
étoient trop légers, le poids de l’échelle & des j
gens qui y montent, les feroient trébucher.
Outre ces bateaux, on fe fert âuffi de petits bachots
ou de pontons de toile cirée , qui font très-
aifés à tranfporter, & dans chacun defquéls on
peut mettre fix à huit hommes , pour lès faire paffer
dans les bateaux , à mefure que ceux qui y font
montent par les échelles.
Les foldats doivent fe ranger dans ces batelets
de toilè cirée , autant d’un côté que de l’autre , &
en pafiarit de ceux-ci dans les bateaux , ils doivent
aufii obferver d’en fortir 1 up après l’autre alternativement
de chaque côté ; car ces fortes dé batelets
tournent facilement, fi la charge n’eft pas égale.
Il eft néceflaire d aflùrer les bateaux, avec de petits
ancres , parce que s’ils viennent à reculer , les
échelles s’écarteroient du haut de la muraille.
Quand le fofie eft fort profond , on fe fert de
petites rames pour le traverfer ; mais lorfqu’il ne
l ’eft pas, il (uffit dé deux gaffes-, une de chaque
côté ; 8c en appuyant dans le fond du foffé l'extrémité
de ces gaffes, où eft la pointe & lé crochet
de fer, avec leur partie fupérienre penchée vers la
place, on repouffe le bateau jufqu’à la diftance
convenable pour appuyer l’échelle. Ces mêmes
gaffes peuvent fuppléer faute d’ancres, pour arrêter
les bateaux dans la jufte diftance du mur. Les hommes
qui oqt manoeuvré avec les rames ou avec les
gaffes , doivent fe tenir vers' la poupe , afin qu’en
ïervant de contre-poids à ceux qui montent par les
échelles , le bateau ne fubnierge pas de proue.
Pour une plus grande précaution, il feroit à propos
de garnir par dehors de bottes de rofeaux ou
de paille la proue des bateaux , ainfi que je le dirai
bientôt par rapport aux batelets de toile cirée.
Ces bateaux de toile cirée , faits en dedans avec
des pièces minces d’un bois léger,peuvent fe porter
jufqu’auprès de la place avec une efpèce de brancard
de litière , & des fangles par-deffous ; de cette manière
deux mulets, en porteront fix ou huit mis l’un
dans l’autre. De l’endroit où l’on les décharge jusqu’aux
fofles, quatre foldats fuffifent pour en tranfporter
un , quelque, grand qu’il foit. Je voudrois
qu’on garnît de petites bottes de rofeaux fecs ou
de paille , la partie extérieure d’en-haut des côtés
de ces bateaux de toile cirée , pour empêcher qu’ils
ne renverfent, quand même ils pencheroient beaucoup.
Précaution que nous voyons prendre à toutes
les felouques, aux efparonares , & aux autres petits
bâtiments lorfqu’ils s’éloignent de la côte.
Deux échoppes ou deux gaffes fufîïfeht pour faire
traverfer le foffé à ces batèlets de toile cirée ; cependant
comme ils doivent faire plufîeurs voyages
pour remplacer ceux qui montent par les échelles ,
il vaudroit mieux attacher à leur proue & à leur
poupe des cordes, par lefquelles un homtqe de
chaque bateau où font les échelles tireroit le ba-
telet de toile cirée vers la place , & un autre de
la contrefcarpe le retireroit pour venir prendre
uae nouvelle charge.
Toute cette manoeuvre eft bien embarraffame *
& une efcalade donnée de cette manière , feroit
bien foible ; ce qui me fait penier qu’on ne doit
tenter une pareille furprife que cornre une petite
garnifon , & qui eft peu fur fes gardes.
Si le gouverneur eft a fiez mal avifé pour fouffrir
que la nuit les bateaux des pécheurs relient amarrés
du côté du chemin couvert, faites-les furprendre
par quelques foldats , qui menaceront ceux qu’ils
trouveront dans ces bateaux de les tuer s’ils crient.
Vous vous fervirez alors de ces bateaux de pécheurs
, pour faire palier plus promptement les
troupes , deftinant deux foldats dans chacun pour
les ramener après chaque voyage de la contrefcarpe
aux bateaux , où font les échelles appuyées
à la muraille.
S’il étoit d’ufage que les pécheurs la mût puiffent
entrer dans le^ofié au qui vive des feuti ri elles , vos
foldats doivent répondre le nom du prince ennemi,
& fe dire des pécheurs qui vont pêcher.
Une place maritime , ou celle qui eft fituée fur
une rivière navigable , fe peut furprendre en envoyant
quantité de barques, qui par dehors pa-:
roiifoit chargées de bois , de paille , de charbon
St autres choies qu’on a coutume d'amener
à la place pour vendre , mais qui au - défions
de cette charge apparente ont un vuide qui cache
un bon nombre de foldats. Il faudroit' que ces
barques fulfent conduites par des mariniers & des
patrons connus de la place, que vous' auriez fe»
crètement gagnés à force d’argent, afin qu’en donnant
fond auprès d’une porte , ces patrons & ces
mariniers obfervafient le moment , où le plus
grand nombre des foldats de la garde va dormir.
Pouf cet effet ils tâcheront de fe rendre familiers
avec ces foldats par de petits préfents de quelque
viande ou de quelques poiffons. Ces mêmes mariniers
qui porteront leurs armes cachées , ainfi
que quelques foldats traveftis en gens de mer,
prendront leur temps pour furprendre l'officier &
les armes de la garde. Auflitôt les foldats enfermés
dans ces barques fauteront à terre, & féront incontinent
fuivis de ceux des autres fiâtimens qui étoient
_à l'ancre plus loin. „ v
Ce fut de cette manière que le comte Maurice
de Naffau furprit lé chÿtëau de Breda fur les Ita?
liens , qui y étoient en garnifon, fous Philippe
I I , roi d’Efpagne.
Cette expédition fera encore plus aîfée , fi lorf-
qu’y gyant une rivière' qui pafle par la ville , les
bâtimens viennent jufques dedans.
11 y a des ports de mer où les Vaifieaux & les
galères s’approchent fi fort de la muraille,- que
par les vergues & par les antennes de ces bâtiments
? on peut une nuit faire entrer dans la place
les hommes quiétoient cachés dans un réduit tel
que celui dont je viens de parler , & où l’on
ouvre'*de petits foupiraux, pour que la troupe qui
y eft enfermée puifle refpirpr. En traitant des
fjèges, je fais voir qu’il eft pins avantageux quq
tes bâtiments foient à rames , & j’y l'apporte lin
exemple d’Alexandre , qui furprit T y r de cette
manière.
Après avoir pris un port de mer , ne laiffez for-
tir aucun bâtiment pendant les premiers quinze ou
vingt jours après la furprife. En évitant par-là que
la nouvelle n’en foit d’abord portée au pays éloigné
des ennemis, ni à leurs vaifieaux qui fe trouvent
fur mer , plufieurs de leurs vaifieaux viendront
aborder à ce port qu’ils croyent encore leur
appartenir , & afin qu’ils ne faffent pas de difficulté
d’y entrer, dès que vous en découvrez quelqu’un ,
arborez le pavillon qu’avoit les ennemis , & fervez
vous des mêmes fignaux qu’ils avoient coutume
de. faire à leurs navires.
Les Macédoniens ayant pris le port de C hio,
Arifionique , tyran de Metinne, qui ignoroit la
perte de ce port, s’en approcha avec dix brigan-
tins, & demanda à parlera Barnabas, qui étoit
celui qui auparavant commandoit le pays contre
Alexandre. Les gardes lui répondirent que Barnabas
dormoit., mais qu’il pouvoit entrer, il entra
fans défiance , Si fut arrêt'é prifonnier avec fes dix
brigantins.
Neuf vaifieaux Efpagqols ne fachant pas la révolte
de Portugal, arrivée depuis peu , entrèrent
dans les ports de ce royaume , & y furent arrêtés.
Conon , Athénien ! chef de l’armée navale des
Perfes, avec qui les Rhodiens, venoient de s’allier,
prit dans ce port le convoi de bled qu’amenoient
d’Egypte les Lacédémoniens qui ignoroient que
les Rhodiens euffent embraffé le parti des Perfes.
Le capitaine Pierre de Barba étant arrivé à la
côte de la Verra-Cruz, fur lequel Diegue Velaf-
ques envoyait à Pamphile de Navaer un renfort
d’hommes 8c de munitions contre Fçrnaad Cortès ,
Pierre Cavallero , commandant de cette côte pour
Cortès , fut à bord du vaiffeau , & Barba lui ayant
demandé comment fe portoit Pamphile de Navaer ,
Cavallero lui répondit, que non-feulement il fe
portoit bien , mais qu’il étoit triomphant, & Cortès
fon ennemi, fugitif, ce qui étoit tout le contraire.
Sur cela Pierre de Barba débarqua fes gens ,
qui furent arrêtés à la Verra-Cruz , avec le vaif-
fea.u qui les y avoient conduit.
La furprife d’un port de mer peut faciliter quelque
autre furprife, fi après avoir chargé de vos
troupes les vaifieaux que vous y avez pris , vous
vous hâtei d’aller promptement avec ces vaifieaux
à quelque autre port ou l’on connoifle leur conf-
truâion , & où la nouvelle de la furprife ne foit pas
encore parvenue , fur-tout fi vous habillez vos
troupes des habits de vos prifonniers , & fi quelques
uns d’eux ou des mariniers qui prennent parti
avec vous, fe préfentent à bord , ou débarquent
dans les chaloupes pour parler aux gardes, aux
habitants , ou aux gens des autres vaifieaux ennemis
; mais alors ayez la précaution de. ne pas
laiffer fortir ces mariniers ennemis qui ont pris
parti parmi vou s , & ayez foin de mettre un plus
Ârt militaire, Tome lll%
grand nombre de vos anciens mariniers & foldats,
qui obferveront fi les autres ne difent rien , ou ne
font pas quelque démonftration pour donner à
connoître ce qui fe paffe, les ayant prévenus auparavant
qu’en cela il y va pour eux ae la vie.
Pififlrate, capitaine Athénien, ayant furpris des
vaifieaux de Mégara, qui étoient fortis de leurs ports
dans le deffein d'aller enlever dans une plage quelques
femmes Athéniennes , fit voile vers Mégara
avec ces vaifieaux Mégariens, fur lefquels étoient
ces femmes Athéniennes. Ce fpeftacie attira la
curiofité des magiftrats & du peuple, qui accoururent
pour voir la prétendue prife, & furent eux-
mêmes faits prifonniers par Pififtrate.
Dès que Simon, capitaine Athénien, eut défait
Tirthracefte dans la bataille navale de Chypre , il
mit fur les vaifieaux Perfans qu’il avoit pris, des
Athéniens vêtus des habits des Perfes fes prifonniers.
Etant arrivé à la plage d’Eurimedon , où
étoit l’armée de terre des Perfes , celle-ci crut que
c’étoit là fon armée navale ; mais Simon ayant débarqué
la nuit avec fes troupes, furprit 8c défit les
ennemis.
Des ôtages qu’ il faut avoir avant £ entreprendre une f urprife, fondée fur des intelligences.
J’ai dit qu’on eft très-fouvent forcé d’avoir recours
aux ftratagêmes pour une furprife. J’ai traité
des rufes par lefquelles on peut furprendre une
place, fans y avoir aucune intelligence : mais fi
les unes aident aux autres, l’expédition fera bien
plus aifée. Ainfi, parlons à préfent des furprifes
favorifées par des intelligences, & commençons
par quelques avis généraux pour toute forte de furprifes
que vous fondez fur des intelligences. Comme
je traite ailleurs de quelle manière & en quel temps
il faut commencer de former des intelligences ,
j’y renvoie le leéleur.
Vous courrez rifque de trouver de la fourberie
dans les particuliers, les foldats & les officiers des
ennemis qui vous promettront de vous faciliter la
furprife d’un pofte , tandis qu’ils feront {écrêtement
d’accord avec leur commandant, pour vous
engager à une entreprife qui vous coûte beaucoup
de monde ; en quoi il y a encore plus de danger ,
fi ces perfonnes vous preflent exceffivement à en
venir à l’exécution , fur-tout fi elles ne font pas
connues pour être affectionnées à votre fouverain ,
ou pour avoir d’anciens motifs de dégoût à l’égard
du leur. Avant donc de vous déterminer à
une furprife , obligez ceux qui ménagent l’intelligence
à vous envoyer un ôtage fecret, qui répond
pour touts ceux que vous leur nommez ; & détenez
cet ôtage dans un endroit d?où il ne puifle
s’échapper , jufqu’à ce que le fucicès fafle voir
qu’il n’y a point eu de tromperie en eux.
Guillaume Rocandolfe attaquant Bude en 1540
ou 1541 , traita avec Bonnemifa pour livrer, une
nuit, aux troupes Impériales une porte de la
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