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C ’étoit le plus haut degré des récompenfes militaires
; elle ne pouvoir être décernée qu’à un dictateur
» un confui ou un préteur. Ou l’accorda, en-
fuite aux proconfuls, & le premier qui l’obtint,
fut Q . Publias, qui triompha des Paiapolitains.
On l’accorda auffi à Pompée, âge de vingt-quatre
ans , 8c il fut le premier chevalier Romain qui eut
les honneurs du triomphe. Il failoit, pour les obtenir
, que la guerre eût été déclarée iuivant la loi
faite contre un peuple ennemi de Rome & puif-
fant; que la vi&oire eût été difficile & fuivie de
grands avantages ; que le général l'eût remportée
avec fou armée , 8c non avec celle d’un autre con-
ful. Cependant il fut dérogé à cette dernière condition
par le préteur L. Fuxius. Les plus anciens du
fénat objectèrent inutilement contre lui qu’il avoit
défait les Gaulois avec l’armée du conful Auré-
lius ; malgré leur oppofition, il obtint l’honneur
du triomphe. ( Liv. Zonar. de R. 5 5 3 » av.J. C.
aoo ). Il falloir que le général eût été envoyé
expreifément avec un titre de magifirature *, curn
maoifîratu ; touts les fuccès de P. Scipion en Ef-
pagne ne purent engager le fénat à déroger eh fa
faveur à cette loi ; il avoit eu le commandement
de l’armée fans titre; à fon retour , il demanda
inutilement le triomphe. ( Liv. I. X X X I , c. 20.
Plin. I. VIL Cicero pro le g. Manil. Eutrop. &c. Liv.
I. V I I I , c. 26 , de R . 42 7, av. J. C. 326. De N.
672 , av. J. C. 81. Liv. Epitom. I. X X X IX . Aulug.
I. V , c. 6. Liv. /. X X V I I I , c, 38 , de R. 547, av.
J. C. 206 ).
Romulus fût l’infiituteur de, cette folemnité.
Dans la quatrième année de fon-règne, il triompha
des Coeninentes & des Antemnates » dans la
feizième, des Camerins , & quelques années après,
des Véiens & des Fidenates ; le vieux roi des Véiens
fût conduit à ce triomphe. Touts les fucceffeurs de
Romulus s’attribuèrent cet honneur , excepté le
pacifique & fage Numa. Tarquin 1 ancien fut le
premier qui- entra dans Rome , ou peut-être Valé-
rius Publicola, dans la première année du confu-
lar. ( Plutarch. in Romul. ld. in Vublicol. de R. 244 ,
av. J. C. 509). • - | ■■■’•
Le triomphe fut d’abord accordé par le fénat,
lorfque le diâateur L. Quintius Cincinnatus eut
délivré Minutius, & fait pafler fous le joug l’armée
des Eques. Le fénat affemblé par Q . Fabius ,
préfet.de Rome, ordonna que le chélateur entrât
dans la ville à la tête de fon armée, gardant le
même ordre dans lequel elle revenoit. Le général
qui demandoit le triomphe ne pouvoit pas entrer
dans Rome; il s’arrêtoit aux portes avec l’armée
vjélorieufe , & faifoit informer le fenat de fon
arrivée. & de fa demande. Auffitôt ce corps fe ren-
doit au temple de Mars ou à celui .de Bellone. Le
général s’y trouvoit , expofoit fes fuccès dans
toutes leurs cireonftances, en préfence des légats
, des tribuns , des centurions, des foldats, 8c
demandoit le triomphe. S’il lui étoit décerné, il
entroit dans Rome au fon des trompettes , ayant
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fu r la rête u n e c o u ro n n e d ’o r , qui d’ab ord fut de
l ’a u r ie r , v ê tu d e la trab ée & d e la ro b e peinte
po rté fu r un char à qu atre ch e v a u x , pré c éd é par
le s e n fe ig n e s , l’o r & l ’a r g e n t , 8c la p o r tio n du but
in la plus rare 8c la plu s p r é c ie u fe , pa r les chefs
d es e n n em is pris dans le c om b a t , p a r le s images
de c e u x q u i avoient p e rdu la v i e , pa r c e lle des
v i l le s p r i f e s , des armé e s défa ite s , des peuples ,
des m o n ts , des fle u v e s d omp tés. L e s m a g i ft r a t s ,
le s flamines , le s prê tres & les p o n tifes , le s patric
ien s 8c le p e u p le v e n o ie n t au -d e v an t du triomph
ateur. L ’ armée le fu iv o i t , 8c premiè rem ent la
c a v a le rie fo rm é e en tu rm e s , e n fu ite Ü n fam e r ie par
co h o r te s . L e s fo lda ts q u i avoient o b te n u des couron
n e s , d e s p h a lè r e s , d e s c o llie r s 8c autres ré-
compenfes, en é to ien t o rn és . Q u e lq u e fo is d es tables
é to ie n t dreffées d e v an t to ute s le s maifions ; 8c les
c o n v i v e s , e xpr im an t leu r jo ie pa r des chants , des
je u x & des d a n fe s , fu iv o ie n t le cha r tr iomp ha l qui
m o n to it au c ap ito le ; là , le g é n é r a l , im m o lo it un
boe u f. ( Liv. I. III, c. 29 , de R. 295 , av. J. C. 458.
Liv. I. XLV, c. 40. Alex. ab. al. I.ÉI, c. 6 ).
P en d a n t la ma rch e tr iomp ha le , l ’a ir retentiflbit
des chants 8c des acc lam a tio n s du p e u p le 8c des
t r o u p e s ; les r ép u b lic a in s , q u e la lib e r té accoutu-
mo it à d é p lo y e r p u b liq u em en t to u te leu r ame ,
p ro d ig u o ien t to u r à tour la lou an g e o u la fa ty r e au
gén éral 8c au x o fficiers , q u e leu r s talents , leur
c o u ra g e o u leu rs défauts a v o ie n t d ifiin gu é s ; l ’ef-
p r it r ép u b lic a in , qu i v e i lle fans c efie à l’in térêt gén
é ra l , qu i fc ru te le s coe u r s , qu i en c o n n o ît & craint
la fo r c e com m e les fo ib le f le s , qu i r ed o u te ju fq u ’à
fo n enthottfiafme p o u r les v e r tu s le s plus pures ,
tem pé ro it l ’é cla t du tr iomp he , fo it en é le v a n t au-
defîus d u gén é ra l un au tre c ito y e n , fç i t en d é v o ila
n t le s faute s & le s v ic e s du tr iom p h a teu r. L o r fq
u e Q . F ab iu s triomp ha des. G a u lo is , d e s Sam-
nites 8c des E t r u fq u e s , le s trou p es c éléb rèren t
mo in s la v ié lo ir e du c o n fu l q u e le d é v o u em en t fu-
b lim e de F . D é c iu s ; & quand le c o n fu l C . N é ro n ,
plu s fournis à la l o i , qu i r e fu fo it le tr iom p h e au
g én é r a l r e v e n u dans R om e fans fo n a rmé e , ne
v o u lu t q u e fu iv r e à ch e v a l le char d e fo n co llègu e
M. L é v iu s , m o in s d ign e de c e t h o n n eu r , c e ne
fu t pas c e lu i- c i q u i triomp ha r é e llem en t ; depuis
les „portes ju fq u ’au c ap ito le , le s fo ld a ts 8c le
p e u p le ch an tè ren t q u e le cha r d e L iv iu s fût-il
tra în é pa r c en t c h e v a u x ; le v é r ita b le triomphateur
é to it porté par un fe u l c h e v a l , & q u e N é ro n feroit
à jamais illu ftr e , tan t pa r la g lo ir e qu ’i l a v o it ac-
q u ife d ans c e tte g u e r re , q u e par fo n refpe él pour
le s l o i x , & le fa crifice g én é reu x qu ’il le u r fa ifo it
du tr iom p he. ( Liv. I. XXVIII, c. 9 , <je R, 5 4 6 ,
av.J.C. 21 7 ) .
L ç s c on fu ls M . L épidu s & L . Muna tiu s Plamus
fu ren t e xp o fé s au x traits fa ty r iq u e s de leu r armée ;
l ’un 8c l’autre a v o it p ro fcrit fo n frè re. C om m e le
mo t la tin Germanus fign ifie frè re 8c habitant de la
G e rm a n ie , le s fo ld a ts ch an tè ren t à leu r tr iomp he: dç Germants non de gallis triomphant duo çonfules,
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L e s tronpes de J. Cæfar lui reprochês-ent d’être
avare de récompenfes -, & de les avoir nourris à Uyr-
racbimn de lapfance , efpéce de choux fauvage_lls
n’oublièrent pas fes débauches ; on connolt affez
ces vers : Galliàs Coefar fubejit & urbani feivate
uxon s . ( Sueion. c . 68. Diofcorid. TheopHr. I. I X ,
c , Piin. I . X X , c . 9 ) . _ _ ■ I
Un dés favoris de Cælar, Ventiduis Baffus, fut
auffi le fujet de leurs railleries. étoit Picentin ,
& fut pris encore enfant avec fa mere , pendant la
guerre fociale , dans laquelle Pompée Shabon ,
père de Pompée le Grand , fournit les OEfculans.
Sa mère le porta entre fes bras devant le char du
vainqueur. Parvenu à l’adolefcence, il vécut du
gain qu’il faifoit en louant des voitures & des mulets
; ce commerce le fit connoître à J. Cæfar , qui
l’emmena dans les Gaules. Ventidius l’ayant fervi
avec zèle & intelligence , obtint par lui la dignité
de fénateur , enfuite le tribunat, 8c peu après la
pré tiare. Il fut enfuite créé pontife & conful, honneurs
qui ne rappellèrent que plus fortement au
peuple & à l’armée fes mulets & fes voitures. Envoyé
en Afie par Antoine , il y défit frois fois les
Parthes , & fut le premier qui triompha de ce
peuple. Les troupes chantèrent à fon triomphe :
accoure£ touts , augures , arujpices , voici iin nouveau
prodige ; celui qui foignoit les mulets a été créé conful.
( Aulug. L i , c. 4. Plutarch. Anton. Eutrop J .
V il \de R. 715 , av. J. C. 38 ). ^
Quelquefois l’intérêt particulier diâoit l’éloge
ou. la fatyre. Si un conful avoit privé les légions
de leurs récompenfes ordinaires, comme le fit C.
Valérius , qui leur refufale produit de la vente du
butin , elles s’en vengeoient pendant- le triomphe.
Au contraire , elles favorifoient dans fa demande
le général qui avoit tempéré la rigueur de la difci-
piine , & lui prodiguoient les louanges. Lorfque
Cn. Manlius Vulfo , vainqueur des Gallo-Grecs ,
qu’il avoit attaqués fans l’ordre du fenat, eut vaincu
les Thraces à fon retour , eut obtenu le triomphe ,
il fut aife de fentir qu’un clief indulgent 8c ambitieux
étoit l’objet des vers que l’on y chanta , &
qu’il devoit plus cet honneur à la faveur, des foldats
qu’à celle du peuple. ( Liv. I . 3 0 ,6 , de R.
566, av. J. C. 187 ).
Le fénat alloit quelquefois au-devant du conful
, fans attendre fa demande , 8c lui ofrroit le
triomphe. Il rendit cet honneur à T. Q . Capitoli-
nus, qui avoit pris Antium 8c vaincu les Volfques ;
quelquefois même il le décernoit à un général
avant fon retour. ( Dyonif. Alex. ab. Alex. I. V I ,
c. 6 t de R, 283 , av. J. C. 468 ).
Si le général vainqueur ne commandoit pas en
chef, s’il avoit commandé l’armée dans une province
qui ne lui étoit pas échue , s’il n’étoit pas
revenu dans Rome avec fes troupes , fi la guerre
n’avoit pas.été déclarée fuivant les formalités pref-,
crites par la loi , fi le peuple vaincu n’étoit pas
ennemi déclaré de Rome, s’il s’étoit fournis fans
réfiftance , fi la viéloire avoit été facile 8c fans
Art militaire. Tome III.
RÉC 4 4?
e& i f io n d e fa n g , il n ’o b ten o it q u e le fé c o n d
t r iom p h e , n om m é ovation. I l n ’y fa cr ifio it q u ’u n e
brebis ; il e n tro it à pied dans la v ille , fans char „
fans t ra b é e , fans to g e pe in te , fans trom pe ttes &
fans c o u ro n n e de laurier o u d ’o r , mais fe u lem e n t
a v e c une c ou ro n n e d e rnirthe 8c. au fo n des flûtes ,
a c com p a gn é pa r le fé n a t , pré c éd é pa r le s captifs ,
le butin 8c fo n a rm é e . L e con fu l P. Pofthumius
T u b e r tu s , fut le p rem ie r à qu i le fén a t a c c o rd a
l ’o va tio n , après un fu c c è s con tre les Sacÿns> q u i
n’a v o it coû té ni fan g ni ble flu re s ; mais quelquefois
la fa v e u r fit taire la lo i ; Sp u r iu s C a ffiu s a y a n t
ma rch é c o n tre les H e rn iq u e s , 8c le s a y a n t e n g a g
és fans com b a t à faire la p a ix , o btin t le t r io p ip h e ,
8c il fu t a c co rd é de même trois fiec les .après au x
p ro c o n fu ls P . C o rn é liu s C é th é g u s , & M . Boe b iu s
T am p h ilu s , qu i a v o ien t fournis le s L ig u r e s fans
effufion de fang. ( Plutarch. quezjl. Roman. Dionyf.
Plin.fefl. Aulug. Plin. I. X V . Dionyf. Val. max. L
I V , c. 3 , de R. 267, av. J. C. 486 ).
L ’o va tio n fu t auffi acco rd é e a u x g én érau x q u i ,
( a y a n t eu c om m an d em en t farts titre de m agi ït rature
, s’é to ien t d ifiin gu és pa r de grand s fu c c è s ;
. lo r fq u e le p ro c o n fu l L . C o rn é liu s L e n tu lu s , r e v e nant
d ’E fp a gn e , d emand a le t r iom p h e , le fen a t
r ép on d it q u e fe s viécoires 1 a v o ie n t mérité , mais
q u ’ il étoit fans e x em p le qu ’un g én é ra l n a y an t n i
titre d e d ié la teu r , d e c o n fu l o u de pré teu r , eû t
o bten u c ette récompenfe. L e fénat in c lin o it à lu i
a c c o rd e r l ’o v a t io n , 8c le tribun Sem p ron ius o b je c -
tô it e n c o r e q u e les fiècles pré céd en ts n eu o n ro ien t
pas plu s d ’e x em p le s ; cep end ant i l céd a au con^
fen temen t un an im e du f é n a t , 8c C o rn é liu s o btin t
c e p r ix d es talents & des qualités militaires ; ce fu t
le premie r triomp he o b ten u fans titre -de ma giftra-
tu re. ( Liv. de R. 573 » * c “
38. Liv. de R. 553 , av. J. C. 100). '
L e pré teu r M . H e lv iu s Blafio quittant 1 E fp a g n e ,
a v o it pris p ou r e fc o r te un déta ch em ent de fix mille
homme s , tiré de l ’armée d’A p p iu s C lau d iu s N é ro n .
L e s G e ltib é r e s fe pré fen tèren t à lu i au n om b re de
v in g t m ille ; il les b a t t i t , en tua d ou ze m ille , 8c
prit la v i l le d ’Ilitu rg e. C ep en d an t le tr iom p h e lu i
fu t r e fu f é , il n’o b tin t q u e l’o v a tio n , pa rce qu il
a v o it com b a ttu fou s le s au fp ice s & d ans la p ro v
in c e d’ un autre préteur. ( Liv. de R. 5 5 8 , av. J.
C. i95 )• ,,
L e p ré teu r L . M an liu s A u d in u s a y an t e x p o ie au
fén a t c e q u ’il a v o it fait en E fp a gn e , la g rand eu r de
fe s fu c c è s parut d igne du t r iom p h e ; mais 1 an cien
u fa ge v o u lo ir qu e le gen e ra l q u i ne r e v e n o it pas
a v e c fo n a rmé e , n’o b tîn t pas c e t h o n n e u r , à
mo in s qu ’ il n’eût remis à fo n fu c c e ffeu r la p ro v
in c e fo um ife & tran q u ille ; on n a c c o rd a qu e 1 o -
v a t io n à L . M a n liu s . ( Liv. de R. 568 , av. J C.
1.85 )•
P e rp en n a a y a n t v a in cu le s e fc la v e s en S i c i l e ,
n e demanda q u e l ’o va tio n , afin de ne p o in t a v ilir
pa r le n om des vaincus la d ign ité du tr iom p h e .
M . A q u iliu s a y a n t d é fa it le s e fc la v e s ^dàns leu r
ft