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pas cachet* un nombre confidérable d’ennertils, il
ne fera pas néceffaire de ranger toujours l’armée
après avoir paffé un défilé, parce que ce feroit trop
retarder la marche , & fatiguer inutilement les
troupes en les tenant tout un jour en mouvement,
& cela, pour faire peut-être une lieue.
Dans une plaine cii il y a quelque chofe à craindre
de l’armée ennemie , il faut marcher avec tout le
front de la première ligné , ou du moins par brigade
ou par régiment, en échelle, & en bon ordre ,~
félon que la grandeur de la plaine le permettra ,
afin de pouvoir en moins de temps mettre l’armée
en bataille ; mais fi vous n’avez pas lieu d’appréhender
d’en venir à un combat, parce que les ennemis
font trop loin , ou qu’ils n’ont pas allez de '
troupes , proportionnez le front de votre année à
celui qu’elle peut tenir en. marche dans le,chemin
frayé & dans le bon terrein des côtés, fans mettre '
les troupes dans les bourbiers , dans les brouf-
failles ou dans les endroits pleins de pierres ou de
cailloux ; ce qui ne ferviroit qu’à faire mouiller ou
fatiguer les foldats , 8c à leur faire ufer leurs habits
& leurs fouliers.
Lorfque les ennemis font à un côté du chemin
que vous devez tenir, marchez en colonne , parce
qu’avec un feul mouvement, vous vous trouverez
en bataille , faifant face' aux ennemis ; & dans tout
terrein où cinq hommes de front peuvent contenir,
uneiigne en colonne peut agir avec fes officiers.
Enfin , la bonne règle générale', eft de difpo-
fer la marche de manière que l’armée puiffe fe met-,
tre plutôt en bataille, félon le plan que vous vous
êtes formé pour un jour de combat, & félon l’endroit
où vous croyez rencontrer les ennemis.
Vous verrez dans l’hifioire de Flandre, écrite
par le Cardinal Bentivoglio , & dans celle du
monde, par Cæfar Campana , qu’Alexandre Far-
nèfe obferva cet ordre dans fa marche, dès qu’il
entra en France à la faveur de la ligne qu’il y avoit
faite.
Si vous marchez à la vue des ennemis, où fi
vous les découvrez fur votre marche, quoique vous
ayez deffein de la continuer, commencez d abord
par faire faire halte à votre avant-garde, afin que
les troupes fe puiffent réunir à leur corps, Il eft bon
alors de faire halte dans quelqu’endroit fort par fa
fituatîon , de peur que les ennemis ne chargent les
premières troupes qu’ils rencontreront , avant
qu’elles fe foient réunies. Si l’artillerie eft conduite
fur des charrettes , on la montera fur des affûts , 8c
vous donnerez les mêmes ordres que fi vous vous
prépariez au combat.
Je fuppofe que les brigadiers & les officiers des
régiments marchent toujours avec leurs brigades ,
& les officiers généraux à la tête des troupes defti-
nées à fervir fous leurs ordres un jour de bataille ,
fans leur permettre de prendre le devant pour jouir
du frais delà matinée, & arriver au nouveau camp
fans chaleur. On fait que les officiers de jour, ou
qui font de garde à l’armée , reçoivent de l£ur
lieutenant-général l’ordre de la partie de la ligne
dont,chacun doit être chargé, pour la parcourir
d’un bout à l’autre , Sc ordonner ce qui eft nécef-
faire.
Lorque les ennemis ne paroiffent qu’au-delà d’un
bois , un ravin ©u un défilé qui eft à voire flanc ,
fi vous ne voulez pas vous arrêter pour les attaquer
, laiffez un détachement de foldats d’élite,
foutenus de quelques pièces de campagne , logées,
s’il fe peut, fur quelqu!endroit qui domine , afin
que ce détachement y faffe tête aux ennemis, juf-
qu’à ce que tout votre bagage , l’artillerie 8c l’armée
ayent paffé. Vous en «ferez de la même manière
lorfque vous marcherez à côté d’une place ennemie,
pour éviter qu’une troupe fortie de la gar-
nifon, ne vienne vous enlever quelque foldat on
quelque bagage qui feroit refté en arrière.
Si une rivière ou quelqu’autre occurence vous
oblige de pafler à la portée du canon d’une place
ou d’un fort des ennemis , que ce foit de nuit, &
à l’heure qu’il n’y a pas de lune ; marchez en fi-
lence , & fans pipe ni mèche allumée , pour éviter
une partie du ravage que l’artillerie pourroit faire ,
qui, de cette manière, ne fauroit tirer fortjufte;
& fila batterie ennemie eft par le flanc, elle fera
d’autant moins d’effet, que vous marcherez avec
moins de front.
Le général Montluc propofa ce même expédient
au maréchal Strozzi, qui, pour venir attaquer
auprès de Sienne l’armée d’Efpagne , commandée
par le marquis de Marignan , ne pouvoir
pas éviter abfolument de paffer à la portée du canon
d’un fort, que Marignano avoit fait conftruire
fur le paffage de Strozzi.
Toutes les fois que l’on marche par un pays où
il y a du rifque, on place les vivres & le bagage où
il y a plus de troupes entr’eux & les ennemis , &
où ceux-ci ne peuvent pas couper le chemin à votre
armée , ni l’empêcher de fe mettre en bataille en
un inftant.
S’il y a aux flancs qui ne regardent pas les ennemis
, une rivière , un marais , un grand canal ,
ou la mer, on fait marcher les vivres & le bagage
avec leur efeorte, entre toute l’armée & une de
fes défenfes.
Les vivandiers de chaque régiment marchent
avec le bagage de leur régiment , & le bagage de
chaque corps doit aller plus bu moins devant ou
derrière , félon le rang que le corps occupe dans
les lignes , afin de proportionner ainfi le temps de
l’arrivée du régiment au camp , à celle du bagage.
Par la même raifon, le bagage des officiers généraux
devroit marcher à la tête des troupes defti-
nées à fervir fous leurs ordres, près defquelles il
feroit important qu’ils fe logeaffent, & qu’ils cam-
paffent toujours.
Les équipages du capitaine?général, de à intendant,
du major-général , des maréchaux-de-logis
de cavalerie & de dragons , des commiflaires de
guerre ? du prévôt & autres perfonnes du quar^
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tier général, marchent à la tête du bagage de toute
l’armée, ou à celle de l’hôpital, qui, pour le fou-
lagement des pauvres malades, doit précéder le
bagage des troupes ; & lorfqu’il n’y a pas à craindre
de l’ennemi, l’hôpital marche avec fon efeorte aux
heures les plus commodes, félon que la faifon & le
climat demandent qu’on le garantiffe de la chaleur
ou du froid.
Les vivres généraux de l’armée , marchent apres
les équipages. Les officiers des partis qui efeortent
le bagage 8c les vivres, ne doivent pas permettre
que les valets , les voituriers , les vivandiers ,
prennent aux autres la place qui leur a été def-
tinée ; autrement , tout ne feroit que difpute 8c
confufion : ni qu’ils s’écartent du chemin, parce
qu’ils ravagent le pays, 8t que les payfans les tuent
ou les font prifonniers.
Il feroit bon que le commandant de cette efeorte ,
fût pour le moins colonel, afin qu’il fe fît refpeéler
davantage , & qu’ayant pris par écrit du général,
l’ordre de la marche de l’hôpital, des bagages 8c des
vivres , il le remît à un officier qui avec un
parti, fe tiendra fur le chemin jufqu’à ce que ces
trois corps ayant achevé de defiler ; conformément
à ce même ordre , on détache de Tefcorte les partis
avancés qu’on juge néceffaires. Le refte de l’efcorte
fe divifeen cinq parties , dont la première eft pour
l’avant garde , la fécondé pour le centre , la troi-
fième pour l’arrière garde , les deux dernières pour
fe tenir tout le long & par files ; l’une depuis la
première jufqu’à la fécondé, & l’autre depuis la
fécondé jufqu’à la troifième.
Lorfque par rapport au chemin que votre armée
tient , celui que vous donnez fur un flanc, aux
vivres , à l’hôpital 8c aux bagages , fe trouve fi
étroits , que de la tête à la queue de ces trois corps,
il refte beaucoup plus d’étendue qu’il n’y en a de
l ’avant-garde à l’arrière-garde de l’armée, s’il fe rencontre
auprès du fécond chemin , formez dans ces
deux chemins deux colones ; c’eft-à-dire une pour
le bagage , 8c l’autre pour les vivres, 8c ajoutez
l’hôpital à la plus petite.
Je dis la même chofe , lorfque vous faites marcher
le bagage à la tête de l’armée , parce que vous
avez les ennemis à votre arrière-garde, ou lorfque
vous les mettez à la queue , parce que les ennemis
font vers votre avant-garde : car en faifant ainfi
marcher le bagage par plufieurs chemins , il déterminera
plutôt fa marche, 8c votre armée l’atteindra,
quand même le chemin que tient votre armée
feroit plus difficile ; fur-tout, fi le bagage ,
l ’hôpital 8c les vivres marchent par détroits, où
une charrette qui rompe, un mulet qui tombe, arrêtent
longtemps toute la colonne, fi un officier de
l’efcorte n’accourt vîte pour remédier à cet inconvénient.
On avertira les commandants des colonnes des
vivres 8c du bagage , de ne pas tant hâter leur
marche , que fi les ennemis les attaquent, ils rie fe
trouvent pas à portée d’être fecourus par votre
armée, qui , par la même raifon, réglera fon pas
fur celui du bagage 8c des vivres. On fuppofe que
chaque colonne a fon efeorte.
Les munitions, l’artillerie 8c les provifions de
fon pare , dont vous ne comptez pas de vous fervir
fur la marche, vont à la tête du bagage fur une,
colonne ou fur une ligne féparée, entre le bagage
8c votre armée , ou entre le bagage 8c les vivres ,
choifîfiant toujours pour le train de l’artillerie , le
chemin le plus commode 8c le plus fur : chacun fait
qu’on comprend dans le train de Tartillerie, les
ponts 8c toute la réferve des outils, des pionniers ,
des mineurs 8c des ouvriers , comme aufli le bois,
les métaux, les armes 8c les munitions pour l’infanterie
8c la cavalerie. Les ingénieurs font encore
compris dans le corps de l’artillerie ; 8c leur bagage
8c'celui des officiers de ce corps, marchent
avec l’artillerie.
Avec le train de l’artillerie, il y a à chaque brigade
des charrons , des tonneliers , qui mettent fur
une charrette leurs outils, les doux 8c le bois donc
ils ont befoin pour raccommoder de temps es temps
les bar ril-s de poudre , les caiffons de munitions,
les charrettes de l’artillerie, les affûts. Ces ouvriers
mettent encore fur cette charrette , une chèvre &
un cric pour monter les mortiers 8c les canons fur
d’autres affûts , lorfque les premiers font rompus.
Il y aufli une efeorte qui porte des outils de pionniers
pour rétablir les chemins qui fe gâtent p^r
les premières pièces qui paffent, ou qu’on n’a pas
eu le temps d’accommoder avant la marche.
Il y aura encore dans chacune de ces brigades
un ou plufieurs commiflaires d’artillerie, dont la
principale attention doit être celle qui fuir :
Qu’on éteigne les feux qui fe trouvent près du
chemin où le charriage doit paffer, 8c qu’aucune
perfonne avec une pipe ou mèche allumée , ni
même avec un fufil dont le chien de la platine ne
fera pas abattu fur le baflinét, n’approche des charrettes
de la poudre, des bombes & des grenades
chargées;
Que de l’une à l’autre de ces charrettes, il y eu
ait trois ou quatre qui foient chargées de matières
moins combuftibles , afin que le feu , qui pourroit
prendre par les étincelles que les fers des chevaux
& les roues font fortir des pierres , caufent moins
de ravage.
Qu’on raccommode fur-le-champ ou qu’on
change un barril de poudre qui fe rompt, 8c que
l’on balaye ou que l’on mouille bien la poudre répandue
avant que les autres charrettes paffent.
Que fur les charrettes de la poudre on ne mette
ni pierres à fufils , ni morceaux de fer qui, venant
à fe choquer par les cahots, pourroient faire du feu.
Que l’on couvre avec de la toile cirée ce que la
pluie pourroit endommager.
Qu’on ne marche pas fi vîre * que les chevaux &
les mulets fe fatiguent trop , ou que les charrettes
rompent, ni aufli plus lentement qu’il ne faut.
Que les officiers ne furchargent pas avec leurs