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avoir refufé l*oflre qtie lui fit une ville de fournir
tout le bois néceffaireà fon armée , pourvu qu’il
ne permît pas qu’on coupât les arbres ; ce qui fut
taule que les arbres fruitiers des jardins où ilétoit
campé furent ruinés. Adlion qui irrita davantage les
habitants de ce pays que tout ce qu’ils avoient fouf*
fert pendant plufieurs années de guerre.
Toutes les fois que vous marchez dans un pays
ami, faites avancer deux petits partis avec des officiers
dans touts les villages de l’avant-garde , des
ailes 8c de l’arrière-garde voifins de la marche , afin
d’empêcher que les foldats qui fe détachent furtivement
ne les pillent ; vous deftinerez aufli quelques
autres partis pour battre la campagne , afin que
les maraudeurs n’enlèvent pas les troupeaux qui y
paillent. La compagnie du prévôt aura dans les
marches la même attention , parce que c’eft directement
à lui de veiller fur ce défordre.
Lorfqu’on marche par un pays oit il n’y a rien à
craindre des ennemis, on divife l’armée en trois
ou quatre corps , afin que chacun d’eux allant par
différents chemins au pofte défigné, les lieux quiN
font fur le paflage foyent moins foulés, & la marche
plus commode aux troupes qui , ainfi féparées ,
trouveront les fourrages , les vivres & les voitures
néceflaires.
Louis XIV donna cet ordre lbrfqu’il fit marcher
les troupes contre la Hollande. Solis parlant de la
fécondé marche que fit Fernand Cortès depuis
Zempola jufqu’à Tlanala , qui étoit alors ami, « dit
qu’il fit cette marche par deux différents petits chemins
, pour ne pas fouler les peuplés, & pour
trouver plus facilement des vivres. '
Comme une armée eff fortfujette aux maladies,
à moins d’une néceffité ne la faites pas marcher
continuellement par le fort du foleil en été , &
dans un pays chaud, ni par les neiges ou les pluies,
fur-tout de nuit, en hiver, 8c dans un pays froid ;
incommodité qui fera encore plus grande f i , dans
le camp qu’on va occuper , il ne fe trouve pas du
bois pour que les foldats fe puiflent chauffer & fé-
cher , ou s’ils arrivent fi tard qu’ils n’ayent pas le
temps d’en aller couper.
Il eft important que vos foldats ne fe mouillent
pas en traverfant de petites rivières, des ruiffeaux,
ou des foffés remplis d’eau croupiffanre, & que le
moyen de l’empêcher eft de faire fur ces rivières
des ponts avec les charrettes, de jetter de petits
ponts fur les ruiffeaux , & de combler les foffés !
avec des fàfcines, afin que le foldat conferve fa .
fanté & fes habits. ( Réflex. de Santa-Cru[ ).
MARCHE ( dés troupes en bataille ). Voyci
T actique.
MARÉCHAL DE BATAILLE. C’étoit autrefois
, dans les armées de France , un officier dont
la principale fon&ion étoit de mettré l’armée en
bataille , félon l’ordre dans lequel le général avoit
réfolu de combattre. Ce titre ne paroît pas plus ancien
que Louis XIII : il s’eft feulement confervé
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dans le cômmencëment du règne de Louis XIV. Il
n’en eft plus qneftion depuis la guerre de Hol-
lande, en 1672.
Maréchal de France. Premier grade militaire.
Le mot maréchal eft dérivé des deux anciens
mots allemands mar 3 cheval, 8c fcalck, ferviteur,
efclave, ( & non maître, comme le dit le père Daniel
). Ce nom fut donné d’abord à ceux qui avoient
foin des chevaux. On lit dans la loi des Allemands :
Si maris calcus qui fuper duàdecim caballos eft occi-
ditur, quadraginta Jolidis componatur. Si un maréchal
qui a infpeâiori fur douze chevaux, eft tué , la comr
pofition fera de quarante fols. (m . 7 9 , art. 4 ) :
c eft-à-dire que l’office de maréchal étoit autrefois
une intendance fur les chevaux du prince, aufli
bien que celui de connétable, mais fubordonné &
intérieur à celui-ci.
Ce mot fe trouve dans la loi falique : il fe trouve
aufli dans l’ancienne loi des Allemands, comme une
charge qui regardoit l’écurie.
Il me pareil par l'hiftoire , quoique plufieurs
penfent autrement, que la dignité de maréchal devint
une dignité militaire avant que celle de connétable
le fût. C ’eft du temps de Philippe-Augufte,
que l’on voit pour la première fois , fous la troi«
fième race de nos rois, le commandement joint
à cette dignité dans les armées.
Selon l’hiftoire, il y avoit un maréchal nommé
Albéric Clément, dans l’armée que Philippe-Au-,
gufte conduifir au-delà de la mer pour le fecours
de la Terre-Sainte : il eft dit que ce maréchal fut tué
au fiège d’Acre. Mais je doute fort qu’il fmmaréchal
de France, & qu’il exerçât dans l’armée les fonctions
attachées depuis à cette dignité : première-
1 ment,-parce qu’il n’eft point marqué dans rhiftoire,
qu’il eût le commandement de l’armée fous le roi ;
fecondement, parce que l’hiftoire de Philippe-Augufte
ne l’appelle point maréchal de France , mais
feulement maréchal du roi de France, marefcallus
regis Francia. Or , nos rois avoient des maréchaux ,
c’eft-à-dire des officiers avec intendance fur les
écuries fous le connétable , avant que la dignité de
maréchal 8c de connétable devin fient militaires ; &
ces maréchaux, aufli bien que les connétables, fui-
voient d’ordinaire les rois à l’armée, comme les
autres officiers de leur maifon. Enfin , comme je
l’ai remarqué en traitant de la chargé de grand-fé-
néchal, c’étoit Thibaut, comte de Blois q u i, au
fiège d’Acre , où il mourut, aufli bien qu’Albéric
Clément , commandoit l’armée fous Philippe-Augufte
: & à ce fujet, Rigord, hiftoriographe de ce
prince, l’appelle le chef de cette armée: princip'em
militiez. Ce n’étoit donc pas Albéric Clément qui
la commandoit en qualité de maréchal de France ;
& l’on ne voit pas même qu’il la commandât fous le
comte de Blois.
Le premier donc que je trouve dans rhiftoire ^
avec quel que marque de commandement, eft Henri
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Clémerft; frère de cet Albéric : premièrement,'
parce que l’hiftorien que je viens de citer, lui donne
la qualité de maréchal de France : Ægrotavit Henricus
marefcallus Franc'ia ; fecondement : parce que
Guillaume le Breton dit qu’il étoit à la tête de
l’avant-garde dans la conquête que Philippe-Au-
gufte fit de l’Anjou & du Poitou.
Henricus vero modicus vir corpp/e magnus
Virihus , armatâ nulli virtute fecundus,
Cujus crut primum geftarc in prcelia pLlum
Qjùppe Marefcalli cla.ro fulgebat honore.
Cela montre que le maréchal avoit dès-lors, en
cette qualité ,un grand rang dans l’armée. On voit
d’ailleurs clairement par la fuite de cette campagne
, que ce maréchal commandoit l’armée : 8c il
eft dit expreffément par le même auteur, trente
pages après, qu’il avoit ce commandement fous
Louis , fils du roi, qui en étoit le généralilïïme, 8c
qu’il l’avoit par fa dignité de maréchal.
Jure Marefcalli cunclis predatus agebat.
Le père Anfelme, au fujet de ce maréchal ,
avance un fait faux, qui n’a pas été corrigé dans la
nouvelle édition faite par M. Dufourni, 8c qui
prouveront même, contre fon intention, que les
Maréchaux de France ne commandoient pas fou-
vent dans les armées. Il dit que ce maréchal étoit à
la bataille de Bouvines. Or , dans cette bataille,
c’ètoit le chevalier Gaurin, nommé à l’évêché de
Senlis , qui commandoit l’armée fous Philippe-
Augufte. Ce fut lui q u i, non-feulement la mit en
bataille , mais encore qui faifoit marcher les troupes
pour la charge, ainfi que l’écrivent les deux hifto-
riens de ce prince, que je viens de citer : de forte
que le maréchal Henri Clément, n’auroit pas eu
alors le commandement général ; & effeélivement
il n’eft fait nulle mention de lui dans cette bataille.
Mais la fauffetè du fait avancé, fe prouve par
Rigord., ,qui marque expreffément que ce maréchal
n’étoit point à la bataille, & qu’un courier lui étant
venu apprendre la nouvelle de {la viéloire, que le
roi avoit remportée , lorfque ce feigneur étoit malade
à l’extrémité , il lui donna pour fa peine fon
cheval de bataille, n’àyant plus rien autre chofe à
lui donner , parce qu’il avoit déjà difpofé de touts
fes biens en faveur des pauvres.
Quoi qu’il en fo it, on ne peut douter que ce ne
fut fous ce règne que le maréchal de France commença
d’avoir le commandement dans les armées
quand il y étoit; ce qui paroît clairement prouvé
par les vers de Guillaume-le*Breton, que je viens
de citer. Or , le maréchal Henri Clément commandoit
l’armée , & étoit à la tête de l’avant-garde
dans la conquête de l’Anjou , dès l’année 1204 ; 8c
le connétable Mathieu de Montmorency, fécond
du nom, qui le premier de touts les connétables
commanda l’armée par commiffion, la dignité de
fénéchal étant vacante , ne fut connétable qu’en
1218 ; d’où il s’en fuit, quoi.qu’en dife l’auteur dç j
Yhijloire des grands officier? de la couronne , que ce
que jVt dit eft vrai ; fçavoir, que la charge de maréchal
commença à devenir un office militaire avant
que celle de connétable le fût.
Deux çhofes me-paroiflent remarquables au fujet
de ces anciens maréchaux de France: c’eft, premièrement
, que les quatre premiers furent touts de la
même famille ; fçavoir , Albéric Clément, s’il eft
vrai que ce feigneur ait eu cette qualité de maréchal
de France ■ , 8c non pas fimplement celle de maréchal
du roi ; Henri fon frère, Jean fils de Henri, &
Henri Clément, fécond du nom.
L’autre chofe eft , que Henri Clément, premier
du nom, étant mort, 8c n’ayant laiffé qu’un fils
en bas âge , Philippe-Augufte donna au fijs la di-,
gnité de maréchal de France , & en fit faire les fonctions
par commiffion , à Gautier de Nemours».
L’hiftorien cependant remarque expreffément que
cette dignité n’étoit pas héréditaire : Et hoc totunt
fuit de benignitate regis qui katreditaria fuccejjio irt
talibüs ojjiciis locum non habet. Mais il y a encore
une troifième obfervation à faire à cet égard au
fujet de ce Jean Clément ; fçavoir, que quand il
fut en âge d’exercer la charge de maréchal, il donna
un écrit au roi Louis V I I I , par lequel il déclaroit
que ni lui > ni fes héritiers , ne réclamoient point
la charge de maréchal, comme prétendant quelle
fût héréditaire dans leur maifon ; 8c cela fe fit fans
doute parce qu’on apréhenda que lui étant le fécond
ou troifieme maréchal de France de fuite dans
fa famille , 8c l’ayant été lui-inême en bas âge , fes
héritiers ne regardaffent cette charge comme un
héritage, ainfi qu’il étoit arrivé aux comtes d’A njou
à l’égard de la dignité de grand lenéchal de
France. '
Bien loin que la dignité de maréchal fût héréditaire
, il paroît par plufieurs endroits de nos hif*
toires, qu’auirefois elle n’étoit pas à vie , 8c que
dès-là que celui qui en avoit été honoré , recevoic
un autre emploi incompatible avec les fondions de
maréchal de France, il ceffoit de l’être. C ’eft ce que
j’ai remarqué dans l’hiftoire du règne de Philippe de
Valois , au fujet du feigneur de Morcul, maréchal
de France, que ce prince choifit pour être gouverneur
de fon fils Jean, qui fut fon fuccefleur fur le
trône.
Ce feigneur repréfenta au ro i, que le choix qu’il
faifoit de fa perfonne ppurle mettre auprès du
jeune prince, lui faifoit honneur ; mais que ne
pouvant recevoir cet emploi fans quitter la dignité
dq maréchal de France y cela feroit tort à fa réputation
, parce qu’on croiroit qu’elle lui avoit été ôtée.
Voici ce qui lui fut écrit par le,roilà-deflùs :
« De par le Roi : fire de Morcuf, vous fçavez
comment nous vous deymes l’autre jour que nous
vous aviens ordené pour eftre ayec Jean noftr«
fils , 8c à fon frain ; &.vrayement, nous ne vous
oftons de l ’cffiçe de maréchal pour nul mal qui foie
en vous., ne pour nul défaut qui.par,vous ait efté en
voftre office : mes nous vous amons mieulx près de