus ; fi l’on n’en peut venir à bout, ce
paffage fera fort difficile.
Examinons-cependant ce qu’il y a à faire en pareille
occafion, & fuppofons pour cela un forte de
place dans lequel pane un courant confidérable.
Ce courant, nourri par une rivière qui coulera au
travers , ou par un réfervoir qui le diftribuera dans
le forte de temps en temps, au moyen des éclufes
qui, ouvrant Si fermant par reprifes, comme il
s’en trouve dans beaucoup de places, donnera des
courants tels que l’afliégé voudra ; que ce fofl'é
foit 1’ un ou l’autre, il eft fur que le courant fera
continué fort ou foible , ou répété de temps en
temps par éclufe , & que pour lors il n’y aura
d’autre moyen d’en ;faire le paffage que par une
grofle digue au travers du forte, affez forte pour
arrêter les eaux à la même hauteur que les éclufes
peuvent les retenir, en forte que leur niveau ne
puiffe furmonter celui de la.digue à deux pieds près.
Pour parvenir à cet effet, il faut faire amas d’une
très grande quantité de fafcines , bien fourées de
pierres, de gazon & de terre , afin qu’elles aillent
plus promptement à fond ; il faut établir cettè digué
fur une grande largeur , & la fortement terraffer,
battre même les terres, & piloter la digue pour
l’attacher fur le fond du fofl'é ; en un mot il faut
la rendre fort folide, l’avançant peu à peu jufqu’à
3 ou 4 toifes près du pied du revêtement, où pour
lors le courant étant refferré, tourmentera beaucoup.
Il faudra fe fervir de tout ce. qu’on pourra
pour faire le chemin, comme de gros gabions farcis
de pierres & coulés à fond , qui laifferont quelque
paflage à l’eau , des tonneaux remplis de même,
des chevalets que l’on chargera de pierres , terre
& fafcines tant qu’on pourra, même de bateaux
coulés à fond, fi on en peut avoir, le tout avant de
tirer un feul coup de canon vis-à-vis pour faire
brèche. Après qu’on fera parvenu par toutes fortes
de moyens à refferrer le courant, jufqu’à ne lui
laiffer plus que 2 ,3 ou 4 toifes de partage au pied
du revêtement qu’on aura bien affuré, la tête de la-
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di«ue & qu’on l ’aura élevée , de manière que le
gonflement des eaux ne la puiffe furmonter , il
faudra pour lors battre vivement le pied du revêtement
vis-à-vis , jufqu’à ce qu’il tombe dans le
fofl'é ce qui achèvera vraifemblablement d’enfermer
fe paffage. Que s’il ne l’eft pas tout-à-fait, il
faudra attacher un mineur fur la jonélion du mur
relié de bout 8cla partie éboulée , 8^ enfoncer la
mine bien en avant, vis-à-vis la tête du pont, afin
que fon effet achève de combler ce qui laiffe encore
un paffage au courant, 8c.s il en telle quelque
partie qui ne fuit pas fermée , il faut faire paffer
quelques travailleurs au pied de la brèche, qui s’y
logeront, & y feront les établiffemems néceffaires
à pouvoir contribuer a fou achèvement, en y travaillant
de leur côté. - 1 ■ ■ : . - j- I
Potir donner quelque mefure fur laquelle on
puiffe compter, & qui puiffe fervir de règle -à ces
paffages, nous dirons :
i° . Que la première choie fur laquelle on doit
être exaiiement inftruit avant de travailler au paffage,
eft de lavoir combien l’eau peut s’élever aux
éclufes.
2°. Quel eft leur.ouverture.
3°. Quel eft la largeur du.foffé.
4°. Quel volume d’eau parte quand les éclufes
font ouvertes. :
5°. De quel profondeur il eft quand les eaux y
jeuent de pleine force. .
6°. A quelle hauteur elle peut monter dans le
lieu où l’on veut faire fon paffage.
Supposons maintenant que 1 eau fe puiffe elever
de 6 pieds de haut, que fa profondeur ordinaire au
bas des mêmes éclufes foit de 4 pieds, ô c q u ily
ait 2 pieds de bandes depuis, l’éclufè jufquau paffage
du folié , le tout fera 12 pieds , auquel il en
faut ajouter 2 pour l’élévation de la digué ■> au~
deffus de la fuperficie de l’eau , ce qui fera 14 pieds
en tout pour l’élévation totale de la digue. Il faut
donner au moins le double d’épaiffeur , faifant 28
pieds, fi on veut la bien affurer, & comme il a
déjà été dit, il ia faut bien terraffer, charger de
pierres, Si piloter, fans y comprendre l'épaule-
ment, qui, n'étant compofé que de fafcines, n’aura
de réfifiance contre la pouffée de l’eau , que celle
qui lui fera donnée par la digue. Ainfi , il faudra
employer au moins 50 milliers de fafcines pour un
feul paffage, fans compter celles que le courant entraînera,
les facs à terre , les pilots, Si autres matériaux
, & le temps qu’il y faudra employer, qui
fera bien long, encore n’oferoit--on s’affurer de
réuffir; ce qui prouve la bonté des fortes d’eau
courante an-deflùs de touts les autres, & .encore
mieux la difficulté de les paffer. Voila cependant
la manière la plus affurée de le pouvoir faire Si
à laquelle il en faudra vin-ir, fi on veut faire paffer
des troupes&du canon fur les baftions.
Il y a encore un autre moyen qui eft excellent,
mais il n’eft pratiquable que dans les foffés,étroits,
revêtus & fort hauts de boid,qui feroit d’attaehfcr
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deux mineurs, l ’un au .baftion, & l’autre fur le
bord du foffé , placés Yis-à-vis l’un de l’autre. Si
on chambre affez avant dé part & d’autre, & que
les mines foîent grandes, Si bietv chargées , il
pourra arriver que leur effet comblera le foffé tout
d’un coup , principalement fi l’eau arrêtée ne peut
pas s’élever de plus de 5 ou 6 pieds au-deffus du
courant ; le moyen eft prompt Si s’exécute à peu
de frais ; mais il n’eft pas fi certain que le premier,
Sitôf que par l’un ou l’autre de ces expédients 1
on aura arrêté le courant, il faudra travailler en
diligence & avec une extrême application, à achever
de donner toute la folidité poffible à la digue-«
Il n’y a,.pas d’autres moyens de le paffer fur lefquels
on puiffe compter pour quelque fureté ; car
d’y employer des chevalets , ponts volants, radeaux,
outre qu’ il en faudroit toujours revenir à
faire un pont folide, on n’y pourra travailler qu’à
découvert, & on ne trouvera ni fureté , ni poffibi-
lité , ni utilité' à leur conftruéli'on«
C ’eft pourquoi je crois qu’il faut préférer la méthode
que l’on vient d’expliquer, qui fuffira pour
les places médiocrement défendues , & où les courants
feront foibles ; mais fi h garnifon étoit forte
8c la dêfenfe conduite par des gens habiles, Si
qu’il y eût des tenailles, il faudroit y apporter plus
de précaution , parce que les tenailles n’étant point
expofées au ricochet, ni aux revers, Si aux paf-
fages du foffé1, on ne peut les battre que de biais«
Dans cette fituatton , les tenailles pourroient apporter
de grands obftacles au paflage du foffé , Ci
on employoit toutes fortes de moyens pour l’em*,
pêcher.
Soit donc que le foffé foit fec ou plein d’eau i
s’il s’en rencontre où l’on prévoit que cela puift'ef
arriver , il faudra occuper toute la demi- lune jufqu’à
la gorge, comme il a déjà été d it , & en
même temps faire un. paffage couvert du chemiù
couvert à la brèche vis-à-vis, travailler à l’établif-
fement d’une batterie de 4 .ou 5 pièces fur l’angle?
flanqué de la demi-lune , où l’on fera paffer le canon
à force de bras , de cabeflans& de chèvres«
Cette batterie fera préparée contre le milieu de 1*
courtine , Si principalement contre la tenaille , à
la porte de fort-ië par où on y communique. Pour
cet effet, il faudra bien affermir l'un des paffages
du foffé , Si afin qu’il puifle fervir au canon , le'
paver de gîtes Si de madriers pour le rendre plus
commode & ouvrir le chemin couvert, pour ache;
ver de lui faire un paffage, & en même temps
faire une rampe fur la brèche pour en faciliter la-
montée. Il v;aut mieux mettre cette batterie fur la
pointe que dans le fond de la gorge, parce qu’elle
fera plus aifée à placer Si à fervir , plongera da^
yantage, découvrira mieux la poterne de la com?
municaiion , Si ne fera pas fi expofée au feu de la
place qu’elle le feroit fi on s’avançoit jufques dans
la gorge; (, Fig. 333 ) .l l faut faire en même temps
deux autres batteries fur les deux ÿldce/ d’armes
du chernia couvert, d’autant de pièces k & 98c u