
,uS IN V
trouvent en mauvais ordre , & envoyent au fecré-
.taire d’état de la guerre , le nom des hommes qui'
ont vendu le tout ou partie de leur habillement,
pour les faire punir de ce manque de prévoyance &
de conduite. Te l eft le précis des dernières ordonnances
rendues en faveur des invalides répandus
dans les provinces ; ordonnances fages , en ce
qu’elles diminuent les dépenfes de l’état, & rendent
cependant plus agréable & plus folide le fort des
mi iii ai res qui ont confacré leurs jours au fervice
de la-patrie.
§• I V .
opinions de quelques écrivains politiques & militaires
fur les invalides.
Quelques écrivains quife font occupés de l’économie
politique , & quelques auteurs militaires ,
ontdppné au public, fur l’hôrel royal des Invalides,
des idées dont nous croyons devoir offrir ici l’ana-
ly fe . Le rapprochement de ces lumières éparfes ,
pourra jeter fur cet établiffement un jour utile à fa
perfeélion.
Les écrivains dont nous allons préfenter les
.idées , font MM. de Mirabeau , Jacquet de Male-
.7,et, Collot, Servan , Saint - Germain , & le B.
de B.
Quoique M je marquis de Mirabeau n’ait pas
contidèré dans l'Ami des hommes, l’hôtel des Invalides
fous fon afpeél militaire, & quoique cet
^écrivain ait par-tout affiché qu’ il vouloit feulement
«être .le minière d’un roi pafteur, ce qu’il dit fur cet
’étahliffement, eft cependant très fage ; tant il eft
vrai que dans l’ordre politique comme dans l’ordre
phyfiq.ue, toutsîes objets tiennent les uns aux autres
par .une chaîne qui y pour n’être pas toujours vifible
atouts les yeux , n’en èxufte pas moins. « N’eft-il
pas vrai, dit M . de Mirabeau, que fi les Invalides
étoiem bâtis dans un canton du bas-Poitou , pays
fans débouchés., les mêmes fonds tirés de l’extraordinaire
des guerres , qui en nourriffént quatre mille
à . Paris,, fuffiroient pour en faire vivre le double en
Poitou, & jnçttroient de l’argent dans cette province
ruinée »,?
O u i, fans doute , M. de Mirabeau a raifon : Louis
XIV , en bandant l’hôtel des Invalides à la porte de
Paris , commit une faute des plus graves : s’il eût
placé cet édifice loin de la capitale , il ne l’auroit
.pas décoré avec,ime.aufii grande magnificence que
.celle qu’il,a em p lo ie ; & eût-il voulu le bâtir tel
.qu’il eft, il lui .en suroît coûté infiniment moins.
La maind'oepvre .&Jes objets propresà laconftruc-
tion St à l’ameublement , font toujours moins coûteux
dans les provinces que dans la capitale. L ’entretien
& la nourriture des invalides euffent été
moins,ch.ers , & il e.ût vivifié la .province dans laquelle
il auroit rsu.ni les guerriers hors d’état de
.continuer leurs fervices. IVlaisjcqmme nous avons
-retiré à Louis XIV la gloire d’avoir formé le projet
des Invalides , ayons la'juftice de ne point faire
I NV
tomber fur lui les reproches que mérite la faute
qu’il commet. II fut égaré fans doute par le projet
que Richelieu avoit conçu , & fur-tour par le défir
que Louvois avoit de réunir fur fa propre tête la direction
immédiate de cet écabliffement. C eft ainfi
que l’ambition effrénée de quelques hommes, &
l’envie qu’ils ont d’attirer .tout vers eux , dénature
fouvent les projets les plus fages & les plus heureux.
M. de Malezet a beaucoup parlé des invalides ,
dans un ouvrage intitulé : le Militaire Citoyen, Cet
auteur, après avoir prouvé que l’on multiplie en
quelque forte les citoyens , lorfque l’on conferve
ceux qu’il efi pofîible de ne pas perdre , & quand
on emploie avec fruit ceux que l’on a conferve:
dit : « deux fortes de caufes nous privent de no
concitoyens ; les caufes naturelles ou phyfiques, &
les caules morales ou civiles ».
« Parmi ceux que les caufes phyfiques nous font
perdre , je vois les invalides , qui forment un grand
corps de fujets, comblés des bienfaits du fouverain,
dont on pourroit tirer des fervices importants , en
les employant mieux, ou pour parler plus jufte, en
les employant : car, dans la difpofition actuelle ,
ils font abfolument inutiles ».
« Chaque invalide à l’hôtel, ou aux antres endroits
du royaume dans lefquels ils font ciifperfés, revient
au roi à 400 liv. au moins : qu’on leur donne à chacun
200 liv. où 250 liv ., & qu’on les diftribue dans
les villages , ils trouveront à vivre avec cette
fomme , beaucoup plus commodément qu’ils ne
font'à l’hôtel »,
« Cette diminution de près de moitié, ne laifferoit
pas défaire un objet,eu égard au grand nombre de
ceux qui ont actuellement les invalides , & de
mettre l’état dans la poflibilité de les donner à
quantité d’autres foldats qui , par leurs incommodités
, auroient droit d’y prétendre , & auxquels,
à caufe de la dépenfe première , qui eft exceflive ,
on ne peut l’accorder. Ces invalides vivroient dans
les villages avec la confidération que leur auroient
méritée leurs fervices , & l’homme le moins fuf-
ceptible de fentiment éft toujours fenfible à cette
efpèce de fupériorité que nous donne fur les
autres leur efiime pour nous ». __
« Us auroient là une liberté qu’ils ne peuvent
avoir à l’hôtel ou ailleurs , où on les afireint à line
difeipline, une exactitude & une règle fouvent
enniiyeu fe & toujours gênante pour des gens qui
ont facrifié leur fan té & leur vie pour la liberté de
l’état, & qui, par cette raifon, doivent avoir acquis
la leur ».
« Une cloche importune ne leur feroit point interrompre
leurs occupations ; ils n’abandonne-
roient la promenade _que quand elle cefferoit de
leur plaire ; ils mangeroient quand.bon leur fem-
bleroit, & ne le feraient jamais fans appétit, parce
qu’il dépendrait d’eux de rçgler le moment de leur
repas, & qu’un de pafie ferait un moyen pour
eux de rendre le fuivant plus abondant ».
« Jùfqu’à préfenties payfans n^oift entendu par-
I N V
h e des récompenfes deftinées aux fervices, qu’en
général ; ils n’ont point encore vu les preuves des
bontés du prince ; mais quand ils auront parmi
eux ceux qui en reffentent tours les effets, ils regarderont
avec moins d’inquiétude l’avenir qui les
deftine à un état qui peut leur procurer une fortune
au-deffus de celle que leurs travaux les plus
durs pourvoient leur amaffer ».
« D'un autre côté , ces invalides chercheront à
aflbw-ier quelque compagne à leur petite fortune;
ils fe marieront, peupleront l’état , infpireront à
leurs enfants les mêmes fentiments qu’ils ont eus ,
& bifferont en mourant des fucceffeurs , qui
joindront à l’amour de la patrie , naturel à tout
homme , l’envie de faire un métier qui a reufîi a
leurs pères. Cet amour pour la patrie leur fera
prendre les moyens de s’y établir; ils travailleront
à la terre comme leurs compatriotes ; ils deviendront
citoyens ; & en cas qu'il foient defiinés par
le fort à fervir l’état, le goût que leurs pères leur
auront infpirè pour le métier de la guerre , le leur
fera prendre avec plaifir ».
u J’entends une foule de ces gens qui ne regardent
que ce que font les chofes , fans confidérer
ce^qu’elles peuvent être , s’écrier : que telle a été
l intention du fondateur ; que fa mémoire eft trop
refpeCtable pour rien changer dans les difpofitions
qu’il peut avoir- faites ; que d’ailleurs c’eft une
peinture vivante de la bonté Sc de la magnificence
de nos rois ; qu’il eft de la dernière importance de
laiffer fubfifter un tableau qui fera à jamais honneur
à leur libéralité , & que les étrangers ne fe laffent
jamais d’admirer ».
« Voilà , je crois, les deux feules raifons fur
lefquelles on peut s’appuyer pour conferver cet
étahliffement. Je conviens avec tout le inonde que,
li les aCtes des particuliers mêmes doivent être ref-
peCtés après leur mort, à plus forte raifon ce qu’a
fait un aufli illuftre fouverain doit-il conferver
toute fa vigueur ; à condition, toutefois, que l’on
m’accordera aufli qu’il eft permis , en confervant
le principe qu’a eu le fondateur, de faire les changements
que l’on juge à propos , quand ces innovations
ne tendent vifiblement qu’à perfectionner
fon intention ».
« Louis XIV n’eut point d’autre but, en faifant
bâtir l’hôtel des invalides , que de récompenfer les
militaires qui l’a voient bien fervi ; il ne crut pas
pouvoir mieux le faire , qu’en les raffemblant touts
dans un même lieu ».
« Il facrifia de groffes fommes pour cette belle
fin ; il ne vit que le bien , & ne réfléchit pas aux
inconvénients qui en réfulteroient ; il n’omit rien
pour leur procurer toutes les aifances de la v ie ,
& ne s’apperçut point qu’il les privoit du plus pfé-
cieux de touts les biens , je veux dire de la liberté ;
que d’ailleurs en féqueftrant, pour ainfi dire, ces
braves gens du refte de la fociété , il fe privoit
d’une poftérité qui auroit mérité, comme eux , les
bontés du fouverain. Enfin fon intention étoit de
I N V m 9
les rendre heureux ; 6c ils’ le feront en leur donnant
250 livres à chacun, & les difperfanr dans
les villages , où ils vivront aufli-bien qu’à l'hotel,
avec la moitié moins de dépenfe pour l’état, &
beaucoup plus d’agrément & de liberté pour eux ».
« L’établifferaen^des invalides eft , dit-on , une
peinture vivante de la magnificence de nos rois
« Ne feroit-il donc pas poflible de faire revenir
la nation françoife du goût qu’elle a toujours eu
pour l’oftentation ? Que l’on defline à cette often-
tafion des fommes pour élever des édifices ; c’eft"
une efpèce de dépôt confié aux particuliers, qui,
avec le temps , revient à fa fource. Mais que pour
la fimple oftentation , l’on facrifié des hommes
que trente ans forment à peine , qu’un inftant détruit
, & dont la perte ne fe répare prefque jamais,
c’eft le comble de l’inaitention ».
« L’hôtel des- invalides dit-on encore, eft un
tableau qui peint avec grandeur la libéralité de nos
rois , qui orne Paris, & que les étrangers ne fau-
roient trop admirer ».
M. de Malzet répond à cette objeâion d’une
manière viétorieufe, & il prouve combien on a
tort de dévafter là furface entière de toute la
France pour embellir un efpace infiniment petit.
Notre auteur transforme enfuite l’hôrel des invalides
en école militaire; il ne fe contente point de
remplir fon école militaire des enfants de gentils*
hommes pauvres, il y place encore les enfants-
trouvés qui ont atteint l’âge de douze ans, & dont
il fait des apprentifs foldats. Quant à l’école militaire
aCtuelle , il la transforme en un hôpital de
charité , dans lequel il place les invalides abfolument
infirmes , & les malades de l’hôtel-dieu dé
Paris ; il prouve que cette tranflation feroit infiniment
utile ,• fous quelque afpeCt qu’on l’envifageât.
M. de Malzet difperfe enfin dans le's villages les
déferteurs & les hommes qui, par leurs crimes ,
ont mérité les galères ; il merles uns & les autres
fous la garde des invalides.
' Je n’entreprendrai poim.de juger en détail le
projet de M. de Malzet; mais il me femble que la
dernière partie de fon plan feroit infiniment dan-
gereùfe, & qu’elle eft même impraticable.
On a inféré dans l’article Invalide de l’ancienne
Encyclopédie, édition de Pelleta Lauzanne,
un mémoire de M. Collot, commiffaire des guerres ,
dont voici le difpofitif.
« Quel inconvénient y anroit-il, dit M. Collot -,
de ftatuer que tout foldat, cavalier & dragon dè
quarante-cinq ans & au-deffous , auquel fes fervices
ou certaines bleffures ont mérité l’hôtel, fe
retirât dans fa communauté ? Pourquoi ne pus faire
une loi d’état qui oblige cet homme de s’y marier
» ? Voilà tout le fyftème de l’auteur ; voici
comment il l’appuye. Après avoir répété , d’après
Montefquieu , que là où deux perfbnnës peuvent
vivre , il s’y fait un mariage ; après avoir avancé
que le foldat invalide a , par fa paye , une fortune
égale à celle de la plupart des habitants de la cam