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plus grande dlftatïce ; autrement , ajoüté-t-il, fi
l ’ennemi venoit fondre à l’improvifte fur une partie
de l’armée , le combat feroit fini avant que les
généraux fuffent arrivés pour commander» Il en
apporte un exemple arrivé de fon temps au camp
de la Garde. Cet événement, auquel on ne feroit
point expofé , fi les généraux campoient à la queue
des troupes , pourroit arriver affez fouvent, fi l’on
avoit en tête des généraux entreprenants , & lavants
dans l’art de rufer & de furprendre.
Lorfqu’il fe trouve des villages dans l’intervalle
des lignes , c’eft dans ce cas que les généraux
peuvent s’y loger fans inconvénient. Il eft vraisemblable
que l’occafion s’étant préfentée plufieurs
Sois de les loger ainfi , les commodités qu’on a
trouvées dans ces logements en ont infenfible-
ment établi l ’ufage ; mais comme on ne doit pas
chercher les mêmes aifances à la guerre que dans
le féjour des villes , il paroît qu’on devroit facri-
fier fans peine l’agrément de loger dans des mai-
ions , aux avantages qui en réfulteroient pour le
Service , de camper, comme le font toutes les
troupes & les officiers particuliers. Les officiers généraux
dans les armées du roi de Prude, ne font
point logés dans les maifons, à moins qu’ils ne
Soient incommodés. Le camp du roi efi au centre
entre les deux lignes. Là campent aufli les officiers
de l’état-major de l’armée. Les felds-maré-
chaux & les généraux , foit d’infanterie ou de cavalerie
, campent félon l’ordre qu’ils ont dans
l ’ordre de bataille ; mais les lieutenans & les majors
généraux campent derrière leurs brigades.
On ne peut douter qu’un-des principaux devoirs
des généraux, ne foit de donner l’exemple aux
troupes de toutes les fatigues militaires. Telle étoit
au moins la pratique des anciens. Ils n’exigeoient
rien du foldat qu’ils ne le fiflent eux-mêmes. Ils
étoient bien aifes qu’il vît que leur nourriture étoit
fouvent aufli frugale que la fienne ; qu’ils cou-
choient également fur la dure, expofés de même
aux intempéries de l’air & des faifonsi Rien n’é-
toit plus propre à l’encourager, à lui faire fouffrir
patiemment la faim, la fo if, les travaux pénibles
du camp , & la longueur des marches dans les
chemins difficiles. Pour fe mettre en état de fou-
tenir cette vie dure ou militaire , les anciens s’ap-
pliquoient, dans le fein même de la paix, à rendre
leurs corps forts & robufles par les exercices les
plus fatigants. Il ar ri voit de*là que la guerre les
trouvoit préparés à foutenir les veilles & les travaux
qui en font inféparables, fans que leur corps
en fouffrît prefque aucune impreflion. Voyeç Exercice.
Les quartiers de cantonnement ne font autre chofe
que les différents lieux , comme petites v illes,
bourgs & villages, à portée les uns des autres ,
dans lefquels on partage l’armée ; on en ufe ainfi
pour la faire fubfifter plus facilement, & la mettre
à l’abri des rigueurs du froid , foit au commencement
d’une campagne , en attendant que la terre
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puiffe fournir du fourrage, foit à la fin î pour ga2
rantir les troupes de l’intempérie de la faifon
lorfqu’on a affaire à un ennemi qui fe tient affem-
blé fans prendre fes quartiers.
Les quartiers de fourrage font des efpèces de quartiers
de cantonnement , où l’on met les troupes
lorfqu’elles ne peuvent pas fubfifter enfemble au
commencement ou à la fin de la campagne , à
caufe de la difette de fourrage.
Les quartiers d’hiver font les lieux differents
qu’une armée occupe pendant l’hiver , où les
troupes doivent trouver le repos , les commodités
& les fubfiftances néceflaires pour fe rétablir des
fatigues de la campagne, & fe mettre en état d’ea
recommencer une nouvelle.
Enfin les quartiers, des troupes dans les places
font celles qui leur font affignées pour garnifon.
Voye^ G a r n is o n .
Lprfque les armées font nombreufes , on eft
obligé, pour la commodité des fubfiftances, de
les féparer en plufieurs parties quand la.faifon devient
fâcheufe , & de les établir en différents lieux
qui forment autant de quartiers. Ils doivent être
difpofés de manière qu’ils mettent le pays en fureté,
& qu’ils fe foutiennent réciproquement.
Chaque général d’armée fait enforte d’être le
dernier à prendre fes quartiers, parce que celui
qui tient plus longtemps la campagne peut trouver
l’occafion de tenter quelque emreprife fur fon ennemi.
On peut encore différer de prendre fes quartiers
parTune autre confidération ; c’eft lorfque les
troupes qu’on commande font plus propres à foutenir
les rigueurs & les incommodités de la faifon
que celles de l’ennemi. En l’obligeant de tenir fon
armée enfemble, malgré l’intempérie du temps,
on lui fait perdre beaucoup de monde par les maladies
qui en réfultent , tandis que les foldats
qu’on a fous fes ordres étant plus robufles & plus
accoutumés à fouffrir les injures de l’air ,' ne s’en
reffentent prefque point.
Lorfque de part & d’autre les troupes font nées
à-peu-près fous le même climat , comme dans ce
cas elles fouffriroient également du froid , on prend
ordinairement des deux côtés , vers la fin du mois
d’oélobre, ou lorfque les fourrages commencent à
manquer , le parti de fe retirer pour prendre chacun
fes quartiers.
L’armée devant trouver dans les quartiers le repos
dont elle a befoin , on les choifit de manière
que les troupes ne foient point obligées d’être toujours
fous les armes pour fe garantir des entre-
prifes de l’ennemi; il faut d’ailleurs qu’ils foient
affez fûrs pour qu’une petite partie des troupes fuf-
fife pour les garder, & qu’ils couvrent le pays
que l’on veut conferver.
Une bonne difpofition à cet égard demande
beaucoup d’intelligence & de connoiflances dans
celui qui la dirige:; il faut qu’il foit parfaitement
înftruir de tout ce qui concerne le pays ; qu’il ait
égard aux circonftances dans lefquelles l’armée
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«eût fe trouver ; qu’il ait attention au plus ou
moins d’afleflion des habitants, aux forces de l’en-
nemi, au caraéière du général qu’il a en tête , à la
nature de fes troupes , & enfin qu’il juge de touts
les événements qui peuvent arriver , pour tâcher
de les prévenir par la fageffe de les difpofitions.
On ne peut, fur ce fiijet, donner que des règles
très générales ; mais le génie & la fcience de la
guerre doivent y fuppléer. Voici celles que pref-
crit Momécuehlli. ‘ _
11 faut, félon ce célèbre général, fortifier un
camp pour tenir les troupes en fureté auprès de
quelque grande ville marchande, ou de quelque
rivière , afin de couvrir le pays ; ou bien il faut,
& c’eft l’ufage le plus ordinaire ,les diftribuer par
groffes troupes dans les lieux ferrés & voifins ,
afin que les quartiers puiffent fe foutenir les uns
les autres.
On doit encore, ajoute ce grand capitaine, couvrir
le voifinage des quartiers par des forts , des
rivières | des montagnes , des paffages ©il l’on met
des gardes de cavalerie , tant pour avertir quand
l’ennemi vient, que pour empêcher qu il ne puiffe
faire des courfes avec de petits partis , ou pour
lui couper les vivres derrière & harceler fon arrière
garde s’il entreprenoit de paffer en grand
corps. Il faut aufli ferrer les vivres des environs
dans des lieux fermés.
L’évidence de ces principes eft manifefte. Ce
font à-peu-près les mêmes que ceux que M. le
maréchal de Puyfégur donne dans fon livre de
l'Art de la guerre. Il y ajoute feulement, i°. qu’il
faut choifir un lieu dont l’afiiette puiffe etre avan-
tageufe pour he champ de bataille ou les troupes
doivent fe rendre au premier fignal.
Et 2°. que ce champ de bataille foit placé de
manière que toutes les troupes puiffent s’y rendre
longtemps avant l’ennemi. Il s’agit, pour cet effet,
de’ calculer le temps néceffaire aux troupes des
quartiers les plus éloignés, & d’examiner s’il eft
plus court que celui que l’ennemi doit employer
pour s’y tranfporter ; joignant à cette attention des
patrouilles ou de petits partis qui rodent continuellement
du coté de l’ennemi pour éclairer fes
démarches ; beaucoup d’exaélitude dans le fer-
vice , & fur-tout des efpions furs & fidelles, on
fe met par-là à l’abri des furprifes.
Les quartiers peuvent être pris dans le pays ennemi
ou fur la frontière de celui dont on eft maître,
& dans les provinces voifines. Leur difpofition
dans le premier cas exige encore plus de précautions
que dans le fécond.
Il eft effentiel d’avoir vers le centre des quartiers
une efpèce de place forte, capable de protéger
, comme le dit Montécuculi, le champ de bataille
, & de donner même une retraite aux troupes
dans la circonftance d’un événement malheureux.
Cette place doit renfermer les principaux maga-
fins, de l’armée & les gros équipages de l’artillerie.
Comme on ne- trouve pas dans touts les pays des
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places en état de défenfe, le premier devoir du
général qui règle les quartiers , eft d’en former une
de cette efpèce ; le travail néceffaire pour*' cet effet
, n’eftlii long ni difpendieux , on en donne une
idée dans le troifième volume des Eléments de I s .
guerre desfi'eges , fécondé édition.
Une place , quelque mauvaife qu’elle fo it , étant
réparée avec quelques foins, peut braver les efforts
de l’ennemi pendant un temps confidérable ,
fur-tout dans la faifon de l’hiver, où le mauvais
temps empêche le tranfport des groffes pièces de
batterie , ou fi la terre eft gelée, elle fe refufe entièrement
aux travaux des approches. On dira
peut-être qu’il ÿ a des exemples de plufieurs places
de cette nature qui ont été attaquées & prifes pendant
l’iiiver; mais nous répondrons à cela que fi
ceux qui étoient dans ces places avoient été vigi-
lans & habiles dans la défenfe, l’événement aw-
roit été vraisemblablement différent ; car ce ne
font ni les murailles , ni en général les fortifications
qui défendent les places , mais les hommes
qui font dedans. Il faut joindre à la bonté des places
j le génie, l’intelligence & la bravoure de leurs dc-
fenfeurs , fans quoi il y a peu de fecours à at-,
tendre des meilleures fortifications.
Indépendamment de la place d’armes ou du
lieu d’affemblée pour les quartiers en cas de befoin
, il faut occuper & même mettre en état de
défenfe touts les principaux endroits les plus près
de l’ennemi, & touts ceux qui pourroient lui fer-
vir d’entrée pour pénétrer dans l’intérieur des
quartiers ; cet objet mérite toute l’attention des officiers
qui ont le commandement de ces différents
poftes.
On n’eft jamais furpris à la guerre que par fa
faute; perfonne ne doute de cette vérité ; mais on
croit fouvent éluder le blâme qui en réfulte, en
prétendant qu’un officier fur lequel on f e , repo-
foit n’a point fait fon devoir. Cette exeufe paroît
affez foible ; car comme les chefs doivent con-
noître le mérite des officiers qui font fous leur
commandement, ils ne doivent jamais leur confier
des emplois au-deffus de leur portée; s’ils fe
trompent à cet égard , on ne peut s’en prendre
qu’à leur peu de difeernement, & par conféquent
il eft affez jufte qu’ils partagent une partie de la
, faute qu’ils ont donné lieu de faire ; c’eft le moyen
de les empêcher de donner le commandement des
poftes importants àTamitié ou à la follicitation. Au
refte , lin officier qui commande dans un pofte
qu’il eft abfolument effentiel de conferver, doit
avoir ordre de s’y défendre jufqu’à la dernière
extrémité; il ne doit capituler ou l’abandonner que
fur des ordres formels & par écrit du général.
C ’eft en fortifiant fes quartiers que Cæfar fut
mettre les fiens en état de fe foutenir contre Ten-
nemi dans les Gaules. On voit dans fes commentaires
( liv. V ) , qu’après fa fécondé expédition
d’Angleterre, il fu t, contre fa coutume ordinaire ,
contraint de les difpcrfcr en différentes provinces