
3 9 4 P L A
étant faits à propos, faciliteront la conftruélÎQn des
fourneaux & des mines , qui feront faits aux lieux
où il en fera befoin, pour renverfer les travaux
des ennemis , & rendre, par ces mêmes moyens ,
ces travaux inutiles, ou du moins les retarder.
Comme ces petites chicanes dépendent de la
conduite du gouverneur, & quo la néceflité des
temps 8c la commodité des lieux fournirent des
moyens d’en inventer de nouvelles, il eft certain
que s’il fait & s’il veut fe bien défendre , l’ennemi
ne gagnera pas un pouce de terrein depuis qu’il
fera arrivé à la portée du piftolet de fes dehors ,
qu'il ne lui en coûte beaucoup de temps ; autrement
ilferoit inutile de fortifier les places & de les
favoir défendre , fi cette même fcience ne nous
faifoit connoître que leur ufage eft de rendre une
médiocre quantité de foldats égale en force à une
puiflante armée.
Bien que par ce difcours il femble que je veuille
rendre les places imprenables, ou du moins que
j ’aye dettein de perfuader que la fortune doit décider
qui des deux doit être le vainqueur , ou du général
affiègeant, ou du gouverneur affiégé; ce n’eft
pas mon fentiment, puifque je fuis perfuadé qu'une
armée qui attaque une place , doit, avec le temps,
\malgré toute la réfiftance de l’afliégé, demeurer
viâorieufc ; mais auflî le gouverneur faifant bien
lbn devoir , il peut, pendant une longue défenfc ,
arriver des chofes qui obligent l’ennemi à lever le
liège. Le nombre .des morts, celui des blettes , les
maladies, le mauvais temps , le manque 'de fourrages
, de vivres & de munitions, la crainte d’un
fecours, ou des chofes encore plus importantes ,
peuvent forcer l’ennemi dabandonner le fiège
d’une place qu’il savoit attaquée dans les formes,
mais qui a été bien défendue.
L’afliégeantayant environné tout le glacis parla
fape , & fait fon logement au-deflùs, n’eft pas encore
maître du chemin couvert ; il faut auparavant
qu’il rompe les paliffades qui font plantées dans le
même chemin couvert, ainiî que celles du petit
travail avancé, ou qu’il patte par-deffous les paiif-
fades par d’autres fapes.
Pour s’y oppofer, on doit avoir fait dans le chemin
couvert plulieurs traverfes mobiles , telles que
font les portes des barrières , lefqueiles étant ouvertes
, couvriront ceux qui feront auprès des paliffades
immobiles, & les garantiront du feu des
flancs. En effet, l’ennemi s’étant rendu maître de
la hauteur du glacis, chacune des faces qui forment
les angles flanqués du parapet du chemin couvert,
ferviront de flanc aux afliégeants contre ceux qui
doivent le défendre ;& fans ces traverfes mobiles ,
le moindre petit défordre qui arriveroit aux aflié-
gés dans cet endroit, pourroit mettre les chofes en
tel état, qu’il ne feroit plus poffible de s’y rétablir.
Quand l’ennemi voudra entreprendre fur quelque j
partie du chemin couvert, il n’y tirera plus de
pierres ni de bombes, &c ; pour lors il faudra border
les parapets & notamment les lieux attaqués j
P L A
fe difpofer à faire jouer les mines du fond, pour
faire fauter les batteries & les cavaliers que l’ennemi
auroit pji établir fur le chemin couvert, eb-
fervant de ne pas endommager la paliffade, encore
moins le parapet du chemin couvert, non
plus que les bords du foffé, qu’on doit rétablir
'loigneufement par des paliffades que l’on doit
avoir toutes prêtes , pour remplacer celles qui
auront été enlevées. Quand l’ennemi chaffera nos
troupes du chemin couvert, les dernières parties
qu’ils doivent abandonner , ce font les places
d’armes, d’où ils fe retireront dans les retranchements
b ; ils s’y arrêteront, & nous donneront le
temps de retourner à la charge, ou de nous retirer
en bon ordre par le petit chemin d. Lorfqu’on ne
pourra plus tenir dans les retranchements, & qu’il
n’y aura plus d’apparence qu’on puifle y revenir,
il faudra enterrer des bombes en plufieurs endroits
des environs du retranchement, où elles ferviront
beaucoup à favorifer cette retraite, en y mettant le
feu à propos.
Comme le feu du chemin couvert doit être fort
v if dans ce temps-là, il faut foigneufement tenir la
main qu’il 11e manque point de poudre, balles,
pierres à fufil, mèches , armes de rechange, me-
iùres de bois ou de fer-blanc, à charger, &c .;
faire réparer à touts moments les ouvertures qui fe
font au chemin couvert, 8c notamment l’artillerie
doit faire de fon mieux pour n’être point furprife
par les aélions extraordinaires qu’on tente pour
lors ; c’eft pour quoi il faut, encore un coup, que
les paliffades.ne manquent point, & qu’il y ait des
gens instruits à les bien remplacer.
Première manière d!1 attaquer le chemin couvert, par
une infulte générale.
Revenons à notre défenfe : fuppofant un chemin
'Couvert bien fait , & par conséquent tràverfé à
propos, miné & paliffadé de même avec un glacis
très fournis au feu des ouvrages fupérieurs de la
place, mais dont le fommet eft labouré, & un
peu en défordre par l’effet des bombes & du canon
des attaques. Suppofons anfli la tranchée fi
fort avancée, que l’ennemi foit à portée d’entreprendre
fur la place d’armes qui doit précéder l’attaque
; que les tranchées font liées & non féparées
ni défunies par aucun endroit , enforte qu’elles
prennent également le chemin couvert à quinze,
dix-huit, vingt ou vingt-cinq toifes près de la paliffade
; qu’elles embraffent tout le front attaqué ,
8c qu’enfin il y paroiffe une difpofiÿon à une infulte
générale.
Je ne fuis nullement d’avis de l’attendre ni de
la foutenir de pied ferme, puifqu’il eft fur qu’on
y fera emporté, notamment fi le ricochet s’en eft
mêlé ; il vaut donc mieux prendre le parti de céder,
mais en gens de guerre qui favent bien-leur
métier, plutôt que de hafarder de perdre une
partie confidérabie de la garnifon j dans une aélion
P L A
l’on eft fûr d’être battu. Ainfi, au lieu de remplir
de troupes le chemin couvert, il faut en affoi-
blir peu à peu les gardes, & ne biffer qu’un capitaine
& cent cinquante hommes feulement dans
chacun des grands angles faillants ; un lieutenant
& trente hommes derrière chacune des traverfes,
& un lieutenant-colonel, quatre capitaines & deux
cents hommes dans chacune des places d’armes;
cela foutenu d’un bivouac prefque auffi fort, fera
capable de faire un affez grand feu, A la place
d’armes des attaques commence à fe former en
plufieurs lieux qui ne font encore que foffiiés &
con joints.
On pourra continuer le jour fuivant avec le
même nombre d'hommes ; .fi cette place d’armes
eft encore imparfaite, on pourra s’y foutenir avec
autant de monde J mais fi la place d armes paroit
jointe & achevée, il n’y aura plus lieu de douter
que l’ennemi ne fe préparé a une infulte j car s il
«l’avance rien entre la place d’armes le chemin
couvert, & qu’il n’en contourne point les angles
faillants de plus 'pfès, c’eft ligne qu’il la veut
prendre d’infulte. Quand on s’appercevra de toutes
ces difpofitions, il fuf&ra de biffer vingt hommes
dans chacun des angles faillants, avec un lieutenant
& un fergent, dix hommes derrière les traverfes,
commandés par autant de lergents, & cent
hommes commandés par deux capitaines , dans
chacuae des places d’armes, avec ordre précis de
faire bonne contenance jufqu’à' ce qu’ils voient
l’ennemi pouffer les fafcines, & paffer par-deflùs
le parapet de 1a place d’armes; pour lors ils lui
feront leur décharge le plus près qu’ils pourront,
& gagneront enfuite le derrière de b traverfe la
plus prochaine. Là ils retourneront 1a tête, 8c rechargeront.
Si l’ennemi tombe par-tout en groffe
troupe, il faut gagner le petit chemin le long du
foffé, par les defcentes, & fe retirer derrière les !
places d’armes, où il faudra faire ferme. Si on
étoit trop pouffé on fe retireroit dans les demi-
lunes prochaines, 8c derrière les tenailles, fi le
foffé eft fec. La retraite, par ce petit chemin , ne
portera aucun empêchement au feu des remparts,
ik donnera lieu aux nôtres de fe retirer avec bien
moins de péril & de confufion qu’ils ne feroient
s’il falloit longer tout le chemin couvert, parce
que, difparoiffanttout-à coup, l’ennemi qui fera
contenu par le grand feu du rempart, les perdra
bientôt de vue, ou ne les verra que fort imparfaitement.
Pendant ce temps-là toute la garnifon
doit être fous les armes, b demi-lune de l’attaque
garnie de trois à quatre cents hommes, les battions
d’autant, & les demi-lunes collatérales d’environ
deux cents hommes, c’eft-à-dire, de tout ce que
l’on pourra. Il peut fort bien arriver que les ennemis
tombant avec un très grand corps fur to'ïite
l’érendue du chemin couvert, l’enaporteroient, &
chafferoient tout ce qui s’y trouveroit, ce qui
les en rendra les maîtres ; mais comme il eft à
|>réfumer que le gouverneur aura bien difpofé fes
P L A 3 9 ,i
affaires pour le foutien de cette aftion, & qui!
aura bien inftruit touts les officiers de ce qu’ils auront
à faire pour diriger leur feu ; auflitôt qu’il
verra les ennemis fortir de leur place d armes, &
occuper le haut du parapet de fon chemin cou-:
vert, les fiens chattes & pourfuivis , il faudra qu il
faffe donner le fignal pour faire feu de toutes parts
furies parties abandonnées, non feulement delà
moufquetterie, mais du canon , des pierriers, &
des mortiers à bombes.
Si l’ennemi attaque vigoureufement , & qu 1!
s’obftine à foutenir ce qu’il aura occupé, il pourra
s’établir , tant bien que mal, fur'les angles le^plits
avancés du chemin couvert ; s’il peut l’embraffef
tout entier, 8c s’y maintenir , cela abrégera fes
affaires de quelques jours; mais fi le feu du rem-,
part 8c des demi-lunes eft bien fervi, il lui coûtera
cher. C ’eft pourquoi fi deux heures après que l ennemi
aura effuyé le feu du rempart, on voit lieu à
faire une grotte fortie, on pourra revenir par 1*
droite & b gauche des attaques, le long du glacis,'
tandis que les gardes qui auront été chaflees du
chemin couvert, pourront les attaquer & revenir
à leurs poftes par le dedans. Ces coups font beaux,'
mais fort hafardeux; c’eft pourquoi il fera bon de
tenir ces détachements prêts 8c forts, mais il ne
faudra point entreprendre b fortie fans avoir bien
examiné l’état où l’ennemi peut être.
Au furplus , dès qu’on fe préparera à aban«î
donner le chemin couvert, il faudra en retirer tout#
les outils 8c les munitions. On aura grande attention
de bien ménager alors le feu du rempart de
manière qu’il puifle être longtemps continué, ce
qui ne fe peut faire qu’en le divifant en deux par«^
ties égales qui fe relèvent d’heure en heure, ou de
demi-heure en demi-heure, excepté dans le conH
mencement, à b première heure, après quoi laÿ
partie deftinée au repos fe retirera & nétoyera fes
armes pendant que l’autre continuera le feu jufqu’à
ce que celle-ci reprenne fa place, & b relève à
fon tour. Si par 1a fortie on parvient à chaffer l’ennemi
, ou reprendre les poftes d’où l’on aura été
chaffé, il faudra rafer tout ce que les ennemis y;
auront fait, s’il eft poffible ; tâcher de s’y maintenir
, & garder les retranchements des placer
d’armes retranchées tant qu’on pourra, parce que
cela retardera l’ennemi, & pourra donner lieu à
quelque retour. C’eft ainfi que M. de Bbinville défendit
le chemin , & perdit près de deux mille cinq
cents hommes ; j’en ai les preuves entre les mains ,
& l’experience m’apprend que de touts les chemins
couverts que nous avons attaqués de 1a forte ,
nous n’en n’avons manqué aucun , & toujours avec
grande perte delà part des ennemis. Au furplus,
ces mémoires ne font que pour donner des préceptes
généraux , auxquels les gouverneurs intelligents
ajouteront ou diminueront ce qu’ils croiront nécef-
faire pour une meilleure défenfe de leur place p
aux difpofitipns de laquelle il faut toujours s’affu^
ieUlr- D d d i j