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qu’il en feroît par confèquent mal protégé » on retranche,
pour cet effet, les places d’armes du premier
chemin couvert ,dont on fait de petites demi-
lunes baffes, de vingt-cinq à trente toifes de face ,
appellées lunettes, environnées de bons foffés, bien
paliffadés , ou d’une haye vive fur la berme, quand
elles font de terre, comme toutes celles qui fe font
aux places où il y a un foffé plein d’eau. Si elles
font bien entretenues 8c gardées par cent ou deux
cents hommes , elles protégeront l'avant-chemin
couvert, & donneront le temps aux gardes avancées
des grands angles de fe retirer plus commodément
; elles enfilent l’avant-foffé 8c nuifent beaucoup
à fon paffage, flanquant le premier chemin
couvert, à qui elles fauvent l’in fuite générale, 8c
elles obligent l’ennemi de les attaquer dans les
formes, ce qui retarde d’autant le fiège.
Voilà ce qu’on peut faire à-peu-près pour la dé-
fenfe des chemins couverts; mais cette défenfe ne
peut avoir lieu fans le fecours des traverfes , qui
donnent moyen de la prolonger 8c de la couper
en plufieurs parties.
Les retranchements revêtus 8c préparés de longue
main ne font pas moins néceffaires à la défenfe des
places que les traverfes ; car il n’y a pas moyen
d’en faire de nouveaux qui puiffent réfiffer à un
grand feu de bombes pendant un fiège ; on peut
dire que les uns 8c les autres font néceffaires à un
point que, fans eux, on ne peut pas faire une
bonne défenfe. '
Les foffés fecs qui ont de la profondeur font
d’un mérite fupérieur à ceux qui font pleins d’eau ,
parce que les communications de la place font bien
plus foutenables , 8c que les mines bien ménagées
y peuvent être d’un grand fecours ; au lieu que les
pierres , les ricochets 8c les bombes rompent, à la
longue , touts les ponts à fleur d’eau , fixés ou flottants,
fans en pouvoir conferver aucun , ce qui
vous réduit à une impoflibilité de bien défendre
vos ouvrages, 8c vous fait perdre bien du temps 8c
du monde pour relever vos gardes 8c y faire porter
les munitions néceffaires , notamment dans les
demi-lunes ,à moins que d’y faire des petites portes
dans les tenailles 8c dans les gorges des demi-
lunes , le tout voûté à l’épreuve de la bombe.
Tant que le chemin couvert n’eft pas pris , tout
l’orage des attaques tombe fur lui 8c fur les pièces
qui le protègent ; mais fa prife 'efl ordinairement
fuivie de l’attaque des grands dehors, comme des
demi-lunes , ouvrages à corne, ouvrages couronnés
, 8c de toutes les autres pièces revêtues , ter-
raffées , 8c environnées de foffés. Comme les demi-
lunes , les ouvrages à corne 8c ceux à couronne
font les plus avancés dans la campagne 8c les plus
confidérables, ils font aufli ordinairement les premiers
attaqués.
Défenfe des ouvrages À corne 6* à couronne.
Suppofons donc que toutes les opérations précép
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«lentes qui ontcaufè la prife du chemin couvert ;
ayent été faites à l’ouvrage à corne , qui doit être
d'ailleurs bien revêtu , terraffé à l’épreuve , de
même que fa demi-lune , 8c environnné d’un foffé
revêtu ou plein d’eau ; fuppofons auih que toutes
fes parties foient bien retranchées, traversées 8c
contre-minées*, 8c qu’il y ait quantité de fouter-
reins pour mettre les munitions en fureté; car c’eft
à-peu-près tout ce qu’on peut leur délirer ; il faut
encore fuppofer l’ennemi maître 8c bien établi fur
le chemin couvert. Cela étant, il travaillera i<\
à faire des batteries , les unes contre les flancs
oppofés 8c la communication, les autres , pour
faire brèche à la demi-lune, ou pour y attacher
le mineur, 8c les autres pour faire brèche aux
demi-baltions ; a°. il ouvrira fes defeentes du foffé,
tant à la demi-lune qu’aux demi-baftions , remarquant
que le vrai lieu de ces defeentes efl vers le
milieu des faces de la demi-lune , 8c vers le haut
des ailes de la corne ; il évite , par-là , de déboucher
dans les enfilades qui pourroient être embouchées
du canon ou du moufquet,de quelque autre
endroit de la place que l’afliégeant ne pourront maî-
trifer.
Les oppofitions qu’on peut mettre à l’établiffe-
ment de ces batteries font, i^. de les faire fauter,
comme nous l avons dit ci-devant, après avoir dif-
pofé les mines pour cet effet, 8c bien caché leur
entrée ; a°. de les bombarder 8c battre de pierres
tant que l’on pourra ; 3°. d’employer les traverfes
pour leur rompre ou diminuer la vue des objets
qui en pourront être maltraités ; 40. d’élever des batteries
biaifes qui peuvent fe prendre dans l’ouvrage
à corne 8c fur les autres parties éloignées du corps
de la place, 8c d’avoir des ports voûtés à l’épreuve
des bombes, dans la tenaille 8c dans le réduit, ou
derrière la demi lune, de fix pieds de largeur dans
oeuvre, fur vingt-quatre de longueur, 8c trois à
quatre pieds de profondeur d’eau , 8c plus, fi on
peut leur en donner. Ces ports doivent être capables
de contenir un bateau de vingt pieds de
long 8c de quatre de large , ayant deux pieds 8t
demi de creux, le tout mefuré dans oeuvre ; ce bateau
fe conduira par le moyen d’une corde tendue
roide en travers du foffé, dans laquelle corde feront
paffées des.poulies attachées par d’autres cordages
au bateau. Deux petites cordes amarrées au
milieu de l’avant 8c de l’arrière, & tirées tantôt du
côté de la tenaille 8c tantôt de celui de la demi-
lune ,1e feront aller 8c venir fans que perfonne pa-
roiffe, pourvu que ceux qui font dedans veuillent
fe baiffer un peu ; 8c en prenant le temps a propos,
il fera difficile à l’ennemi de l’atteindre. Il faudra
en avoir cinq ou fix de même grandeur dans les
foffés des autres fronts, 8c y accommoder les poternes
, tant du corps de là place que des ouvrages
à corne, afin que quand il en manquera , on puiffe
en fubflituer d’autres en les faifant paffer par les
forties, 8c y tirer même ceux des foffés quand il y
aura quelque chofe à raccommoder > à quoi l’on nc
«outra pas travailler dans les ports ; ces bateaux
pourront porter jufqu’à quarante hommes par
voyage, avec leurs armes, pourvu qu’ils foient
bien arrangés.
Outre ces bateaux, on peut avoir des ponts ordinaires
à fleur d’eau ; mais ils ne dureront guères
& feront toujours les premiers rompus. Les radeaux
pourront prendre leur place ; on les fait de
bois blase, comme étant le plus léger, de neuf à
dix pouces quarrés , affemblés par travées de
quatre, cinq 8c fix pièces , de douze pieds de long
par la tête, par le milieu defqüelles on paffe des
clefs de charpenterie de même bois, qui les arrêtent
fëVme , après quoi on les couvre de
planches. Si l’on peut y ajouter quelques barrîls ou
tonneaux bien étanchés, ils en porteront mieux ;
finon on les redoublera par d’autres travées de
même bois, appliquées par-deffous les fupérieures.
Malgré ces trois moyens de communiquer dans
les dehors où il y a des foffés pleins d’eau , il faut
avoir l’attention , les premiers jours du fiège , d’y
faire paffer d’avance les gros matériaux néceffaires
à leur défenfe , comme paniers , facs à terre ,
hrouettes , outils , bonne quantité de poudre ,
plomb, boulets, 8cc., avec des plates-formes , du
canon , des affûts de rechange , des fafeines , des
paliffadés 8c des vivres ; mais tout cela fuppofe
qu’il y aura des fouterreins où l’on puiffe les mettre
à couvert.
De la defeente du fojfé•
Les defeentes de foffé fe font à ciel couvert,
quand les foffés font pleins d’e a a , 8c par fape
quand ils font fecs 8c profonds ; ceux-ci fe font par
des mineurs, au moyen des fouterreins de quatre
pieds 8c demi de large , fur la hauteur de fix, 8c
bien étayés par des bois préparés à cet effet.
Si le foffé efl fec 8c profond, on pourra, de
temps en temps, fur-tout pendant la nuit, faire de
petites forties à la dérobée , ou marchant fans bruit
le long du petit chemin fait au bas du bord du
foffé ; ©n écoutera 8c l’on prêtera fouvent l’oreille
pour découvrir fi le mineur efl prêt à percer ou
non. Quand on aura remarqué l’eudroit, il faudra
avoir une batterie biaife toute prête , de deux
pièces de canon, pour déchirer le fommer de vos
parapets , fans faire de brèche qui puiffe vous
mettre en danger.
Quand la garnifon efl forte 8c l’afliégeant foible,
celui-ci ne fait ordinairement qu’une attaque, ou
s’il en fait deux; elles font liées. Ce parti efl fans
doute le meilleur , parce que le fervice de la tranchée
efl plus commode, & le fecours de l ’une à
l’autre plus facile,’on y emploie moins de monde ,
8c un feul parc peut fuffire àjléurs befoins ; en un
mot, elles fe foutiennent beaucoup mieux contre
les forties que les autres.
Si la garnifon efl foible 8c l’afliégeant fort, il
pourra faire une troifième attaque féparée des deux
liées, pour faire plus de diverfion ; mais ces attaques
font rares 8c prefque toujours fauffes ; pour
lors elles impofent peu à la place quand elles font
reconnues pour telles , parce qu’elles ne fe mettent
point à portée d’effuyer une grande fortie ni de
rien entreprendre ; ainfi de pareilles attaques font
plus nuifibles à l’affiégeant qu’à l’affiégé.
La quatrième nuit, l’ennemi continuera de pou£
fer fes attaques vers la place, plus ou moins précautionnées
, félon l’intelligence de ceux qui les
conduifent. S’il fe précautionne par des places
d’armes bien difpofées , la marche en fera plus
lente & la tranchée plus fure ; s’il fe néglige 8c
qu’il ne penfe qu’à faire chemin , comme il s’avancera
étant mal foutenu, on pourra entreprendre
fur lu i, foit par des forties bien conduites, foie
par l’effet du canon bien dirigé, foit par les fecours
de la cavalerie Sc de touts les trois enfemble.
De-là en avant ; la conduite de l’ennemi doit être
affez uaiforme. Jufqu’à ce qu’il foit à portée d’entreprendre
fur le chemin couvert, tout fe paffera
'a avancer fa marche, à aflùrer fa tranchée le plus
qu’il pourra, & à remuer 8c fervir le canon de
fes batteries ,’ aiiafi que fes mortiers à bombes 8c
à pierres. Tout cela ne fe fera pas avec la même
diligence qu’au commencement, à caufe du travail
qui augmente à mefure qu’on approche, 8c du feu
de la place , qui , découvrant de plus près, devient
plus meurtrier & plus dangereux.
Comme les pierres & les grenades jettées avec
les mortiers font plus malfaifantes que les bombes,
8c qu’elles tuent 8c bleffent beaucoup de monde , il
faudra s’en précautionner de fon mieux par des
bonnets d’ofier faits comme des hottes , matelaffés
par le dedans , 8c dont le fond fera fourré de foin.
On fe fera de petites places de diftance en dif-
tance , joignant le parapet, qu’on recouvrira par
des paliffadés appuyées 8c rangées en appentis, &
par des loges de rondins de bois 8c de madriers
enfoncés dans les taluts des remparts 8c au bord
des foffés 8c des traverfes. Quand l’ennemi com-
I mencera à tirer des bombes 8c des pierres , il fau-
1 dra tenir la garde dans des lieux couverts au plus
prés des attaques , & ne garnir le vis-à-vis pendant
le jour que par de petits détachements fou-
vent relevés, qui fe coleront contre les parapets;
mais la nuit, il faudra que toute la garde s’y
trouve , 8t border des parapets de tout ce qu’oa
aura de monde.
Défenfe de la demi-lune de Vouvrage à corne & de fon
réduit.
L’ennemi s’étant rendu maître de tout le chemin
couvert, travaillera au paffage du foffé de la demi-
lune , le comblera, s’il efl plein d’eau , 8c s’épaulera
du côté des flancs oppofés , c’efl-à-dire ,
contre les faces des bafiions, qui fervent de flancs
aux faces des demi-lunes. Il faudra brûler l’épaule-
ment, 8c ce qui pourra être eonfumé du pont, par
les feuxdartifices, 8c aller au-devant du mineur