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ceux des fubftituts qui ne pouvoient pas être d un
fervice, & que l’on renvoya.
On peut aufli promptement renforcer l’armee,
en offrant le pardon 8c la paye aux bandits» a condition
qu’ils viendront auffitôt fervir pendant
quelques mois dans votre armée. Si vous y réuf-
fiffez » vous les empêchez de fe jetter parmi les
ennemis , qui pourroient leur faire une pareille .
offre.
Les Vénitiens , qui manquoient de monde pour :
fe défendre contre la p milan te ligue de Cambray ,
trouvèrent du fecours dans les bandits & les-exilés;
ils leur accordèrent une amniflie générale, à l’exception
feulement de ceux qui avoient commis quelque
homicide volontaire , pourvu qu’ils vinlfent
fervir pendant quatre mois , à leurs frais , dans les
troupes de la république. Ils pardonnèrent aufli au
comte de Colalto , qui avoit été exilé pour avoir
tué fon oncle , à condition qu’il ferviroit quatre
mois dans l’armée Vénitienne avec cent chevaux à
fes dépens.
Je dis la même chofe des prifonniers 8c des enclaves
à qui on offre leur liberté, & à leurs maîtres
leur rançon ; mais dans tout cela je fuppofe que
vous en avez obtenu la permiflion du prince , en
cas que les ennemis vous donnent le temps de
l ’attendre.
Le diâateur Romain mit avec fuccèsdeux expédients
en ufage ; n’ayant pas trouvé d’autres
moyens de remplacer les hommes que les Romains
avoient perdus à la bataille de Cannes, il
arma les prifonniers 8c les efclaves , 8c avec cette
forte de gens , le proconful Titus Sempronius Gra
chus défit l’armée Carrhaginoife, commandée par
Itanon.
Lorfqu’Abidos fut affiégée par Philipe , roi de
Macédoine, les habitants de cette ville donnèrent
la liberté à leurs efclaves , qui furent d un très
grand fecours par les efforts extraordinaires qu’ils
firent pour la défenfe de cette place.
On peut principalement avoir recours à cet
expédient, lorfque votre armée eft éloignée du
pays qui eft affeâionné à votre prince , ou lorf
qu’il y a lieu de craindre de ne pouvoir pas tirer
promptement des provinces voifines le fecours de
la milice 8c de la nobleffe , en attendant que vous
receviez de quelque autre côté des recrues ou des
troupes de renfort.
Je fuppofe que vous ne vous ferviez pas des
efclaves dans une guerre contre les Turcs , ni des
prifonniers,lorfqu’ils font d’une nation qui hait
extrêmement la vôtre , foit par motif de religion ,
ou par une antipathie mutuelle ; au contraire, il faut
alors éloigner de la frontière les efclaves 8c les pri-
fonniefs, pour les empêcher de fomenter quelque
révolte dans vos places , ou d’y'' tenter quelque
furprife. J’ai rapporté ailleurs divers exemples à ce
filjet. > .
Si touts les expédients que j’ai propofés jufqu’ici
vous paroiffent trop lents ou trop difficiles à pra-
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tiquer, à caufe que vous vous trouvez fort avant
dans le pays ennemi, qu’il feroit trop défavanta-
geux pour vous d’abandonner, il ne refte pour
dernier recours , d'autre expédient que celui d’incorporer
pour quelques mois dans les compagnies
les valets , les vivandiers 8c autres gens de la fuite
de l’armée , qui en forment ordinairement la cinquième
partie. On peut même dans un pays ennemi
, trouver des charretiers & autres hommes
pour le train de l ’artillerie & des vivres; 8c ceux
qui auparavant faifoient ces fonctions dans l'armée
, accoutumés aux incommodités & à la plupart
des dangers de la guerre , ferviront infiniment
mieux dans les régiments que les recrues ordinaires.
Il faut, dans ce Ncas , promettre aux valets
des officiers, aux vivandiers 8c aux hommes
qui étoient employés dans le train de l’artillerie &
des vivres , leur liberté dans un court délai, une
paye plus forte que celle des foldats & quelque
exemption.
Le général Montécuculi rapporte dans fes mémoires
, qu’en 1663 le grand vifir Mahomet avoit
1 mis heureufement ce moyen en pratique pour
j remplacer les hommes qui, après la prife de Neu«
haufiel, manquoient dans ion armée.
Comment il fa u t, avec une armée qui a été mife en
déroute , éprouver le fort (Tune fécondé bataille.
J’ai traité au long dans le cours de cet ouvrage
des motifs qui fe préfentent ordinairement pour
fouhaiter d’en venir à un combat, & des occafions
où l’on doit éviter la bataille ; à préfent, fans m’arrêter
aux circonftances ordinaires dont j’ai parlé ,
je fuppofe que vous avez un plein pouvoir de votre
cour d’agir, félon que les occurrences de la guerre
pourront vous y déterminer.
Les ennemis , après avoir percé une de vos ailes
ou quelque endroit de votre première ligne ,
peuvent, durant la bataille, fe débander pour piller
pu pour fuivre les fuyards ; il y a lieu d’efpérer
de les vaincre , fi vous les chargez alors avec celles
de vos troupes qui n’ont pas encore été battues.
Après même avoir abandonné lé champ de ba«^
•taille, & avoir continué quelque temps votre retraite
, vous devez revenir à la charge, f i , par de
bons efpions , & par un grand nombre de vos
officiers 8c de vos foldats , vous apprenez qu’il n’y
a que peu de troupes ennemies qui ne fe foient
pas débandées pour le pillage. C ’eft-là l’occafion
favorable pour remporter la viâoire , pourvu que
vous puiffiez rafîembler un corps raisonnable de
troupes., 8c .principalement les brigades qui, par
quelque obftacle du terrein, n’a voient pu agir dans
le combat, 8c fe trouvent par confisquent entières,
8c moins intimidées de la précédente défaite.
A la bataille de Dreux, les calviniftes , commandés
par le prince de Condé, avoient mis en
déroute la plus grande partie de l’armée de
Charles IX , roi de Fiance, 8c avoient fait pri-
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fonhîer le cbnhétable, qui en ctoit le généralîf-
fime. Le duc François de Guife, fécond chef de
l’armée du ro i, apprit que les calviniftes s’étoient
débandés pour piller le camp, il les attaqua au
bout d’une heure & demie, les battit, 8c fit pn-
fonnier le prince de Condé. Il efi à remarquer que
le duc de Guife avoit toujours confervé les troupes
qui étoient fous fes ordres , rangées en bataille ,
dans l’efpérance de profiter de ce détordre des
calviniftes. , . XT,
A la bataille de Taro, l’armee delà ligue ve-
ttit’enne avoit défait celle de Charles V I I I , roi de
France ; mais les Italiens s’étant débandés pour le
pillage , les François fondirent fur eux , 8c les
mirent en fuite. .
L’armée de Louis X I , roi de France , etoit vic-
torieufe à la bataille de Guineguafte , elle fe débanda
pour piller , 8c elle fut défaite par les troupes
de Maximilien ,duc d’Autriche, qui revinrent une
fécondé fois à la charge.
Aflan Cigala, général de l’armée de Mahomet I I I ,
avoit été battu par les troupes de l’empereur Ro-
dolfe , lorfcju’il obferva que les Allemands s’é-
tdient mis en défordre pour piller , principalement
quand ils avoient approché des tentes de
Mahomet. Il contremarcha, fondit fur eux, les
mit en fuite, 8c leur prit leur artillerie.
Lorfque les vainqueurs fuivent les vaincus fans
ordre 8c fans précaution , on fera prefque toujours
afliiré de les battre fi , ayant rallié un corps
raifonnable de troupes, on contremarche vers eux
d’un bon pas, pour ne pasteur donner le temps
de fe former 8c de revenir de la frayeur dans laquelle
cette attaque inefpérée les aura jettes.
Henri 8c Guncelin , généraux de l’armée de
Valdemare, premier roi de Dannemarck, ayant
été défaits par les Vandales , rallièrent promptement
les fuyards , 8c ayant attaqué les vainqueurs
qui s’étoient débandés, ils les battirent 8cdemeurèrent
eux-mêmes victorieux.
En traitant des difpofitions pendant la bataille ,
j’ai prouvé , par l’exemple des Romains 8c des
Samnites , qu’en revenant contre les ennemis pour
les charger , il faut faire remarquer à votre armée
le détordre où ils font, 8c par confisquent la facilité
qu’il y aura de les battre.
Il y a encore moins de péril de contremarcher
contre des ennemis victorieux que le défir du pillage
a mis en défordre , s’ils ne font accoutumés
qu’à combattre en ligne 8c en bataille rangée , 8c fi
au contraire, votre armée a quelque expérience
dans la manière de combattre par pelotons 8c à la
débandade.
Pierre-Marie Contarini prétend que c’eft la nuit
du jour qu’on a été battu, qu’il faut revenir contre
l’armée ennemie, qui dormira fans être fur fes
gardes , par la confiance que’ lui donne fa précédente
victoire. Si l’on fe rappelle ce que j’ai dit
dans un autre endroit de cet ouvrage , fur les précautions
à prendre la nuit du jour qu’on a gagné la
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bataille, on conviendra qu’il feroit dangereux de
fuivre toujours ce que Contarini propofie , principalement
fi le général ennemi a de l’habileté. Je
penfe, par confisquent, que pour former une pareille
réfolution , il faut avoir un nombre convenable
de troupes, que la précédente défaite n’ait
point intimidées, 8c ne pas agir tordes Conjectures,
mais fur des avis certains que les ennemis p a fient
la nuit dans le détordre , 8c fans être fur leurs
gardes.
Le. contol Aulus Manlius Volfon , après avoir
été battu en.Iftrie , revint la nuit fur fes ennemis ,
qui ne l’attendoient pas, 8c il les défit ; mais ce
conful ne prit cette détermination que dans les
circonftances dont nous venons de parler, 8c qui
doivent toujours précéder, pour qu’une pareille
réfolution fqit fage.
Salufte rapporte que Marius ayant été maltraité
dans un combat par les troupes de Jugurtha 8c de
Bochus , fe retira fur une montagne, où il fut in-
vefti par les vainqueurs. Marius ayant obfervéque
ces ennemis, pleins d’une trop grande confiance à
caufe de leur toccès précédent, avoient pafié la
plus grande partie de la nuit en danfe 8c. en réjouif-
fances, les laifla enfevelir dans leur premier fom-
mcil, 8c ayant fondu tout d’un coup fur eux au
point du jour, il les vainquit fans réfiftance.
Le difeours que je vais propofer paraîtra peut-
être long , mais on peut n’en prendre que ce qui
convient, félon les circonftances où l’on fe trouve.
, Si l’on m’oppofe que ces fortes de difeours ne font
■ plusd’ufage, je prierai le letteur de voir la ré-
ponfe que j’ai déjà faite à la même objeélron , en
parlant de la manière dont i) faut parler aux troupes
avant une bataille , lors même qu’il ne s’agit pas ,
comme dans le cas préfent, de relever le courage
abattu par une défâite précédente.
Repréfentez vivement aux troupes que pour
avoir eu du défavantage dans un premier combat,
elles ne doivent pas pour cela ne pas efpérer d’être
vi&orieufes dans un fécond , parce que les armes
font journalières , 8c que la fortune ne fe montre
jamais plus inconftante que dans la guerre. Soutenez
cette propofition par des exemples des armées
qui, après avoir été battues, ont défait peu de
jours après leurs ennemis vainqueurs; exagérez
fur - tout la honte qu’il y a de perdre courage à
caufe d’un malheur qu’on a éprouvé.
Vefpafien, pour animer à Gamala fes troupes
intimidées par le mauvais toccès d’un combat,
leur difoit, que la fortune cefferoit d’être elle-
même, fi elle n’étoit pas changeante en tout moment
, qu’il falloit foutenir fes revers avec fermeté
, 8c qu’il n’y avoit pas moins de bafleffe à fe
laifler abattre par les difgraces , que de fe mé-
connoître par les profpérités.
Scipion l’Africain, pour rétablir le courage dans
fon armée , qui avoit été défaite par les Carthaginois
, lorfqu’elle étoit fous les ordres de ton père
de fon oncle > leur faifoit voir , par divers
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