
40(5 P L A
quoique ce bord foit coatreminé 8c lefc minés
prêtes, il ne faudra pas fe preffer de les faire jouer,
parce que le refpeét qu’elles imp©feront pourra
iervir à modérer l’ardeur des affiégeants ^ qui, d’ail*
leurs , feront rebutés ou bien près de l’être , puifque
rien ne ralentit tant l’ardeur du foldat que le dépit
d’être obligé de recommencer un travail qu’il
croyoit fini, 8c d’attaquer de nouveau une place
q u i, félon la coutume, de'vroit être prife.
En effet, fi , comme je l’aï déjà dit, les batteries
ennemies font détruites , les logements dans le
foffé rafés , les ennemis chaffés de la brèche qui
fera réparée, enfin fi le gouverneur ne manque ni
d’habileté , ni de valeur, il faut que l’ennemi lève
le fiège, ou qu’il recommence fur de nouveaux
frais , d’attaquer le corps de la place. On peut encore
allonger la défenfe, foit en attaquant la demi-
lune 8c la gardant, après y avoir ruiné , par’ les
mines , les logements des ennemis , foit en faifant
au pied de la brèche un fourneau, pour en boule-
verfer les décombres, 8c la rendre moins prati-
quable.
Les ennemis ayant furmonté touts les obftacles,
& obligé le gouverneur à quitter le baftion & fon
retranchement , il doit fe retirer dans les autres'
retranchements qu’il aura fait de nouveau au-de-
dans de la place. L ’ennemi fera contraint de les
prendre par tranchée, par logement, par galerie
dans le foffé, après en avoir fait la defcente par
fape , par fourneaux , par mines , 8c enfin par af-
faut, auffi bien que les retranchements qui pourront
être derrière ce premier. Ainfi l’ennemi, au
lieu d’un fiège ou d’une attaque^ fera obligé d’en
faire plufieurs , après quoi le gouverneur n’ayant
plus de terre in pour fe retrancher, 8c ayant détruit
touts les retranchements qu’il aura été contraint
d’abandonner, il pourra alors confentir ,
avec honneur, à une capitulation qui ne peut être
que glorieufe pour lui & pour les troupes qui auront
été fou« fes ordres, p,uifqu’il n’abandonne aux
ennemis qu’une place démolie, dont les ruines fer-
virent de monument à fa gloire,
Remarque fur P établijfe ment des affligeants au haut
de la brèche,
On ne doit pas douter, fitôt que l’ennemi aura"
gagné le haut des brèches, 8c qu’il aura affez d’éta-
bliffement pour pouvoir s’étendre à droite 8c à j
gauche, qu’il ne le faffe peu à peu , tant pour |
gagner du terr.ein 8c fe rendre bien le maître des
battions $ que pour s’approcher & occuper les
flancs , où fi on ne le laiffe faire , il fe logera dans
l ’épaiffeur des parapets, pour., delà, plonger à revers
le derrière de la tenaille & en chaffer les affié-
gés. En effet, il pourra très bien y réuflïr, s’il
attaque les deux battions à-la-fois ; car s’il ett bien
maître du feu de la place , celui des flancs^, la tenaille
ne recevra plus de proteélion que de la courtine
, laquelle étant foible & aifée à parer, l’en-
P L A
hemî pôufl'a fe faire un chemin dans les ruines
tombées aux pieds des battions, 8c en s’approchant
de la tenaille pour lors abandonnée, fe faire
des pàffages au travers des foffés qui la féparenc
des flancs de la place. Delà , en s'étendant le long
de laberme, il s’y fera un établiffement conûdé-
rable, d’où il paffera aux brèches de la courtine
s’il y en a , à quoi s’attachant, la place fe trouve-
roit fort preffée.
Il n’y a point d’autres remèdes à cela que les fou-
gaffes , fi on s’y prend de bonne heure , finon le
déblai du pied des brèches pendant la nuit, 8c les
flancs bas , s’il y en a dans les battions ; de faire
de fécondés mines, 8c de prendre touts les autres
moyens propofés pour la défenfe des mêmes baf-
tions.
Au rette, cette défenfe ne peut avoir lieu premièrement
, que dans le cas où les deux battions
font occupés par l’ennemi, & après qffil fera logé
fur le haut du rempart, 8c qu’il en aura gagné les
flancs. Secondement, fi l’ennemi ne s’efl attaché
qu’à un baftion, on pourra conferver la moitié de
la tenaille , auquel cas l’affiégeant ne pourra point
profiter de l’autre. Troifièmement, ceci ne peut
arriver que quand l’ennemi fera tellement maître
des battions, qu’il ne lui reftera plus que le retranchement
à forcer.
Je ne dirai rien de plus touchant la défenfe des
demi-lunes féparées des ouvrages à corne , attendu
qu’il n’y a que la même conduite à tenir , les demi-;
lunes devant fe défendre les unes comme les
autres ; il n’y a pas non plus d’autre conduite à te«
nir pour la défenfe des contre-gardes.
Place basse. V o y ë ç Casemate.
PLAN. L’objet de la guerre étant de s’emparer
d’un pays, foit une province , un royaume , ou ,
fi l ’on v eut, une partie du monde, un plan, de
guerre doit être formé fuivanr le principe général
de l’attaque. ( V o y e% A ttaque ). Il confifte à en-
- ceindre le pays attaqué par'le côté où l’on peut
i donner le plus d’entraves aux forees ennemies , 8c
agir contre elles avec toutes les fiennes. Le fuccès
' dépend plus de cette difpofirion des forces qu’on
peut employer, que de leur quantité. Je vais en
citer deux grands exemples. Le premier fera celui
d’Alexandre. Avant lui aucun général n’a connu la
guerre avec un génie auffi vafte. Dans la conquête
de l’A fie , il n’employa fon art qu’avec de grandes
penfées. Il attaqua cette partie de la terre fuivant
les mêmes principes dont l’application particulière *
à l’attaque des places couvrit de gloire Vauban. Sui-
vons-le un moment dans fa conquête. Avant de
paffer la mer, il imprime à la Grèce & à la Moefie
la terreur de fon nom 8c de fes armes, traverfe
l’Heilefpont, paffe le Granique, défait les, Perfies ,
8c les abandonne à leur épouvante, pourfuit le
plan de guerre qu’il avoit formé. Il marche à la
conquête de tomes les villes maritimes', s’empare
d’Ephèfe de Milet, d’Halicarnaffe , de la Lycie ,
de la Pamp.hylie * entre en Cilieie , pays monta-
P L A
.n e « , Oii Darius engage imprudemment fa nom-
breufe cavalerie. Ce monarque ignorait que 1 or
les troupes font des Incréments qui., diriges par
„ne ame forte & un- grand génie ! prbduifent des
miracles; mais q u i, dans les mains dun prince
foible & fans lumières , font une épée qux mains
d’un enfant, avec laquelle il fe blèfle. Alexandre
diffipe , en quelques moments, les troupes ninom-
brabl.es des Per/es. C ’eft ici que le caraétere ôi le
génie militaire de ce prince éclaté le plus Ni le -
clar de deux vifloires, ni l’ardeur de la jeundie ,
ni celle de l’ambition , ne troublent en lui les regards
affurés de l’homme de guerre. 11 voit tuir
devant lui fes ennemis difperfés , ôc ne les fuit pas.
Il faut, auparavant , que fes grandes vues loient
remplies. Il marche à T y r , 8c n’eft rebute ni par
les obftacles que les remparts , 8c les mers 5c les
tempêtes accumulent , ni par une delenle opiniâtre
, prolongée durant fept mois. Maître de cette
place , 8c bientôt de Gaza , il paffe en Egypte , ou
il établit plufieurs gouverneurs , ne croyant pas
qu’il fût fur de confier à un (eul cette grande région.
Voilà donc, par la prife de toutes les villes maritimes
une vafte communication établie entre la
Grèce & l’armée Macédonienne , la flotte des-
Perfes privée de refuge 8c rendue inutile , 8c une
ligne d’attaque embraffant l’Afie depuis la rropon-
tide iufqti’à la mer rouge. Alors Alexandre s a - i
vance au coeur du pays , dans la Moefopotamie ,
défait Darius près cDArbelles, mais ne le pourluit
point- encore. Il falloir s’emparer du cours des
grandes rivières, & s’affurer des plus fortes places.
Babylone & Snfe lui ouvrent leurs portes. Alors
il fuit Darius en Médie, & après la mort de fon
ennemi , paffe en Hyrcanie, afin d établir du
golfe Perfique à la mer Cafpienne , une leconde
figne d’attaque, qui férve d’appui à de nouvelles
conquêtes. . . ,.
Telle fut la hauteur où le génie d’Alexandre s e-
leva dans Part de la guerre , 8c j’ofe dire que
de ce côté il en atteignit les bornes. Avant lui,
quelques généraux avoient entrevu 8c mis en ufage
une partie de ces grands principes ; il les embraffa
d’un coup-d’oeil 8c les appliqua dans toute leur
étendue.
Mais les principes créés parle génie ne font ^
propres qu’au génie; lui feuL peut les appliquer.
Nul général n’a fait ufage de ceux-ci depuis leur
.inventeur jufqu’à Guftave Adolphe. Changeons,
ici feulement les noms , 8c nous allons revoir
Alexandre. .
Guftave s’étoit fait connoître aux Polônois 8c
aux Ruffes par plufieurs viâoires. Il avoit conquis
une partie de la Pruffe 8c de la Livonie. Alors le
Danemark & la Suède, attaqués plufieurs fois par
l’Empereur, craignoient encore de l’être. La conf-
ticution de l’Empire 8c la liberté de l’Allemagne
étoient menacées, fes princes tremblants, fes électeurs
éperdus, fes provinces ravagées ; tout plioit
fous une puiffance formidable. Guftave feul ofa
P L À _ 40 7
former le projet de la mettre bas. Ce jeune roi
fort de fes ports à la tête de quinze mille hommes.
11 va braver des armées nombreufes, conduites par
des généraux expérimentés, 8c jufques-là toujours
viàorieux. Mais fon génie ett plus puiffant que les
Tilly 8c les Wallenftein , 8c les deux cents mille
foldats de l’oppreffeur de l’Empire. Stralfùnd lui
ett affuré par la prife de l ’ifle de Rugen , 1 embouchure
de l’Oder par celle de l’ifle d’Ufedom ;
Stettin lui ouvre fes portes. La prife des places
fituées fur l’Oder depuis Francfort jufqu’à la mer ,
8c celle de Francfort même , lui frayent une route
dans le pays ennemi ;vcelle des villes de la mer
Baltique aflùrent fa communication avec la Suède*
Les armées ennemies ne peuvent arrêter fes fuccès
, ni les rigueurs de l’hiver fufpendre fes opé-
; rations. Mais, avant de s’avancer, il veut avoir
| établi le long du rivage fa première ligne d’at-
j taque , en chaffant les Impériaux de tout le Mec-
klembourg. Jufques-là il avoit agi avec prudence
8c lenteur en fe tenant fur la défenfive ; 8c tandis
que les cruautés de l’armée Impériale 8c de fon
général leur faifoient autant d’ennemis que les
pays qu’ils ravageoient avoient d’habitants , Guftave
8c fes Suédois fe faifoient chérir , refpe&er ,
bénir , comme libérateur ; chacun les fecondoii
8c s’en faifoit gloire , 8c cette armée augmentai
t fans ceffe. Alors les éleéleurs de Saxe 8c de
Brandebourg, le landgrave deHeffe, les ducs de
Poméranie 8c de Mecklembourg fe déclarent pour
le roi de Suède, 8c Guftave donne l’effor à foii
génie 8c à fon courage , cherche Tilly à Léipfick ,
8c défait ce général orgueilleux , qui fe vantoit
de n’avoir jamais perdu de bataille. Ici le moderne
Alexandre ne marcha point à Darius. Plufieurs
hommes incapables , quoique très éclairés , de
concevoir les vues de c.e grand homme , ont ofé
lui reprocher de n’avoir point ufé de fa viâoire.
Mais fon génie fupérieur embraffoit un objet plus
vatte, 8c n’avançoit vers lui qu’à pas certains. Ce
. n’étoit ni une armée, ni une capitale, ni un prince
ennemi qu’il venoit combattre , mais un empire
entier qu’il attaquoit 8c voulo.it enceindre. Guftave
continue fa ligne par la Thuringe 8c la Fran-
conie , jufqu’à Francfort 8c Mayence, dont il fè
rend maître. C ’eft ainfi que pour attaquer les états
! de l’empereur, il établit une fécondé ligne depuis
! la Viftule jufqu’au Rhin , appuyée de part 8c
d’autre à fes deux alliés , la Pologne 8c la France.
Dès qu’il a rempli ces vues profondes , il dirige fa
marche vers la capitale , paffe le Léech devant
Tilly 8c les Bavarois , qu’il défait , prend Auf-
bourg, Munich, 8c tandis que les Saxons entrent
en Silefie à la gauche de l’attaque 8c que des
troupes Françoifes 8cr Suédoises pénètrent dans
l’Alface à la droite, le roi de Suède occupant le
centre, revient au fecours de Nuremberg , menacé
par toutes les forces de l’Empire ; pourfuit
Wallenftein dans la Saxe , 8c l’atteint aux plaines
de Lutzen, terme fatal de fes fuccès. L’Europe en