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En 1695 , fl M. le maréchal de Villeroi avoir
pufii-bien connu le dedans de la Méhaigne, que
M. de Luxembourg l'avoit connu en 1692, il y
feroit entré par le grand & le petit Lech , & auroit
pu battre L’armée ennemie , dont le camp man-*
quoit de fond , & étoit contraint par là ravine de
Boueffe.
Dans cette occafion décifive , pour faire lever le
fièoe de Namur, il importoit moins à M. le maréchal
de Villeroy de connoître le front du camp de
l’ennemi qu’il vouloir attaquer, que le derrière
de fsn camp, parce que c’étoit fa mauvaife difpofi-
tion intérieure, par le manque de communication
de la droite à la gauche de la fécondé ligne, qui
faifoit l’avantage de M. le maréchal de Villeroy ,
dans la difpofition qu'il pouvoit donner à fon attaque
, dont le principal effort étoit a fon choix.
En 1701, fi M. le maréchal de Catinat avoir eu
une entière connoiffance du pays entre l’Adige &
le Pô , il ne fe feroit pas autant féparé qu’il le fit ,
& n’auroit pas expofé l’armée du roi à être battue
en détail, comme cela penfa arriver au combat de
Carpy.
En 1704, fi M. l’éleéleur de Bavière & M. le ma-
léchai de Marfin, après la malheureufe journée de
Hochftet, avoient connu touts les avantages de la
fituation d'Ulm , ils ne l’auroient pas abandonnée.
Ils anroient pu y être joints par l’armée de
M. le maréchal de Villeroy , en cas que les ennemis
euflent fongé à entrer en Bavière après le gain
de cette bataille, & fe feroient trouvés en état de
fe maintenir en Allemagne , au moins jufqu’à
Ulm , & même d’y rétablir les affaires du roi au-
delà du Rhin & jufqu’au Neckre.
Dans le plan général de cette guerre en Allemagne
, la connoiffance de la conftitution du pays
avoit porté M. l’eleéleur a fe faifir d Ulm , comme
d’ un pofte néceffaire fur le haut Danube, pour
s’affurer une communication avec la France. Il
falloir donc fe maintenir dans ce pofte, puifque
l’occafion d’en tirer avantage étoit arrivée.
En 1706, fi M. le maréchal de Villeroy avoit
voulu fe fervir de la connoiffance qu’il avoit du
pofte de Ramillies, il pouvoit, fans crainte, dégarnir
fa gauche pour fortifier fa droite, puifqu il
voyoit qué l’ennemi dégarniffoir fa droite pour
faire fon principal effort à fa gauche. ^
Ce général qui , à proprement parler, n’avoit
perdu à Ramillies que le champ de bataille , pouvoit
fe fervir utilement de Louvain & des retranchements
de la d’Y lle , de Bruxelles & de la Senne,
ou de Gand, de l’Efcaut & de la Lys. Touts ces
pays & bons poftes étoient fuffifamment connus ,
fi la tranquillité d’efprit avoit été affez grande pour
faire réfléchir fur touts les avantages qu’on en pou-
T°S i'lrS ’ns la même année, M. de la Feuillade
avoit mieux connu la plaine de Piémont & le pied
des Alpes , il ne fe feroit pas amufé pendant deux
mois à courir inutilement après M. le duc de
REC
Savoye , fort! de Turin avec fa cavalerie ; & quand
il eut conduit ce prince à l’entrée de la vallée de
Luzerne, il n’auroit pas ,auffi imprudemment qu’il
le fit , mandé au roi qu’il tenoit l'ennemi avec fa
cavalerie dans un pays d’où il ne pouvoit plus lui
échapper ; 8c il auroit fu qu’il n’y a aucune des
vallées qui aboutiflent dans le Piémont, qui n’ait
plufieurs communications par des fentiers prati-
quables avec les villes voifines, & qu’ainfi M. de
Savoye fortiroit de la vallée de Luzerne par fa
droite ou par fa gauche , félon ce qu’il lui con-
viendroit de faire, pour fe débarraffer de M. de
la Feuillade qui étoit devant lui.
Si MM. de Marfin 8c de la Feuillade avoient
feulement connu les environs de Turin , ils au-
i roient fu que puifqu’ils vouloient faire prendre à
M. le duc d’Orléans le parti d’attendre M. de Savoye
8c M. le prince Eugène dans les lignes de
Turin , ils laiffoient ainfi l’ennemi maître du choix
de fon terrein pour l’attaque des lignes -, foit par
un côté de la droite , foit par l’autre 8c qu’ainlt le
côté de Chivas devoit avoir d’auffi bonnes lignes
que le refte du camp.
Cependant, manque de connoître le pays , ces
deux généraux n’imaginèrent jamais qu’il fut pratiq
u a is à l’ennemi d’entreprendre fur le quartier du
Balon , 8c de paffer la droite fi proche de notre
armée. C ’eft pourtant ce qu’il etoit aifé de penfer,
puifque l’on s’étoit renfermé dans les lignes de
circonvallation. ;
Ce même manque de connoifiance du pays
porta encore M. de la Feuillade a confeiller a M.
le duc d’Orléans , qui étoit blefle , de faire marcher
l’armée à Pignerol, où elle ne pouvoit trouver aucune
fubfiftance , ni pour les hommes , ni pour
les chevaux , au lieu de lui faire repaffer le Po fur
les ponts que nous avions au-deflùs du camp.
En l’année 1707 , fi M. le maréchal de Teffé,
après n’avoir voulu rien faire contre M. de Savoye
8c M. le prince Eugène , lorfqffils abandonnèrent
l ’entreprife de Toulon , avoit connu le Piémont,
8c les facilités que M. de Savoye pouvoit trouver
pour forcer des marches d’infanterie dans la plaine
dès qu’il y ferait entré, ce maréchal auroit promptement
renvoyé de Provence toute l’infanterie,
pour protéger le Pragelas 8c Suze , qui , par ce
moyen , auroient été furement garantis.
Quoique dans cette occafion l’on puiffe, avec
raifon, âccufer M. le maréchal de Tefifé de n’avoir
pas fupputé les journées que M. de Savoye
avoit à employer pour faire cette marche de Toulon
à Suze, fur la connoifiance -qu’il devoit avoir
de ce pays, cependant j’attribuerois plus aifément
cette grande faute à une ignorance préfomptueufe,
qu’au manque de cette fupputation , que touts les
officiers de fon armée faifoient pour lui, 8c qu il
ne pouVoit ignorer.
En l’année 1708 , fi M. de Vendôme avoit
! mieux connu la Flandres , il auroit penfé que pour
I fe conferver pendant toute la-campagne une fupe‘
riorite
R Ë C
tiorité entière fur les ennemis, fon capital étoit
d’afiùrer fa jonélion avec M. le maréchal de Berwick
, avant -que M. le prince Eugène pût faire
la Tienne avec M. de Marlborough, quoique ce
prince en partant du Rhin fe fût donné plufieurs
înarches fur M. de Berwick.
M. de Vendôme, par la connoifiance du pays,
ne devoit fonger qu’à faire un mouvement qui,
en retenant Marlborough entre Louvain 8c Bru-
xelles, forçât M. le prince Eugène à aller cheï-
chcr fa jonflion avec M. de Marlboroug par-derrière
le Dénier. .................. . . . ,
Par-là M. de Vendôme faifoit perdre a M. le
prince Eugène toutes les marches qu’il avoit gagnées
fur M. de Berwick , q u i, par ce moyen ,
autoit joint M. de Vendôme avant que M. le prince
Eugène ait pu joindre M. de Marlborough.
Cette faute dans un mouvement, que la con-
noiflance du pays devoit faire, voir à M. de Vendôme
être fûr pour opérer cette joriélipn de M. clé
Berwick avant celle de M. le prince Eugène , a été
capitale pour la campagne ; car la jonSioh dé M.
de Berwick mettoit M. de Vendôme dans une fi
grande fupériorité fur M. de Marlborough , qu’il
lui auroit été impoflible de tenir entre Louvain
& Bruxelles. . t
Si M. de Marlboroug avoit pris le parti de palier
le Démer pour aller au-devant de M. le prince
Eugène , il abandonnoit également Bruxelles &
Louvain ; s’il s’étoit retiré derrière la Senne , il
abandonnoit Louvain 8c Malines , 8c fa jonétion
avec M. le prince Eugène devenoit prefque im-
poffiblev,
Ainfi il eft certain que fi M. de Vendôme avoit
marché à Gênap , au lieu de marcher à Gand , il
auroit retardé la jonélion de fVL le prince Eugène
avec M. de Marlborough, d’afiêz de jours pouf
être joint par M. de Berwick. .
Si M. de Vendôme eût mieux connu la Flandres,
après avoir manqué la jonélion de M. de Berwick
avant celle de M. le prince Eugène avec M. de
Marlborough, il n auroit eu qu’à tenir la Dendre,
pour faire faire derrière lui le fiège d’Oudenardé
après l’occupation de Gand. Si même il avoit pafie
l’Efcaut fans perte de temps.,/il pouvoit venir
mafquer Oudenarde de fi près , que fi les ennemis,
après leur jonélion , avoient voulu avec toutes ■
leurs forces venir empêcher qu’il n’en fît le fiège, .
au moins n’auroient - ils pu déboucher de cette
place pour le venir combattre , ni faire des ponts
fur î’Efcaut devant lu i, pendant qu’il auroit tenu
les bords de cette rivière.
Si M. de Vendôme eût fait ce mouvement que
la connoifiance du pays lui indïquoit, il en feroit
réfulté un bien. Il auroit çonfervé la conquètè de
Gand & de Bruges ; il auroit pu faire le fiège de
Menin derrière lui , fans qu’il eût été poffible aux
ennemis de s’y oppofer, oc auroit par conféquept
fauve Lille , fans avoir à craindre .pour Namur. où
Charleroy pendant le fiège de, Menin , paj&^.qùè
Art militaire* Tome ÎII,'
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les ennemis en s’éloignant de Gand , auroient dé-
côuvert'BruxéUes.
Si M de Vendôme avoit mieux connu le pays
des environs d’Oùdenarde, il n’auroit pas engage
le combat avec une tête d’infanterie dontiligno-
roit le nombre , que le pays couvert & coupe lui
cachoit entièrement. . .
Enfin fi M. de Vendôme avoit bien connu la
Flandres & le pays fertile qui environne L ille , il
n’auroit pas imaginé d’affamer les ennemis au fiege
de cette place , en les enfermant dans ce grand
cerclé , où il croyoit les tenir ; & - il auroit juge
qu’étant inférieur par toute cette circonférence, les
ennemis ia perceroient fans difficulté par-tout ou*
ils voudroient faire un effort pour en fortir.
Si M. le comte de la Mothe avoir connu utt
pays OÙ il commandoit depuis quinze ou feize ans ,
il lui auroit été bien aifé de fe fervir plus ayarna-
geufement qu’il n'a‘fait , du corps confiderable
du’il avoir à fes ordres , pour empêcher que les
ennemis ne'tirafferit des convois d’Oftende pour,
le fiège' de Lille ; & il ne fe- ferait pas fait battre
mal-a-proposà Inendal, pour ne pas connoître le
pays où il étoit depuis fi longtemps.
En ivbq , M. de ViUars a tiré touts les avantages
poffibl'es de la connoiffance de l’Artois , pour
empêcher que les ennemis ne pénetraffent dans
cette province , & ne pertaffem leur armee du
côté delà mer. 1; ne peut être trop loue dans fa
difpofition générale pouf parer a un auih grand
inconvénient ; mais fa difpofition particulière pour
recevoir les ennemis à Malplaque; , n a pas eie u
- L’infanterie de fa gaüche le long du bois de
Sars étoit trop étendue , puifqu’elle ne pouvoit
être foutenue d'une fécondé ligne , & qu elle pouvoit
être embraffée par la droite de 1 ennemi, qui
débordoit notre gauche , laquelle: ne voyou pas
même la difpofition que l’ennemi faifoit pour 1 attaquer,
parte que fes mouvements lui etoient ca-
■ chés par les retours que formoit le bois au-deffus
dé l’extrémité de notre gauche d’infanterie de pre.
mière ligne. ‘ , ' 1 . V ' ■ . ■
Le centre même de notre infanterie etoit ou
trop avancé, ou trop reculé dans la trouee. C elt
ce que les plans les-plus exafts m’ont pu faire
bien connoître ; .& cè' qui me paraît de. plus cer-
' tain, c’eft que le parti le plus raifonnable a prendre,
auroit été celui de tenir toute l’armee en-deça de
la trouée , dont le front auroit été occupe par plufieurs
lignes,, en recourbant la droite & la gauche
fur les bois de Sars & de 'Jaufars -, afin que ces
deux ailes pnffent plus facilement charger les ennemis
en flanc / iorfqu’ils feraient débouches de là
trouée pour attaquer notre front, en cas qu ils
euflent ofé l’èntreptendre , ce que je ne puis croire.
Si même M. le maréchal de ViUars , en arrivant
: ,1e O au.cguip de Màlplaquet, avoit lui-meme re-
I ‘connu le pays âu-'détà de la,trouee , je luis perfuadé
gifil adrôii, dès ice même jour, combattu
- . A u > i v sv i ■ ■ 1 - fil m oe