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de mortiers à pierres dans le logement le plus
près de la gorge de cette demi-lune, duquel il
faudra bien affurer la communication , & la rendre
commode au brouettage des pierres qu’il y faudra
voiturer. Toutes ces batteries , c’eft-à-dire celles
des deux plices d’armes k , & celles de la demi-
lune avec les pierrters &les bombes , font principalement
deftinées à impofer à cette tenaille , & à
empêcher qu’elle ne nuife beaucoup au partage des
grands fortes.
A l’égard des deux flancs de l’attaque , quoique
les échappées des ricochets les prennent par derrière
, les batteries direâes par devant , & les
bombes & les pierres par touts les côtés, il n’eft
pas cependant inutile de leur préparer à chacun un
ricochet de 3 pièce« k ; car s’il y a beaucoup de
canon dans la place y les affiegés pourront tant re*
changer, qu’ils trouveront moyen d’en fubftituer
toujours quelques pièces à celles qui feront démontées.
# /
Les officiers d’artülerie des places qui favent leur
métier , ne manqueront pas de mettre du canon
fur la courtine du front attaqué > moins pour tirer
direélement devant elle que pour battre d écharpe
fur les logements du chemin couvert devant les
battions A & B {fig. 333 ) ; les pièces tirées par
ides embrafures biaifées , coupées dans l’épaiffeur
du parapet de la courtine , incommodent fort ces
logements & le débouchement de la defeente du
foffé, & même le commandement du partage,
dont elles voyent une bonne partie. Elles font très
mal aifées à démonter, parce que les batteries op-
pofées aux flancs ne peuvent les voir , & que leur
recul étant trop enfoncé-, il eft très difficile de les
trouver, à moins que de mettre du canon fur les
parapets des places d’armes , d ou on les puifTe
battre direâement. C ’eft à quoi il ne faut pas manquer
dès qu’on en fera maître , & qu on s apperce-
Vra qu’il y aura des pièces de canon fur la courtine
, qu’on fera auffi rechercher par les bombes &
les pierres , il faudra encore tâcher de leur établir
un ricochet ou deux , ce qui eft affez difficile , à
moins qu’il n’y ait quelque marque de la courtine
qui puifle en faire connoître l’alignement par-def-
fus les battions , comme un portail, des guérites ,
quelque grand bâtiment adoffé contre le derrière
du rempart, ou des arbres plantes a la ligne ÿ
toutes ces remarques ne doivent pas manquer
d’être obfervées.
Un bon plan peut beaucoup aider a ces decouvertes
, parce que fi le prolongement de la courine
coupe en quelque endroit les faces, celâ joint
aux autres remarques, pourra indiquer fon enfilade
, & en même temps les endroits propres à
placer les ricochets. Les batteries L L (/ g . 316 ) ,
des demi-lunes collatérales , pourront faire cet effet
, ou bien on en fera fur les extrémités de la
fécondé place d’armes, comme en S S. Dans ces
fortes de batteries il faudra fe fouvenir d’élever le
coup, & de charger un peu plus les ricochets.
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Au furplus , il faut fi bien prendre fes raefures
fur touts ces expédients , que les befoins quon-en
pourroit avoir foient toujours prévenus , & que
toute chofe fe faffe dans fon temps ; car c’ett-là le
grand fecret pour bien conduire des attaques, que
de favoir faire exécuter chaque chofe à propos.
Il faut toujours fuppofer que la place qu on attaque
doit faire line vigoureufe défenfe , Ôc ne jamais
compter fur la foibleffe de fa réfiftance, car
on y eft prefque toujours trompé.
Suppofons préfentement les partages du forte des
battions en état, & les brèches ouvertes &. bien
éboulées , il y faudra procéder comme a la demi-
lune , y faire monter peu de monde dans les commencements
, jufqu’à ce qu ayant fait tomber le
parapet en bas tic bien adoucir la montée, on foit
en état d’y faire monter de petits détachements ,
& pour lors il le faut faire avec ordre de ne rien
opiniâtrer, préparant les ricochets , batteries di-
reftes, bombes & pierres , pour être i'ervis comme
à la demi-lune, toujours en vue d’y répéter les
mêmes expédients.
Mais fi les battions avoient des retranchements
revêtus dans leur gorge , il pourra arriver que les
affiègés s’opiniâtreront à foutemr les brèches. En
ce cas , il faudra fe préparer à les y torcer , &
après les avoir bien reconnues Ô£ préparer les
montées, les faire attaquera la fécondé ou troi-
fième fois de vive force , par de gios détachements
qui, ayant repouffé l’ennemi, auront ordre
de fe loger fur le haut dans l’excavation des
brèches , & non dans le dedans des pièces, &. après
les logements achevés, ouvrir des lapes à droite
& à gauche du terrein vers les gorges. Que fie é-
toit un vieux corps dq place revêtu qui fut fermé
à ces mêmes gorges, comme a Barcelonne Ôc à
beaucoup d’autres places, l’on pourroit êrre obligé
de faire monter du canon fur les battions , à quoi
il ne faudra pas héfiter ; & cependant 1 on fe coulera
à droite & à gauche vers les flancs, le long des
banquettes.
On pourra faire abandonner les tenailles en
chemin faifant, fi l’affiègé les occupoit encore , en
coupant de petits logements dans l’épailTeur des
parapets des flancs, quand on aura couléjulques*
là. Pendant ce temps-là on s’approchera du retranchement
de la gorge par Je haut & le bas, dans
le même temps.
Les défenfes de ce retardement feront, quelque
temps après, battues fans relâche du canon qu'on
aura monté fur les battions ; il faudra auffi chercher
à le battre de bombes & de pierres tant qu’on
pourra, & enfin y attacher le mineur.
De rattaque des places irrégulières,
Il fe trouve peu ou point de grandes places qui
foient abfolument régulières. La plupart tiennent
bien quelque çhofe du régulier , mais beaucoup
plus de l’irrégulier, parce que les villes ayant été
r " batie^
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fcâtîes & fefftiées de murailles , ou fortifiée^ à l’an-
tlqae, avant que la fortification moderne fût en
tffage , on a profité, autant qu’on'a pu , de ce que
la vieille enceinte avoit de meilleur , pliant, accommodant
, & même altérant les règles de la
Nouvelle fortification en faveur de ce qu’on a
trouvé de bon dans la vieijlJ. C ’eft ce qui fait
qu’on trouve peu de fortifications de grandesplaces\
qui foient régulières ; tout eft plein d’irrégularité,
A de pièces accommodées à leur fituation, haut &
bas , plat ou coupé de rivières, ou ajufté à ce qu’il
y a de vieux faits , & ires fouvent félon le caprice
de ceux qui les ont bâties. On prend feulement
garde qu’il n’y ait rien de contraire aux bonnes-
«maximes de là fortification, & c’eft le mieux qu on
puiffe faire.
Tout cela fe réduit à obferver que toutes les
«pièces fe flanquent bien , que la ligne dé défenfe
fie foit pas trop longue , que toutes les parties fe
.Contiennent l’une & l’autre, & fe puiffent entre-
communiquer ; que touts les parapets foient à 1 e- -
preuve du canon, & ces mêmes pièces environnées
de foffés & chemins couverts paliflâdés , &e.
Quand tout cela eft à-peu-près obfervé , le refte
tombé dans des règles fort communes, pour lef-
quelles on n’a fouvent eu que de foibles attentions.
C ’eft pourquoi, comme la diverfité des fimations
contraint fouvent de fe relâcher &. d’admettre des
figures fort bifarres , qui ne kiffent pas d’avoir du
bon , il arrive auffi que le fort & le foible. des
places fe préfente fort diverfement, 8c que les accès
à ces mêmes places y caufent une infinité de di-
verfité , par la manière dont la fortification fe préfente
aux attaques y par l’inégalité des accès haut
& bas , par les entrecoupements de leurs avenues ,
des rivières , ruiffeaux , marais , &c. ; par les bi-
farreries des couverts qui les environnent, par la
multiplicité des dehors , bâtis en differents temps ,
& par des génies très différents j par le refferrement
des efpaces qui peuvent-nous y Conduire , & par
je 11e fais combien d’autres accidents de terrein qui
accompagnent prefque toujours les vieilles fortifi- .
cations.
Il faudroit autant de règles qu’il y a de places ,
fi on vouloit propofer leurs attaques toutes inf-
truites & corrigées c’eft ce qu’on n’entreprendra
pas de faire , cela méneroit trop loin ; on fe contentera
de propofer une certaine quantité de places
des différentes figures,. comme autant d’exemples
capables de donner les ouvertures néceffaires à
linftruéUon des attaques, de celles qui peuvent
avoir quelque rapport avec elles.
Attaques d'un front de place couvert d*un ouvrage
à corne.
De touts les dehors ajoutés à la fortification ,
aucun n’égale en mérite les ouvrages à corne bien
placés , non fur le milieu des courtines, mais fur
les capitales des battions dont ils embraffent les
Art Militaire. Tomé III.
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ftees dfitîeres. En cet état , leurs longs côtés font
défendus du canon des courtines à feu rafant, &
par les deux demi-lunes collatérales , qui leur
donnent des flancs fichants de 40. à 50 toi fes chacun
, qu’on ne leur peut ôter, parce que la tête de
cet ouvrage voit de revers fur l’attaque de ces
pièces, & les fou tient jufqu’à ce qu’on s’en fait
rendu maître.
O r , fuppofé la place bien revêtue, l’ouvrage à
corne & fa demi-lune avec les deux collatérales
auffi revêtues, leur foffé profond & revêtu, & le
tout environné d’un chemin couvert bien conditionné
, ce qui eft une des plus grandes perfections
qu’on peut donner à la fortification ; il ne faut
pas moins de temps , de précaution & de travail
pour le rendre maître de ce feul ouvrage, que pour
le front du corps de la place bien baftionné ; &
quand il eft pris, la place demeure en fon entier :
il faut faire de nouvelles attaques contre la place
par le dedans de la gorge, qui eft toujours un lieu
.fort difficile & fort dangereux.
Pour juger de fon mérite par rapport à ceux
qu’on exige fur les courtines , il faut favoir que
pour pouvoir s’en rendre maître , il faut prendre
fon chemin couvert , fa demi-lune, l’ouvrage à
corne avec toutes fes traverfes , & les deux demi-
lunes collatérales , ce qui ne vous mène qu’à un
baftion , que vous êtes après obligé d’attaquer avec
les deux faces avec beaucoup d’incommodjré. Ce- *
pendant tout cela ne produit que l'équivalent d’une
attaque, & voilà cinq pièces à prendre pour y parvenir
, y compris le chemin couvert, fans compter
les retranchements intérieurs de cet ouvrage , qui
peuvent encore donner de loccuparion.
Mais quand un ouvrage à corne eft fitué fur le
milieu d’une courtine, on n’a à prendre que fon
chemin couvert,fa demi-lune , l ’ouvrage à corne
avec fes traverfes, & quelquefois la demi-lune du
corps de la place , qui, pour l’ordinaire, eft petite
& de peu de défenfe , par les fupériorités que l’é-
lévavion du rempart prend fur elle ; tout cela ne
fait que quatre pièces à prendre : cependant la prife
de cet ouvrage.vous mène aux deux baftions collateraux
avec bien plus de commodités , que la
première corne ne, fait à un feul baftion.
D ’où il fuit que les ouvrages à corne placés fur
les capitales prolongées de baftion, font en tout
préférables à ceux qui font fur les courtines, ce
qui pratique auffi préfentement, autant que le
terrein le peut permettre. ■.
Lorsqu’une place fera accompagnée de fembîables
pièces , on fera bien d’éviter , autant que l’on
pourra , de l’attaquer par-là ; mais lotfque l’on fera
. obligé de le faire, il faut s’y prendre comme au
corps de la place, & y employer les tranchées ,
places d’armes , cavaliérs , batteries à ricochets ,
de même que par-tout ailleurs.
Comme cette attaque h’a rien que de femblable
aux attaques que nous avons déjà inftruites, non
I plus que les defeentes & partages de foffé, nous
A as