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moitié 'ou aux deux tiers de la face du baftion op-
pole , & réglant cette diftance fur la moyenne portée
clés armes avec lefquelles on veut défendre ou
flanquer toutes les parties de l’enceinte de la place ,
il s’enfuit que le flanc défendra la partie la plus
eftèntielle , c’eft-à-dire l’endroit dé la face du baf-
tion où l’ennemi doit s’attacher pour faire brèche ,
& quil défendra auflîTa contrefcarpe vis-à-vis
l'angle flanqué, parce que la grande portée des
armes en ufage pourra parvenir jufqu’à cette contrefcarpe
, qui n’eft' pas fort éloignée de l’angle
flanqué.
Pour la defenfe de toutes les "parti es de la fortification
,-ori-fe fert dii.fufii & du canon. Ainfi la
ligne de défenfe doit .être de la ; longueur de la
moyenne portée de celle de ces deux armes qu’on
juge là plus avarïrageufe.
Il y a eu autrefois une grande diverfité de fenti-
ment à ce fujet .entre les ingénieurs ; les uns vou-
loient que la ligne de défenfe fût réglée fur la portée’
du canon , parce que par-là on éloignait davantage
les ' baflion s les uns des autres, ce qub diminuoit
la depenfe- de la fortification ; les autres préten-
doienr que..cette ligne fût.déterminée pan la portée
du moufquer ( qui eft à-peu-près la même que
celle:du fufil dont on fe fert généralement aujourd'hui
à la place de moufquet ). Ils ailéguoient pour
cela que les coups du canon font fort incertains ;
que lorfqu’il vient à être démonté , on ne peut le
rétablir fans perdre bien du temps , ce qui rend le j
ftanc inutile, pendant cet intervalle. Cette queftion
a été décidée en faveur de ces derniers , avec d’autant
plus de raifon, que la défenfe du fu fil n’exclud
point celle du canon , ce qui.n’eft point réciproque
à l’égard du,canon. D’ailleurs, comme le dit le chc-
valier de Ville, il. faut , lorfque i’on fortifie une I
place , fermer les yeux & ouvrir la bourje. La li^ne de
défenfe étant ainfi fixée nia portéedu fufil, il a
fallu apprendre de l’expérience quelle eftcette.por-
tée:; on l’a trouvée de 120, 140 , & même de 150
toifes pour les fùfils en ufage dans les places. Il
s'enfuit donc que fa longueur eft déterminée de-,
puis i io jufqu’à 150 toifes , mais non âü-delà.
x II fe trouve cependant quelques fronts de places
où.la ligne de défenfe eft plus longue , mais ces
fronts ne fontpas alors fort expofés ; ils fe trouvent
le long des rivières ou vis-à-vis des endroits dont
l ’accès n’eft pas facile. Dans ce cas la ligne de défenfe
peut excéder fa longueur ordinaire fans inconvénient.
D’ailleurs cette longueur fe trouve
encore raccourcie ou diminuée par la tenaille qui
eft vis-à-vis la courtine, & qui corrige une partie
de ce.qu’elle peut avoir de défeéhieux ; je dis une :
partie , parce que la défenfe de la tenaille étant fort
oblique, n’équivaut jamais à celle du flanc, qui eft
hie’n plu's dire&e. Voye^ D efsnse./
Lorfqu’il fe trouve des fronts de place où la ligne
de défenfe excède la portée du fufil, on doit corriger
cèt inconvénient en conftruifant des flancs bas -
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en efpèce de fauffe braie vis-à-vis les flancs ( Q ) .
, L ï Gnes. Retranchements qui ferment l’entrée
d un pays à l’ennemi, ou qui couvrent les troupes
qui font un fiège contre les attaques extérieures 8c
contre les entreprifes des afiiégés. Ces dernières
lignes font appellées lignes de circonvallation & de
contrevallation.
^ Toutes les lignes font formées d’un foffé 8t
d un parapet avec là banquette : elles font flanquées
par des redans ou par des battions ; elles ont
auffi quelquefois des dehors & un ava-m-fcfïè: ces
dehbrs font ordinairement des demi-lunes 6c des
redoutes.
Ces lignes de circonvallation & de contrevallation,^
font de la plus haute antiquité : il n’en eft pas
de même de celles qui ont pour objet dé couvrir un
pays où une pro vince -pour empêcher l’ennemi d'y
pénetren L’ufage, félon M. de Feuquières , ne s’en
eft introduit que fous le règne de Louis XIV. Ceux
qui l’ont propofé, ont cru pouvait garantir par-
là un pays des contributions , donner la facilité
aux partis de faire des courfes chez l’ennemi, & af-
furer la .communication d’une'place.-à une autre,
fans qu’il foit befoin d’y .employer des efeortes. Le
célèbre .auteur que nous venons de citer, trouve,
avec raifon , qu’il n’eft point aifé de faire des lignes
qui : remplifîènt ces trois objets : « .L’expérience ,
dit-il, ne nousa-que trop convaincus que les lignes
n’empêcheront point le pays de contribuer, puif*
qu’il ne faut , pour établir la contribution , qu’avoir
trouvé une feule fois l’occafion de forcer, petto
ligne pendant le cours de la gue-rre ,f pour que la
contribution foit établie ; après quoi ; quand même
les troupes qui ont forcé: les:lignes, aujroient été
obligées de fe retirer promptement-, la contribution
fe ■ trouve avoir été demandée : & . dans un ■'
traité de paix , pour peu que le traité fe' faflè
avec égalité , il faut tenir compte des fommes iin-
ppfées , quoique non - levées ; enforre qu’elles
entrent en compenfation avec celles qui, au temps
dü traité, fe trouvent dues par le pays ennemi.
Ainfrles lignes, ne font d’aucune utilité pour garantir
de la contribution ».
»La fécondé raifon, qui eft celle d’établir des
contributions dans le pays ennemi, n’eft pas bonne,
parce que ce ne font pas les partis qui forrent des
lignes qui l’établiflent, mais ceux qui fortent des
places ».
A l’égard des communications, fi l’on confidère
ce que coûte la conftruftion , l’entretien des lignes .
& la qualité des troupes qu’il faut pour les garder ,
on trouvera qu’il y a plus d’avantage‘à faire efcOrter
les convois, 8c à employer les troupes à la garde
des places.
Les lignes faites pour la défenfe d’une longue
étendue de pays , ont auffi beaucoup d'inconvénients
: il faut une grande quantité de troupes pour
les garder; & comme l’ennemi peut les attaquer
par telle partie qu’il juge à propos , il eft difficile
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‘fle' téunir aflez de force dans le même lieu pour
lui réfifter. Si l’on fe trouve d’ailleurs en état de
fortir fur f’enriemi, on ne peut le faire qu’en de-
filant , 8c avec une grande perte de temps.
Le feul cas où les lignes peuvent être d’une
bonne défenfe, c’eft lorfqu’elles ont peu d’étendue,
& qu’elles ferment néanmoins l’entrée d’un grand
pays à l’ennemi, qu’elles font foutenues par des
places ou. par. des' efpèces, de camps retranchés do
diftance en diftance , de manière qu’ils peuvent fe
fécourir-les uns'8c les autres, & qu’on puiffe réunir
enfemble affëz de troupes pour battre l’ennemi qui
auroit percé dans quelqu’érendue de la ligne. Ce
n’eft que par des poftes particuliers, fortifiés dans
l’intérieur de la ligne , que l’on peut parvenir n la
foutenir contre les attaques de l’ennemi : c’eft aufli:
ce que l’on doit faire dans les lignes de circonval-!
lation , fi l’on veut fe mettre en état d’en chàffer
l'ennemi lorfqu’il a pu y pénétrer. Les princes;
d’Orange ne manquoient pas, à l’imitation des anciens
, de fuivre cette méthode : non - feulement
leurs lignes étoient exa&ement fortifiées , mais les
différents quartiers des troupes dans les lignes ,
letoient également. 11 en étoit alors à-peu-pres de
l’ennemi qui avoit pénétré dans la ligne comme il en
feroit d’un affiégeant qui, ayant forcé les troupes
qui défendent la brèche d’un ouvrage, y trouve-
rôit des retranchements qui contiendroient de nouvelles
troupes contre lefquelles il faudroit foutenir
une nouvelle attaque, 8c qui pourroient, en tombant
vigoureufement fur lui, profiter du défordre
des fiennes , pour les chafler entièrement de l’ouvrage*.
Si des lignes font fort étendues , ce que l’on peut
faire de mieux , lorfque l'ennemi vient pour les;
attaquer, c’eft de réunir les troupes enfemble , de
leur faire occuper un pofle avantageux vers le
centre, où Ton puiffe combattre avec qnelqu’efpé-
rance de fuçcès. Si l’on fe trouve trop foible pour
ofer rifquer fe combat, l’on doit abandonner les
lignes , & fe retireren arrière dans les lieux les plus
favorables à la défenfe d’un petit nombre contre un
grand.
M. de Feuquières, après avoir expofé le peu
d’avantage qu’on avoit tiré des lignes conftruites de
fon temps , conclut, de-là, « que ces lignes ne
peuvent trouver de confidération que dans l’efprit
d’un général borné , qui ne fait pasfe tenir près de
fon ennemi en fûreté, parla fituation 8c la bonté
d’un pofte qu’il fe fera choifi pour contenir fon ennemi
fans être forcé de combattre malgré lui , &
qui (p croit toujours commis dès qu’il ne voit
point de terre remuée entre fon ennemi & lui ».
Cet illuftre auteur obferve que M. le -Prince &
M. de Turenne , n’ont jamais eu befoin de lignes
pour fe foutenir pendant des campagnes entières à
portée des armées ennemies, quelque fupériorité
que ces armées enflent fur les leurs ; qu’ils les ont
•empêchées de pénétrer dansde pays 3 en fe préfen-
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tant toujours cîe près à leur enilemi ; & cela, par?le
choix feul des poftes qu’ils ont fu. prendre. M.j.le
maréchal de Gréqùyn en a ufé de même dans des
campagnes difficiles contre M. le duc de Lorraine.
M. le maréchal de Luxembourg, contre île
fentiment duquel l’ufage des lignes s’eft établi eu
France , a toujours été perfuadé que cet ufage étoit
pernicieux à un général qui fçait la guerre il
n’a jamais voulu, quelque, commodité qui pût en
réfulrer, que fon armée campât dans le dedans des
lignes. >, i
Les lignes font du reffort de la guerre défenfive.
Les premières dont on ait eu eonnoiffance, font
celles qui couvroient le pays depuis l’Efcaut jufqu’a
la mer , en.1691 : mais ce n’a été que dans la guerre
de 1701, que Ion a fait principalement ufage des
lignes.
Ces longs & ruineux retranchements, quoique
réprouvés par les plus grands généraux , 8c p.ar
les auteurs militaires les plus célèbres , ayant encore
un grand nombre de partifans , nous examinerons
dans cet article leurs avantages & leurs inconvénients
, 8c nous finirons par un réfultat des
uns & des autres , afin de mettre les gens du métier
en état de fuivre l’opinion qui leur paroîtra la mieux
fondée.
i°. Les lignes , difent ceux qui les aiment, font
bonnes , lorfqu’on veut couvrir un grand pays , 8c
le garantir des contributions :
20. Elles donnent le moyen d’envoyer des partis
dans le pays ennemi, 8c d’y lever des contributions
;
30. Elles facilitent la communication , fans ef-
corte , d’une place à une autre ;
40. Elles aflùrent les quartiers d’une armée ;
<;0. Elles font très favorables pour faire un guerre
défenfive.
Voilà les principales raifons qu’on a eues pour
mettre les lignes en ufage ; nous allons voir celles
qu'on peut y oppofer.
i°. Les lignes ne peuvent empêcher un pays de
contribuer, parce que, comme l’obferve le marquis
de Feuquières, il ne faut pour établir des contributions
, qu’avoir trouvé une feule fois le moyen de
les forcer pendant tout le cours d’une guerre , pour
que les contributions ayent lieu ; attendu que ,
quand même les troupes qui ont pénétré dans le
pays auroient été preffées de fe retirer, les contributions
ayant été demandées, on eft obligé en traitant
de la paix , pour peu qu’elle fe faflè avec égalité
, de tenir compte des fommes irfipofées , quoiqu’elles
n’ayent pas été levées ; lefquelles fommes ,
pour l’ordinaire, entrent en çempenfacions avec
celles q u i, lors du traité, fe trouvent dues parle
pays ennemi.
2°i Ce ne font point les partis qui fortent des
limes , qui établiffent les contributions dans le pays
ennemi> ce font d’ordinaire ceux qui lortent des
B b ij