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aux efcouades ce qui leur revient ; c’eft pourquoi
ils doivent conttôler touts les jours, ce que chacun
aura fait d’ouvrage , de concert avec l’ingénieur
qui fera le toifé , fur le prix defquels on pourroit
retenir un dixième pour les officiers & fergents ,
afin de les rendre plus exaéb à relever & faire fer-
vir les fapes.
En obfervaflt cet ordre , comme touts feront in-
tèreffés à ce travail, il ne faut pas douter qu’il ne
fe pouffe avec toute la diligence poffible, 8c l’on
peut eftimer qu’ils feront 80 toifes en 24 heures.
Au furplus, l’ingénieur qui les toifera , le doit
faire touts les 24 heures , & toujours laiffer des
marques fenfibles à la fin de chaque toifé , & tenir
regiftre de tout, afin que quand on voudra le vérifier
, on le puiffe faire fans confufion.
O r , 80 toifes à 2 liv. la toife, font 160 livres ,
dont ôtant le dixième, qui eft 16 liv ., il reftera
pour les fapeurs 144 liv., qui, diftribuées à 24
hommes, font 6 liv. pour chacun , ce qui eft un
gain raifonnable ; ils ne gagneront guères davantage
dans le courant du fiège, quoique le prix de
la fape augmente à mefure qu’ils approchent de la
place, parce que le péril augmentant auffi , il eft
fur que plus ils en approcheront, 8c moins ils feront
d’ouvrage.
O n a accoutumé de leur payer quelque chofe
de plus que le prix delà toife courante pour chaque
coupure qu’ils font dans la tranchée , par laraifon
qu’il y a là plus d’ouvrage, qu’ailleurs ; cela fe
peut réduire à doubler le prix de la toife, & rien
plus.
Au refte, il y a une chofe à quoi les officiers
doivent bien prendre garde, c’eft que fouvent les
fapeurs s’enivrent à la tête de leur fape , après
quoi ils fe font tuer comme des bêtes, fans prendre
garde à ce qu'ils font ; c’eft de quoi il faut les
empêcher, en ne leur permettant pas d’y porter
du vin qui ne foit mêlé de beaucoup d’eau.
Comme rien n’eft plus convenable à la fureté,
diligence & bonne façon des tranchées, que cette
manière d’en conduire les têtes & de les ébaucher
, rien n’eft auffi plus néceffaire que d’en régler
la conduite ; car outre que la diligence s’y
trouvera , jl eft certain qu’on préviendra beau—
coup de friponnerie qui s’y font par la précipitation
confufe avec laquelle elles fe conduifent, qui
font qu’il y a toujours de l’embrouillement, &
-quelqu’un qui en profite.
Des lignes parallèles appel lies places <Tarm.es.
Après avoir décrit la fape, fa conduite, & le
moyen de l’employer utilement, nous la laiderons
pour un temps fe diriger à droite & à gauche des
capitales , & faire fon chemin vers la place, pendant
que nous expliquerons la façon, l’ufage &
les propriétés des places d’armes, que nous nommerons
ci-après lignes1 parallèles, ou Amplement
ligne première, fécondé & troifième , pour éviter
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la confufion que la reflemblance de leurs noms
avec \qsplaces d’armes , de la place pourroit caufer.
Soit donc qu’on ouvre la tranchée de près ou
de loin , la première s’établit à 300 toifes ou environ
des dehors de la place. Quand on peut l’établir
plus près, il n’en eft que mieux. Cette diftance
doit être obfervée dans toute la circulation qu’on lui
fait faire, confédérée comme le plus grand éloignement
, ou les forties des ennemis puifient donner
atteinte ; c’eft pourquoi l’on n’en propofe l’éta-
bliflement qu’à cette diftance.
Comme on n’a point donné de règle certaine
jufqu’ici pour la façon & fituation des places d’armes
, cela fait qu’il y a toujours eu quélques con-
fufions, 8c qu’elles n’ont pas toujours été fort
bien fituées.
La première fois que ces fortes de lignes ou
places d’armes ont été pratiquées, fut au fiège de
Maëftricht, fait en 1673 par le roi en perfonne.
Les attaques furent conduites par M* de Vauban ,
& cette redoutable place fut prife en 13 jours de
tranchée ouverte. Depuis ce temps elles ont été
employées dans touts les fièges que les François
ont faits, mais avec plus ou moins d’exaélitude. Le
fiège d’Ath fait en 1697 , eft celui où elles ont été
exécutées avec le plus de précifion | & le peu de
temps & de monde que ce fiège coûta, en a juftifié
la bonté.
La figure de la première doit être circulaire,
un peu applatie fur le milieu, elle doit -auffi em-
braffer toutes les attaques par fon étendue, qui fera
fort grande, & déborder la fécondé ligne de 25 à
30 toifes de chaque bout. Quant à fes autres me-
fiures, on peut lui donner depuis 12 jufqu’à 13
pieds de large fur 3 de profondeur, remarquant
que dans les endroits où l’on ne pourroit pas creu-
fer 3 pieds à caufe du roc ou |m$ marais qui fe
peuvent rencontrer dans le terrein qu’elle doit occuper
, il faudra l’élargir davantage afin d’avoir les
terres néceffaires à fon parapet. Jufqu’à ce qu’elle
foit achevée, on n’y doit pas faire entrer les bataillons,
mais feulement des détachements à mefure
qu’elle fe perfe&ionnera.
Les ufages de cette ligne ou place d’armes font :
i° . De protéger les tranchées qui fe pouffent en
avant jufqu’à la deuxième.
20. De flanquer & de dégager la tranchée.
30. De garderies premières batteries.
4°. De contenir touts les bataillons de la garde »
fans en embarraffer la tranchée.
30. De leur faire toujours faire front à la place fur
2 ou 3 rangs de hauteur,
6°. De communiquer les attaques de l ’unè à
l’autre, jufqu’à ce que la fécondé ligne foit établie.
70. Elle fait encore l’effet d’une excellente contrevallation
contre la place de qui elle refferre &
contient la garnifon.
La fécondé ligne doit être parallèle à la première,
& figurée de même, mais moins étendue
de 23 à 30 toifes de chaque bout, & plus avancée.
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vers la place de ia o , 140 ou 145 toifes; ces largeurs
& profondeurs doivent être égales à celles
de la première ligne. Il faut faire des banquettes
à l’une & à l'autre, & border leur fonimet de rouleaux
de fafeines piquetées, pour leur tenir lieu de
facs à terre ou de paniers jufqu’à ce qu’elles foient
achevées; on n’y fait entrer que des détachements
pendant qu’on y travaille. La tranchée continue
toujours fon chemin jufqu’à ce qu’elle foit parvenue
à la diftance marquée pour la troifième ligne;
de forte que la fécondé n’eft pas plutôt achevée
qu’on commence la troifième, & avant même
qu’elle le foit totalement ; pour, lors on y fait entrer
les bataillons delà première ligne, & on ne
laiffe dans celle-ci que la réferve, qui eft environ
•le tiers de la garde ; pendant tout cela te travail de
la tranchée fait fon chemin de l’une à l’autre jufqu’à
la troifième.
Les propriétés de la fécondé ligne font les
mêmes que celles delà première; il n’y a-point
d’autre différence, fi çe n’eft qu’elle approche beaucoup
plus près de la place.
A 120, 140 ou 143 toifes , un peu plus ou un
peu moins au-delà de la deuxième ligne, on établit
la troifième plus courte & moins circulaire que les
deux premières; ce qu’on fait pour approcher du
chemin couvert autant que l’on peut, 8c éviter les
enfilades qui font là fort dangereufes.
De forte que fi la première ligne eft à 3 cents
toifes des angles les plus près du chemin couvert,
la fécondé n’en eft plus qu’à 160, & la troifième à
13 ou à 20 toifes feulement, ce qui fuffit à l’aide des
demi-places d’armes , dont nous parlerons tantôt
pour foutenir toutes les tranchées que l’on pouffe
en avant quand les batteries ont tellement pris
l’afcendant fur les ouvrages de la place, que le
feu eft éteint, ou fi fort afloibli qu’on peut impunément
le méprifer.
Mais fi la garnifon eft forte & entreprenante ,
& que les batteries à ricochets ne puiffent être
employées, il faut s’approcher jufqu’à la portée de
la grenade, c’eft-à-dire à 13 ou 14 toifes près des
angles faillans, comme ces forties font bien plus
dangereufes de près que de loin, il faut auffi perfectionner
cette ligue plus que les ,deux autres ,
y donner plus de largeur, 8c la mettre en état de
faire un grand feu, 8c qu’on puiffe paffer par-deflùs
en pouffant les facs à terre ou les rouleaux de fafeines
devant fo i, ce qui fe fait en lui donnant un
grand talut intérieur , & avec plufieurs banquettes
depuis le pied jufqu’au haut du talut.
C ’eft fur le revers de cette dernière ligne qu’il
faut faire amas d’outils, de facs à terre, piquets ,
gabions & fafeines, fon abondamment pour fournir
au logement du chemin couvert, & les ranger
en tas féparés près des débouchements avant que
de rien entreprendre fur le chemin couvert, fur
quoi il y a une chofe bien férieufe à remarquer;
c eft que comme les places de-guerre font prefque
toutes irrégulières 8c différemment fituées, il s’en
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trouve fur des hauteurs eù le ricochet ayant peu de
prife ne pourroit pas dominer avec allez d’avantage;
foit parce que les angles des chemins couverts
en font trop élevés, 8c qu’on ne trouve pas
de fituations propres à placer fes batteries; telle eft,
par exemple, la tête de Terra-Nova au château
de Namur, celle du fort Saint-Pierre à Fribourg en
Brifcaw, le fort Saint-André de Salins, la citadelle
de Perpignan, celle de Bayonne, celle de Mont-
médi, 8c quelques têtes de Phililbourg, & plir-
fieurs autres de pareille nature.
Il y a encore celles où les fituations qui pour-
roient convenir au ricochet, font ou des marais,
ou des lieux coupés de rivières qui empêchent remplacement
des batteries , 8c celle enfin où les glacis
élevés par leur fituation font fi roides qu’on ne
peut prolonger le chemin couvert parles logements
élevés en cavaillers, qu’on peut faire vers le milieu
du glacis j' comme on dira dans la fuite. Lorfque
cela fe rencontrera, on pourra être obligé d’attaquer
le chemin couvert de vive force ; en ce cas il
faudra approcher la troifième ligne à la portée de
la grenade, comme il a été dit, où bien en faire
une quatrième afin de n’avoir pas une longue marche
à faire pour joindre l’ennemi, 8c toujours la
faire large 8c fpacieufe , afin qu’on s’y puiffe ma-
nieraifément, 8c qu’elle puiffe contenir beaucoup
de monde, 8c une grande quantité de matériaux
fur fes revers.
Cette ligue achevée, on y fera entrer le gros de
la garde ou les gens commandés, &.l’on placera la-
réferve dans la deuxième ligne. La première ligne
demeurera vuide, & ne fervira plus que de couvert
au petit parc,"à l'hôpital de la tranchée qu’on
fait avancer jufques-là, & aux fafeines de provi-
fions que la cavalerie décharge dans les commence*
ments le long de ces bords, & quand il s’agit d’un
renfort extraordinaire de la garde ou des travailleurs
, ce qui n’arrive que quand on veut attaquer
le chemin couvert ou quelques autres pièces con»
fidérables des dehors, & on les y peut mettre en
attendant qu’on les emploie.
Au furplus, fi le travail de la première & fécondé
nuit de tranchée peut fe pofer à découvert, celui
des deux premières places d’armes pourra fe pofer
de même, parce qu’on eft affez loin dé la place pour
que le feu n’en foit pas encore fort dangereux, &
ce n’eft guère que depuis la deuxième ligne qu’on
commence à marcher à la fape ; mais pour ne point
perdre de temps , 8c pouvoir ramer de jour & de
nuit, on peut employer la fape à l’exécution de
la deuxième.
Qutre les propriétés que la troifième ligne a de
communes avec les deux premières , elle a encore
celle de contenir les foldats commandés qui doivent
attaquer, & touts les matériaux néceflaires
fur fes revers.
C ’eft enfin là où l’on délibéré 8c réfout ï’attaqus
du chemin couvert, où l’on fait fes difpofitions ,