1 7 4 L E V
Hadrien ordonna qu’il fût enrôlé dans les cohortes
de la ville , & que s’il y fervoit bien, on le fît paffer
, après trois ans , dans celles du prétoire; Valentinien
8t Valens fixèrent la taille du foldat à
cinq pieds fept pouces ( f pieds io lignes ). ( Veget.
L l , C'. 5. Cod. Theod. L V i l , lit. 13 , leg. 3, Dofith.
grammat. I. I I I , ap. J .C . 117 , 138. Cod. Theod.
de tir on. leg. I I I , de J. C. 367 ).
Outre le bien & la taille , la loi exigea, fous la
république, que le foldat fut citoyen Romain ; &
elle* excluoit de la milice les artilans , les marchands,
les affranchis 8c les efclaves. Cependant
la nécefïité les fit quelquefois admettre. L’a i de
Rome 4 2 4 , dans une irruption fubite des Gaulois ,
on enrôla des artifans & gens de métier feden-
taires, efpècepeu propre à la milice, dit Tite-Live ;
& trentre-trois ans après , l'es Romains attaqués
en même temps parles Safnnites, les Tofcans , les
Umbriens & les Gaules , admirent à la milice les
citoyens au-deffus 8c au-deffous de l'âge prefcrit,
ik même les affranchis. Depuis ce temps jufqu'à la
guerre fociale , il n’y eut d'affranchis enrôlés que
pour la marine , fervice regardé comme inférieur à
celui de terre , 8c on n’y recevoit que des affranchis
qui avoient des enfants. ( Liv. VIH , c. 20 ;
X , c. 21. Appian. bell. civ. 1 .1 ,p. 379 , C. Liv. I.
X X I I , c. 11 ; X X X V I , 2. Epitom. LX XIV. Tacit.
hiß. I. I , c. 87 , de R. 663 , av. J. C. 40 ).
Après la bataille de Cannes , on acheta huit
mille efclaves des plus vigoureux , & on leur demanda
s’ils vouloient fervir à la guerre : ils y con-
fentirent , prêtèrent le ferment, furent enrôlés ,
armés, & diftingués par le nom de volones ; on
en acheta auffi en Apulie deux cents foixante-dix
pour recruter la. cavalerie. Rome préféra cette levée
difpendieufe à l’avantage de- racheter à moindre
prix fes prifonniers ; 8t deux ans après, ces nouveaux
foldats méritèrent leur liberté par une vic-
toire éclatante. ( Liv. I. X X I I , e. 57 , ad fin.
Ccelius. I. X X V y c. 23. Macrab. Saturn. /.ƒ,<?. 1 j .
Val. Maxim. I. V I I . ç. 6 , §. 1 , de R. 538, av. J.
C . 2 1 î )•
A cette même époque , le diélateur, M. Junius,
déclara déchargés de crimes ou de dettes V ceux
q u i , ayant été arrêtés pour l'une ou l’autre de ces
deux caufes , confenriroient à s’enrôler , & il y en
eut fix mille; dernier fecours , dir Tite-Live, d’une
république défefpérée , où l’honnête cède à l’utile.
( Z. X X I I I , c. 14 , de. R. 537-, av. J. C. 216 )
Ces levées extraordinaires ne furent point re-
nouvellées avant Marius : celui-ci enrôla les citoyens
pauvres &. les efclaves. Mais dans ces
temps de licence 8c de difcorde , le fuccès en fut
différent. Ces efclaves armés s’abandonnèrent à
de telles violences, que Sertorius fe vit obligé de
les faire inveftir 8c maffacrer dans leur camp, au ■
nombre de quatre mille. ( Plutarch. mar. & fertor. ;
p. 570, D. Aurel. viEl. de R. 668, av. J. C. 83 ).
Pendant leurs guerres civiles , Cæfar 8c Pompée
enrôlèrent des efclaves,. Auguffe fuivit ces
L E V
exemples, & ils furent renouvelles fréquemment
durant tout l'empire. ( Macrob. S.iturn. I. II., c. i t .
Ctzf. bell. civil. I. I , c. X X IV . Sueton. Aug. c. 16 ,
25. Dio. I. IV. de R. 703 , av. J. C. 48 ).
Le même prince refufa aux foldats la permifîion
d’exercer les arts méchaniques pour Ion propre
ufage: « quoique je fâche, difoit-il dans fes réglements
, que les arts 8c métiers (oient un exercice
qui n’efi point étranger au foldat, je crains qu’en
leur permettantle moindre travail pour mon ufage ,
ils n’excèdent bientôt les feules bornes que jepuiffe
tolérer ». ( Digefi. le g. X I I , §. / ).
Les empereurs fuivants donnèrent plufieurs ordonnances
Concernant les citoyens qui pouvoient
être admis à la milice, qui feront rapportées
ailleurs.
Dil ferment.
Herodien nomme le ferment, I’auguffe myftère
du gouvernement Romain ; c’étoit le principal &
le premier lien de la difcipline : un aâe facré qui
conflituoit le citoven comme défenfeur de la patrie,
8c lui conféroit le droit d’employer pour le
fervice de l’état la force des armes ; dès qu’un II-
cenriement l’en avoit délié , il ne pouvoir plus B
fans crime , prendre part à la guerre publique. Le
conful Popilius ayant congédié une légion où le
fils de Caton le cenfeur étoit nouvellement enrôlé
, ce jeun!; homme , qui aimoit la guerre, refta
dans l’armée ; dès que fon père l’eut appris , il
écrivit au conful d engager fon fils, par un nou-*
veau ferment, s’il lui permerroit de rentrer dans
les légions, parce qu’ayant perdu fon droit 8c fa
qualité de foldat ,_il ne pouvoir plus combattre
contre les ennemis de la république. ( Cictr.de
offic.l. I , C. 36.).
Tant que les confuls firent les levées , ce fut
entre leurs mains 8c au moment de l'enrôlement,
que les foldats faifoient le fc ment en préfence de
leurs enfeignes, auffi refpeétabîes pour eux que
les images des Dieux mêmes. Ils juroienr de fuïvre
les conjuls contre quelque ennemi qu'ils les conduis
fijfent, de ne point abandonner leurs enfeignes , <5* de
ne rien faire qui fû t oppofé à lintérêt du peuple Romain.
( Dionyf l. V I , p. 375 ; V I I I , 5 5:5 ; L X ,
645 ; X I , 723 , de R. 293 , av. J. C. 460 ).
Lorfqu’ils étoient formés en centuries 8c déçu- -
ries, ils faifoient entre eux un fécond ferment ,
nommé conjuration-, par lequel ils fe promet-
toient de ne fe quitter ni pour caufe de terreur , ni
pour fuir le danger, & de ne forcir de e rangs que pour
prendre ou demander un trait, ou pour frapper Iennemi,
ou pour fauver un citoyen. L’an de Rome 3-57 ,
les foldats jurèrent devant leurs tribuns de s'affembler
fur l'ordre de leurs confuls de ne pas fe retirer avant
quils l'eiijfent permis ; ferment qu’ils h’avoient fait
jufqu’alors que devant les confuls; & ils joignirent’
pour la première fois, à ce ferment folennel, celui
qu’ils fe faifoient en particulier par décuries & par
L E V
«enturies, ( Liv. I. X X I I , c. 38 : te Beau, mèm.
tom.-XXXV, p. 23 3 ). " ■ : - > ; - ‘ JJ
Mais foit que le ferment fût prêté pardévant les
confuls ou pardévant les tribuns, il etoit fait tant
au nom des confuls aâuels , que de ceux qui pour-
roient leur être fub.rogés , 8c non pas au nom de
tel ou tel conful. Loft que P. Valerius eut été tué
dans la fédiiion qui s’éleva l’an de Rome 293 , 8c
eut été remplacé par L. Q . Cincinnatus , celui-ci,
fans faire une nouvelle levée , ordonna que touts,
les citoyens qui avoient fait le ferment pardévant
le conful Valerius, fe fendillent le lendemain en
armes au lac Régille. Alors les tribuns , 8c non les
troupes, objectèrent que le ferment fait à Valerius
étoit anéanti par fa mort. Mais , dit Tite Live , le
mépris des Dieux n’exifioit point encore : loin d’interpréter
le ferment 8c les loix conformément à fa
volonté, chacun régloit fes moeurs fur elles. Ainfi
l'obligation du ferment , refireiiïte au conful qui
avoit fait la levée , n’étoit qu’une fubtilité inventée
par des fa&ieux, 8c-n’auroit pas été moins oppofée
a la raifon qu’à la religion 3 puifque dans le cas
où le général auroit été le premier jour de la campagne
, l’armée auroit été licenciée ; abfurdité
qu’on ne peut pas fuppofer , non feulement dans
le gouvernement Romain , mais daiià celui du
peuple le plus barbare. ( l i v . I. I I I , c. 20).
Au temps de Polybe,lori'que les tribuns avoient
achevé l’enrôlement, chacun d’eux alfembloit les
foldats de fa légion , 8t choififfoit le foldat le plus
y capable de prononcer le ferment d’une voix dif-
tinâe. Celui-ci jnroûr le premier d’obéir &■ d'exécuter
les ordres des chefs autant qu'il étoit en lui ; touts les
autres , défilant en ordre , juroient de tenir le ferment
fait par le premier). Polyb. I. V I , c. 19 ).
Dans les occafions preffantes , on abrégeoit les
formalités. Quand le conful Minutius fut enveloppé
dans fon camp par les Sabins,( de R. 295 ,
' av. J. C. 458) ,L . Q. Cincinnatus nommé-'dida-
teur , ordonna que touts les d oyens d’âge militaire
fe trouvaflènt avant le coucher du foléil au-
champ de mars , y forma fes légions, 8c partit vers
l’entrée de la nuit. Douze ans. après , lorfque les
Saques & les Volsques vinrent fairé le ravage
jufqu’aux portes de Rome , les jeunes citoyens ,
fur les ordres des confuls J. Q. Capirolinus 8c-
Aggrippa Furius , fe réunirent au Champ de-Mars
dés le lendemain à la pointe du jour ; les enfeignes
furent portées , les centurions choifis par les cohortes
; l’armée partit à la quatrième heure, 8t alla
camper à dix milles de Rome. Liv l. I I I , c.
2 7 ,6 9 ) . . -
Ces levées fubites n’avoient lieu que lorfqu’un
danger éminent menaçoit la république. On don-
noit à cette crife de l’état le nom de tumulte. Le
fénat ordonnoit qn il lût proclamé ; rie d [dateur ou
le conul l’an non çoit , faifoit publier le juflitium
ou la fufpenfion des ades privés, défendoit tdut
travail, tout commerce , totite occupation particulière.
La pourpre n’accotnpagnoit plus les faif*
L E V 175
ceaux ; les femmes en deuil rempitffoîeht les
temples ; les fénateurs quittoient le laticlave^ touts
les citoyens prenoient l’habit militaire ; le conful
montoit au capitolè , prenoit les vexilles rouge &
verd de mer ,.s’écrioir, que ceux qui veulent fauver
la république me fuivent, & le voit des troupes à la
hâte. On les nommoit fubitarii milites , legiones tu-
mültuari<z , tumultuarius exercitus ; 8c comme elles
prêtoient le ferment toutes enfemble, on le nommoit
conjuratio. Alors les levées fe faifoient non-
feulement dans la ville ; mais dans toute l’Italie.
L’an 575 ', lorfque la nouvelle de la prifedu camp
Romain par les Iftriens parvint à Rome , on y fie
une levée générale , comme on avoit coutume de le
faire dans les tumultes.On créoit pour ces levées ,
des conquifiteurs ou commiffaires qui alloient enrôler
dans les villes 8c dans les campagnes, les
jeunes gens d'âge militaire. Dans l’année qu’Anni-
bal auroit pu mieux employer qu’à la prife de Ta-
rente , fix conquifiteurs parcoururent les villes &
les bouigs fitués à cinquante milles de Rome , avec
ordre d enrôler touts ceux qui étoient en état de
porter les armes , même au-deffous de l’âge prefcrit.
On nommoit evocario cette troifième efpèce
de levée. Le foin en étoit quelquefois confié à des
proconfuls, 8t fouvenr aux légats ou lieutenants du
général au temps de Cæfar 8c de Pompée. ( Liv. I.
I I I y c. 5 , 27 . IV y 26 , 31. Cicer. Philippin. V ,
31 ; Lucan. I. XI. Serv. inÆneid. V I I , V , 1. Liv,
l. y X X I , C. 2\ X L , 26; X L I y c. 5 ; X X V >c. 1 ,
; 5. Serv. loco citato ; Liv. I. X X I I I , c. 32 ; Ccef. bell.
| gall. I. V I , bell. civ. I. I ).
Des fuppléments.
Dans le cours d’une longue guerre, on Ievoît
chaque année des fùppléments ou recrues que l’on
envoyoit à l’armée. Il y avoit de plus à la fuite des
légions un certain nombre de furnuméraires nommés
adeenfi, Adfcripticii , adoptati, options ; ceux
qui avoient l’âge militaire* recevoient la ration 8c la
folde, les autres férvoient à leurs frais. ( Nonn.
voce optiones. Cod. Theodofi l. V I I , 1 .1 , leg. 2 ).
On fermoit auffi , fuivant le befoin , des cohortes
féparées, que l’on nommoit extraordinaires ; elles
étoient deffinées à la garde des villes & des poffes
où un grand nombre de troupes n’étoit pas nécef-
faire , 6c on les faifoit enfuite paffer à l’armée
comme fuppléments. Quand le général manqûoit
de recrues , & que deux légions étoient devenues
trop foibles pour le fervice de campagne , on en
réuniffoit deux en une feule, qui prenoit le nom
de gemina ou gemella ; enfin on laiffoit dans Rome
deux légions nommées urbance , tant pour la dé-
fenfe de la ville , que pour les envoyer où il étoit
nécèfîaire. ( Cetf. bell. civ. I. III. Liv. I. X X X I ,
Cl S). .
Dans la gue-re contre Perfée , plufienrs citoyens
s’em ôlèrent volontairement , parce que
ceux qui avoient fervi dans la guerre précédente ,