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des fofles & des îraverfes. Quand l'ennemi commencera
à tirer des bombes & des pierres, il faudra
tenir la garde dans des lieux couverts ,'au plus
près des attaques, & ne garnir le vis-à-vis pendant
le jour, que par de petits détachements fouvent relevés
, qui fe coleront contre les parapets ; mais la
nuit, il faudra que toute la garde s’y trouve, &
border les parapets de toutce qu’on aura de monde.
De la défenfe des places contre-minées.
Si l’on y faifoit bien attention , & fi l’on vouloit
mettre quelque proportion entre la défenfe d une
place 8c la manière dont on les attaque aujourd’hui,
les contre-mines en devroient être le principal
moyen ; car de fe borner à la défenfe fupérieure
ou extérieure , ce n’eft pas affez, & ‘l’affiégé doit
toujours y avoir de l’infériorité. Il eft donc de fon
intérêt , ne pouvant oppofer à l’affiégeant des
forces égales , de l’attirer dans des terreins étroits,
où avec un petit front il puiffe rendre inutile celui
de l’ennemi, qui lui eft infiniment fupérieur, & le
réduire à un front égal au fien > c'eft ce qu’il peut
faire par le moyen des contre-mines , 8c c’eft
prefque l’unique relTource qui lui refie. En effet, il
n’eft pas avantageux à l’affiégé d’expofer fes troupes
en pleine campagne , dans des forties où il y a fou-
vent plus de bravoure que de prudence , & où la
perte qu’il fait, fi petite qu’elle puiffe être, eft
infiniment au-'deflus de celle qu’il petit caufer à fon
ennemi. C ’eft pourquoi, au lieu de fortir, il de-
vroit plutôt s’enterrer. Lorfque l ’ennemi vient à
lui par des tranchées , il doit aller au devant de lui
par des lignes de contre-approche , comme nous
l ’avons dit ,pag. 177 , afin de pouvoir l’enfiler & le
voir de revers dans fes travaux. Si l’ennemi vient à lui par la fape , il doit faire de même ; fi l’ennemi
s’enfonce de dix pieds , il doit s’enfoncer de quinze
ou vingt, parce que dans les mines, celui qui ale
deflous eft toujours le maître de celui qui eft au-
deffus.
Une efeouade de mineurs qui vont fous une
tranchée 3 fous des logements ou fous des batteries
, & q u i, en les faifant fauter, déconcertent les
troupes & les travailleurs, font vingt fois plus de
befogne que des bataillons entiers qui fortiroieot
fqr ces mêmes tranchées ou fur ces batteries , & ils
nç rilquent pas tant, ou pour mieux dire , prefque
rien ; il femble donc que les contre-mines font le
feul champ de bataille ou l'affiégé puiffe fe battre
de pair avec l’affiégeant, & même avoir une grande
fupériorité fur lui; car celui-ci perd alors fon avantage
du nombre, & c’eft dans les mines qu’une
douzaine de mineurs ou de travailleurs repréfentent
toute une armée ; l’affiégé y recouvre un avantage
que réeUeraent il n’avoit pas, fur-tout fi les galeries
des contre-mines font préparées d’avance.
Il n’y a perfonne, pour peu qu’il entende le métier
de la guerre, qui ne convienne des difficultés
mii fe rçncontrenr dans Jes mines que l’affiégeant
eft obligé de faire ; d’ailleurs , fi ces mineurs font
écrafês ou tués dans leurs trous, ils ne fauroient
les remplacer avec 'autant de facilité que le peut
faire l’affiégé , celui-ci pouvant aller de plein pied
dans fes galeries de contre-mines , fans aucun
rifque d’y être écrafé par 1 ebonlement des terres.
Il n’y a pas même , jufqu’à l ’imagination , qui ne
foit contre l’affiégeant, & ne lui forme mille chimères
, au lieu que l’affiégé n’en a point à combattre
, parce qu’il connaît d’avance touts les tours
8c détours de fes labyrinthes fouterreins , 8c qu’il
peut y faire le brave, tandis que le mineur ennemi
a le malheur d’en faire la découverte à fes rifques ,
d’autant plus que prefque toujours il ne fait ni où il
eft , ni où il va. D’ailleurs , le mineur ennemi eft
obligé , le plus fouvent, de travailler d’une main
& à genoux , & d’attaquer ou fe défendre de
l’autre. Non-feulement fes mains , mais touts fes
fens font partagés ; la vue lui fert bien foiblement
pour conduire fon travail dans des routes fi obf-
cures ; l ’ouïe eft appliquée à écouter fi le mineur
de l’affiégé travaille pour venir au-devant de lui ,
& fouvent il eft embarraffé à ne pouvoir juger de
quel côté il vient; l’odorat y eft fouvent bleffé par
les vapeurs fouterreines , ou par la refpirarion interceptée
par la trop grande condenfarion de l’air.
Du côté de l’affiégé , la pofition eft toute différente
; fes mineurs peuvent attendre, en toute
fureté , ceux de l’affiégeapt, fur-tout fi la place' eft
contre-minée d’avance. Si elle ne l’eft point, il
n’eft pas fort difficile , avec un peu d’attention &
de recherche, de s’affurer du lieu où travaille le
mineur ennemi, 8c de fe mettre à portée de l’attendre.
Lorfqu’on s’apperçoir qu’il eft prêt à donner
dans la contre-mine, on peut le prendre, le
tuer, ôu l’étouffer dans fon trou.
Enfin , l’affiégé a tant d’avantage fur l’affiégeant
dans cette guerre fouterreine , qu’il eft furprenant
qu’on en faffe fi peu d’ufage , & que l’ennemi
vienne à bout fi facilement de s’emparer d’uneplace
par le moyen de la fape & des mines , fur-tout
quand la place peut être contre-minée. C ’eft pour*
quoi les princes ne devroient pas épargner ni regretter
l’argent qu’il peut leur coûter pour la conte
truâion des galeries de contre-mines , ni pour la
folde d’un corps compofé de mineurs habiles 8c
exercés , fur-tout pour les places importantes &
pour les villes frontières qui font les chefs des
royaumes, & dont la perte eft d’une grande con*.
féquence. Le tout bien examiné, cette dépenfe
n’eft pas abfolument bien confidérable, eu égard
à ce qua coûtent les fortifications d’une place, (k à
l’intérêt qu’on a de la conferver.
Par le moyen des côntre-mines, on peut non-
feulement défendre opiniâtrement & pied à pied
le glacis & le chemin couvert, mais auffi touts te%
ouvrages extérieurs, ainfi que ceux du corps de la
place. Eft-on forcé d’en abandonner quelqu’un , on
peut y laiffer établir l ’ennemi, & l’enfevelir enfuite
fous les ruines de l’ouvrage même. Par ce moyen,Ü
un gôuverneur intelligent ne fera pas obligé de :
faire battre la chamade auffiïôt qu’il voit les baf-
tions de fa place ouverts, & les pâffpges de leurs
foffés prefque achevés, comme cela arrive ordinairement
; ce qu’il ne peut faire avec honneur,
car un baftion- à peine entamé n’eft pas un prétexte
fuffifant pour l’abandonner ainfi.
On m’objeàera peut-être que les foldats font
découragés lorfqü’ils fe. Voyent réduits à leurs derniers
retranchements, mais fi ces retranchements
font faits de longue main , comme ceux qu’on voit
aux battions du corps de la place , ( planches 6 & ‘
7 ) , il eft certain que ces mêmes foldats défendront
la brèche avec valeur , fur-rout s’ils font
commandés par de bons officiers , parce’qu’ils verront
derrière eux un bon retranchement1 en état de
les recevoir, & derrière lequel ils pourront encore
obtenir une capitulation digne de leur bravoure.
Dans ces différentes attaques , l ’affiégeant fera
toujours de très groffes pertes » parce que l ’affiégé
peut lui oppofer un front auffi grand' que le fien ,
Ci même plus grand , & que le premier eft obligé
de fe loger fur les décombres d’une brèche & d’y
faire monter du canon , pour fe rendre •maître
d’un retranchement dont le feu eft très voifin, &
pour ainfi dire a bout touchant. D ’ailleurs , les
contre-mines peuvent le faire fauter , & s’il a la
précaution de fe rendre maître de celles qu’il a lieu
d’appréhender , avant que de monter à l’affaut,
comme il eft de la prudence de le faire, il ne le
pourra qu’après la perte d’un temps confidérable ,
& qui, quelquefois, lui eft très chef.
■ De la défenfe du chemin couvert.
Comme il faut que l’ennemi fè rende maître des
travaux avancés avant que d’attaquer la contref-
carpe à laquelle ils font attachés, il faut qu’il en
chatte l’affiégé par là force, ou qu’il- aille pied à
pied faire fon logement âti deffus par la fape. Si
e’eft parla force , il faut l’attendre de pied ferme ,
& l’éclairer avec dès lances 8c -torches à feu , léf-
q a elles ,à; trente ou quarante'pas , jetteront im feu
qui 's’attachera & brûlera tout ce qu’il- rencontrera
de combuftible. Si malgré les feux d’artifices & le
feu du canon logé dans lesplaces d'armes retranchées,
qui doit rafer les faces attaquées de ces petits
dehors , l’ennenii s’obftine à s’y loger, on doit
abandonner l’ouvrage jufqu’à ce que* le logement
ait commencé à fe faire ; pour-lors, ne reftant plus
que les travailleurs à découvert, il faut faire for-
tir cent honames^armés pour attaquer la têté de la
tranchée, tandis que cent autres feront feulement
le toür de l’ouvrage pour le nettoyer.
J’ai remarqué, dans touts les fièges où je me
fuis trouvé , que quelque foible qu’ait été une for-
tie faite fur le travail des affiégeants , quand ce tra-,
vail èft proche y elle a toujours fait lâcher , le pied
aux pltis avancés , lefquels épouvantés , fe ren-
ÿerfoient fur ceux qui dévoient les foutenir, 8c
4 rt militaire. Tome III.
fouvent les entrai noient dans leur fuite , fur-tout
dans1 les-forties qui feffont de nuit ; l’obfcurité grof-
fiffant les objets y fait fouvent voir à celui qui
fuit, un grand nombre d’ennemis qui le fuivent,
auffi les forties de nuit ne fe font-elles prefque jamais
que pour donner l’épouvante aux affiégeants
les plus avancés , fur-tout aux travailleurs. Celles
qui fe ront de jour étant plus éclatantes, demandent
de plùs,: grands firccès. Mais1 comme , avec le
temps, il faut céder le terrein du travail avancé ;
foit q-ue:par la-force ou par la. fape les ennemis
s’en fo iént rendus les-màît-res , On doit y avoir fait
quantité de petits fourneaux , auxquels on donne le
feu en fe retirant-, & qui, par leur effet , détruiront
lé-logement- & l’ouvrage.
• J’ai déjà dit qu’il fàttok préparer quantité de petits'
fourneaux fous le glacis, pour s’en fervir dans
le befoin.; voici le temps de les mettre en ufage ,
fi ce n’eft que ltennemi , qui aura vu la prife 8c le
•boulevertement d’es premiers travaux ; appréhendant
de femblabiès accidents , ne porte pas le logement
fur le haiffi'du glacis , fe contentant de l'environner
par la fape , & d’aller par la même fape
éventer les fourneaux. A la vérité ce chemin eft le
pfus fur, mais auffi il eft le plus long.
Quoique l’ennemi ait éventé les fourneaux qui
auront été faits fous le glacis , tes logements qu’il
aura fait airdeffus ne feront pas ,en fureté des
mines , parce que l’affiégé en pourra faire au-clef-
fous des fourneaux qui auront été éventés-, & les
mines feront d’un plus dangereux & plus furpre-
nanr effet. parce qu’elles feront plus d’exécution ,
& que 1e péril fera moins attendu. Une fortie faire
au niêmè moment augmentera la furprife 8c le découragement
des ennemis.
On doit, obferver une. chofe très éffentielle dans
la cônftruâion de ces mines , qui eft de prendre
garde que parleur effet elles ne renverfent 1e chemin
couvert dans le foffé, au lieu de bouleverter
le logement voifin des ennemis & la fape qu’ils auront
commencée pour la defeente du foffé. Pour
celai il faut prendre- garde q u e ’la chambre de la
mine foit plus éloignée du bord extérieur du foffé,
qu’il -n’y aura de hauteur de terre à enlever au-
deffus. Ce n’eft pas qu’il faille attendre que l’ennemi
né s’enfonce point fous terre pour aller éventer
les travaux fouterreins qui auront été préparés
par tes affiégés ; en ce cas , il faut amufer l’ennemi
autant qu’on pourra , en lui difputant fon logement;
mais lorfqu’il croira avoir bien avancé la
! tête des tranchées & tes logements , il faut tes en*
, lever par des mines & des fourneaux, & renverfer
auffi, s’il eft poffible-, la place d’armes qu’il aura
~faite pour la fureté de tes travaux avancés, & l’obliger,
par ce moyen, à chercher fous la terre la.
fureté qu’il n’aura pu trouver deffus. Ainfi l’en-
1 nemi fera forcé de faire quantité de travaux fou-
; terreins , auxquels oh doit -s’oppofer par des rameaux
entrecoupés , qui auront'fouts cbmmnm-?
cation à la grande galerjç des rnipes. Les rameaux
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