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fécondé guerre , obtint l'ovation , ainfi que M.
Craflus , aprè^avoir défait Spartacus. Celui-ci dédaigna
la couronne de mirthe , & obtint un féna-
tus-confulte , qui lui permit de triompher couronné
de laurier. Vers la fin de la république , on
changea l’ufage de ne paroître qu'à pied dans l’ovation.
Tibère , Drufus , Augufte , Antoine ,
Cæfar entrèrent à cheval dans Rome. ( Dio. FLor.
de R. 698 , av. J. C. 155. Cicer. de O rat or e. I. I l ,
de R. ç 5 3 , av. J. C. 100. Aulug. I. V. P lin. I. X V .
Cicer. in Pifon. de R. 682 , av. J. C. 71 ).
L’hiftoire fait mention d’une troifième efpèce de
pompe qui ne fut ni triomphe ni ovation. Le con-
ful P. Servilius ayant vaincu les Volfques , &
n'ayant point obtenu du fénat les honneurs du
triomphe , entra dans Rome revêtu de la robe
triomphale, couronné de lauriers , précédé par
les liâeurs couronnés de même , accompagné par
le peuple , dont il avoit la faveur , & fe rendit au
capitole , où il s'acquitta envers les Dieux dés
voeux qu’il leur avoit faits ; ce fut le premier pas
du peuple vers le partage du droit, d’accdrder le
triomphe. ( Dionyf. de R. 2 58 , av. J. C. 495 ).
Quelques confuls auxquels cette rècompenje fut
xefufée, s’en attribuèrent une autre. Au lieu de
monter au capitole , ils allèrent au mont Albain ,
fi:ué près de Rome, & au lieu de la couronne que
le triomphateur avoir droit de porter dans les jeux
publics, ils y prirent celle de myrtlie. C. Papirius
Mafo donna le premier exemple de ce triomphe.
Il fut imité par Marcellus après la prife de Syra-
eufe ; par Q . Minutius , qui fournit les Ligures ;
par le préteur C. Cuérécius , qui vainquit les
Corfes ; alors , dit Tite-Live, ce triomphe fans
autorité avoit pafle en ufage. ( L. X LU ,c. 21 , de
R. 581 , av. J. C. 172. Plin. I. XV. Val. Max. /.
I I I .. de R. 522, av. J. C. 251. Aur. ViEl. de vie.
illuftrib. Val. Max. Liv. I. X X V I , c. 2 1 , de R.
56av <2v. /. C. 191. 556, av. J. C. 197).
La pompe du triomphe étoit confacrée par les
cérémonies religieufes ; c’étoit la fête de Rome êc
de fes Dieux tutélaires ; le fénat ordonnoit des
fupplications pendant un ou plufieurs jours, fui-
vant la grandeur & l’importance des viâoires. La
défaite des Veiens & la prife de leur ville caufa
tant de joie au peuple Romain , que le fénat ordonna
, pour la première fois, quatre jours de fupplications
, & que les femmes prévenant le décret,
avoient déjà rempli tours les temples. Lorfqu’on
recevoit en même-temps la nouvelle des deux
viâoires , les fupplications étoient faites pour chacune
féparément. L. ValériusPotitus ayant vaincu
les £ qu.es, les Volsques, M. Horatius Barbatus les
Sabins, le fénat irrité contre ces deux cenfuls , qui
avoient porté plufieurs loix en faveur du peuple,
réunit en un même jour les fupplications ; le peuple
les renouvella le lendemain fans décret & fans
ordre. Les vainqueurs demandèrent le triomphe;
le fénat le refufa. Alors le tribun L. Julius porta
leur demande au peuple, & malgré les repréfenta- ,
RÉC
tions & les plaintes de la plupart des fénateursM
qui difoient que jamais le peuple n’avoit décerné
le triomphe, que le fénat feul avoit ce droit, &
que les rois eux-mêmes n’avoient jamais attenté à
la majefté du premier ordre de l’état , toutes les
tribus reçurent la demande , & ce fut la première
fois que le triomphe fut accordé par le peuple fans
l’autorité du fénat. ( Ziv. /. X l , c. 63, V. 23 , de
R * 3 5 7 > av* J - 6 .1d. I. I I I , c. 5 5 , de R. 304.
av.J.C. 4 4 9 )™
Dans la fuite ces deux ordres le décernèrent en-
ferable ; le diélateur Mamérius Amilios triompha
des Falifques, des Veiens & des Fidénates , par
ordre du peuple ; & fur un fénatus-confulte -, le
.chélateur M. Furius Camillus , des Gaulois , avec
le confentement du fénat & du peuple ; te dictateur
C. Martius Rutilus , des Tofcans „ par ordre
du peuple , fans l’autorité du fénat, parce qu’il
étoit Plébéien , & les premiers de cet ordre qui
fût parvenu à la diéïature ^ les confuls C. Flami-
nius, & P . Furius , par ordre du peuple , après le
refus du fénat. ( Liv. I. IV , c. 20 , de R. 316 , av.
J. C. 437, L. V I , 42 , de R. 386 , av.' J. C. 367.
V I I , 17 , de R. 397 , av. J. C. 336. Zonar. de R,
530 , av. J. C. 223 ).
La pompe des premiers triomphes étoit fimple.
Avant la guerre de Pyrrhus , on n’y avoir vil que
les troupeaux des Volfques & des Sabins , des
chars Gaulois, des armes brifées, des captifs Latins
& Sanlnites, couverts d’habits grolfiers. Dans
le triomphe de M. Curius , qui défit Pyrrhus & les
Samnites , on vit des Macédoniens, des Thefla-
liens, des Moloffes, de l’o r , des Habits de pourpre,
des tableaux , des ftatues & autres produits des
arts & du luxe de Tarente; ce qui attira fur-tout
les regards du peuple , ce furent les éléphants
chargés de tours , qui fuivoienr les vainqueurs la
tête baillée ^comme s'ils euffent connu les malheurs
de la captivité. ( Eutrop. Flor. de R. 478, av.
J. C. 275 ). ' _ .
Les richefles de la Grèce & de l’Afie rendirent
les triomphes plus magnifiques. Dans celui du pro-
conful M. Fulvius , on porta devant fon char cent
douze couronnes d’or , mille quaire-vingt-trois
livres d’argent , deux cents quarante-trois livres
d’o r , cent dix huit mille tetradragmes attiques ,
( 472,000 liv. ) , douze mille quatre cent vingt-
deux philippes d or , deux cent quatre-vingt-cinq
ftatues de bronze, deux cent trente de marbres ,
un grand nombre d’armes , de baliftes, de catapultes,
de machines de toute efpèce, vingt-fept
généraux captifs OEtoliens ou Céphaliens , ou fujet
du roi Antiochus. ( Liv. I. X X X IX , c. 6 & 7 , de
R. 566 , av. J. C. 187).
Le char Cn. Manlius Vulfo, triomphant des Gaulois
d’A fie, fut précédé par deux cents ,couronnes
d’or , pefant chacune douze livres , deux cent
vingt mille livres d’argent, deux mille trois cent
livres d’or , cent vingt-fept mille tetradragmes attiques
( 508,000 liy. ) , deux cent cinquante mille
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ciftophores, feke mille «ois cent vingt philippes
d’or . un erand nombre de dépouillés, & cm-
ouante-deux chefs captifs. Un feul jour ne fut plus
fuffifarit pour un triomphe. Paul Emile , vainqueur
de Perfée, triompha pendant trois jours; dans le
premier, on tranfporta les tableaux & les ftatues;
dans le fécond , les armes & l’argent en fi grande
quantité, que pendant cent vingt - quatre ans ,
jufqu’au confulat d’Aulus Hiftius & de G. Panfa ,
les Romains ne payèrent aucun impôt.-( Liv. I.
X L V , c. 43 , de R: 586, av. J. C. 167. Plutarch.
de R. 586,av. J, C. 16 7). %
Le triomphe de Scipion (Emilien , apres la prile
de Carthage, ne fut pas moins magnifique en
ftatues , en tableaux , en argent, en or 8c autres
dépouilles des nations ; on porta quatre mille
quatre cent foixânte-dix livres d argent. On vit
auflî à celui de L. Mummius, un grand nombre
de tableaux 8c de ftatues de bronze ou de marbre ,
triftes preuves de l’opulence de Corinthe. ( Plin.
I. X X X I I I , de R. 607 , av'J. C. 146. Liv. epitom.
I. I I I , de R. 608. av. J. C. 145 ).
Jules-Cæfar diftingua fes triomphes parles at-
tributs des pays qu’il avoit conquis, lorfqu il
triompha quatre fois pour fes guerres dans ^les
Gaules , dans l'Egypte, dans le Pont-& dans 1 A-
frique. L’appareil du premier triomphe fut orné
de feuillages de citronier; celui du fécond , décaille
; celui du Pont, d’acanthe ; & celui dA-
frique , d’ivoire. ( Velleius , de R. 707 , av. J.
£ 4 6 ) . g I ■
C étoit du tréfor public que l’on tiroit les frais
du triomphe. Le fénat l’ayant refufé au conful
Appius Claudius , qui avoit défait les Gaulois Sa-
lafliens , parce qu’avant fa vi&oire il avoit été défait
par ce peuple, ce général eut 1 audace de
triompher à fes propres frais fans le confentement
du peuple. Un tribun indigné voulut l’arracher de
fon char ; la veftale Claudia , fille du conful,
monta fur le char , èmbrafla fon père , l’accompagna
jufqu’au capitole , 8c contint les tribuns par le
- refpeél de la religion. ( Orof. de R. 610 , av. J. C.
143. Cicer. (Elian. Sueton. Tiber. ).
Mais rien ne flatta autant l’orgueil Romain que
le fpeélacle des rois conduits enchaînes devant le
char du conful, Perfée 8c deux fils devant celui
de Paul Emile ; Rituitus, roi d’Auvergne, couvert
d’or & de pourpre, porté fur un char d’argent
, tel qu’il fut pris dans la bataille que lui livra
Q. Fabius ; Gentius , roi d’Illyrie, fa femme, fes
enfants & fon frère , devant celui de L. Ancius
Gallus ; Jugurtha , devant celui de Jules - Çæfar.
Mais ce même orgueil fut blefle en y voyant une
femme, la reine Arfinoé, devant le char de Cæfar.
( Liv. I. X L V , c. 40 , 43. Ilor. de R. 586 , av. J.
C. 167. 632 , av. J. C. 121. Gruter. de R. 649 , av.
L C. 104. Dio. de R. 707 , av. J. C. 46 )•
Cependant le temps approehoit où Rome de-
voit courber, fous le pouvoir d’un feul, fa tête or-
fitteilleufe. Elle avoit loué la modération de S y lla ,
R É C 4Ji
qui n'avoil pas voulu trîomplier des citoyens vaincus
* elle ne vit pas fans frémiûement Jules-Cæfar
précédé par les images de Caton ,-de Scipion , des
autres citoyens qu’il avoit vaincus , & ettiger le
triomphe pour le conful Q . Maxituus. & le pro-
conful Q . Pédius, qui avoient en Efpagne fur des
Romains quelques toibles avantages. Elle fentit
alors que fon efclavage commençoir i mais trop
foible alors pour brifer fes chaînes »elle eut recours
aux railleries, foible dédommagement pour
fa liberté* Cæfar avoir fait porter dans les triomphes
les images en ivoire des villes conquifes ; dans
celui de Fabius & de Pédius, elles furent en bois.
Cette différence , diélée par la flatterie , excita les
rifées du peuple. Un Romain nommé Chry/ipe, dit
que celles-ci étoient les boites dé celles de Çæfar.
Quintilian. I. V I } .
Peu après le triomphe accordé ou refufé fnivanc
le caprice d’une femme, Lucius Antonius l’ayant
demandé, après avoir fournis quelques petites peuplades
des Alpes, il lui fut refufé tant que Fulvio
s’yop p ofa , accordé unanimement dès qu’elle jr
eut confenti. Elle engagea même le peuple à lui
accorder des couronnes; Sc comme Antoine n’avoit
rien fait qui méritât ces honneurs , on difoit
que fon triomphe étoit celui de Fulvie. ( Dio. de
R . j i i .av.J. C. 41 )•
Cæfar Augufte renouvella l’exemple donné par
Jules Cæfar. Il triompha des citoyens vaincus à la
bataille d’Affium ; il flt plus, il triomphades Gaulois
vaincus par le ptoconfui Cacus Cariffas. D e puis
ce temps les fupplications & les honneurs du
triomphe furent décernés au prince pour les victoires
de fes généraux ; ceux-ci, conlidérés comme
exécuteurs de fes ordres, ne triomphèrent plus
qu'en fon nom; alors on v it , pour la première
fois, un étranger fur le char triomphal. Ce fut L.
Cornélius Balbus , qui, né à Gadés , avoit obtenu
le droit de cité , & qui, parvenu au confulat, avoit
fournis les Garamantes. ( Id. de R. 724 , av. J. C.
la . Plin. I. V , de R. 7 î 3 , av .J.C . 20 ).
La fouveraine puiffance envia bientôt aux particuliers
l’honneur de triompher comme lieutenants.
Agrippa ayant fournis le Bofphore , les fupplica-
tionsr & le triomphe lui furent décernés ; mais
comme il ne rendit au fénat nul compte de fa victoire
, le décret refia fans effet ; cette adulation devint
une loi. (D io .de R. 739, av.J. C. 14).
Les généraux fuivants n’écrivirent, concernant
leurs fuccès, aucunes lettres publiques ; aucun
n’obtint le triomphe; on leur accorda feulement
l’ovation 8t les ornements triomphaux. Lorfqoe
Tibère eut fournis les Pannoniens , le fénat lui
décerna le triomphe ; mais Augufte s y oppofa ,
& ne lui en permit que les ornements. Il les lui
accorda enfuite avec l'ovation, ainfi qu'à Drufus
& à Lucius Pifon. ( Dio. Sueton. De R. 743 > uv. J.
C. 10 ), - ,
Ainfi fut abforbée, par l’éclat du pouvoir fu-
prême , cette magnifique rècompenje , à laquelle
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