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l'ordinaire ou des efpions pour favoir ce qtiî Te i
pafle & pour fomenter la révolte, ou des hommes
qui ne fe tiennent pas dans leur lieu , parce qu’on
y obferve les mêmes formalités , & qu’ils appréhendent
d’être arrêtés.
Qu’aucun ne puifle vendre des armes , de la
poudre, des balles, des pierres à fufil , ni des
mèches , que ceux qui en auront une permiffion
par écrit, fignée des perfonnes que vous nommerez
pour cela dans chaque lieu. Ce privilège par
écrit exprimera la quantité de chacune de ces
chofes qu’on leur permet d’acheter. En ne donnant
cette permiffion qu’à des gens dont on eft affuré ,
il fera difficile que les rebelles qui font en campagne
fe puiffent pourvoir d’armes & de munitions.
Que nulle perlonne , fous quelque prétexte que
ce puiffe être , fourniffe aux révoltés des vivres ,
de l ’argent, des chevaux , des felles , des habits,
ou quelque autre chofe qui ferve à la guerre, ni
leur donnèr des avis , ni ait avec eux le moindre
commerce , quand même ils feroient leurs fils ou
leurs frères. Il eft impoffible , fans toutes ces chofe
s , que des rebelles puiffent fubfifter longtemps
en campagne.
Que chaque lieu foittenu de donner avis à un
tel poffe où il y a de vos troupes , dès que quelque
parti des rebelles entre dans le territoire de ce
lieu , dont les habitants fonderont le tocfin & allumeront
des feux fur des hauteurs défignées à cet;e
fin, pour avertir les peuples du voifinage. Il eft
certain que fi ces peuples fortent armés, ils mettront
en fuite ces peti:s partis qui fe détachent
pour commettre leurs hoftilités 81 leurs vols.
Que touts les habitants des lieux qui ont des
armes ayent à fe défendre contre les rebelles qui
voudroient entrer dans ces mêmes lieux; ( je parle
de ceux qui, par la multitude de leurs habitants ,
par la fituation ou par leurs fortifications, pourront
le faire ). Ces mêmes habitants armés feront
obligés de fortir pour attaquer les petits partis de
rebelles qui entreroient dans leur territoire , &
de marcher au fecours des autres lieux voifins in-
veflis par les révoltés ; & fi ces habitants, voifins
du lieu invefti, ne fe croyant pas a fiez forts , ils
iront occuper les hauteurs & les défilés par où les
rebelles doivent faire retraite , la retarderont, &
avertiront les troupes les plus voifines devenir les
foutenir. Ces habitants néanmoins ne pourront ,
fous quelque prétexte que ce puiffe être , fortir de
leurs lieux fans quelqu’un des officiers de milice
que vous aurez nommés dans chaque lieu. Ces officiers
doivent être d’une fidélité à toute épreuve,
pour retenir les habitants dans leur devoir , & les
empêcher de commettre aucun défordre.
Que les armes des habitants feront remifes dans
le corps - de - garde ; il faut choifir pour cela dans
chaque lieu le pofte de plus de défenfe , comme
feroit par exemple un château , une maifon forte,
©u une églife dont le parvis ou la cour auroit un
bon parapet; foit afin que les rebelles > en furpre-
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nant quelques maifons, n’en emportent pas les
armes ; foit afin que les habitants ne fortent pas
armés fans leurs officiers pour aller commettre
quelque défordre : ce pofte , où feront gardées les
armes , aura toujours une bonne garde d'habitants;
on mettra au long de l’enceinte du lieu les fenti-
nelles nécefiaires pour le garantir d’une furprife, &
quelques autres le jour fur les clochers & les tours
d’où l’on peut découvrir plus loin.Lorfqu’il n’eff pas
facile de pouvoir défendre tout le lieu à caufe de fa
trop grande enceinte, les officiers des milices auront
foin d’en faire retrancher une partie, & on
tranfportera dans ce retranchement les vivres, les
munitions , & tout ce qui pourroit fervir aux ennemis.
On choifira pour ce retranchement un endroit
élevé , afin qu’il ne foit pas dominé des autres maifons
; on ouvrira un foffé fur toutes les avenues ,
& on y conftruira un parapet avec fa palifîade,
o u , ce qui vaut beaucoup mieux, une muraille
avec des embrafures , en tâchant, par de petits ouvrages
de terre , de flanquer les poftes qui en ont
plus de befoin.
Que dans aucune maifon , ou autre endroit, il
ne fe tienne aucune affemblée fecrette, & que
l’habitant qui faura où il y en a quelqu une , 8c
n’,en donnera pas avis fur le champ, fera traité
comme rebelle , quand même il n’y auroit pas
affifté. . . . .
Que les habitants d’un lieu répondront d un vol
ou d’un meurtre fait dans retendue de leur territoire
; alors ces habitants que je fuppofe attachés
intérieurement aux révoltés, les prieront de né
pas venir fur leurs terres commettre des infultes
qu’ils doivent payer. Par un pareil ordre M. le duc
d’Orléans empêcha les Mi que! et s de faire plufieurs
vols pendant la pénultième guerre de Catalogne ;
enforte que ces Miquçdets furent contraints daller
voler fur les chemins du territoire d’un lieu fort attaché
au ro i, appelé Pincil. Mais on peut encore
empêcher ces vols, foit en poftant des troupes
clans ,ces endroits , comme M. le duc d’Orléans fit
enfuite dans ce même territoire de Pincil, foit en
ordonnant que les peuples les plus voifins feront
refponfables de touts les vols commis par les rebelles
dans le territoire de tel & tel lieu , dans la
fuppofnion que ces peuples plus voifins font intérieurement
portés pour les rebelles.
11 peut pourtant y avoir en cela un inconvénient*
qui eft que les habitants d’un lieu fidelle au prince
iront en fecret faire des vols fur leur^propre territoire
, dans l’affurance où ils font qu’on en rendra
refponfable les peuples de la même contrée les
plus voifins ; à quoi il eft néceflaire que le juge ou
le commandant de ce lieu affeâionne au fouverain
ait beaucoup d’attention , & qu’il obferve avec
foin routes les démarches des habitants.
Que les lieux répondront de la v ie , de la h“
berté & des biens des juges, des commandants Si
des officiers de milice que vous leur aurez donnes,
f i , par la malice ou la négligence des habitants ■>
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ils font pillés, pris ou tués- par les rebelle*, Il faut
choifir toutes ces- perfonnes dont je viens de parler,
parmi les fujets les plus fidelles du pays &
qui ont le plus de mérite. Ce dernier réglement eft
d’autant plus néceflaire , que fans cela ces perfonnes
fe verroienr dans peu abandonnées par les
habitants , ou expofées au danger de périr.
On trouve dans l’hiftoire du Fanatifme renouvelle
y écrite par le père JLouvrelevil, que- les ordonnances
que le maréchal de Montrevel & M. de
Baville, intendant, firent publier en 1683 , par
ordre de Louis XIV , pour foumettre les fanatiques
foulevés en Languedoc & dans les Sévènes ,
font prefque conformes aux réglements que je
viens de propofer. On verra dans cette même hif-
toire une infinité d’exemples qui prouvent combien
ces ordonnances furent utiles ; mais Louis-le-
Grand ne fe contenta pas feulement' de les faire
publier; il tint fi bien la main à les faire obferver,
que peu de ceux qui y contrevinrent, évitèrent la
roue ou la corde.
Des précautions pour obliger les rebelles d’abandonner
la campagne•
Si les expédients que j’ai propofés jufqu’ici n’empêchent
pas les rebelles de fubfifter en campagne ,
parce qu’ils profitent des munitions , des armes ,
des grains, du vin , de 1 huile, des troupeaux &
autres provifions de guerre & de bouche qti ils
trouvent dans les hameaux & autres petits lieux ,
faites tranfporter toutes ces provifions dans des
places'de défenfe; & afin que pendant la fureur
de la révolte les familles qui habitoient ces hameaux
& ces villages puiffent vivre, faites attention
à l’exemple qui fuit.
Dans le mois de feptembre 1703, Louis XIV
ordonna que dans l’efpace de trois jours, touts les
habitants de cinquante-quatre paroifles euffentà fe
retirer avec leurs familles, leurs vivres & leurs
meubles, dans les lieux les plus voifins qui étoient
de défenfe où il leur fourniroi't de quoi vivre , afin
que les révoltés qui couroient la campagne ne
puffent recevoir aucune commodité , ni aucune
lubfjftance dans ces cinquante-quatre paroifles. Le
maréchal de Montrevel fit donner aux habitants
de toutes ces paroifles un logement comme fi
c’étoient des foldats, & 5 f. par jour à chacun des
réfugiés.
Les premières perfonnes qu’on doit tirer de ces
lieux qui font fans défenfe, doivent être les armuriers
, les felliers, les maréchaux & autres qui ,
par leurs métiers, peuvent, de gré ou de force ,
rendre fervice aux révoltés. Donnez ordre qu’on
démoliffe les fours qui font dans les lieux qu’on
abandonne , & qu’on ôte les pierres & autres
pièces effentielles des moulins, afin que les rebelles
qui courent la campagne venant à manquer de
tout, fe voyent forcés de recourir au pardon.
En 1704, M. de Juliea tira un très grand avan-
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tagfi de toute* ce.s. précautions contre l.es Camifars
ou fanatiques de France.
Quand l’expédient que je viens de propofer
peut fouffrir quelque retardement, il eft à propos
d’attendre que les habitants ayerït recueilli les
fruits de leurs récoltes, de peur que les rebelles
ne les brûlent, & afin que les familles qui changent
d’habitation en les portant avec foi , ayent
moyen de fubfifter, elles & leurs troupeaux, pour
lefquelles il faudra leur accorder des pâturages
dans les terres communes des lieux de leur demeure
, dans celles du roi ou des particuliers ,
quand même le prince devroit contribuer en partie
à la dépenfe, Je fuppofe que vous vous fer virez c!e
quelques détachements de vos troupes pour faire
donner & faire obferver cet ordre , par rapport à
ce changement d’habitation , ôt pour efeorter les
convois de ces habitants , afin de les défendre
contre les infultes des partis des rebelles.
Il y a encore à craindre que les révoltés n enlèvent
fur les chemins les vivres qu’on va journellement
vendre dans vos places , fans que vos
continuelles patrouilles puiffent 1 empêcher, ni fe
défendre peut-être elles-mêmes d’être furprifes i
car les partis des rebelles qui » pour 1 ordinaire,
fe mettent en embufeade auprès des chemins , attaquent
la patrouille fi elle eft peu nombreufe ; &
fi elle eft confidérable , ils fe tiennent cachés fans
fe découvrir, jufqu’à ce qu’elle fe- foit éloignée,'
& font enfuite leur prïfe fur les autres paffagers ,
rien n’étant plus conforme à la méthode qu’ob-
fervent les voleurs, que la manière dont les re-
belles’font la guerre. •
Pour y remédier, faites couper touts les bois
de part & d’autre des chemins , jufqu’au de-Ià delà
portée du fafil ; & s’il fe trouve auprès de ces
chemins des maifons défertes , des baffes-cours ,
ou quelques vieilles murailles capables de cacher
line embufeade, faites-les démolir par les communautés
dans le reffort defquelles elles fe trouvent.'
C ’eft ce qu’en 1704 le maréchal de Montrevel
fit faire fur les chemins de Montpellier , d’Alais ,
; d’Ufcz & d’Andufe , pour délivrer les voyageurs
des vols continuels que les rebelles avoient faits
jufqu’aloTS. C ’eft auffi ce que le colonel dôm
François Buftamente- pratiqua fort utilement dans
la châtellenie d’Ampofta.
Plufieurs des expédients que je propoferai pour
empêcher les courfes des partis ennemis, peuvent
fervir auffi contre les rebelles.
Si tout ce que j’ai dit jufqu’ici ne fuffit pas pour
obliger les rebelles à quitter les armes , parce que
leurs parents & leurs amis leur en voyent ce qui leur
eft néceflaire pour les faire fubfifter en campagne ,
I faififfez-vous dans touts les lieux & en même-
! temps des pères ,. mères , fils, frères & autres proches
parents ou amis que vous favez certainement
favorifer la révolte par leur confeil, leurs avis ou
leurs fecours, & les ayant fait mettre en lieu de
fureté, vous leur donnerez à entendre qu’ils ne
' v . . . .