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des rations où il y a du foin fans avoine , d autres
où il y a de l’avoine fans foin, d’autres enfin ou
il n’y a ni foin ni avoine ; en cela même elles fe-
roient irréduêlibles en rations de cavalerie comp.o-
fées de foin & d’avoine. Il eft donc indifpenfable
de partir/d’un autre principe; c’eft celui de déterminer
à chaque nature de denrée une quantité qur,
par elle-même, puiffe repréfenter un équivalent a
la ration complette de cavalerie, & fans qu’il y
ait rien d’abfolument fixe à cet égard. MM. les
intendans fe réfervent à rendre , fur cet objet, des
ordonnances fondées fur les appréciations particulières
qu’ils donnent à chaque denré.e lefquelles
varient néceffairenvent félon les lieux & les cir-
çonftances ; cependant allez volontiers ces fixations
fe déterminent fur les principes fuivants ».
« Trente-fix livres de foin fans avoine ni grains
repréfentent la ration de cavalerie ».
« Soixante livres de paille, id. ». ;
u Trois quarts du boiffeau d’avoine , id.n
a Un boiffeau de bled , feigle,, orge , id, »
« Une gerbe du poids de trente livres , non battue
, id. » ;
« C ’eft ce que l’on appelle réduire en rations
complexes ». A .r, ,
« Or , à l’aide de ces principes , il elt aile de
conftater au jufte la livraifon faite à ce compte des
cent mille rations fuppofées avoir été demandées
au comté de N. ». -
Quelque long que foit cet article, m ne le it
cependant point affez, nous en convenons , pour
donner aux perfonnes qui fe font vouées à 1 ad-
miniftration des fubfijlances militaires , toutes les
connoiffances qui peuvent leur être néceflaires ,
més nous croyons qu’il peut fuffire à 1 inltruttion
de touts les gens de guerre, & même à celle des
généraux d’armée. ., . ,
Ce que nous avons extrait ou copie du traite
manufcrit fur les fubfijlances militaires , doit donner
à nos leâeurs une opinion très avantageufe de
la perfonne qui l’a compofé , & leur faire vivement
délirer quelle fe réfol ve à le faire imprimer.
La lumière que l’impreffion de ce manufcrit jettera
fur les fubfijlances militaires , en rendra , fi nous
fommes jamais affez malheureux pour avoir la
guerre , l’adminiftration moins obfcure , & par
conféquent plus aifée. ( C. ) • '
SUISSES. Les Suiffes , depuis longtemps , font
une partie çonfidérable des armées Françoifes.
Dans la guerre qui finit par le traité de Riswik ,..il
y en avoit trente-deux mille au fervice du roi.
Avant le règne de Charles V I I , il n y eut nul
commerce entre les François & lés Suiffes, & à
peine les deux nations fe connoiffoient-ejles l’une
f autre. La première connoiffance fe fit 1 epee a la
main l’an 1444, pendant une trêve qui fut alors
çonclue entre la France & l’Angleterre pour un an.
' Charles VII qui avoit alors beaucoup de troupes
fur pied , & peu d’argent pour les foudoyer , étoit
folliçité depuis quelque temps par Sigifmond, duc |
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d’Autriche, de le fecourir contré les Suiffes , &
en même-temps par René d’Anjou, roi de Sicile ,
& le duc de Lorraine , de l’aider à foumettre la
ville de Metz , qui s’étoit foulevée contre lui. Le
roi prit cette occafioh d’entretenir fes troupes
fans qu’il lui en coûtât beaucoup ; il conduifit lui- I
même la plus grande partie de fon armée au liège
de Metz, & donna le refte au dauphin , qui fut
depuis LouisXI, pour marcher contre les^ Suiffes.
Le dauphin prit, entre Strasbourg & Bâle , plu-
fieurs fortereffes dont les Suiffes s’étoient emparés
, & enfuite il les défit entre trois ou quatre
rencontrés , où néanmoins il demeura d accord de
la valeur de cette nation, dont il n’avait d’abord
regardé les troupes que comme des pays ramaffés.
Il fut cinq mois dans ces quartiers-là ; on propofa I
un accommodement entre le duc d Autriche & les |
Suiffes , & à cette occafion le dauphin eut une
conférence avec les députes de p'lufieurs des cantons.‘
On figna un traité par lequel les deux nations
fe promirent une amitié réciproque , 8c d en-‘
tfetenirun libre commerce l’une avec 1 autre. C eft |
le premier traité qui ait été fait entre les François
& les Suiffes. Il fut paffé à Enfisheim, le 28 d’octobre
de l ’an 1444. Ce traité fut renouvellé par
1. le même roi en 1453 , & par Louis ,XI en 1463 ,
! deux ans après fon avenement a la couronne.
Les Suiffes n’obfervèrent pas exaâement ce
s traité ; car en 1465 , durant la guerre du bien-pu-
blic , il fe trouva cinq cents Suiffes dans le camp
d§î princes & feigneurs confédérés & révoltés
contre Louis XI. • .
Ce fut la première fois que les Suiffes virent la
France ; c’eft poürquoi le roi,, qui connoiffoit la
valeur de ee'tte nation, voulut fe l’attacher plus
étroitement, & en 1470 il fe fit 11 n autre traité
entre lui & les cantons , par lequel ils s’obligeoient I
réciproquement a ne point donner de fecours a
Charles, duc de Bourgogne , les Suiffes contre la
France , & le roi contre les cantons.
Quatre ou cinq ans après, en 1475 , il fe fit
un traité de ligue défenfive entre les deux nations
contre le duc de Bourgogne ,& dans lequel, outre
cela , il fut.dit que le roi en témoignage de fa charité
envers les cantons, leur donneroit touts les
ans la fomme de vingt mille francs, que les Suiffes
jouiroient en France de toutes les franchifes , immunités
& privilèges defquels les fujets du foi
jouiffent ; & que quand il le voudroit, il leveroit
des foldats enSuiffeà certaines conditions ; il ne
fe fervit du droit que lui donnoit cet article , que
fur la fin de fon règne , lorfqu’ayant cafte la milice
des francs-archers, il prit fix mille Suifles à fa
folde pour remplacer cette infanterie Françoife
. qu’il venoit de fupprimer.
Ces traités furent renouvellés entre les. Sûmes
& Charles V I I I , dès qu’il fut monté fur le trône ;
ils fervirent ce prince très utilement dans fon expédition
de Naples, & firent paroître leur zèle pour
fa gloire & pour fa perfonne , principalement en
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deux rencontres ; la première fut à fon retour en
France , lorfque ce prince ne pouvant imaginer
aucun moyen de tranfporter fon canon par l’Ap- ;
pcnnin , ils s’offrirent à le traîner dans les endroits
où les chevaux ne pourroient pas le faire, & en
vinrent à bout..
L’autre fut à A te lle , dans la Bafilicate , au
royaume de Naples, où le comte de Montpenfier,
que le roi avoit laiffé pour gouverner ce royaume ,
fe laiffa envelopper par Ferdinand d’Arragon &
par Gon fa lve de Cordoue, général des Efpagnols.
Les Lan fquenets abandonnèrent le comte de Montpenfier
, & prirent parti dans l’armée ennemie ; les
Suiffes demeurèrent fidelles ; & même après la
capitulation , ils refufèrent les offres que Ferdinand
leur fit, s’ils vouloient prendre parti dans fon armée
; ils ne fe féparèrent jamais du prince ; & les
maladies.s’étant mifes dans fes troupes ,1a plupart
des Suiffes en moururent, & de treize cents qu’ils
étoient, il n’en revint pas trois cents.
Louis XII étant parvenu à la couronne , ne
manqua pas de renouveller l’alliance avec les
.Suiffes ; ce renouvellement fe fit à Lucerne le 16
mars de l’an 1499 , qui étoit l’an 1500 , félon le
ftyle d’aujourd’hui ; il y eut depuis des brouilleries
entre les deux nations , & enfin une ruptute entière
durant les dernières années de Louis XII.
L’animofité des Suiffes contre la France ne finit
point avec le règne de Louis XII. François I e r ,
fon fucceffeur, 11e put les regagner ; ils s’oppo-
fèrent à fon paffage en Italie, il fut contraint de
les combattre à Marignan, où il les défit avec un
très grand carnage.
La conquête du duché de Milan , dont cette victoire
fut fuivie la grande perte que les Suiffes,
fouffrirent en cette journée, les firent rétablir entre
les deux nations l’année fuivante , c’eft-à-dire en
l’an 1516. Il fe fit encore d’autres traités fous le
règne de François Ier, & depuis ce temps-là juf-
qu’au règne préfent, les alliances ont été renou-
veliées avec les Suiffes par les fucceffeurs de François
Ier, & les pénfions augmentées.
Dans les traités que Henri II fit-avec eux, il fut
fpé’cifié que quand le roi feroit des levées en
Suiffe , elles ne feroient pas moindres que de fix
mille hommes,ni plus grandes que de feize mille,
excepté fi le roi alloit lui-même à la tête des troupes
; car en ce cas il lui feroit permis d’en lever
.autant qu’il voudroit. La reftri&ion de la préfence
perfonnelle du roi à l’armée pour avoir droit de
lever des foldats dans les cantons jufqu’au nombre
qu’il jugeroit à propos, a depuis été ôtée par l’article
fixième du traité de 1658. ( D a n . mil. franc. )
SURPRISE; Attaque imprévue.
Une maxime générale eft d’entreprendre toujours
avec fecret, avec une connoiffance parfaite
de l’entreprife méditée , de la diligence dans la
marche 3 de la vivacité J dans l’exécution , & de
beaucoup de prévoyance dans la'retraite.
Lé fecret doit être gardé avec foin, même à l’é-
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gard de fes propres troupes, de peur qu’il ne foin
révélé à l’ennemi par quelque déferteur.
Il doit auflî.être couvert par quelque démonftra-
tion qui, en cas qu’elle parvienne à la connoiffance
de 1 ennemi, détourne fon attention du vé-
-ritable projet, & la lui faffe porter fur un objet
différent de celui qu’on veut exécuter.
On doit avoir une exaéïe connoiffance du pays
qui conduit à l’objet de l’entreprife ; de fa fitua-
tion ; de fa force naturelle ; de celle des troupes
ennemies fur lefquelles on veut entreprendre, de
leur négligence ou précaution à fe garder , & de la
proteéhon qu’elles peuvent recevoir , foit par le
voifinage de l’armée , foit par celui des places ou
quartiers voifins , parce que de toutes ces.connoif-■
lances dépend la réuflite du projet.
La marche vers l’objet de l’entreprife doit être
faite avec un grand fecret & beaucoup de diligence
, & fon prétexte couvert de quelque deffein
apparent.
L’exécution doit être faite avec vivacité & fans
confufion , de manière que chaque commandant
d’un corps ou d’un détachement foit, en arrivant ,
conduit précifément au lieu par où il doit attaquer,
& inftruit de ce qu’il faut qu’il faffe , foit que l’on
réuffiffe dans Pentreprife , foit que le fuccès en
foit malheureux par quelque accident imprévu.
La retraite, foit que l ’on- réufiâffe , foit que l’on
ait manqué l’entreprife , doit aufii être faite avec
toutes les précautions requifes que je ne puis pref-,
crire ic i , parce qu’elle dépend de trop de circoni-
tances différentes, & qu’il eft à préfuppofer qu'un
homme qui Te trouve chargé d’une entreprife , a
été jugé capable de la bien conduire.
Le général doué d’un efprit v if , cherche continuellement
les moyens de multiplier les petits
avantages fur fon ennemi , parce que par-là il fe
prépare à réuffir dans un grand événement. 11
forme des pratiques fecrettes contre les places &
armées ennemies ; il furprend , s’il peut, une place,
un gros quartier , un convoi, un fourrage, un paffage
, une garde, une colonne de bagages , une
armée même entière, foit dans fa marche, foit
dans fon camp.
Par les pratiques fecrettes qu’il a dans une place ,
il fait la force de fa garnifon, fon exaélitude ou fa
négligence à fe garder , l’état de fes magafins de
guerre & de bouche, & le cara&ère d’efprit de
ceux qui y commandent ; fur toutes ces connoiffances
, il forme fon entreprife, & n’oublie rien de
tout ce qui peut la rendre heureiife.
Par celle qu’il a dans les armées, il en connoît le
véritable état ; le nombre & la qualité des troupes
& de l’artillerie ; fon "abondance pour les vivres &
les fourrages ; fes précautions dans fes marches,
dans fes campements, dans fes convois , dans fes
^fourrages & dans fa garde ; fur toutes ces connoiffances,
il forme fon deffein pour entreprendre ce
qui lui paroît lé plus aifé à exécuter ; 8c il réuflu ,
quand il a les talents donc je yiéns de parler.