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de facilité, & peuvent fuir plus aifétnem'. Dans ce
cas, faites aulli plufieurs détachements de votre
armée pour couvrir les polies les plus importants ,
& peur tomber , par divers endroits, fur les bandes
des révoltés. Ne féparez pourtant pas vos détachements
les uns des autres , que queiqu un deux foit
expofè à l’infulte d’un parti (upérieur de rebelles,
qui peuvent fe joindre promptement, parce qu ils
n’ont pas d’équipage qui les_embarraffe;qu’ils font ac-
coutumésà marcher plus vite à pied que les troupes,
& connoiffent mieux les défilés, lés (entiers <k les
routes ïecrettes. Si les habitants de la province ne
vous font pas affeâionnés , vous ferez rarement &
peu furement averti des mouvements des révolus ;
il faut donc que les commandants de vos détachements
puiflént réciproquement fe donner des avis
& dir féconrs ; qu’à une difiance raifonnabie il y ait
un gros de vos troupes, pour aller au fecours du
détachement qui pourroit en avoir befoin, & qu en
chaque'lieu vous ayez quelques habitants fidelles à '
votre prince pour vous fervir d’eipions lecrcts. On
a éprouvé dans la dernière guerre que toutes ces
précautions àurôient été néceffaires contre les révoltés
d’Arragon , de Catalogne & de Valence.
Tacite , parlant de Publius Dolobella , qui extermina
le parti des rebelles, dont Tacfarinas s é
toit fait c h e f , s’exprime ainfi | : comme l’expérience
dans -plufieurs a fiions contre Tacfarinas lut
avoir appris qu’il ne faut pas attaquer avec une
greffe armée , ni par un feul endroit, un ennemi
qui ne fait pas face -, il divifa fes troupes en quatre
corps , dont il donna la conduite aux chefs des légions
& aux tributas, tandis qu’il alloit de tonts
côtés pour donner les ordres convenables.
Manière d'attaquer les rebelles.
Les troupes des rebelles ne font ordinairement
compofées que de la plus baffe populace ; fi des
hommes de condition s’y joignent quelquefois, ils
font pour la plupart fans expérience dans la guerre;
& jaloux entre eux du commandement, ils fe mêlent
touts de donner des ordres, auxquels chacun
n’obéit qu’à regret ; de forte que da ns ce corps
irionftreux la multitude des têtes embarraffe les
mains pour pouvoir agir. • ,
Les rebelles fe repréfentent continuellement le
peu d’intervalle qu’il y aura entre leur prifon & leur
lupplice ; au lieu que cette penfée devrait leur inf-
pirer l’ardeur de vaincre ou de mourir dans le com-
bat, elle leur abat'le coeur par le fouvenir de leurs
familles , & ils n’ofent èfpérer d’une vifloifé qu’on
leurdifpute la fureté qu’ ils croyent trouver dans
fine fuite prématurée. -
Unfoldatde prafeffion s’acquiert de 1 honneur,
& quelquefois même une récompenfe par la blef-
fure qu’il reçoit ; mais un pnyfan fait réflexion que
s'il vient à être effropté il ne pourra plus! travailler
pour gagner fa vie, & que ion malheur fera un
perpétuel témoignage de fon crime.
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Les rébeHes, en s’attroupant à la hâte , pour fi
mettre en campagne , fe fervent des premières
armes qu’ils trouvent fous leurs mains , telles que
font des tufils , dont plufieurs font en mauvais état
& par conséquent inutiles, de vieilles piques, des
hallebardes, des bâtons ferrés par le bout, &c,
mais en -fuppoiant môme ces rebelles bien armés,
obéiffants, &. commandés par un bon chef, ne formeront
ils pas toujours un'corps peu accoutumé
au danger , 8c incapable des évolutions & desniou-
vements où il n’a jamais été exercé? Silas Babylonien
, Niger Pérayre , & Jean Efenien étoient des
chefs de beaucoup de conduite, mais ils ne purent
empêcher qu’Antoine, gouverneur d’Afcalon,
pour l’empereur Néron, ne défit, avec environ
cinq cents hommes, la nombreufe armée des
rebelles, dont une fois il en maffacra dix mille, &
une autre fois huit mille.
J’ai toujours vu que les payfans font terribles ,
pour des troupes qui fuyent devant eux , & qu ils j
font peu à craindre lorfqu’on détaché quelques !
partis pour les invertir à la débandade , en marchant
à bon pas avec le gros de l’armée pour les
foutenir, & en détachant, à la vue des révoltés,
quelques troupes qui fartent femblant de leur aller
couper la retraite.
Dans un combat contre des payfans, il eft à
proposd’avoir .quelque cavalerie, quand même le
terrein ne feroir pas propre pour elle. Dans la
guerre de Catalogne nous- avons éprouvé qu’ils
craignent peu l infanterie ; perfuadés qu’ils font,
qu’elle ne pourra les atteindre, quand ils prendront
la fuite : au contraire , ils fuyent dans touts
les endroits où ils voyent de la cavalerie, fans
faire attention fi les chemins font pratiquables
peur elle. ;
Toutes les fois que vous attaquez des payfans,
tâchez d’abord d’en venir à l’arme blanche , car ils
font peu accoutumés à cette forte de combat, &
pour l’ordinaire ils n’ont pas de bayonnettes : d’ailleurs
, ils valent mieux pour le feu que les troupes,
parce qu’ils tirent mieux , & comme ils fe battent
féparés, couverts d’un arbre ou d’un rocher, il
n’eft pas aifé de faire porter le coup fur eux. Nous
avons vu dans la dernière guerre que dix -fept
Miquelets, près du pont deTrégo , tuèrent quarante
François du régiment de Bléfois , & en blef-
sèrent quarante autres, quoique ces troupes ne
manquaffent pas de valeur, quelles- fulfent d’un
très beau corps , & commandées par de bons officiers;
mais parce que n’entendânt pas la manière
irrégulière dont il faut faire la guerre aux Mi-
queléts, on s’amufa deux heures à fe fufiller de part
& d’autre , au lieu de détacher des partis pour les
déloger de certains rochers qu’ils occupoient près
du pont de Trégo. Le contraire eft arrivé, dans plu-
fieurs occafions , au comte de Las Torrês, au lieutenant
- général dom Michel Pons , au maréchal-
de - camp dom Félicien Brocamonte , aux brigadiers
dom Diego Gonzalez, dom Jofeph Balleco,
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dom Jean de Cercéda, & à plufieurs autres officiers
de nos troupes , qui ont touts eu pour maxime de
fe mêler d’abord avec les Miquelets, dont ils ont
défait des corps qui avoient fix hommes pour chacun
de nos foldats . & dans des endroits où fix de
ces mêmes foldats n’auroient pas dû fuffire contre
deux Miquelets quiauroient tenu’ferme.
A la raifon que j’ai donnée un peu plus haut,
j’ajoute qu’en ne différant pas d’attaquer les rebelles
, vous ne leur donnerez pas le temps de pouvoir
, par un fiège, par une intelligence ou une
furprife, fe rendre maîtres de quelque place out
porte fo r t, d’où il ne Vous feroit pas aufîi aifé de
les déloger que de les battre en rafe campagne.
Ce fut,par ces motifs, que dès que David eut
appris la, révolte de Séba, il envoya contre les
foulevés une armée fous les ordres de Joab ,. qui
leur livra d’abord la bataille-J & les diffipa.
On ne leur donne pas non plus le temps de fortifier
les portes qu’ils occupent déjà , lorfqu’il eft
aifé au commencement de les prendre , & qu’il
en coûte enfuite pour les charter après qu’ils ont
été fortifiés.
Birger I I , roi de Suède, fit marcher promptement
une armée contre les rebelles, avant qu’ils
euffent achevé les fortifications de Dalebourg, où
ils travaiiloient fans difeontinuation pour avoir
cet afyle.
Si pendant que vous les laiffez en repos ils
viennent à réuffir dans quelqu’expédition , vous
donnez à croire qu’ils ont des forces fupérieures,
& vous verrez augmenter le parti par d’autres
peuples q u i, chancelants entre leur inclination &
la crainte , n’étoient demeurés tranquilles que
parce qu’ils fe 4éfi°ient des forces des révoltés.
Les légions qui fervoient en Germanie , fous
les ordres de Caïus Silius , étoient portées à la révolte;
mais elles ne firent paroître leur deffein
qu’après avoir obfervé les progrès qu’avoient faits
les foulevés de l’autre armée romaine , commandée
par Aulus Cincinna , dont le grand nombre des
féditieux les mettoit à couvert du châtiment qu'ils
auroient pu auparavant craindre.
Par cette raifon vous devez, parmi les peuples
qui font encore tranquilles , faire courir le bruit
que le parti des rebelles eft fort petit.
C’eft ce que fit Tibère-lorfque les trois légions
commandées pas B léfus, fe foulevèrent dans les
Pannonies.
Lorfque vous n’avez pas affez de troupes pour
pouvoir accourir à touts les côtés, faites lemblant
de les faire marcher tantôt vers l’un & tantôt
vers l’autre , afin que les habitants, qui attendant
dans.tous les lieux l’arrivée de vos troupes 3 n’ofent
pas fe déclarer pour les rebelles, Entretenez ainfi
ceux dont vous vous défiez le plus, & écrivez aujourd’hui
aux uns & demain aux autres qu’ils ayent
a préparer un logement pour un corps de troupes ,
& que réellement vous ferez paroître dans divers
endroits du pay s , pour faire croire que . vous êtes'
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maître de la campagne : ayez foin encore de ré-:
pandre le bruit que vous attendez un plus grand
nombre de régiments d’une autre province, ou
d’une autre armée.
Le maréchal deMontluc nous apprend qu’il avoit
lui - même mis en pratique, avec beaucoup de fuc-
cès, tout ce qu’on vient de dire lorfqu’il étoit gouverneur
en Guyenne du temps de la révolte des lau-
guenots.Le conful Romain , Marc Porcie Caton,
en ufa de la même manière pour éviter que les Iler-
gètes ( aujourd’hui les peuples du territoire de
Lérida ) ne fuiviffent contre les romains le foulè-
vement qui avoit. déjà commencé dans plufieurs
autres lieux d’Efpagne.
J’ai dit ailleurs par quels autres moyens on peut
s’acquérir la réputation d’être fupêrieur en force.
Je viens de parler des moyens qui paroifient
fuftifants pour abattre une révolte mal foutenue ;
mais comme je n’ai pas dit encore par quelles
voies on peut déraciner celle qui a de profondes
racines , je reprendrai cette matière dès fon commencement
, fans toucher pourtant aux règles que
j’ai déjà établies , qu’on a éprouvé fouvent n’être
pas tout à fait inutiles,quoiqu’elles ne foient pas
toujours entièrement efficaces.
Au commencement d’un tumulte, ne vous laiffez
pas endormir par les cris de vive le {roi, car ce
n’eft-là qu’un déguifement dont les conjurés ont
coutume de fe fervir pour cacher leur mauvaife
intention , afin que s’ils ne réuffiffent pas dans leur
entreprife, on ne puifle pas les accufer d’être
traîtres au prince dont ils font les fujets, mais feulement
d’avoir été défobéiffants , ou peu refpec-
tueux au chef fous les ordres duquel ils font.
C ’eft par ces cris de vive le roi & périjfe le mauvais
gouvernement , que commencèrent la révolte
d© Naples pendant que le duc d’Arcos en étoit
vice-roi; celle de Catalogne , lorfque le comte de
Sainte-Colombe y commandoit ;& les troupes de
Palerme, fous le marquis de Los Velez , qui en
étoit vice roi. Cependant le deffein de touts ces
foulevés étoit de fe clioifir un nouveau maître;
jé parle du peuple , parce que la nobleffe n’entra
point dans ces factions , principalement à Naples
&'à'Palerme.
Cette, diffimulation a fouvent différents motifs :
quelquefois le chef de la confpiration veut faire
croire qu’il eft injurtement perfécuté ; qu’il ne
prend les armes que pour la fureté de fa perfonne ,
fans vouloir offenfer fon fouverain ; par-là il s’attache
un nombre de perfonnes q ui, n’ayant d’a-
I bord que des fentiments de çompaffion , s’engagent
infenfiblement dans le parti des mécontents.
Màllius , premier chef des troupes de Catilina
protertoit continuellement, au rapport de Salufte ,
qu’il n’avoit point pris les armes contre la patrie ni
contre les citoyens, mais feulement pour mettre fa
vie en fureté ; & quand Catilina fortit de Rome
pour aftembler l’armée des conjurés , il ne ceffoit
de répéter qu’il alloit chercher un exil volontaire ,