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«bufives dans touts fes rapports ? ( Voye{ T ambour
major ). Derrière cet homme marchent
des tambours iurchargés d’un galon qui , pour
n’être ni d’or ni d’argent, n’en eft pas moins cher ,
& d’un entretien difficile ; plus loin c ’eft une
troupe nombreufe de muficiens ; je les compte ,
j’en vois jufqu’à trente ; l’argent & l'or brillent fur
leurs habits ; les gages qu’il faut donner à ces ar-
tiftes, l’achat, l’entretien de leurs habits , n’eft ce
point encore là des dépenfes abufives dans tours
leurs rapports? ( Foye^ Musique ). Je vois bientôt
un homme monté fur un cheval fuperbe ; je regarde
le courber avec complaifance , un guerrier
peut étaler cette efpèce de luxe, mais pourquoi
cette h©ufié chamarée d’or , cescrefpines longues
& touffues , ces bofletres,. ces boucles d argent ?
Ce cheval eft d'un guerrier & le harnois d’un charlatan.
Bientôt un corps de cavalerie défile devant
m o i, touts les chevaux font de la même taille ,
cela ne m’étonne point ; mais ils font touts de la
même couleur, cela me fnrprend ; pour raflêmbler
un fi grand nombre de chevaux du même poil, ou
il faut les payer très cher, pu en admettre dont la
robe eft le plus grand mérite,; cette uniformité
ïj’eft-elle pas abufive ? ( Voye^ Uniforme ). Le cavalier
eft vêtu fimplement , mais le cheval eft
chargé de pompons , de rofettes , 8c un bridon
élégant le conduit ; fon équipage eft couvert de
galons ; luxe encore que tout cela. Il faut de l ’uniformité
, dit-on ; on donne des galons de fil au cavalier
,-.tpour, que l’officier puift'e.en porter d’argent;
eh bien , ce font ces galons d’argent qui font
un vrai luxe, 8ç qu’il faut réformer Voye^ E p a u l
e t t e s ) ? Que diriez-vous donc, me réplique-
t-on , fi yoijs,voyiez certains corps de notre armée,
l’habit du fimple foldat eft chargé de galons
d’argent , fon chapeau eft bordé de la même manière
? Je dirois qu’on a méconnu les vrais principes
militaires, qu’on a oublié que Louis X IV , ce
prince à qui on peut reprocher avec juftice un
ajnour immodéré pour le luxe, avoit cependant
expreffément défendu à touts les'militai res de fon
royaume , de porter fur les habits , les cafiiques ,
les juftaucorps , les baudriers , les gants , les caparaçons
des chevaux , les couvertures de mulets ni
autre objet fervant à leur habillement ou ieur équipement
, des dentelles, des galons , des franges ,
de la cannetille , & toute autre forte d’agrément
en argent ou en or fin , ou faux.
Laiflons rentrer dans leurs quartiers les troupes
qui viennent de paffer fous nos yeux, & fuivons
leurs officiers, Ils s’afiêyenr autour d’unç table
couverte d’un premier fervice, compofé d’un grand
nombre de.mets des plus délicats; c’eft donc un
jour de fête ? Non , c’eft un repas ordinaire ; un fécond
fervice plus recherché que le premier arrive;
des vins précieux le fijivent ; les fruits fe préfentent
à leur tour, ils font accompagnés de vins encore j
plus rares & de liqueurs d’un grand prix ; dira-t-on !
ÇiKore que ce n’eft point là des dépenfes abufivçs
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dans leur rapport avec la fortune des militaires &
avec leur état , les chefs de ces officiers leur
donnent au moins l’exemple de la frugalité , de la
lobriété ? Non , non , ils portent le luxe encore
plus loin que leurs fubordonnés. Le riche Lucullus
auroit fait fervir avec peine, dans le plus faftueux
de les {allons, un feftin aufli. fplendide que ceux
qu'on trouve chez les chefs des corps militaires ; les
mets les p us exquis , les porcelaines les plus pré-
cieufes , les criftaux les plus riches couvrent leur
table, & cependant Louis XIV & fon fuccefleur
ont prolcrit expreffément ce luxe condamnable. Les
équipages des chefs du militaire françois ne font
pas moins recherchés que leur table ; le prélat ou
le financier le plus faftueux , la femme la plus élégante
& la plus fenfueile, ne trouyeroient leurs
voitures ni trop Amples ni trop rudes. Auffi les
officiers fubalternes , entraînés par les exemples de
leurs chefs, regardent comme une efpèce de déf-
honneur de voyager à cheval 8c de fe fervir des
voitures publiques ; il leur faut au moins un cabriolet
à glaces & à reflorts; bientôt ils ne voudront
plus, faire ufage que de voitures à quatre
roues , & l’on finira par . voir les officiers françois
ne voyager que dans des berlines. Efi-ce ainfi .que.
des militaires devroient voyager ? N’eft- ce point là
un luxe abufif 8c qu’il faut fe hâter de réformer ? ,
Pour avoir une idée du luxe du militaire françois
, voyez un régiment en marche ; quel nombre
immenfe de charriots ! une contrée entière peut à
peine fournir les chevaux néceffaires à traîner le.
bagage qu’il tranfporte.; point d’officier qui n’ait
plufieurs malles; peu de bas officiers qui n’ait la
fienne ; point de foldat qui puifie porter touts fes
effets. Ne font-ce pas encore là des dépenfes abufives
dans touts leurs rapports ?
Voulez-vous favoir pourquoi l’on ne voit point
en France , pendant la paix , de grands rafiemble-.
ments de troupes ? C ’eft parce que le luxe qui règne
dans l’armée a rendu les camps de paix à charge &
aux finances de l’état & à-la fortune des particu-.
fiers. Tout officier général veut tenir une table
fomptueufe , avoir une foule d’aides de camp, une
livrée riche & nombreufe, une grande quantité de
chevaux qui, par leur légèreté , ayent acquis de la
réputation à Neuf-Mark, & qui, par leur figure ,
fixent les regards des fpeélateurs ; ils veulent être
logés aufli commodément que dans Paris , & trouver
jufques fous la, tente militaire les plaifirs auxquels
leur féjour continuel dans la capitale les a
accoutumés. Les colonels veulent briller du mênfe
éclat que ceux qu’ils éclipfent fouvent à la cour ;
les lieutenants-colonels , les majors , les capitaines
8c les autres officiers fubalternes , féduirs par ces
exemples, croyçnt, en les imitant, fe rapprocher
de leurs jeunes chefs ; une çlaffe d’officiers nou?
vellement créés eft venue depuis peu ajouter au
mal ; je veux parler de cette jeunefle brillanté q u i,
connue fous le nom d’officiers à la fuite ou de remplacement,
vient paffer fous les drapeaux trois ou
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quatre mois de chaque année ; beauooup d’entre
eux font nés de parents riches , & ceux qui n ont
pas été favorablement traités par la fortune , aiment
mieux voler l’avenir que de ne point jouir du pre*
fent.
Voulez-vous favoir enfin quel fera le fort de nos
armes dans la première guerre que nous entre-,
prendrons ? Demandez fi le luxe des valets , des
chevaux , des tables, des équipages fera bientôt
détruit. S’il eft anéanti longtemps ayant la guerre ,
efpéreztout; s’il fubfifte autant que la paix, craignez
tou-r.Ce n’eft point en effet au moment où l’on
va entrer en campagne qu’il faut promulguer des
loix fomptuaires ; il eft impoffible que 1 homme
qui, dans fa garnifon a toujours joui des commodités
de la vie , puifie fans mécontentement 8c fans
murmures , abandonner , à votre volonté , les
douces habitudes qu’il a cpntra&ées de longue main.
C ’eft donc demain, c’eft aujourd'hui qu’il faut commencer
à exécuter cette révolution heureufe ;
chaque jour, chaque inftant perdu eft irréparable,
comment la broduire cette révolution ? Par les loix
fomptuaires les plus rigides. Les loix de ce genre
peuvent être facilement violées par un peuple entier
; mais une-armée ne les viole qu’au tant que fes
chefs y donnent la main. Commencez par réformer
les chefs , fans cela vous manquerez, votre objet.
Fixez le nombre de convives que les militaires de
touts les grades pourront avoir dans les armées ,
dans les camps , dans les quartiers 8c dans les garni-
fons ; fixez le nombre de fervices ; la quantité de
plats de chaque fervice ; la qualité des vins & des
liqueurs ; la diverfité en ce genre eft un luxe fu-
nefte, même à la fànté;.comptez le nombre - de
valets, quelque nom qu'ils portent ; defçendez jiif-
qn’à preferire les vêtements que cette efpèce
d’hommes parafites doivent porter ; ils tiennent à
l’état militaire , ils doivent être vêtus avec fimpli-
cité. En fixant le nombre des chevaux de Celle ,
foyez économe , & foyez avare en fixant celui des
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chevaux de voiture. J’ai ouï dire que le maréchal
de Belle-Ifle avoit défendu au comte de Gifors ,
fon fils , de voyager en voiture avant le moment
où il feroit chevalier de l’ordre de Saint-Louis. Ce
que ce miniftre fit comme père , n’auroit-il pas dû
le faire comme adminiflrateur ? Quel mal réfulse-
roit-il d’une loi qui défendroir à tout guerrier dé
monter en voiture dans fa garnifon ou dans fes
voyages, avant d’avoir obtenu la croix de Saint-
Louis , ou d’avoir été mis par la médecine au rang
de ces hommes malheureux qui ne peuvent fnpporter
l’ufage du cheval ? Fixez le prix des auberges des
officiers fubalternes, celui de leurs habits & de leurs
logements ; fixez le poids de leurs bagages, &c. ;
vous rendez des ordonnances faites pour peupler
l’armée de gentilshommes, 8c vous ne fongez pas
à éteindre le luxe qui les en bannit. Ne craignez
point d’être trop minutieux ni trop févère ; n’écoutez
point ces déclamateurs qui vous diront que
vous ruinez le commerce ; le luxe militaire à peu
d’influence fur la richeffe de la nation , 8c il en a
beaucoup fur fa gloire. Pour vous encourager ,
vous faut-il de grands exemples? je vous citerai nu
capitulaire de Charlemagne, une ordonnancé de
Philippe-le-Bel, 8c un grand nombre d’autres loix
rendues par nos fouverainS & confignées dans l’article
LOIX s o m p t u a ir e s du tfi&ionnaire de jurif-
. prudence ; ces loix auxquelles je vous renvoyé font
bien plus féveres que celles que je propofe ; vos
loix une fois portées, faites-]es obferver avec une
rigueur extrême ; pour peu que vous foiblifiiez une
feule fois, votre ouvrage eft détruit, avec lut
votre gloire, & peut-être celle de la nation ; car je.
l’ai prouvé , le luxe eft l’ennemi le plus dangereux
dé toute eonftitution militaire ; il diminue la force
des armées, il affaiblit les' vertus, néceffaires aux
gens de guerre, il arrête l’art militaire dans fes
progrès , & loin de contribuer au bonheur des
guerriers , il rend leur fort par-tout & toujours
moins heureux. ( C. )
MAC
JVj ACANA. Maffue des Abénaquis.
MACHICOULIS. Galerie faillante au-delà du
nud d’un mur , 8c foutenue par des confoles ou
corbeaux de pierre. Les intervalles qui reftoient
entre ces fupports , formoient autant d’ouver-tures
par lefquelles on découvroit le pied de la muraille,
& on jettoit fur l’ennemi des pierres, de l’huile
bouillante, des traits , 8cc. On voit encore des
mâchicoulis aux tours & aux murailles des anciennes
villes. On a dit auffi ma-fficoulis ou maffecoulis , fui-
vant Félibien, ( Diiïion. d’architeÜ. ) qui croit
qu’on a ainfi nommé ces galeries , parce qu’elles
fer voient à faire couler des jmaffes fur les affail-
lants.
M A G
MADRIER. Planche fort épaiffe. On en fait
ufage pour conftruire les ponts: on les emploie
dans l’attaque des places , pour couvrir les fa peurs
& les ouvriers qui font la defeente du folié 8c
autres travaux du liège,
MAGASIN. Bâtiment où l’on conferve les munitions
, fait de guerre , fait de bouche. Il y a des
ma^ajiris dans les places ; il y en a pour l’armée.
Ceux-ci font placés fur l’arrière , & doivent être
diftribués en plufieurs fieux les plus à portée de l’armée
qu’il eft poffible pouren voifurer commodément
les. provifions au camp. U eft très important, dans
les lieux où l’on a de grands rn'igajîns de veiller
foigneufement à leur confervâtion , & d’empêcher